Sourires pincés/I/IX
IX
COUP DE THÉÂTRE
Scène I
Où vas-tu ?
(Il a mis sa cravate neuve et craché sur ses souliers à les noyer.) Je vas me promener avec papa.
Je te défends d’y aller, tu m’entends. Sans ça…
(Sa main droite recule comme pour prendre son
élan.)
Compris.
Scène II
(En méditation près de l’horloge.) Qu’est-ce que je veux, moi ? Éviter les calottes. Papa m’en donne moins que maman. J’ai fait le calcul. Tant « pire » pour lui.
Scène III
(Il chérit énormément Poil-de-Carotte, mais ne s’en occupe jamais, toujours courant la pretentaine, pour affaires.) Allons, partons.
Non, mon papa.
Comment, non ? Tu ne veux pas venir ?
Oh si ! mais je peux pas.
Explique-toi. Qu’est-ce qu’il y a ?
Y a rien ; mais je reste.
Ah, oui ! encore une de tes lubies. Quel petit animal tu fais ! On ne sait par quelle oreille te prendre. Tu veux, tu ne veux plus. Reste, mon ami, et pleurniche à ton aise.
Scène IV
(Elle a toujours la précaution d’écouter aux portes, pour mieux entendre.) Pauvre chéri ! (Cajoleuse, elle lui passe la main dans les cheveux, et les tire.) Le voilà tout en larmes, parce que son père (Elle regarde en dessous M. Lepic) voudrait l’emmener malgré lui. Ce n’est pas ta mère qui te tourmenterait avec cette cruauté. (Les Lepic père et mère se tournent le dos).
Scène V
(Au fond d’un placard. Dans sa bouche, deux doigts. Dans son nez, un seul. État d’âme à la M. Paul Bourget.) Tout le monde ne peut pas être orphelin.