Sophocle - Œdipe Roi, trad. Bécart, 1845.djvu/05

Traduction par Antoine-Joseph Bécart.
Société Typographique Belge (p. 18-19).


ARGUMENT GÉNÉRAL
DE L’ŒDIPE-ROI.


Œdipe, fils de Laïus, jadis exposé par l’ordre de ses parents sur le mont Cithéron, avait été sauvé par des bergers et élevé dans le palais de Polybe, roi de Corinthe, qui n’avait points d’enfants. Œdipe abandonne cette ville où il avait été outragé par l’appellation d’étranger et de fils illégitime. Il se rend au temple d’Apollon, pour apprendre de ce Dieu quelle est sa naissance et quels sont ses parents. Dans un chemin étroit, il a une querelle et tue, sans le savoir, son père Laïus qu’il y avait rencontré. Puis, arrivé à Thèbes, il y explique les énigmes du cruel sphinx, est élu roi et souille, sans le savoir, par l’inceste, le lit de sa mère Jocaste. Une peste ravage Thèbes. Créon est envoyé à Delphes pour chercher quelque soulagement à ce fléau. L’oracle divin répond qu’il faut expier sur-le-champ le meurtre impie de Laïus. Dès qu’Œdipe s’en reconnaît coupable, il entre en fureur ; dans son délire affreux, il s’arrache les yeux. Sa mère et sa femme avait péri suspendue à un fatal lien.

Ainsi, en dernière analyse, cette tragédie nous représente les malheurs d’Œdipe, sa cécité volontaire, et la mort de Jocaste. Le sujet en est la reconnaissance d’Œdipe par lui-même, laquelle s’opère autant par le caractère du personnage que par la force de sa destinée. L’action des passions humaines et celle de l’instabilité des grandeurs, du néant de nos trompeuses vertus et des présomptions de notre fausse prudence, l’action en un mot d’une fatalité inévitable, font naître l’intrigue ou le développement du fait culminant, dans ce chef-d’œuvre de la scène grecque et peut-être de toutes les scènes du monde. En dernier résultat,

Le 1er acte expose le sujet ;
Le 2e fait naître l’inquiétude ;
Le 3e l’augmente et la change en trouble ;
Le 4e est terrible ;
Le 5e est tout rempli de larmes.
Le 5e est tout rempli de larmes.

De même que la pièce entière est la représentation d’une action grande et complète, de même il y a une petite action dans chaque acte :

Au 1er la recherche du meurtrier de Laïus est résolue ;
Au 2e Œdipe est accusé ;
Au 3e il est presque convaincu ;
Au 4e il l’est entièrement de ce que l’oracle a prédit ;
Au 5e il est puni.

De ces cinq actions, la première ne demande rien avant elle, ni la dernière rien après ; les autres exigent quelque chose avant et après ; ainsi prises ensemble elles font un tout achevé et cohérent, d’une juste étendue, auquel rien ne manque et qui n’a rien de trop : c’est une tragédie parfaite dans le plan aussi bien que dans l’exécution.




PERSONNAGES

ŒDIPE, roi de Thèbes en Béotie.

LE GRAND PRÈTRE de Jupiter.

CRÉON, prince, frère de Jocaste.

LE CHŒUR, composé des anciens ou notables de la nation thébaine. (Un seul parle au nom de tous.)

TIRÉSIAS, prophète.

JOCASTE, veuve de Laïus, roi de Thèbes et femme d’Œdipe.

UN OFFICIER de la cour d’Œdipe.

UN VIEUX BERGER venu de Corinthe.

PHORBAS, gardien des troupeaux de Laïus.


PERSONNAGES MUETS :

Une troupe d'enfants qui suivent le grand prêtre.

Deux filles d'Œdipe.


Le lieu de la scène est à Thèbes, devant le palais d’Œdipe.

Le théâtre, à la première scène, est rempli de sacrificateurs et de prêtres. L’ouverture de cette scène offre aux yeux une place, un palais, un autel à la porte du palais d’Œdipe, des enfants et des vieillards prosternés ; on aperçoit même tout un peuple, qui paraît au loin environner l’autel d’Apollon et celui des deux temples de Pallas qu’on voyait dans la place publique.