Souvenirs (Tolstoï)/Avant-propos

Traduction par Arvède Barine.
Librairie Hachette et Cie (p. v-vi).
AVANT-PROPOS
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L’œuvre que nous présentons aux lecteurs français a été commencée en 1851 et abandonnée en 1857. Tolstoï ne l’a jamais reprise. Ce délaissement ajoute à son intérêt. On y surprend la pensée de l’auteur à l’état naissant. Tolstoï nous a livré dans ces pages, si justement nommées par M. de Vogüé « notes intimes », le secret de sa formation morale ; tous ses biographes sont d’accord pour le reconnaître dans Nicolas Irteneff, le héros des Souvenirs.

Mais précisément parce que ce sont des notes, certaines pages sont remplies de faits insignifiants, d’autres sont consacrées à présenter des personnages qui auraient peut-être joué un grand rôle dans la suite de l’ouvrage, mais qu’on ne revoit point, puisque le récit s’arrête court. Tolstoï lui-même semble avoir hésité, lorsqu’il s’est décidé à publier ces fragments, sur les parties qu’il convenait d’imprimer ou de retrancher. Les diverses éditions ne sont point toutes semblables ; des paragraphes, des chapitres entiers ont été imprimés, puis supprimés, puis rétablis.

Personne plus que nous n’est partisan des traductions complètes. On n’a pas le droit de toucher aux œuvres des maîtres : sint ut sunt aut non sint, comme il a été dit avec raison. Toutefois, ce qui est vrai lorsqu’il s’agit d’œuvres achevées, auxquelles l’auteur a mis la dernière main, qui ont un commencement, un milieu et une fin, n’est plus tout à fait vrai en face de fragments. Nous avons recueilli avec soin, dans ce volume, tout ce qui se rapportait au héros et était de nature à nous éclairer sur son for intérieur ; nous avons rétabli la plus grande partie des passages supprimés dans une édition récente ; mais nous avons laissé de côté les portions qui, dans l’état actuel du livre, nous ont semblé sans objet ou sans intérêt.

A. B.