SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

Glasgow.

Le lendemain de la mort de James Watt, M. Boulton, qui avait été son associé dans un grand nombre d’entreprises industrielles, convoqua une assemblée des notables habitans de Greenock et de Glasgow, et proposa d’élever une statue à l’homme qui, en créant une nouvelle force, avait changé la face du monde. La statue fut votée par acclamation. De la part de Greenock et de Glasgow, c’était un acte de reconnaissance fort naturel, car James Watt, par ses belles applications de la vapeur à la navigation et à l’industrie, avait fondé du même coup la fortune de Glasgow et Greenock. Il y a une cinquantaine d’années, Glasgow n’était encore qu’une ville de province du troisième ordre, et cependant, dès la fin du VIe siècle, cette ville avait été le siége d’un évêché, ayant saint Mungo pour premier titulaire, et en 1611 Jacques VI l’avait érigée en bourg royal ; Glasgow comptait alors sept mille six cent quarante-quatre habitans seulement. Dans le dernier siècle, l’esprit inventif et entreprenant de ses habitans était déjà renommé, et sa population commençait à s’accroître. L’horreur de la routine distingue surtout les Écossais ; appliquée par les habitans d’Édimbourg aux habitudes religieuses et intellectuelles, cette horreur de la routine a donné naissance à ces nombreuses sectes et à ces divers systèmes de philosophie qui se produisent annuellement dans cette capitale. Les habitans de Glasgow ont tiré un meilleur parti de cette tendance en l’appliquant à l’industrie ; ils adoptent sans hésiter, sans même beaucoup chercher à s’en bien rendre compte, toute invention utile ; ils accueillirent donc avec empressement les nouveaux procédés de James Watt, et le succès de ces innovations dépassa leurs espérances. De tous côtés s’élevèrent de nouvelles fabriques dans lesquelles afflua une population d’ouvriers tirant leur subsistance de cette vapeur qui leur avait été dépeinte d’abord comme une ennemie, comme la famine elle-même. Dans l’espace de cinquante années, Glasgow vit, par une progression inouie, sa population s’élever de quarante mille à deux cent vingt mille habitans[1] ; aujourd’hui c’est, après Londres, la plus importante ville du Royaume-Uni.

La population de Glasgow et de sa banlieue industrielle, dans laquelle nous devons comprendre Paisley, ville de soixante mille habitans, Renfrew, Dumbarton, Lanark, Port-Glasgow et Greenock, s’élève à près de quatre cent cinquante mille ames. Aussi remarque-t-on dans les environs de Glasgow et dans la ville elle-même bien plus de mouvement qu’à Édimbourg. C’est sur une moindre échelle la vie de Londres. Il y a, du reste, analogie entre la position des deux villes, placées toutes deux sur une rivière navigable, le long des rives de laquelle, au centre même de la ville, est amarré un triple rang de navires de tous les tonnages et de toutes les nations. Les quartiers commerçans de Glasgow, comme les quartiers de la Cité à Londres, sont placés à l’est, et les quartiers neufs au sud et à l’ouest. La Clyde, il est vrai, n’a pas la vaste étendue de la Tamise ; mais elle est bordée de magnifiques quais que Londres doit envier à Glasgow. Ces quais sont plantés de plusieurs lignes d’arbres, et, de distance en distance, s’élèvent des hangars d’une élégante construction ; ces hangars servent d’entrepôts aux marchandises qu’on débarque. Il règne sur ce quai une activité extraordinaire ; matelots, commerçans, passagers, manœuvres, vont, viennent, s’arrêtent, s’interrogent, concluent des marchés ; des denrées de toute espèce sont embarquées ou débarquées ; les bois des îles, les caisses de thé arrivant de la Chine, les ballots de foulards de l’Inde, et les monstrueuses balles de coton de l’Amérique du Nord, que débarquent des navires nouvellement arrivés, se croisent avec les fers, les draps, les toiles et les étoffes du pays qu’on porte à bord des navires en chargement. Tout ce mouvement a lieu sans désordre et surtout sans tumulte. Cette population est grave, peut-être parce qu’elle est occupée ; à peine, de distance en distance, entend-on le chant de quelque matelot d’humeur joviale et les cris que poussent en mesure les hommes occupés au chargement des navires.

Mais remontons à l’origine de tout ce mouvement, à la source de ces richesses, visitons les quartiers manufacturiers de la ville, entrons dans l’une de ces immenses manufactures de cotons imprimés qui, chaque année, fabriquent assez d’étoffes peintes pour habiller les trois quarts de l’Écosse. Qu’on se figure quelque vaste citadelle du moyen-âge, quelqu’une de ces lourdes et spacieuses bâtisses aux grands murs tout nus, percés d’étroites meurtrières, flanqués aux angles de tours en briques rousses, dont quelques unes ont trente pieds de diamètre à leur base, et cent cinquante pieds de haut, deux fois la hauteur de l’obélisque de la place de la Concorde. Ces hautes tours sont tout simplement les cheminées des fourneaux, et il y a quelques centaines de ces cheminées dans Glasgow et sa banlieue. La garnison de ces citadelles se compose de cent cinquante malheureux toujours en mouvement, et cependant très taciturnes ; ce sont les ouvriers de la fabrique. Chacun a son emploi : ceux-ci d’abord, les chauffeurs, vivent dans des souterrains creusés sous le bâtiment, qu’on prendrait pour des soupiraux de l’enfer ; ils passent leur vie à alimenter d’énormes fourneaux. Dans de vastes chaudières établies sur ces fourneaux, bout l’eau dont la vapeur met en mouvement les balanciers des machines ; les mécaniciens, compagnons des chauffeurs, s’agitent au milieu de ces machines dont ils semblent eux-mêmes autant de ressorts vivans ; la moindre distraction leur est défendue, elle serait punie de mort. Ces fourneaux et ces machines, c’est le cœur de la fabrique. C’est de là que part la vie qui se répand dans chacune des parties de l’établissement. En effet, la vapeur fait mouvoir un arbre tournant qui s’élève perpendiculairement jusqu’au dixième étage ; à chacun des dix étages, des rouages s’engrènent dans les dents dont l’arbre est armé, et font mouvoir autant de machines appropriées chacune à un certain genre de travail. L’une, celle du dixième étage, saisit le coton dans la balle, le nétoie, et l’étend en couches minces comme la ouate que l’on place entre deux étoffes ; ces minces et larges feuilles de coton tombent en cascades éblouissantes sur les mille dents de la machine à carder, placée au neuvième étage. Cette machine peigne le coton et le divise en bandelettes que la machine du huitième étage saisit et roule en cordages ; ces cordages sont divisés en fils d’égales grosseurs ; ces fils sont placés sur d’innombrables fuseaux, et un mouvement circulaire d’une rapidité inouie est imprimé à chacun de ces fuseaux par les machines des étages suivans. Trois des étages inférieurs de la fabrique sont occupés chacun par soixante métiers à tisser, tous mus par le même mécanisme. Chacun de ces métiers accomplit comme un ouvrier adroit et intelligent le travail du tissage, lançant la navette, croisant les fils de la chaîne, serrant les fils de la trame, et plaçant sur un cylindre l’étoffe à mesure qu’elle est fabriquée. Un ouvrier, le plus souvent un enfant, surveille dix de ces métiers, qui peuvent, chacun, fabriquer par jour trente aunes d’étoffes, ce qui ferait par an, en déduisant soixante-cinq jours de chômage, 90,000 aunes par métier. Que l’un de ces métiers se dérange, que la navette se brouille ou soit épuisée, que le fil se rompe ou que la pièce soit achevée, l’ouvrier touche un ressort, et tout mouvement cesse aussitôt jusqu’à ce qu’on ait réparé l’erreur ou remédié au dommage.

Parcourons les immenses salles du bâtiment voisin ; la pièce d’étoffe qui vient d’être fabriquée y est soumise à un apprêt ; plus loin, elle tombe sous les vis et les presses de la machine à imprimer, qui, du même coup, soit à l’aide d’absorbans appliqués sur une teinte uniforme, soit à l’aide de corps colorans appliqués sur l’étoffe blanche, peut teindre sans bavures jusqu’à quinze à vingt pièces placées l’une sur l’autre. Enfin, dans l’un des bâtimens les plus voisins de la porte de la fabrique, les pièces imprimées et séchées, pliées par un autre appareil, sont réduites au plus petit volume possible par une ingénieuse application de la machine pneumatique. C’est là que le commerce vient les prendre pour les conduire au bout du monde, où elles servent à habiller le déporté de Botany-Bay, l’insulaire de la Nouvelle-Zélande, ou les nouveaux convertis d’Otaïti ou des îles Sandwich. La vie que la vapeur donne à la manufacture tout entière ne peut se décrire. C’est elle qui est le principe de toute action, qui met en mouvement les machines, qui transporte les ballots et les pièces, qui soulève les leviers, qui serre ou desserre les vis, le tout sans confusion et avec un ordre et une adresse qui ferait honneur à l’ouvrier le plus intelligent. C’est que la vapeur, après tout, n’est que la force domptée et ordonnée par l’homme ; c’est le plus robuste et le plus obéissant des serviteurs ; c’est un esclave qui n’a ni passions, ni caprices, ni momens de paresse, et auquel on peut donner la plus haute somme d’intelligence possible et imposer l’ordre le plus parfait, c’est-à-dire l’intelligence qui repose sur la science, l’ordre qui résulte du calcul.

Glasgow a vingt manufactures de coton ou coton-mills, pareilles à celles que nous venons de décrire ; le nombre des fabriques d’étoffes légères est aussi très considérable. Dans quelques-unes on travaille des mousselines brodées par la vapeur. Glasgow fabrique aussi des draps, des mousselines de laine, des tartans et de grosses toiles, qu’on peut livrer sur nos marchés à 15 et 20 pour 100 au-dessous du prix des manufactures françaises.

Vers l’an 1668, un marchand de Glasgow, Patrick Gibson, eut l’idée de charger de barils de harengs un vaisseau qu’il expédia en France, et qui revint de ce pays avec un chargement de sel et d’eau-de-vie ; ce fut là l’origine du commerce de Glasgow. À cette époque, la ville ne comptait que six à sept mille habitans. La vente de son sel et de son eau-de-vie ayant valu à Patrick un grand profit, il put, l’année suivante, envoyer deux autres navires avec celui qui avait déjà fait le voyage. Alors, comme aujourd’hui, les habitans de Glasgow savaient à merveille la valeur d’un shilling et employaient à amasser le plus d’argent possible ce génie actif et entreprenant qui distingue les Écossais des basses terres : les voisins de Gibson l’imitèrent. Non-seulement on expédia des bâtimens dans les ports de France et d’Espagne, mais on en détacha quelques-uns vers l’Amérique, qui revinrent avec de riches chargemens. De là profits énormes, de là rapide accroissement de l’industrie de la ville, qui, en moins d’un siècle, vit le nombre de ses habitans quintuplé. Glasgow, jolie ville du second ordre, et le meilleur port du nord du Royaume Uni, était, avant tout, une ville commerçante, quand l’invention de James Watt en fit une ville industrielle du premier ordre, et, en moins de cinquante années, porta, comme nous venons de le voir, le nombre des habitans de 40,000 à 230,000. Certainement, ce dernier résultat est prodigieux ; cependant la statue de Patrick Gibson n’aurait pas été indigne, ce me semble, de figurer auprès de celle de James Watt. Patrick a le mérite, lui, d’être venu le premier.

Les historiens de Glasgow, prophètes du passé, comme tant d’autres, prétendent du reste que Glasgow, de tout temps, avait été prédestinée à une haute fortune. « Voyez les armes de la ville, disent-ils : un oiseau, un arbre, un poisson, ne sont-ce pas là les symboles de la triple puissance de ses habitans, sur l’air, la terre et la mer ? — D’accord ; mais pourquoi ce poisson a-t-il une bague dans la bouche ? — C’est encore là une nouvelle preuve de la protection que le ciel accorde aux habitans de Glasgow, » nous répond l’historien Macure, et, à l’appui de son assertion, il raconte l’histoire suivante.

« Une dame de Glasgow, dont le mari était jaloux au-delà de toute expression, eut le malheur de perdre son anneau nuptial. La disparition de ce gage de fidélité accrut les soupçons du mari, qui, dans un accès de brutale jalousie, menaça sa femme de la tuer, si elle ne retrouvait pas l’anneau perdu. Celle-ci ne savait trop à quel saint se vouer, quand, en se promenant sur les bords de la Clyde, sans doute pour chercher sa bague, elle rencontra saint Mungo (l’histoire, on le voit, est fort vieille). La dame se jeta à ses genoux et lui dit qu’elle était perdue, si elle ne retrouvait sa bague. Saint Mungo, sans lui répondre, se tourna du côté d’un pêcheur qui relevait sa ligne. « Apporte-moi le poisson que tu viens de prendre, lui dit-il. » Le pauvre homme n’eut rien de plus pressé que d’apporter à son évêque un beau saumon qui se débattait au bout de la corde. Saint Mungo ouvrit la bouche du poisson et en tira adroitement l’anneau perdu, qu’il remit à la dame émerveillée. » Macure ne nous dit pas si le miracle de saint Mungo guérit le mari de sa jalousie ridicule ; en revanche, il nous donne l’explication qui suit des armes de la ville de Glasgow.

The salmon which a fish is of the sea,
The oak which springs from earth, that loftie tree,
The bird on it which in the air doth flee,
O Glasgow ! do presage all things to thee.
So while the air, or sea, or fertile earth
Do either give their nourishment or birth,
The bell that doth to public worship call
Says heaven will give most lasting things of all.
The ring the token of the marriage is
Of things in heaven and earth both thee to bless
[2].

Pennant, qui visita Glasgow en 1769, nous apprend que cette ville était, de toutes les villes du second ordre qu’il avait vues, l’une des mieux bâties. À cette époque, Glasgow ne se composait encore que des quartiers de High Street[3], des quartiers de la Gallow-Gate et de la Trongate. Le quartier de High-Street, qui descend de la cathédrale à la Trongate, est le plus ancien de la ville ; il avait été bâti sur la pente rapide d’une colline et présentait, de cette façon, une plus facile défense contre les incursions des montagnards. Vers 1450, lors de la fondation de l’université, le nombre des habitans de Glasgow ne dépassait guère 1,700 à 2,000, et les maisons de la ville ne couvraient que le tiers de la colline, dominée par la cathédrale ; c’était, à peu de chose près, ce qui compose aujourd’hui la partie supérieure de High-Street. En 1484 ; on éleva une église en l’honneur de la Vierge, à l’endroit où est aujourd’hui Tron-Church, et la ville fit quelques progrès de ce côté ; plus tard, elle offrit la forme d’une croix dont High-Street était la branche supérieure, le marché au sel la branche inférieure, et la Trongate et la Gallow-Gate les branches latérales. Dans le siècle dernier, après l’heureuse tentative de Patrick Gibson, l’accroissement de la ville fut rapide ; la sécurité, produite par la paix et le désarmement des clans des montagnes permit aux habitans de descendre dans la vallée. Glasgow commença donc à s’étendre le long de la rive droite de la Clyde. Vers la fin du dernier siècle, et au commencement de celui-ci, son étendue devint prodigieuse ; deux grandes villes neuves, l’une vers le nord, l’autre vers l’ouest, furent accolées à l’ancienne ville ; l’une d’elles, la ville de l’ouest, fut une ville de commerce ; les négocians n’y eurent guère que leurs comptoirs et leurs fabriques, et s’établirent surtout dans la partie la plus occidentale de ce nouveau quartier. La ville du nord, bâtie sur le penchant de plusieurs collines inclinées vers le midi, fut le quartier aristocratique. C’est là que s’établirent les gens qui avaient fait fortune, les professeurs et la noblesse des environs. Les grands commerçans y avaient leurs maisons, où ils venaient se reposer le soir des ennuis de la fabrique et du comptoir. Une partie de la ville de l’ouest, la plus voisine de la rivière, fut aussi habitée par les marins, les employés de la navigation et les gens du port ; cette partie de la ville longe la Clyde au-dessous du New-Bridge sur une étendue de plus d’un mille. Le New-Bridge, qui conduit au New-Glasgow, sur la rive gauche de la Clyde, est un pont construit en fer et ressemble en grand au pont des Arts à Paris.

La ville vieille s’élève en amphithéâtre sur le penchant d’une colline située à l’est de la ville manufacturière. La plupart des maisons situées dans les rues étroites, qui se groupent au sommet de la colline, sont bâties en encorbellement, comme les maisons du vieux quartier d’Édimbourg. Ces maisons, dont quelques-unes sont d’une haute antiquité, ne semblent se soutenir que par miracle sur leur base étroite et vermoulue ; la cathédrale, le Town-Hall et les bâtimens de l’université les dominent fièrement de leurs masses solides et imposantes.

La cathédrale (high church) est, avec Saint-Magnus de Kirkwall, dans les Orcades, la seule église d’Écosse qui ait échappé à la destruction, et soit restée intacte lors de la réforme. John Achaius, évêque de Glasgow, jeta les fondemens de cette église en 1123 ; mais il n’y mit pas la dernière main. Les différens styles d’architecture du monument confirment nos doutes et prouvent qu’il n’a guère été terminé qu’un siècle et demi au moins après avoir été commencé. Les cryptes, par exemple, sont de l’époque d’Achaius, de l’époque de la transition du roman orné ou fleuri au gothique lourd. Ces cryptes ont cent huit pieds de long sur soixante-douze de large. Quarante fenêtres ou soupiraux donnent du jour à ces souterrains divisés en trois galeries. Soixante-neuf stalles, pouvant contenir chacune de six à huit personnes, sont disposées le long de ces galeries ; cette partie de l’église s’appelle barony kirk, ou bien encore, le cimetière voûté. C’est là que son fondateur, saint Mungo, fut enterré. Soixante piliers de huit pieds de circonférence et de seize pieds de hauteur au plus, aux chapiteaux grossièrement travaillés, soutiennent des voûtes ogivales, obtuses et fort basses. Il y a loin encore de là aux hardiesses du gothique pur. Le chœur de l’église est évidemment de l’âge suivant, de 1160 à 1260 ; c’est le gothique simple et peu orné. L’angle de l’ogive des fenêtres, surtout des fenêtres des deux étages supérieurs, devient plus aigu ; les voûtes sont plus élevées, et les meneaux des fenêtres plus délicats et plus élancés. La partie antérieure de l’église nous paraît d’une époque encore moins reculée. Cette partie de l’édifice a dû être achevée vers 1260 ; ce n’est pas encore le gothique orné, mais l’ouvrier est devenu plus habile. On remarque déjà, dans cette partie de l’église, des prétentions à la légèreté et à la richesse surtout dans les grandes fenêtres placées au-dessous du clocher. Quoi qu’il en soit, l’ensemble de l’édifice paraît d’une extraordinaire simplicité. Sa masse solide n’est pas soutenue en dehors par des forêts d’arcs-boutans, arc-boutés eux-mêmes, comme dans les légers édifices de l’âge suivant, où tout a été sacrifié à l’effet hardi de l’intérieur. Ce ne sont point là non plus les délicatesses de la chapelle d’Holy-Rood et de Melrose-Abbey ou de la chapelle de Roslin, ces chefs-d’œuvre du gothique fleuri. Le clocher de l’église est tout-à-fait postérieur au reste du monument, il date de 1430 ; mais, comme l’artiste s’est efforcé de mettre son architecture en harmonie avec celle du reste de l’édifice, on n’y voit pas ces riches ornemens au dessin tourmenté et flamboyant (tracery) qui distinguent les monumens de cette époque. Ces ornemens ne se font remarquer que dans les galeries et les clochetons placés au haut de la tour et à la base de la pyramide qui termine le clocher. La hauteur du clocher, la tour et la pyramide comprises, est de 225 pieds.

Walter Scott, dans son roman de Rob-Roy, nous a laissé une admirable description de l’intérieur de la cathédrale de Glasgow, de ses cryptes mystérieuses, de ses innombrables tombes, dont les inscriptions n’ont pu sauver de l’oubli les restes des puissans dans Israël. L’extérieur imposant de l’édifice, le cimetière qui l’environne, les collines chargées d’antiques et noirs sapins qui l’ombragent, et jusqu’au ruisseau voisin dont le murmure monotone ajoute quelque chose de lugubre et de solennel à l’effet du paysage, excitent vivement son admiration ; mais, dans les pages pompeuses qu’il consacre à la description de ce vénérable monument, Walter Scott est poète avant tout. Notre tâche à nous est d’être historien, et nous devons, quoi qu’il en coûte, ajouter de tristes réalités à cette séduisante poésie : disons donc que les sapins séculaires ont été abattus, que le ruisseau a cessé son murmure et n’est plus qu’un cloaque infect, que les pierres tumulaires sont si pressées, qu’aux environs de l’église on ne marche que sur des armoiries, des épitaphes et des inscriptions de toute espèce, et qu’en fait de végétation, à peine sur la colline reste-t-il quelques cyprès rabougris et quelques plaques d’un gazon rare et jauni. Ajoutons aussi que, par une sorte de convenance ou d’inconvenance singulière, l’hôpital a été bâti si près du cimetière, que de leur lit les malades voient, en quelque sorte, creuser la fosse qui les attend, et que les exhalaisons putrides qui s’élèvent du fond de la ravine humide, et les émanations du cimetière ne peuvent que hâter leur fin. En revanche, la vue que l’on a du haut de l’éminence sur laquelle l’église est bâtie est des plus magnifiques, et distrait le voyageur du sombre spectacle qui l’environne. À l’est s’étend toute la vallée de la Clyde, et dans la même direction apparaissent les tours massives du château de Bothwell ; vers l’ouest, on aperçoit les châteaux de Mearns et de Cruickstone, et plus loin, vers la droite, et au-delà du ruban d’argent formé par la Clyde, se dresse le roc noir de Dumbarton, qui a quelque ressemblance avec le rocher du Mont-Saint-Michel, vu de la terrasse d’Avranches. Enfin, à nos pieds et sur les coteaux voisins, s’étendent la ville vieille et la ville nouvelle, et à l’horizon, dans toutes les directions, se groupent de longues chaînes de collines que dominent les monts Campsies et les hauts sommets des montagnes du duché d’Argyle.

Comme nous l’avons dit tout à l’heure, la cathédrale de Glasgow et celle de Kirkwall, dans les Orcades, sont les deux seuls monumens de l’architecture du XIe et du XIIe siècle qui soient restés intacts en Écosse. Il fallut une émeute de la bourgeoisie pour préserver l’église de Glasgow de la destruction. Pennant nous raconte, en effet, qu’en 1708 les ministres réformés arrachèrent, à force de menaces et d’importunités, aux autorités de la ville, un ordre qui les autorisait à la faire démolir. Le fanatisme des puritains allait jusqu’à les animer d’une haine stupide contre des pierres. Au lieu d’occuper ce vaste bâtiment et de chercher à l’approprier aux besoins du nouveau culte, ils voulaient le renverser, le tuer comme un ennemi. Munis de l’ordre de destruction, ils avaient rassemblé quelques centaines d’ouvriers ; la canaille s’était jointe à eux ; déjà la hache et le marteau étaient levés. Quelques bourgeois, plus éclairés que leurs concitoyens, ou mus peut-être par un reste d’opposition religieuse, se jetèrent en armes dans l’église, et menacèrent de tuer sur place le premier qui toucherait à ses murailles. Les démolisseurs furent intimidés. Tandis qu’ils hésitaient, le prévôt arriva ; et, se mêlant aux ouvriers et à la populace : — Vous avez raison, leur dit-il, il faut démolir la cathédrale papiste, mais lorsque nous en aurons bâti une nouvelle à notre usage. — Le plaisant de la chose, c’est que les historiens de Glasgow, n’ayant pas voulu comprendre le vrai sens des paroles du prévôt, l’ont accusé de fanatisme, et lui ont reproché de sympathiser avec les démolisseurs. Quoi qu’il en soit, la cathédrale fut préservée, et plus tard, les bourgeois de Glasgow, au lieu de bâtir une nouvelle église, trouvèrent plus économique de diviser l’ancienne en trois parties, qui furent consacrées chacune à des communions différentes.

Quand de la cathédrale on descend au Town-Hall par High-Street, on passe devant le collége, lourd et sombre édifice gothique qui ne ressemble pas mal à une prison. Fondée en 1450 par l’évêque Turnbull, l’université de Glasgow est la plus vieille des universités écossaises après celle de Saint-Andrews. De vastes bâtimens contigus à de grands jardins appartiennent au collége et renferment les salles, les amphithéâtres, les bibliothèques, l’observatoire et de précieuses collections. Les salles et les amphithéâtres sont spacieux et convenablement disposés pour l’étude. La bibliothèque contient environ soixante mille volumes et un grand nombre de manuscrits curieux, entre autres une traduction en vers de la Bible par le révérend Zacharie Boyd, écrite sur vélin vers 1400, et ornée de miniatures bizarres. L’observatoire est placé sur une éminence dans les jardins du collége. Le plus curieux des instrumens qu’on y trouve est un télescope à réflecteur, construit par Herschell, de dix pieds de longueur sur dix pouces de diamètre. Les collections sont renfermées dans la partie du collége qu’on appelle the Hunterian Museum. On y voit un effrayant assemblage de préparations anatomiques, et de pièces injectées à l’esprit de vin et au mercure. Glasgow, par son commerce, étant en relation avec toutes les parties du globe, les collections d’histoire naturelle y sont des plus complètes et des plus curieuses. La collection de coquillages et d’insectes m’a surtout paru merveilleuse. Mais, chose singulière, on n’y voit qu’un petit nombre d’insectes indigènes. La collection des roches, des fossiles, des minéraux et des métaux du pays est plus complète ; on trouve aussi au Muséum Hunterian la plus précieuse collection de médailles qui existe dans le Royaume-Uni. À Glasgow, où tout est évalué en écus, le savant qui m’avait conduit au Hunterian Museum, moyennant un shilling payé à la porte, m’assurait que ces collections avaient une valeur de 120,000 livres ou trois millions de France ; au total, c’est un des cabinets les plus renommés de la Grande-Bretagne ; c’est aussi la première merveille de Glasgow (the principal lion).

Au bas de la descente de High-Street, et tout-à-fait à l’extrémité nord de la Trongate est situé le Town-Hall, élégante construction dans le style de la renaissance ; ce bâtiment que supporte un rang d’arcades aux pilastres rustiques, et dont les façades supérieures sont ornées d’un rang de pilastres ioniques, est couronné d’un balustre élégant, qui complète l’harmonie de l’édifice ; ses murs sont ornés d’armes, de trophées, et de portraits en pied représentant les souverains de la Grande-Bretagne, à partir de Jacques VI d’Écosse. On voit, à la suite de ces portraits, celui d’Archibald, duc d’Argyle, en robe de lord de justice général. On voit aussi au Town-Hall la statue en marbre de Pitt par Flaxman. Cette statue n’est pas sans mérite ; la conception en est simple et forte, mais l’exécution nous a paru singulièrement fruste ; on dirait une copie négligée. Flaxman est froid, mais il n’est pas ridicule ; il outre plutôt la simplicité de ses personnages qu’il ne leur fait jouer la comédie, comme tels de nos statuaires ; il ne croit pas, comme eux, que la sculpture ne peut vivre que du geste, et que plus le geste est exagéré, plus la statue a de mérite ; il a plutôt donné à M. Pitt l’air d’un philosophe qui médite que l’air d’un politique qui parle et qui combine. Du reste, nul contre-sens grossier dans la pose ; aucun de ces airs de tambour-major ou de maître de danse donnant des leçons d’attitudes nobles ; avant tout, Flaxman est naturel, qualité rare chez un homme qui a plus étudié l’antique que la nature.

Sous les arcades de Town-Hall, et en face d’une médiocre statue équestre de Guillaume III, s’ouvre la vaste salle du Tontine Coffee-Room. Cette salle, de quatre-vingts pieds de long sur quarante de large, est voûtée et a l’air d’une église habitée. De distance en distance et tout autour de la salle sont disposées de petites tables couvertes de liasses de journaux, de revues et de brochures de tous les pays de l’Europe, des deux Amériques, de la Chine, de Botany-Bay. The Tontine Coffee-Room ressemble donc plutôt à un salon de lecture qu’à un café : c’est un établissement tout-à-fait libéral ; c’est là que se rassemblent les commerçans de la ville, pour causer d’affaires et de politique ; un étranger y est admis sur sa simple demande, par cela seul qu’il est étranger. Des brochures et des montagnes de journaux sont mises gratuitement à sa disposition. Royal-Exchange a un établissement du même genre. Les vastes salles de cet immense édifice sont abondamment pourvues de tous les journaux ; les nouvelles les plus fraîches du commerce et de la navigation y sont affichées d’heure en heure ; tout étranger dont la mise est convenable y est admis sans difficulté. Là, et dans the Tontine Coffee-Room, on rencontre tout ce que le commerce de la ville possède d’hommes intelligens et éclairés.

Le Town-Hall est bâti à l’extrémité nord-est de la Trongate. La Trongate est une rue de quatre-vingts à quatre-vingt-dix pieds de large, sur près de trois quarts de lieue de long. Elle s’étend parallèlement à la Clyde, entre cette rivière et la nouvelle ville ; elle est bordée de trottoirs dans toute son étendue. C’est la rue la plus commerçante de la ville. Des boutiques, dont quelques-unes, celles qui avoisinent le Town-Hall, sont fort élégantes, occupent le rez-de-chaussée de maisons plus élevées et mieux bâties que celles du Strand à Londres. La Trongate a d’ailleurs quelque analogie avec le Strand, sous le rapport de la situation, de l’aspect et du mouvement. Le point de vue le plus remarquable que présente cette longue rue, est celui du Town Hall, vu de l’angle de Buchanan-Street. Des tours d’un dessin bizarre, surmontées de clochetons en forme de minarets orientaux, et l’architecture travaillée du Town-Hall, composent l’un des plus riches tableaux d’intérieur de ville que nous connaissions. Le ton solide et chaud de ces constructions que le temps seul a marbrées de nuances brunes, olivâtres ou dorées, et la lumière rousse du soleil dont les rayons ont peine à traverser le nuage de vapeurs qui recouvre cette partie de la ville, donnent au coloris de ce tableau une incomparable vigueur. La foule qui s’agite dans cette rue, la plus fréquentée de Glasgow, y ajoute le mouvement et la vie. Ce sont des passans aux costumes variés : montagnards en tartan, soldats highlandais, femmes de Glasgow vêtues d’étoffes à carreaux de couleurs diverses, gens du port, négocians, ouvriers, bourgeois, qui couvrent les trottoirs, et vont et viennent d’un air affairé. Cette foule forme, dans l’éloignement, une masse noire et compacte que sillonnent, dans tous les sens, d’élégans équipages de luxe ou d’énormes chariots peints, chargés de tonneaux, de balles de coton, de toutes sortes de denrées du commerce, et traînés par de monstrueux chevaux aux harnais luisans, ornés de cuivre poli. Ce mouvement de la Trongate se communique de proche en proche jusque dans l’est de la ville et va mourir vers la route d’Édimbourg et le Green.

Le Green est la promenade de Glasgow. C’est une immense pelouse qui s’étend du pied de la colline où est bâtie la ville haute jusqu’aux bords de la Clyde. Les arbres y sont beaucoup trop rares, et l’herbe, constamment foulée par les pieds des passans, ne semble pousser que par miracle sur ce terrain aride. Des sentiers sablés ont été tracés sur la verdure ; mais les habitans de Glasgow sont trop affairés pour se complaire à en suivre les sinuosités : ils prennent le plus court chemin, de sorte qu’en beaucoup d’endroits le gazon est pelé et le sol mis à nu. Le Green, comme on voit, ne manque pas d’analogie avec le Green-Park de Londres. Seulement les arbres y sont encore plus rares, de sorte que l’hiver, lorsque le vent de mer souffle, on court grand risque d’être emporté dans la Clyde, et que, durant l’été, on n’évite d’être brûlé par le soleil qu’en faisant de longs détours. Le Green renferme un espace de deux cents acres environ de terrain ; comme le Champ-de-Mars à Paris, ce n’est guère qu’une belle place de manœuvres.

Au milieu du Green s’élève le monument de Nelson. À Édimbourg, ce monument est une colonne navale ; ici c’est un obélisque quadrangulaire de cent cinquante pieds de haut, construit de gros blocs de pierre bise. Sur l’une des faces de la base, une inscription laconique indique la date et la destination du monument. Sur les trois autres faces, on s’est contenté d’inscrire les trois mots suivans : Copenhague, Aboukir, Trafalgar.

Peu de temps après son érection, dans l’été de 1810, cet obélisque fut frappé par la foudre, qui disjoignit les blocs du sommet, de telle sorte qu’on eut grand’peine à les remettre en place. Le monument de Nelson est bâti en face de la prison de la ville, the New-Jail. Le voisinage de la prison n’intimida nullement les voleurs, qui, il y a une douzaine d’années, profitèrent d’une nuit de brouillard pour enlever quelques-unes des lettres des inscriptions latérales. Ces lettres sont en bronze et d’un poids considérable. Les voleurs employèrent une partie de la nuit à détacher l’u de Copenhague, le premier r de Trafalgar et l’a d’Aboukir. Deux de ces lettres étaient déjà enlevées, quand une patrouille survint et mit les voleurs en fuite. Jamais les lettres enlevées n’ont pu être retrouvées. Les patriotes anglais accusèrent des matelots français de ce vol, qu’ils regardaient comme une vengeance nationale. L’un d’eux m’assurait que les lettres volées avaient été jetées dans la Clyde au bas du Green ; mais on a trouvé, ajoutait-il, moins coûteux et plus expéditif d’en faire de nouvelles que de repêcher les anciennes.

Si de la ville vieille et des quartiers du Green nous passons dans la ville nouvelle, nous nous arrêterons de préférence dans le quartier de Saint-George-Square. Saint-George-Square est une grande place située au centre de la ville neuve. C’est le quartier à la mode ; des rues spacieuses, régulièrement bâties, bordées de trottoirs, et qui ressemblent aux principales rues du moderne Édimbourg, aboutissent à chacun des angles du square. Le milieu de la place est occupé par une magnifique pelouse, entourée d’une grille, où sont dessinées de jolies allées bordées de fleurs, qu’ombragent des massifs d’arbustes toujours verts. Au centre d’une des parties de la pelouse, à quelques pieds de la grille, on voit la statue en bronze d’un officier anglais. Une colonne de granit lui sert de piédestal. C’est la statue de Charles John Moore, tué sous les murs de la Corogne, au moment de l’évacuation de cette ville par l’armée anglaise. Sur le piédestal on lit l’inscription suivante :

TO COMMEMORATE
THE MILITARY SERVICE OF THE LIEUT.-GENERAL
CHARLES JOHN MOORE, NATIVE OF GLASGOW,
HIS FELLOW CITIZENS
HAVE ERECTED
THE MONUMENT

M D CCC XIX.

Cette statue est encore de Flaxman. C’est l’un de ses bons ouvrages ; le caractère national perce, avant tout, dans la figure du général anglais, et toute incertitude là-dessus est impossible. Il n’y a là ni réminiscences de style grec, ni posture de batelier ou de matamore, et néanmoins l’étincelle du courage et du génie brille dans la calme et froide figure du guerrier. C’est bien là l’homme fort et résigné qui, l’épaule fracassée par un boulet de canon, disait à ses compagnons au moment où ceux-ci l’emportaient du champ de bataille : « J’espère que mon pays sera content de moi, et qu’il approuvera ma conduite. » Dans sa simplicité, cette belle statue de John Moore nous a rappelé les fameuses strophes sur sa mort, attribuées à tort à lord Byron. Nous essayons de les traduire :

I.

Pas un tambour ne se fit entendre, pas une note funèbre, comme nous portions son cadavre au rempart ; pas un soldat ne tira son coup d’adieu sur le tombeau où nous ensevelîmes notre héros.

II.

Nous l’ensevelîmes la nuit, en silence, fouillant le gazon avec nos baïonnettes, à la lumière brumeuse des rayons de la lune, luttant avec la lueur pâle de notre lanterne.

III.

Aucune bière inutile ne contenait sa poitrine, nous ne le portions ni dans un drap, ni dans un linceul ; mais il était couché comme un guerrier au repos, enveloppé dans son manteau de guerre.

IV.

Rares et courtes furent les prières que nous dîmes, et nous ne prononçâmes pas une parole de douleur ; mais nous contemplâmes d’un œil ferme le visage du mort, et nous pensâmes amèrement au lendemain.

V.

Nous pensâmes, en creusant son lit étroit, en préparant son oreiller solitaire, que l’ennemi et l’étranger marcheraient sur sa tête, et que nous serions déjà loin sur la mer.

VI.

Ils parleront légèrement de l’homme qui nous a quittés, et ils insulteront à ses cendres froides ; mais il sera sourd à leurs injures, pourvu qu’ils le laissent dormir dans le tombeau où un Anglais l’a placé[4].

VII.

Nous avions à peine achevé la moitié de notre tâche douloureuse, quand l’horloge sonna l’heure de la retraite, et nous entendîmes le son éloigné de l’artillerie ennemie.

VIII.

Lentement et tristement nous le déposâmes en terre, sans étancher le sang de ses blessures glorieuses ; nous ne gravâmes aucune ligne, nous n’élevâmes aucune pierre, mais nous le laissâmes seul avec sa gloire[5].


Il faudrait un volume pour faire connaître d’une façon détaillée chacun des édifices, des temples et des monumens de Glasgow. Parmi les édifices séculiers, on remarque le Jail, les théâtres, l’hôpital royal que surmonte un dôme élégant et qui a quelque ressemblance avec l’hôpital de Lyon ; parmi les édifices consacrés au culte, il faut citer Saint-John’s Church, Saint-George’s Church, Saint-David’s Church, et la chapelle des catholiques, édifice gothico-moderne, orné de vitraux peints assez médiocres, dont les bourgeois de Glasgow font grand bruit. The new Jail, ou la prison neuve, est bâtie sur la face ouest du Green. Comme le Jail d’Édimbourg, c’est une espèce de prison modèle. L’extérieur en est gai, c’est une jolie construction grecque ; l’intérieur en est propre et commode. Chaque prisonnier a sa portion comptée d’air et de lumière, et, hormis la liberté, la philantropie des geôliers ne lui refuse rien. Ajoutons cependant qu’à Glasgow, comme à Édimbourg, il y a une partie du Jail consacrée aux isolés. À ceux-là on laisse la vie en la limitant à deux ou trois fonctions animales ; ils peuvent manger, boire et dormir. Ils ne peuvent ni parler, ni entendre, à peine peuvent-ils voir, et nous doutons fort qu’ils pensent beaucoup, l’isolement jusqu’à ce jour ayant eu plutôt pour effet de conduire à l’abrutissement qu’aux bonnes pensées ou à la conversion.

Il faut l’avouer néanmoins, depuis une centaine d’années la législation du pays a subi de notables améliorations. Le code écossais se ressent encore quelque peu de sa barbarie primitive ; mais ses dispositions les plus sauvages sont tombées en désuétude ou totalement abrogées. À ces dispositions on en a substitué de nouvelles qui sont peut-être singulières, mais qui du moins ne sont pas atroces. Pour notre part, nous aimerions mieux voir les prisonniers isolés que soumis à la question comme naguère. Naguère est le mot propre, car un siècle ne s’est pas encore écoulé depuis que ce genre de supplice a été rayé de la coutume de Glasgow ; le fait qui donna lieu à l’abrogation de cet usage barbare est assez intéressant et assez bizarre pour que nous le rapportions ici avec quelques détails.

George Dixon, fils d’un petit commerçant de Glasgow, devint amoureux de la fille d’un gentilhomme qui habitait un des faubourgs de cette ville ; miss Flora Fraser, c’était le nom de cette jeune fille, paya de retour la passion de Dixon, l’un des plus beaux garçons de Glasgow. Ce jeune homme, dont la passion était honnête, demanda au vieux gentilhomme la main de sa fille ; Fraser repoussa avec dédain ces ouvertures du fils d’un marchand. Alors Dixon, poussé à bout, demanda à la jeune fille un rendez-vous et l’obtint. Les deux amans se rencontrèrent la nuit dans le jardin de l’habitation de Fraser. Dixon y pénétrait par une ouverture qu’il avait adroitement pratiquée dans une haie et qu’il refermait soigneusement quand le premier cri de l’alouette matinale l’arrachait des bras de son amante. Ces entrevues dans le jardin duraient depuis plusieurs mois, et personne dans la maison de Fraser n’avait eu vent de l’intrigue et n’avait même conçu de soupçons. Un jour cependant, Dixon, en se retirant avant l’aube, crut entendre refermer doucement la porte d’une maison placée en face du jardin de Fraser. Son inquiétude fut grande ; avait-il été vu ? Le lendemain il revint encore au jardin et prévint miss Flora. Celle-ci, sur ses instances, le laissa seul dans le jardin. Dixon se blottit près du trou de la haie, il voulait savoir si quelque voisin l’espionnait. Rien ne bougea de toute la nuit et les amans furent rassurés. Cependant Dixon avait été reconnu la veille par des voisins qui, l’ayant vu se glisser dans le jardin de Fraser, et voulant savoir quel pouvait être le galant ou le voleur, l’avaient guetté à sa sortie. Comme miss Flora était fort aimée de toutes les personnes qui la connaissaient, ses voisins, bonnes gens du reste, plaignirent la jeune fille, rejetèrent sa faute sur la dureté de son père et se gardèrent bien de faire bruit de leur découverte. L’affaire en était là, lorsqu’un matin le vieux Fraser, entrant dans le parloir de sa maison, trouva les armoires et les buffets forcés ; son argenterie avait été enlevée ainsi que des bijoux et autres objets précieux. Le vieux gentilhomme, à cette vue, entra dans une telle colère, que le jour même tout le quartier fut instruit de son malheur. Quels étaient les coupables ? On l’ignorait, et les recherches auraient sans doute été vaines, si les voisins de Fraser, craignant d’être soupçonnés, n’eussent déclaré au magistrat qu’ils connaissaient le vrai coupable. Ils racontèrent comment ils avaient vu Dixon entrer dans la maison de Fraser et à quelle heure il en était sorti. Le jeune homme fut arrêté sur-le-champ. Il repoussa avec horreur l’accusation dont on le chargeait ; mais les apparences étaient accablantes. Quand les témoins de sa sortie du jardin furent confrontés avec lui, et eurent fait en sa présence leur déposition détaillée, il garda le silence. Quand on lui demanda ce qu’il allait faire à cette heure dans le jardin, il se tut encore, ne pouvant, comme on pense bien, donner à ses démarches aucune explication satisfaisante. Au moment où on allait le conduire en prison, il se contenta de protester hautement de son innocence et de répéter que le témoignage de ses accusateurs était insuffisant pour attirer sur sa tête la peine capitale. Dixon avait raison, cette déposition seule était insuffisante ; il fallait encore son aveu pour qu’il pût être condamné ; mais dans ce temps-là les magistrats avaient un moyen infaillible de faire avouer à l’accusé le crime qu’il avait commis, et même celui dont il était innocent, comme nous l’allons voir tout à l’heure.

Ce moyen, c’était la question ; on l’appliquait de la manière suivante : l’accusé était couché sur le dos, et, à l’aide d’un entonnoir qu’on introduisait dans son gosier, on lui faisait avaler autant d’eau que son corps en pouvait contenir. Quand il était rempli, on plaçait une planche sur son estomac et sur son ventre, puis le bourreau sautait brusquement sur cette planche de façon à faire rendre violemment au patient l’eau qu’il avait prise. Si l’accusé persistait dans ses dénégations, on recourait de nouveau à l’entonnoir, et le bourreau faisait de nouvelles gambades sur son corps, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on eût un cadavre ou un coupable.

Dixon soutint bravement une première épreuve ; mais, quand le bourreau monta pour la seconde fois sur son corps, ses forces étaient épuisées ; il avoua tout ce que l’on voulut, et demanda avec instance que la peine capitale lui fût appliquée sur-le-champ. Ce sont là de ces prières que la justice n’écoute jamais : comme le destin, elle est inflexible et ne frappe qu’à son heure. Or, cette fois, l’heure n’était pas venue. Dixon, réservé pour l’époque des exécutions publiques, qui se faisaient alors tous les trois mois, fut conduit dans un cachot où on le renferma en compagnie de quelques misérables condamnés comme lui au dernier supplice.

On se figure aisément le désespoir de miss Flora, quand elle eut connaissance de la condamnation de son amant. N’écoutant que sa passion, elle alla trouver le magistrat auquel elle fit généreusement l’aveu complet de son amour pour Dixon, lui racontant comme à un confesseur toutes les circonstances de leurs entrevues nocturnes. « Il ne peut être coupable, s’écriait-elle en sanglottant, car toute cette nuit du vol, il l’a passée à mes côtés dans ma chambre ; j’étais près de l’ouverture de la haie quand il est entré dans la maison, et, quand il m’a quittée, je l’ai reconduit jusqu’à cette ouverture que j’ai refermée moi-même avec des branchages. »

Le magistrat écouta froidement cette déclaration de la jeune fille. « Vous aimez Dixon, lui dit le juge, il est naturel que vous vouliez le sauver, mais la justice ne peut admettre une déposition que dicte évidemment la passion : nul autre que Dixon n’a pu s’introduire dans la maison de votre père et commettre ce vol. Il est coupable, il l’a avoué ; justice sera faite ! » Miss Flora se retira en proie au plus violent désespoir, décidée à ne point survivre à son amant. Le ciel voulut que vers ce temps-là deux fameux voleurs fussent arrêtés et condamnés à mort, comme Dixon, pour divers vols commis avec effraction dans d’autres quartiers de Glasgow. Après leur condamnation, ils furent renfermés dans le même cachot que Dixon. Enchaînés chacun dans un coin de la prison, ils ne pouvaient ni s’approcher, ni se toucher, mais ils pouvaient se parler. Les nouveaux venus furent étonnés de l’extrême jeunesse et de la bonne mine de leur compagnon. Ils l’interrogèrent, et celui-ci leur raconta naïvement son histoire, que les malfaiteurs écoutèrent avec un singulier intérêt. — Comment ! tu es là pour le vol commis dans la maison du vieux Fraser ? lui dit l’un d’eux quand il eut achevé. — Oui, c’est là mon seul crime. — Il serait plaisant de le laisser pendre, ajouta l’un des deux voleurs. — Il serait plus plaisant encore de montrer à ses juges combien ils sont stupides. — Que voulez-vous dire ? reprit le jeune homme. — Que nous seuls avons commis le crime, pour lequel tu es condamné, et pour lequel tu dois être pendu. — En vérité ! Oh ! par pitié, sauvez-moi ! — Volontiers, d’autant mieux que cela ne nous fera pas pendre une fois de plus ; mais cependant à une condition. — Laquelle ? — À la condition que tu rachèteras nos corps que Nichol le bourreau a sans doute déjà vendus aux chirurgiens de Glasgow. — Je vous le promets. — Et qu’ensuite tu feras dire deux messes catholiques pour chacun de nous ; car nous sommes Irlandais et bons catholiques. — Je vous le promets encore. — C’est bien ; maintenant appelle le geôlier : qu’il avertisse le magistrat, et nous allons tout lui dire.

Les deux misérables racontèrent en effet comment eux-mêmes avaient commis le vol dans la maison de Fraser, et avec des détails si précis, faisant même connaître l’endroit où une partie des objets volés étaient encore cachés, qu’il fallut bien les croire ; on s’empressa de mettre Dixon en liberté ; on lui offrit toutes les consolations et toutes les réparations possibles. Dixon ne demanda qu’une chose : l’abolition de la question. L’opinion publique se prononça avec tant d’énergie à l’appui de sa demande, que la cour de justice de Glasgow s’exécuta de bonne grace, et renonça pour jamais à l’emploi d’un moyen dont l’évènement venait de démontrer l’abus.

Ce fut au commencement de 1736 que la question fut abolie à Glasgow. Il est inutile d’ajouter que Dixon épousa miss Flora Fraser, le vieux Fraser ne pouvant plus refuser son consentement après un pareil éclat.

L’abolition de la question n’augmenta pas le nombre des crimes, comme l’avaient annoncé les partisans de cette cruelle procédure. Dans une ville aussi grande que Glasgow, les voleurs et les filous sont nombreux ; mais le nombre en est proportionnellement beaucoup moins considérable qu’à Londres. Comme à Londres, cependant, leur audace égale leur adresse ; quelques uns d’entre eux font même parade d’une certaine courtoisie. En veut-on la preuve ? je la trouve en parcourant un journal. À la fin de l’hiver de 1835, une jeune femme, pressée par le besoin, se dirigeait un soir vers le mont-de-piété, tenant à la main un petit paquet qu’elle se proposait d’échanger contre un prêt. Un voleur la suivait. Arrivé dans une rue déserte, il l’accoste et lui ordonne de lui remettre ce qu’elle tient. C’est tout ce qui me reste au monde, répond la malheureuse femme ; c’est ma montre que j’allais mettre en gage au mont-de-piété. — Pauvre femme lui répond le voleur en examinant la montre, qu’alliez-vous faire ? votre montre est un vrai bijou, elle vaut au moins dix guinées, et ces fripons ne vous en prêteraient pas trois ; moi, je vous en donne cinq. — Et, sans attendre la réponse de la femme, il met la montre dans sa poche, lui compte cinq guinées et s’enfuit. — Le journal que je cite est de l’avis du voleur, et prétend que la pauvre femme n’a pas fait là un mauvais marché. Le journal a-t-il raison ? je l’ignore. Mais certainement il est impossible de faire une plus sanglante satire des monts-de-piété écossais.

On donne plusieurs motifs à la diminution des vols, à la courtoisie des voleurs, et surtout au petit nombre de vols à main armée qui se commettent dans la ville et ses environs : l’aisance des classes inférieures de la société, leur instruction, leurs habitudes laborieuses. L’aisance ne serait cependant qu’une cause de sécurité momentanée ; l’instruction et la moralité qui l’accompagnent sont un préservatif plus certain et d’un effet plus constant.

Glasgow n’a, sans doute, pas les mêmes prétentions qu’Édimbourg au titre de ville littéraire et savante ; et cependant, tout occupée qu’elle paraisse de commerce et d’industrie, c’est l’une des villes de la Grande-Bretagne où l’instruction est la plus libérale et la plus répandue. Il n’y a pas de citadin, même de la classe indigente, qui ne sache lire, écrire, calculer, et qui n’ait quelque teinture de l’histoire de son pays ; et il n’est pas d’ouvriers, à l’exception des nouveaux débarqués des îles ou des montagnes, qui ne sache lire. Cela tient au grand nombre d’écoles gratuites ouvertes dans chaque quartier de la ville. Ces écoles sont au nombre d’environ quarante, dont quelques unes contiennent plus de cent écoliers. La plupart sont pourvues de petites bibliothèques élémentaires d’un fort bon choix. Ici, point d’obscurantisme. On a cru s’apercevoir, sur les bords de la Clyde, que plus l’intelligence des gens du peuple et des ouvriers était développée, meilleurs ils étaient. Une statistique assez curieuse a établi que chaque école qui s’ouvrait enlevait, en moins de dix années, quarante à cinquante malheureux jeunes gens aux colonies de déportation, et alors, par une philanthropie bien entendue, on s’est appliqué à multiplier le nombre des écoles. Les faits ont continué à se montrer d’accord avec la théorie. Malgré des crises commerciales répétées, des intermittences de stagnation dans le mouvement des manufactures et de l’industrie, le nombre des criminels, loin d’augmenter, a diminué à Glasgow, dans une proportion plus considérable que dans tout le reste de l’Écosse. Cette proportion pour l’Écosse, la partie la plus éclairée des îles britanniques, est, du reste, fort remarquable. D’après les derniers recensemens, la population de l’Écosse est de 2,100,000 ames environ ; dans ce nombre, il y a 460,000 agriculteurs, 680,000 négocians, employés aux manufactures, ouvriers, etc., 410,000 individus occupés de toute autre manière ou oisifs, et environ 550,000 enfans au-dessous de l’âge de quinze ans. Sur ces 2,100,000 habitans, l’Écosse comptait, en 1824, un peu plus de 191,000 écoliers, et les colléges seuls renfermaient 4,500 étudians. Or, dans les douze dernières années, le nombre des condamnations a été moindre en Écosse que dans les années précédentes, moindre surtout que dans les pays voisins. En 1836, par exemple, le nombre d’individus frappés de condamnations a été de 1 sur 809, tandis qu’en Angleterre et en France, où l’instruction est moins répandue, le nombre a été de 1 sur 682 pour l’Angleterre, de 1 sur 550 pour la France.

Outre ce grand nombre d’écoles et son université, que nous avons déjà fait connaître, Glasgow renferme plusieurs autres établissemens scientifiques, les écoles des arts et de mécanique, l’institution d’Anderson, fondée en 1796, où l’on enseigne à des élèves des deux sexes les sciences applicables aux arts, et plusieurs sociétés académiques.

À Glasgow comme à Édimbourg, et plus généralement encore qu’à Édimbourg, ce qu’on appelle un homme d’esprit, ce n’est pas celui qui sait écrire et causer agréablement ; c’est l’homme qui agit et qui réussit ; c’est par-dessus tout celui qui sait gagner beaucoup d’argent. Après l’homme d’esprit, il y a l’homme de talent ; c’est celui qui s’élève dans la carrière politique, qui est à la tête d’un club, qui a des chances d’arriver au parlement. Depuis le bill de réforme, beaucoup de radicaux sont devenus des gens de talent ; mais on conçoit que, malgré le bill, avant d’avoir du talent, il faut avoir de l’esprit, c’est-à-dire une certaine fortune, le talent seul et l’entente des affaires ne suffisant pas pour arriver. Un journaliste de génie, s’il est pauvre, restera toujours journaliste ; on n’en fera jamais un président du conseil des ministres, comme chez nous ; un grand propriétaire, qui peut payer beaucoup d’électeurs, doit toujours l’emporter sur lui ; il a cinquante chances contre une.

Au reste, dans ce pays-ci, chacun paraît persuadé, avant tout, qu’il ne faut faire, dans la conversation, que juste la dépense d’esprit nécessaire pour se mettre au niveau du voisin, ou pour gagner tout au plus un cran au-dessus de lui. À telle personne, une once ; à telle autre, une livre, me disait le libraire G……, l’un des premiers journalistes d’Édimbourg, et l’on vous croit homme supérieur. Ces messieurs mettent admirablement en pratique cette théorie économique de l’esprit ; on aurait peine à croire à la nullité de leurs principales feuilles ; quelques revues seules traitent leurs abonnés moins cavalièrement. C’est que celles-là ne s’adressent point à la foule, mais à des lecteurs choisis.

On a dit que l’Anglais était gouverné par l’habitude, l’Écossais par la passion et la réflexion, l’Irlandais par la passion seule ; les observations fort imparfaites et fort rapides, sans doute, que nous avons pu faire sur la population de Glasgow, nous feraient croire que ce jugement est juste, quant aux habitans de cette ville il suffit d’un seul coup d’œil pour être frappé de la singulière activité et de l’esprit d’entreprise qui les animent, et en même temps de leur persévérance et de la supériorité de leur bon sens. La persévérance et le bon sens, c’est le résultat de la réflexion ; l’audace et l’activité, c’est le fait de la passion. La population de Glasgow diffère donc essentiellement de celle de Londres ou de celle de Dublin ; elle est moins rangée que la première, car il lui manque cette régularité dans les mœurs dont l’esprit d’ordre est l’un des fruits les plus assurés ; elle est moins mobile et moins grossière que l’autre ; elle est occupée, constante et passionnée en même temps ; mais sa passion n’est pas de la passion brutale ; l’intelligence au besoin en tempérerait la fougue et lutterait aussitôt victorieusement contre le désordre. Nous doutons fort néanmoins que les philanthropes de l’école de Robert Owen fassent jamais, des industriels et des ouvriers de cette grande ville, une population de moines mariés, comme ceux qui remplissent les ateliers de New-Lanark. L’essai n’a pu réussir que sur une petite échelle ; réaliser ce succès en grand serait impossible : l’esprit de quelques hommes peut se modifier et changer même du tout au tout ; l’esprit d’un peuple est plus tenace et plus difficile à manier.


Frédéric Mercey.
  1. 1611 
    7,644 habitans
    1780 
    42,000
    1801 
    84,000
    1820 
    150,000
    1836 
    230,000
  2. Le saumon qui habite la mer, le chêne majestueux qui s’élance de la terre, l’oiseau placé sur ses branches qui vole dans l’air, te présagent, ô Glasgow ! des prospérités sans nombre. Ainsi, tant que l’air, ou la mer, ou la terre fertile, donneront au poisson, au chêne et à l’oiseau, nourriture ou naissance, le ciel te donnera les biens les plus durables ; c’est ce qu’annonce la cloche qui appelle les fidèles à la prière. L’anneau est le gage du mariage des choses célestes et terrestres réunies pour te bénir.
  3. Glasgow a son High-Street, comme Édimbourg, et la position des deux rues est analogue, c’est-à-dire inclinée du sommet à la base d’une longue colline, avec cette différence qu’à Glasgow l’inclinaison est de l’est à l’ouest, et à Édimbourg de l’ouest à l’est.
  4. Ces craintes du poète étaient peu fondées. La tombe du général Moore fut respectée, et le maréchal Soult, vainqueur généreux, fit même dresser une pyramide sur la fosse où son corps avait été déposé.
  5. Not a drum was heard, not a funeral note,
    As his corse to the rampart we hurried,
    Not a soldier discharged his farewell shot
    O’er the grave where our hero we buried.

    We buried him darkly at dead of night,
    The sods with our bayonets turning,

    By the struggling moon-beam’s misty light
    Aud the lantern dimly burning.

    No vieless coffin enclosed his breast,
    Not in sheet or in shroud we wound him ;
    But he lay like a varrior taking his rest,
    With his martial cloak around him
    , etc., etc.(Wolfe.)