LE RETOUR.



L’heure du retour était sonnée ; j’avais beau admirer mille et une merveilles sur le sol étranger, la voix du sol natal murmurait dans mon cœur.

J’étais pris d’un mal étrange, la nostalgie ;

J’avais soif du Saint-Laurent.

Au lieu de passer par Calais, voulant faire de la diversité, je retournai par Dieppe, dont le port escarpé et pittoresque est dominé par deux grandes statues du Christ et de la Vierge.

Comme notre navire, le « Dominion », s’éloignait de cette belle terre de France, que je voyais peut-être pour la dernière fois, il me semblait que le divin Crucifié, dont j’entrevoyais encore l’image dans le port, lui adressait du haut de sa croix ce tendre reproche :

« France, France, pourquoi me persécutes-tu ?

« Pays que j’ai tant aimé, que j’ai parsemé de sanctuaires miraculeux, que j’ai plusieurs fois sauvé des mains de tes ennemis, quel mal t’ai-je donc fait pour t’acharner ainsi contre moi ? »

Mais je me consolai de cette réflexion mélancolique en pensant que l’irréligion en France ne règne que dans la classe dirigeante, que les masses sont encore imbues de l’esprit chrétien, qu’une grande réaction s’opérera tôt ou tard, que la patrie de Clovis, de Pierre l’Ermite, de saint Louis et de Jeanne d’Arc ne peut périr.

Ma seconde traversée fut aussi heureuse que la première.

J’étais content de revoir la terre du Canada, et le fleuve St-Laurent, auprès duquel les fleuves que j’avais vus en Europe me semblaient des ruisseaux.

Enfin, lorsque je touchai d’un pied léger les quais de Montréal, que je revis la majestueuse Madone bénissant le port du haut de l’église Bonsecours, je ne pus retenir mes émotions, en fredonnant ce couplet composé par sir Georges-Étienne Cartier :


« Comme le dit un vieil adage,
Rien n’est si beau que son pays :
De le chanter c’est l’usage ;
Le mien je chante à mes amis. »

FIN