Sonnets et Canzones (Pétrarque)/Sonnet 123

Poésies de Pétrarque
Traduction par le comte F. L. de Gramont (Ferdinand de Gramont).
Paul Masgana, libraire-éditeur (p. 115).

SONNET CXXIII.

MÊME SUJET.

J’ai vu sur la terre des mœurs angéliques et de célestes, beautés uniques en ce monde ; si bien que le souvenir m’en charme et m’en afflige, car tout ce que je vois ne me semble que songes, ombre et fumée.

J’ai vu pleurer ces deux beaux yeux qui ont mille fois excité la jalousie du Soleil, et j’ai entendu au milieu des soupirs résonner des paroles qui feraient marcher les montagnes et s’arrêter les fleuves.

Amour, sagesse, mérite, sensibilité et douleur formaient en pleurant un concert plus doux que nul autre qui se fasse entendre dans le monde,

Et le ciel était si attentif à cette harmonie qu’on ne voyait pas une feuille remuer sur la branche, si grande était la douceur qui avait envahi et les airs et les vents.