Souvenirs de la Marquise de Créquy de 1710 à 1803/Tome 3/09
DE M. DUDOYER DUGASTET,
touchant
le vendredi-saint de l’année 1760.
J’avais voulu m’introduire au mois d’août 1759 chez les sœurs Félicité et Madelon. Un médecin qui les connaissait m’avait donné pour l’une d’elles une boîte de pilules et une lettre où il exaltait ma piété et mon attachement à l’œuvre de Dieu. Sœur Madelon était absente lorsque je me présentai chez elle ; M. de la Barre, son directeur, reçut la boîte, et nous ne parlâmes de rien ; je ne lui communiquai pas la lettre du médecin. J’allai chez sœur Félicité, à qui j’en fis la lecture ; elle sourit, me parla avec bonté, me dit « que pour le présent elle et ses compagnes ne recevaient point de secours, parce que Dieu avait changé leur état extérieur en un état intérieur ; qu’elle me ferait avertir quand il y aurait quelque chose ; qu’elles étaient trois ; que l’une d’elles représentait l’église, l’autre la synagogue, la dernière le peuple élu… » Je me recommandai à ses prières ; et je la perdis de vue jusqu’au mois de mars 1760, que l’envie m prit de renouer connaissance.
J’allai donc, un des premiers jours du mois de mars, rue Phelipeaux, chez M. de la Barre. Il sourit en me voyant ; il se rappela qui j’étais et la visite que je lui avais faite l’an passé. Je lui témoignai le désir que j’avais de voir la portion de l’œuvre de Dieu dont il était chargé. Pour m’insinuer mieux dans son esprit, je glissai quelques mots contre la sœur Françoise et le P. Cottu. Cela fit le meilleur effet du monde ; il m’avoua que Françoise disait beaucoup de choses qui étaient contre elle ; qu’elle était dépourvue de sens ; que le P. Cottu était étourdi, sans théologie, sans principes ; qu’il avait un peu trop de vanité, qu’il aimait la bonne chère ; qu’il avait laissé voir ces deux vices en mangeant trop souvent chez des seigneurs et des gens opulens qui avaient désiré voir l’œuvre « Ce qui me choque le plus, dis-je à M. de la Barre, c’est que le P. Cottu s’imagine avoir un droit exclusif aux bontés de Dieu : il veut absolument qu’on voie Françoise et qu’on ne voie qu’elle ; cette partialité m’a toujours révolté… — C’est une marque de votre bon esprit, me répondit-il ; en effet, Dieu varie ses dons ; l’œuvre des convulsions est faite pour représenter l’état actuel de l’Église et la future conversion des juifs ; les différens états des convulsionnaires sont autant de symboles ; l’une est exposée à des brasiers ardens, l’autre reçoit des coups énormes ; l’une parle avec éloquence, l’autre s’exprime avec toute la naïveté de l’enfance ; tous ces différens états sont divins, et on ne doit pas élever l’un aux dépens des autres… — Monsieur, il m’est venu plusieurs fois une idée que je soumets à vos lumières. Les convulsions ne peignent-elles pas au naturel l’état de la primitive Église ? J’imagine que les premiers chrétiens étaient bien semblables aux convulsionnaires… — Vous avez raison, s’écria M. de la Barre ; on ne peut pas mieux rencontrer. Quelques disciples avaient le don des langues, d’autres celui de prophétie ; ceux-ci discernaient les esprits, ceux-là chassaient les démons ; les dons étaient variés et se réunissaient tous pour ne faire qu’une seule œuvre… — Mais de plus, monsieur, leurs miracles n’avaient-ils pas bien du rapport avec ceux des convulsions ? — Sans doute ; Jésus-Christ ne dit-il pas que ses apôtres avaleront du poison et qu’il ne leur fera pas de mal ? Eh bien ! nous avons une sœur qui avale de la cendre, du tabac et des excrémens délayés dans du vinaigre, et elle rend du lait… — Je le sais, lui dis-je, et on voit plusieurs fioles de ce lait chez M. le Paige, avocat, un de ceux que le Parlementa choisis pour examiner l’Encyclopédie ; et le genre de vie des premiers chrétiens n’est-il pas assez prouvé par le silence des auteurs païens sur leur compte ? Pour moi, ce qui m’enchante quand je vais aux convulsions, c’est que je m’imagine toujours aller aux assemblées de la primitive Église — Ah ! monsieur, que Dieu vous a fait de grâce de vous développer ainsi le plan et l’économie de son œuvre ! Je n’ai rencontré encore personne qui en eût des idées aussi grandes et aussi exactes. Que je serais charmé de vous avoir pour coopérateur dans la portion que Dieu m’a confiée !… — J’en suis indigne ; je vous prie seulement de m’admettre comme témoin, et de vouloir bien me faire part de vos lumières… » M. de la Barre se recueillit un instant, puis il me dit d’un ton affectueux : « Ah ! monsieur, que les dons de Françoise sont au-dessous de ceux que vous verrez parmi nous ! D’abord Françoise a un jargon inintelligible ; sœur Sion, au contraire, a des discours d’une beauté et d’un sublime admirables. Je fais des opérations qui coûtent à la nature ; mais il faut sacrifier sa répugnance ; quelquefois je fais des incisions cruciales à la langue ; d’autres fois, par le moyen d’un tourniquet, je mets la sœur Marie en presse ; c’est moi qui ai inventé cette machine ; les frères étaient trop fatigués de presser cette sœur, et ne la pressaient pas assez fort ; enfin, rebuté de voir que ce secours n’était pas donné comme il faut, il me vint en pensée de faire un tourniquet ; je vous le montrerais bien, mais je l’ai déjà fait porter dans un autre logement où je serai dans quelques jours. Outre ces secours, nous avons les crucifiemens. Dieu ordonne quelquefois d’en crucifier trois à la fois ; il y en a une qui est aux pieds de l’autre. On ne peut pas s’empêcher d’être touché ; cela fait un spectacle réellement bien joli. Souvent Dieu les rend petites ; elles sont comme des enfans ; elles se traînent sur les genoux ; elles se jettent sur un lit ; on leur donne des joujoux ; on leur fait manger de la bouillie. Il y a des personnes qui jettent sur ces actions un regard de mépris ; elles condamnent avec encore plus de hauteur tout ce qui a l’air de l’indécence ; mais ces gens-là n’ont pas lu l’Écriture-Sainte ; s’ils la lisaient, ils verraient que Dieu ordonne à un prophète de manger des excrémens, à l’autre de lui faire des enfans de fornications. Isaïe, par l’ordre de Dieu, court tout nu dans les rues de Jérusalem… — Et Judith, ajoutai-je, ne se pare-t-elle pas pour exciter des mouvemens charnels dans un homme qu’elle a dessein d’assassiner ? — Nous ne finirions pas, me dit-il, si nous rapportions toutes les actions irrégulières des prophètes. Ces prétendus critiques les approuvent dans l’Écriture, et condamnent, dans les convulsions, des choses beaucoup moins indécentes. »
Je témoignai à M. de la Barre combien j’étais éloigné d’être de ces gens-là. Je lui témoignai l’empressement le plus vif et le plus ardent pour l’œuvre. Il me dit qu’il ne se passerait rien d’ici à quelques jours ; qu’il me ferait avertir dès qu’il y aurait quelque chose, et que, selon toute apparence, ce serait dans une quinzaine. Je le quittai. M. de la Barre est avocat au parlement de Rouen, fils unique d’un greffier en chef du même parlement. C’est un homme de cinq pieds, trois à quatre pouces, maigre, brun, qui porte ses cheveux. Il a le coup d’œil et le sourire gracieux ; sa physionomie respire la douceur, la bonté et la sagesse ; il paraît avoir quarante à quarante-cinq ans.
Le Dimanche des Rameaux, j’allai rue de Touraine, au Marais, chez M. de Vauville : c’est le nom actuel de M. de la Barre. Je le rencontrai dans la rue ; je montai avec lui ; nous entrâmes au premier, dans un appartement composé de trois pièces, deux chambres et un cabinet ; le tout décent et meublé proprement. Je fis, par habitude, un compliment banal : « Monsieur, vous êtes fort bien logé. — Assez bien, répondit M. de Vauville ; mais ce que j’en aime le plus, c’est que je suis fort bien pour ma besogne. Je suis au large, et je n’ai personne sous moi ni à côté. » Nous nous assîmes, et bientôt entrèrent deux femmes, l’une habillée en domestique et l’autre en demoiselle. Celle-ci paraît avoir trente-cinq à quarante ans. Elle est d’une taille médiocre, ni grasse ni maigre, brune, l’œil grand et bien fendu, la bouche laide et les dents mal ; sa coiffure, sa robe, ses manchettes, tout était simple, mais propre. Elle est connue, dans le troisième volume de M. de Montgeron, sous le nom de sœur Madelon ; elle se nomme aujourd’hui sœur Sion ; elle représente l’Église. Nous parlâmes de l’œuvre de Dieu ; la domestique se tut ; M. de la Barre dit quelques mots et la sœur Sion parla beaucoup. Je faisais des questions avec modestie. Elle avait la bonté de me répondre. Tout ce qu’elle me disait était accompagné d’un regard et d’un sourire qui sont le raffinement de la coquetterie mystique ; la tendresse et la dignité réglaient ses gestes et ses paroles. Après une explication détaillée des dons des convulsionnaires, elle finit ainsi : « Et ne croyez pas que nous soyons pour cela des sainte ; les convulsions sont des grâces gratuites et non pas des grâces sanctifiantes ; et il est arrivé plus d’une fois qu’une convulsionnaire est tombée dans des fautes, et a eu des faiblesses qui doivent nous humilier. » Lorsque je pris congé d’elle, elle se recommanda à mes prières ; la domestique, qui n’est autre que sœur Félicité, m’éclaira, et voulut absolument m’accompagner jusqu’à la porte de la rue, quelques instances que je lui fisse pour l’en empêcher.
Enfin, le vendredi-saint, je recueillis le fruit de mes deux visites. J’arrivai à deux heures un quart chez M. de Vauville, où je vis une nombreuse assemblée. Je ne reconnus que mademoiselle Bihéron et Dubourg. Voici les noms des autres personnes, tels que M. Dubourg me les dit à la fin de la séance : la princesse de Kinski, le prince de Monaco, le comte de Staremberg, le marquis de Bouzols, le chevalier de Sarsfield, le chevalier de Forbin, M. d’Albaret, officier de marine, M. Vars, officier dans les troupes détachées de la marine. Outre ces profanes, il y avait quatre ou cinq sœurs qui paraissaient de bas étage ; quatre frères, un arpenteur nommé Descoutures ; M. Batissier, conseiller au Châtelet ; M. de Laurès, ex-oratorien ; M. Pinault, ex-oratorien et ex-convulsionnaire (son nom de convulsionnaire était frère Pierre).
La sœur Rachel et la sœur Félicité étaient en croix depuis un quart d’heure. La croix de sœur Félicité était étendue à plate terre ; celle de sœur Rachel était droite, assez inclinée pourtant pour être appuyée contre la muraille. Elle avait les mains clouées presque horizontalement, et les bras assez peu étendus pour que les muscles n’eussent pas une tension fatigante ; elle était coiffée d’un toquet de soie bleue à fleurs blanches, et d’un bourrelet. Elle est laide, petite, brune et âgée de trente-trois ans ; ses pieds et ses mains rendaient un peu de sang ; sa tête était penchée, ses yeux fermés, la pâleur de la mort peinte sur son visage. Les spectateurs voyaient couler une sueur froide qui les effrayait ; M. de Vauville s’avance, tire un mouchoir de sa poche, essuie à plusieurs reprises le visage de Rachel, et nous dit, pour nous rassurer, qu’elle représente l’agonie de Jésus-Christ. Je m’approchai de Rachel, et je lui demandai pourquoi elle fermait les yeux : elle me répondit qu’elle faisait dodo. Cet état de crise dura un quart d’heure ; peu à peu la sueur se dissipa, ainsi que la pâleur ; les yeux de Rachel s’ouvrirent ; elle nous regarda d’un air riant, bégaya quelques paroles enfantines, tutoya la Princesse de Kinski, et appela son papa. Elle adressa souvent la parole à M. Dubourg, lui disant que la faculté voulait expliquer ces miracles, mais qu’elle n’y entendait rien ; que Dieu la mettrait sous ses petons. M. Dubourg lui montra des bonbons, et lui dit qu’elle n’en aurait point puisqu’elle le grondait. Elle répondit que lorsque ses meniches seraient libres, elle les lui prendrait. Après toutes ces misères, il parut que Rachel retombait en faiblesse ; elle se taisait, pâlissait. Sion dit d’un air empressé et inquiet : « Mon cher père, il est temps de l’ôter. » M. de Vauville s’approche, la tenaille à la main, et tire les clous. À chaque clou qu’on arrachait, Rachel souffrait une vive douleur ; les mouvemens convulsifs de son visage et surtout de ses lèvres faisaient frissonner. La Princesse de Kinski se cachait les yeux de ses mains. Il sortit des plaies beaucoup de sang ; on lava, à plusieurs reprises, les pieds et les mains avec de l’eau tirée à la fontaine de la cuisine par mademoiselle Bihéron ; enfin le sang parut étanché ; elle enveloppa chaque pied d’un linge, et se chaussa. On ne mit point de linge à ses mains. Elle a resté une heure en croix. Cependant la croix de sœur Félicité était étendue sur le carreau, au bas de la croix de Rachel. Malgré les avertissemens et les précautions de la sœur Sion, Rachel, en marchant, effleura de sa robe les doigts de Félicité, qui jeta un cri. Le visage de celle-ci était ardent et enflammé ; ses yeux étincelaient ; elle gardait le silence. Elle fut sur la croix un quart d’heure de plus que sa compagne, donna les mêmes signes de douleur quand on arracha les clous, et rendit comme elle beaucoup de sang. À peine Rachel était elle descendue de la croix qu’elle était allée vers M. Dubourg, marchant sur les genoux, et lui avait pris les bonbons ; de là, se traînant vers madame de Kinski, elle avait appuyé sa tête sur les genoux de cette princesse, et elle lui faisait des caresses enfantines. M. de Vauville nous dit qu’elle allait dîner ; qu’elle avait été le matin à pied au mont Valérien et en était revenue sans manger. Il était trois heures. Alors Rachel fit trois grands bâillemens, qu’on me dit être la fin de sa convulsion. En effet, après ces bâillemens, elle fut une grande fille ; on lui ôta son bourrelet ; on lui mit une coiffure ordinaire ; elle mangea du riz au lait et des huîtres marinées. J ne sais si elle but du vin.
Pendant ce temps était entrée sœur Marie ; c’est une grande fille vigoureuse, âgée de trente à trente-cinq ans, qui est en condition. M. de Vauville étendit à terre un matelas, dans un coin de la chambre ; sœur Marie s’y coucha sur le ventre. M. de Vauville lui piétina le dos assez légèrement mais avec vigueur : elle se tourna et se coucha sur le dos ; on lui piétina le ventre ; on lui administra sur la poitrine et sur le sein un grand nombre de coups d’une bûche d’un pied et demi de hauteur sur cinq pouces de largeur. « Les coups, disait M. de Vauville, ne blessent pas son sein, pour marquer que le sein de l’Église est toujours intact, quelques persécutions et quelques traverses qu’elle éprouve… » — « Soyez sûrs, criait la sœur Sion, qu’elle ne souffre pas, quoiqu’elle paraisse souffrir ; personne ne peut mieux vous en répondre que moi. On me donne souvent de pareils coups, et je ne sens aucune douleur. » Plusieurs personnes engagèrent la princesse de Kinski à examiner le sein de la sœur ; elle le fit, et nous dit, d’une voix basse, qu’elle n’avait point de gorge. Je ne fais point mention de quelques légers secours, comme de lui marcher sur les mains, les bras, etc. M. de Vauville lui donna, avec une bûchette de neuf pouces de longueur sur deux et demi de largeur, un nombre de coups faibles et ménagés sur le crâne, et il disait : « Nos têtes sont bien dures… — Pas si dures que vous pensez, dit un chevalier de Saint-Louis, et je ne voudrais pas recevoir ces coups-là… — Ce n’est pas des têtes matérielles que je parle ; je parle de nos âmes, dont la dureté est représentée par la dureté de la tête de cette convulsionnaire. » Venons au secours qui caractérise sœur Marie : c’est d’être souffletée.
La sœur Marie était assise sur le matelas. M. de Vauville avait à peine donné deux coups de poing sur chaque joue qu’il entre sept à huit personnes ; j’entends dire : De par le Roi, et je vois un grand et gros homme, avec une redingote grise, se placer près de moi. Je ne devinai point ce que cela signifiait ; mais bientôt le manteau gris tombe, et on voit une robe et un rabat : c’était le commissaire Rochebrune, accompagné de l’exempt d’Emery et de son escorte. Tout alors parut dans l’agitation ; sœur Félicité et sœur Rachel étaient dans le trouble et dans les larmes ; la sœur Sion, tremblante et consternée, se désolait, pleurait, joignait les mains, frappait du pied ; sœur Marie était toujours dans la même attitude, assise sur son matelas, et M. de Vauville, calme au milieu du trouble général, lui donnait de très bons soufflets en récitant le Miserere. Le commissaire, droit comme un terme, le considérait ; je faisais de même, et, sans prendre garde à ce qui se passait dans la première chambre, j’examinais M. de Vauville et sœur Marie, dont les joues étaient enflées, fort rouges, et bleues en quelques endroits. À la fin, je m’aperçus que j’étais presque seul ; l’exempt s’avança, et dit à M. de Vauville : « En voilà assez, M. de la Barre, vous auriez dû finir dès que nous sommes entrés. — Je ne fais aucun mal, a répondu M. de la Barre ; au contraire, je fais mon devoir. » Il conserva toujours le même sang-froid, reprit la sœur Sion de son découragement, lui dit qu’on était trop heureux de souffrir pour Jésus-Christ. L’exempt reprocha à M. de la Barre d’avoir tenu assemblée, quoiqu’il lui eût fait dire de n’en pas tenir. M. de la Barre répondit que c’était à son corps défendant qu’il recevait du monde et qu’il voudrait bien n’en pas recevoir. L’exempt s’approcha de moi, me demanda si je voulais sortir, et ajouta qu’il ne fallait pour cela que donner son nom et son adresse ; je les donnai, comme avaient fait les autres, et je sortis. J’ai su aujourd’hui, samedi, que le troupeau et le pasteur avaient été emmenés à la Bastille, hier à dix heures du soir ; que les sœurs étaient dans la désolation ; que la sœur Sion ne voulait pas monter dans la voiture, et qu’elle y était entrée moitié de gré, moitié de force ; mais que M. de la Barre avait toujours conservé une constance et une fermeté héroïques. Ce rapport m’a été fait par une dévote des convulsions, à qui un officier de police l’a dit ce matin, en lui apportant les clefs de M. de la Barre.P. S. Je vous dirai encore, Monsieur, qu’hier, sur les deux heures et demie du soir, M. Antoine Bonnaire, huissier à verge au Châtelet de Paris, m’a donné fort poliment un petit exploit en conséquence duquel j’ai été récollé et reconfronté avec les quatre sœurs et leur père. Sœur Félicité a signé que ma déposition était entièrement vraie ; elle a avoué en pleurant qu’elle avait été séduite ; que M. de la Barre lui avait réglé ses convulsions à trois par semaine, mais qu’à chaque fois qu’elle recevait les mêmes coups, ils lui faisaient beaucoup de mal. Elle a accusé (tout cela devant moi) M. de la Barre, sœur Madelon, sœur Rachel, de l’avoir entraînée et trompée. Madelon, Rachel, Marie et la Barre ont parlé de divin et de miraculeux. Les trois filles on dit que les circonstances de douleur, de visage allumé, de pâleur, leur étaient inconnues, qu’elles n’y avaient pas pris garde ; mais elles ne les ont pas niées ; j’ai presque fait la fonction de lieutenant-criminel. J’ai interrogé les sœurs de la Barre ; je leur ai prouvé qu’elles étaient ou trompeuses ou trompées ; mais je n’en ai rien tiré que ce que je vous ai dit. Le lieutenant-criminel est jeune, aimable, poli, mais fort embarrassé, je crois, de la tournure qu’il faut donner à ce procès. Le médecin Dubourg sera assigné ce soir.