L’Arbre (Ip. 9-29).


PREMIERS PAS


J’ai deux petites patries, ce qui eût été excellent pour le candidat à la députation que, par tempérament, je n’ai jamais été : Montmagny et Beauharnois.

Je suis né à Montmagny, dans un décor splendide dont je n’ai retenu que le désir constant de le revoir. Enfant, je suis allé à Beauharnois, paisible et doux ; mais je n’en ai d’autre souvenir que celui d’une piqûre de guêpe dans un potager.

Beaucoup plus tard, je suis revenu vers ce pays de mes ancêtres assister au centenaire de la paroisse et retrouver le toit paternel qu’un oncle gouailleur me désigna avec étonnement comme si j’étais venu troubler son rêve. Puis, tout seul, pour me pénétrer de l’atmosphère, je me suis dirigé vers le cimetière de Saint-Timothée que mon père a évoqué avec intensité, depuis les bières rugueuses des pionniers jusqu’aux cercueils cossus des paysans installés.

De ma petite enfance à Montréal, il ne me reste guère de souvenirs. J’entends un moulin à scie. Je me perds avec un camarade vers le chemin Papineau.

La ville était peu étendue, mais elle allait faire un bond formidable à la suite du boom de l’immeuble. Elle s’arrêtait à des limites que l’on décèle encore aujourd’hui, si on y prend garde, et qui sont marquées, ici par des maisons de pierre qui furent opulentes, ailleurs par des demeures en bois ou en brique d’un caractère plus simple, car des quartiers abritaient une bourgeoisie prospère, d’autres une vie modeste.

Le milieu où j’évoluais était plutôt commercial. Ma famille habitait rue Saint-Laurent. Notre rayon n’était pas très étendu. Nos courses se bornaient surtout à un quadrilatère formé par les rues Saint-Laurent et Saint-Dominique, Lagauchetière et Craig. J’ai vécu là des heures insouciantes, avec de rares échappées : une vie d’enfant attiré par les reflets de la rue et les menus événements de chaque jour.

Quand vint le moment laborieux de l’école, je fréquentai le Jardin de l’enfance de la rue Fullum. Je revois, dominant une cour, une longue galerie où nous jouions, vêtus du costume qui distingue les élèves de la Providence.

Nous prenions les rangs sous l’impulsion brève d’un claquoir et, au commandement de « position », nous nous raidissions, mains aux hanches et les deux pouces se rejoignant sur nos reins cambrés. Des noms flottent sur des images brisées : Sœur Orner, Sœur Nicolas…

Je ne restai pas longtemps dans ce milieu dont je fus éloigné par une maladie du jeune âge. Juste le temps de connaître quelques camarades qui me rappellent encore aujourd’hui cette époque de ma vie.

Pour suppléer à l’école, on me confia à l’un de mes frères qui tenta de m’entrer dans la tête des rudiments de grammaire. Ce fut épique. Les frères aînés, il faut le dire, ne sont pas toujours commodes quoique le mien fût infiniment bon ; mais ce n’était pas son affaire de décrasser l’être réfractaire que j’étais. Excédé, il soupirait : « On ne fera jamais rien de cet enfant-là. »

Préparé tant bien que mal, j’aboutis au collège.

Comme j’ai eu deux petites patries, j’ai connu deux collèges : le Collège Sainte-Marie et le Collège de Montréal, ce qui m’a rattaché doublement dans la vie.

Quand je retourne au Gesu, je reconnais les vieux corridors, la salle de récréation et l’église, qui n’ont pas changé ou guère, non plus que le parfum de vétusté ni la patine antique.

J’étais l’élève le plus jeune et, selon la tradition, cela me valut, le jour des Saints-Innocents, une pleine assiette de bouillie : je l’enlevai à Louis Hurtubise, qui me l’a reproché toute sa vie. Ce n’est pas un trait bien particulier que de rappeler combien nous étions espiègles mais, aussi, respectueux des aînés qui faisaient, pour nous, la gloire du collège.

Mon séjour chez les Jésuites fut aussi bref qu’à l’école primaire. Je ne sais plus pourquoi, — une maladie peut-être ou l’idée d’un climat plus salubre — on me dirigea vers le Collège de Montréal où je m’accrochai définitivement.

On accédait au Collège par le tramway de la rue Sainte-Catherine, court et trapu, du type de ceux que l’on a longtemps vus immobilisés dans les jardins du nord de la ville, en arrêt perpétuel, ornés de fleurs ou de verdure. Ouverts l’été, avec des grappes humaines suspendues aux portants, fermés l’hiver et à peine éclairés du vacillement de petites lampes, munis d’un œil rouge qui donnait sur les voies, ils allaient, conduits par des figures patibulaires, comiquement encapuchonnées, et tirés par des chevaux que des renforts aidaient aux points névralgiques, car si cela allait tout seul en terrain plat, un vigoureux coup de reins suffisant à entraîner le véhicule sur l’acier, gare à la moindre côte ! Il fallait assister les bêtes : aux endroits difficiles, une paire supplémentaire de chevaux attendait, prête à assurer la marche des lourdes voitures.

Un jour que j’arrivais dans la capitale y rejoindre ma famille, mon beau-frère me dit : « Tu sais, les tramways n’ont plus de chevaux ». Un rien ! Je trouvai cela bien bizarre et peu élégant. Il manquait quelque chose. Aujourd’hui, qui donc imaginerait un tramway tiré par des chevaux ?

Le directeur du Collège, M. Lelandais, m’avait accueilli avec douceur. Je ne puis pas dire que je tremblais de tous mes membres. Je m’engageais dans une aventure que d’autres avaient décidée pour moi, sort commun aux potaches.

Le directeur me dicta cette phrase : « Les pommes que j’ai mangées étaient bonnes. » J’écrivis mangé, sans accord. Cela me classait. On m’inscrivit en préparatoire, la plus lointaine des préparatoires, celle que l’on venait de confier à des frères enseignants.

Je doublai cette préparatoire : « Il est si jeune ! » Je n’avais même pas fait ma première communion. La cérémonie où je m’approchai de la Sainte-Table eut lieu à l’église Notre-Dame de Bon-Secours. Une photographie, où j’apparais en redingote et ceint de bleu, perpétue ce souvenir. Mon directeur de conscience, M. Henri Gauthier, et mon parrain de confirmation, Monseigneur Philippe Perrier, sont restés deux profondes affections de ma vie.

Je traversai les éléments. Mais je repris la syntaxe. Toujours cette terrible jeunesse car, à la vérité, j’aurais pu être admis en méthode. J’étais l’élève marginal, pour user d’une expression empruntée à l’économie politique, celui qui passe avec un point d’interrogation. Je n’acceptai pas le point d’interrogation, par crainte obscure de le porter toute ma vie. La syntaxe, c’est la pierre fondamentale ; autant valait consolider la base. Chaque fois que j’ai, plus tard, donné ce conseil à de jeunes enfants, j’ai eu la joie de les voir réussir.

Je fis une assez bonne méthode, sans excès ; en versification, des vers latins avec passion.

En belles-lettres, un concurrent ayant disparu, je l’avoue, je pris la tête de ma classe, et je la gardai. J’étais conquis par les études littéraires, qui sont restées ma prédilection, et par l’évolution des idées.

Je mordais avec entrain à la littérature et à l’histoire et je cherchais, d’instinct, dans l’étude du latin et même du grec, une discipline française. C’était le moment des grands critiques : Brunetière, Faguet, Lemaître, Doumic, qui avaient succédé à Villemain, à Sainte-Beuve et à Taine. Ils nous entraînaient. Les suivions-nous trop, laissant de côté les textes pour leurs commentaires ? N’importe, ils nous initiaient. Ils nous faisaient le don précieux de la curiosité, que nous allions bientôt satisfaire.

Des revues littéraires, comme Les Annales, nous apportaient sur les écrivains du temps des détails qui nous permettaient de les situer, presque de vivre leur vie. Si bien que nous devenions familiers du monde littéraire français. À la faveur des vacances ou des congés, nous nous retrouvions chez Déom, à l’affût des nouveautés, discutant les œuvres, appréciant les hommes. Il entrait bien dans nos jugements beaucoup d’assurance et quelque naïveté, mais nous acquérions l’habitude des livres et nous en discourions en nous enrichissant.

Un événement douloureux marqua ma vie pour toujours : la mort de mon père. On m’avertit un soir qu’il était au plus mal et que l’on m’appelait auprès de lui, à l’hôpital Notre-Dame. Il expira, entouré de notre immense affection, courageux et gentilhomme jusqu’à la fin.

Le service eut lieu à l’église Notre-Dame. Dans le cortège avaient pris place quelques Indiens venus de Lorette. Mon père les avait beaucoup aidés, ayant écrit en leur nom une supplique au Saint-Siège pour obtenir je ne sais plus quel privilège. Il était devenu chef et signait avec orgueil : Ahistari, chef huron. Comme il était grand et souple, fort brun, avec des yeux admirables, il laissait courir la légende de notre filiation huronne à laquelle certaines personnes croient encore, quand notre famille est venue du Poitou sous le nom de Maupetit.

Mon père était mort en mai. Le mois suivant, ma mère assistait à la distribution des prix. Pour la première fois, je la voyais coiffée du long voile des veuves. J’étais profondément ému, et si heureux que mes pauvres succès scolaires lui fussent une faible consolation. Je sortais premier, avec toute espèce de prix, y compris, je crois bien, un accessit en thème grec. Je ne cessais de descendre de l’estrade et d’y remonter à l’appel de mon nom, et les couronnes de feuillage s’accumulaient autour de mon bras gauche. Formé à la sulpicienne, je n’en tirais pas vanité, mais je pensais à mon père, ingénument.

Je fis une bonne rhétorique. J’aimais surtout le discours français comme j’avais aimé, en belles-lettres, la narration. La composition — l’écriture, dirait-on aujourd’hui — m’attirait. Je rêvais de me faire critique littéraire ou orateur, sans penser un instant au pain quotidien. J’imaginais des situations où je haranguais des foules. Dès mes premières années de collège, d’ailleurs, il m’était arrivé de monter sur un banc et d’endoctriner mes condisciples.

L’année terminée, je pris part au concours du baccalauréat. J’ai su depuis que l’abbé Auclair, un des juges, m’eût classé premier en discours. Ce ne fut pas l’avis général. Je l’ai regretté pour mon alma mater que j’aurais aimé remercier, par un succès, des leçons qu’elle m’avait données.

Ma philosophie fut bizarre, et un peu tronquée. Je raffolais de la doctrine. Je satisfaisais ma passion des idées, du mouvement et du jeu des idées. Je les rattachais à ma formation littéraire. C’était le moment où Brunetière, ayant publié son fameux article, Après le procès, prêchait ses raisons de croire. Nos maîtres nous encourageaient à le lire. D’ailleurs, tous ils étaient admirables de compréhension, nous conseillant d’étudier les œuvres contemporaines qui complétaient leur enseignement, les discutant avec nous dans la plus généreuse liberté d’esprit. Vraiment, nous leur devons — comme à nos professeurs de lettres — la plus grande joie de notre vie : la lumière des idées.

J’aimais aussi les sciences : la physique, même la chimie et ses formules et, surtout, les sciences naturelles, les petites sciences comme on les appelait à tort. J’interrogeais les pierres et les minéraux, j’en faisais collection ; je participais à des études géologiques ; je cultivais quelques plantes. J’apprenais ainsi la nature et, sans m’en rendre compte, j’acquérais l’inappréciable discipline de l’observation.

Les mathématiques me rebutaient un peu, non pas l’algèbre, l’arithmétique des ânes me disait-on, ni la géométrie, mais l’arithmétique dont ma timidité sotte m’avait éloigné autrefois. Ce fut le point faible de mon baccalauréat, que j’obtins sans éclat.

J’avais, en février de ma seconde année de philosophie, quitté le Séminaire comme plusieurs camarades qui ne prenaient pas la soutane. Nous étions pour les séminaristes un élément troublant, un sujet de dissipation. Cette vie recluse me pesait d’ailleurs et j’aspirais à la liberté après dix ans d’internat.

Mon directeur l’avait compris. Mais il me dit : « Mon cher Édouard, vous ne ferez rien de bon à moins de devenir agriculteur, de vous installer sur une terre. » Déjà, mon professeur de rhétorique m’avait enfoncé cette flèche que j’ai toujours portée au flanc : « Adieu, cher monsieur, souvenez-vous que tout succès doit être pardonné. » Voilà les deux viatiques que j’emportai du collège. Ils m’ont servi singulièrement si je mis toute mon énergie à les faire mentir.

Les pensionnaires du Collège de Montréal, en ce temps-là, n’avaient pas de vacances, hors la trêve de l’été. Nous profitions seulement, et si nous avions été prudents, des congés de sortie et, le lendemain du Jour de l’an, de toute une journée, une seule : nous partions en hâte le matin, dans la nuit inachevée, les yeux lourds, mais fous de joie à la pensée de cette fugue.

Nous allions aussi en promenade à travers la ville. Un romancier célèbre, venu de France s’imprégner du paysage américain, nous ayant croisés au cours d’une de ces courses, avait noté : « Ils vont, comme des feuilles mortes. » Donnions-nous l’impression d’une poursuite sans fin ou d’une mollesse sans grâce ? Nous ne l’avons jamais su !

Ces promenades, assez longues, sillonnaient Montréal. Elles s’arrêtaient généralement à une église ou à une chapelle où nous entrions dire une prière et prendre un instant de repos. Chemin faisant, nous regardions les aspects de la rue retrouvée et nous nous efforcions de jeter un coup d’œil aux montres des magasins. Nous revenions, amortis, manger le croûton de pain que l’on nous servait dans un large panier d’osier à deux anses, que passaient des élèves sages.

Les vacances venues, je m’élançais vers la campagne pour y retrouver ma famille. Je vécus des mois délicieux et libres dans les environs d’Ottawa, à Deep Cut, à Bellings Bridge, puis à Papineauville et, plus tard, à Morigeau, point géographique rattaché à Saint-François de Montmagny. Je m’emparais de ces royaumes éphémères auxquels je suis resté fidèle.

Je les ai revus depuis, en voyageur solitaire. J’ai essayé de m’y retrouver. Hélas ! les choses disparaissent ou changent et les hommes, et pour une part, nous-mêmes. Dans les décors restés identiques, je ne m’accrochais qu’à quelques traits respectés par le temps : une vieille porte, une dépendance délabrée. Je les regardais longuement, parce que c’était un peu de mon enfance. Et je repartais vers la vie, le cœur troublé.

À Deep Cut et à Bellings Bridge, je prenais possession du Canal Rideau, dès mon arrivée. Je le sillonnais à coups d’aviron, enivré de mouvement. C’est là que j’appris à nager et à me plier, non sans peine, aux disciplines de la pêche que mon père observait rigoureusement.

Les jours coulaient, heureux et semblables dans ce décor enchanté, formant une vie libre où se diluaient les ennuis légers de l’internat. Sous d’éclatants soleils, je parcourais une campagne paisible, suffisamment lointaine pour que la ville ne vînt pas nous y troubler.

Je passai aussi quelques vacances à Papineauville, sur la presqu’île, de l’autre côté de la baie qui borde le village. Mes plaisirs ne variaient guère : toujours le canotage et la pêche. Et la nage aussi où mes audaces emplissaient mes parents de crainte ; mais j’étais très fier de mes exploits. Le quai, où le Souverain s’arrêtait chaque jour, nous fournissait un merveilleux tremplin : nous plongions du quai même, puis des poteaux d’attache qui le dépassaient de cinq ou six pieds. L’eau était haute et grise, traversée par un rayon de soleil qui la dorait. Nous avançions en profondeur, par deux ou trois vigoureuses brassées. Un lit de bran de scie, jaune et lourd, où nous tentions en vain de nous accrocher, recouvrait le fond de la rivière.

C’est là, sur ce tapis inerte, que je découvris un jour la petite croix d’argent d’un porte-bonheur d’améthyste qu’une de mes sœurs avait laissé choir par mégarde et qu’elle regrettait comme un cher souvenir. Je saisis la croix, et je remontai les onze pieds avec ma proie que je remis négligemment à sa propriétaire. Cet événement, tout à fait inattendu, consacra une réputation imméritée. Image de la vie !

Plus tard, ce fut Morigeau. Nouvel enchantement ! De notre maison, j’apercevais la plaine, bordée à l’horizon par la souple frange des Laurentides. Je me grisais d’espace et de soleil. Je suivais les travaux des champs, et je compris pour toujours la patience attentive qu’ils exigent et le respect qu’on leur doit. J’appris aussi, sous la dictée de mon oncle, à prédire le temps : nous avions tout le ciel devant nous et la course des nuages.

Je marchais sur la route jusqu’au village, qui n’était qu’un hameau, un poste comme on disait dans le pays. D’ailleurs assez curieux par la présence de familles catholiques devenues protestantes je ne sais pour quelle raison. Quand j’ai lu la Colline inspirée, j’ai songé au coin de terre où s’était joué un drame analogue.

Les routes ! Elles n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui, mais de terre, poudreuses ou boueuses selon le temps, étroites et sinueuses. Nous les parcourions en voiture à foin ou bien à pied, un bambou sur l’épaule, lorsque nous allions vers la rivière Saint-François que nous traversions à gué.

Combien sont venus nous dire au collège : « Vous vivez le plus beau temps de votre vie. » Nous ne le croyions pas. Sans doute, il y a, plus tard, le rude apprentissage de la liberté et l’enivrement de l’action, mais rien n’efface les heures de paix et de recueillement, ni les joies, ni les ravissements de la première jeunesse.

Ce qui nous reste de cette vie ? Une discipline. Le collège avait le souci constant de la discipline. Nous n’y comprenions pas grand’chose, évidemment ; nous bougonnions sans cesse contre la règle. Mais nous l’absorbions Elle nous pénétrait et elle ne nous a plus quittés. Peu importe que nous n’y obéissions pas toujours ; elle demeurait sans que nous le sachions. C’est la plus féconde présence que le collège nous ait imposée.

Ce qui nous émouvait encore, c’était l’étroite collaboration que nous sentions chez nos maîtres, ceux qui venaient de France, ceux qui étaient du pays. Car, à cette époque, beaucoup d’entre eux étaient Français, et tous devaient faire un séjour en France, à la Solitude. Quelle communion cela faisait dans la culture et l’esprit !

Les temps ont changé, pour plusieurs raisons. « Comme vous êtes peu nombreux », disait-on à un vieux Sulpicien qui rétorquait en souriant : « L’œuvre est trop belle ! » Aujourd’hui, le nombre de ceux qui sont venus de France s’épuise rapidement.

C’est malheureux. Autrefois, l’enseignement, la chaire de vérité, les initiatives sociales, s’enrichissaient du zèle français ajouté au dévouement canadien. Le maître canadien atténuait certaines ardeurs, le maître français donnait certains élans. Cela n’est plus.

Voilà pourquoi nous avons accueilli avec intérêt l’initiative de Stanislas, dominée, orientée, voulue et menée à bien par un ancien du Collège de Montréal, le sénateur Raoul Dandurand. Elle produira des fruits et suscitera des imitations qui seront d’heureuses reprises. Elle a déjà provoqué, ou du moins précipité, l’institution d’une école normale secondaire à laquelle Saint-Sulpice n’est pas étranger et où revivra sans doute l’ancienne formule franco-canadienne.

Respectueux de l’humilité sulpicienne, je n’ai pas nommé mes maîtres. Je les ai confondus dans mon affection. Il vaut mieux ainsi. Ceux qui vivent encore percevront le sentiment qui les remercie profondément. Comment oublierais-je les autres ? J’évoque toujours avec émotion ces artisans de l’esprit, semeurs d’idées, fidèles aux plus hautes disciplines de l’âme et de l’intelligence. Ils dorment parmi nous du sommeil qui consacre la tâche accomplie, et leur souvenir conduit notre main sur l’outil qu’ils nous ont confié et où nous sentons encore la trace de leur fermeté.