Soleils d’Hiver/20
LÉZARDERIES
’écris ces petits vers légers
Sous un pin que le vent caresse
D’une caresse enchanteresse
Où flotte un parfum d’orangers.
Oh ! loin des regards étrangers
Quelle savoureuse paresse…
J’écris ces petits vers légers
Sous un pin que le vent caresse.
Le soleil sur mon papier blanc
Filtre en gouttelettes dorées,
À travers les branches serrées
De l’arbre au balancement lent.
C’est un va-et-vient turbulent…
Un vol de mouches enfiévrées…
Le soleil sur mon papier blanc
Filtre en gouttelettes dorées.
Nous avons déjeuné gaîment
Du seul produit de notre pêche,
Toute grouillante et toute fraîche
Cuite sur un feu de sarment.
Le safran, ce rude piment,
Nous a fait la langue un peu rêche…
Mais baste ! on déjeune gaîment
Quand on déjeune de sa pêche !
Nos matelots pour le dessert
Nous ont dit un Noël candide :
Jésus, l’étoile d’or qui guide
Les Rois Mages dans le désert.
Et ce fut un charmant concert
Grêle et naïf, dans l’air fluide…
Nos matelots pour le dessert
Nous ont dit un Noël candide.
Pendant toute l’après-midi
Ce ne sont plus que flâneries,
Demi-sommeils, traînasseries,
Au hasard du corps engourdi.
Lézards, sur le sol attiédi,
Lézardant nos lézarderies,
Pendant toute l’après-midi
Nous nous plaisons aux flâneries.
De rares propos nonchalants
Vont s’échangeant à l’aventure,
Vantant l’ineffable nature
Et les grands cieux étincelants.
Au diable les sujets brûlants,
Politique ou littérature !
De rares propos nonchalants
Vont s’échangeant à l’aventure.
L’azur nous sourit au travers
De nos paupières demi-closes,
Pointillé de nuages roses
Qui glissent, frêles et divers.
Que nous importent tous les vers,
Ô Seigneur ! et toutes les proses !…
L’azur nous sourit au travers
De nos paupières demi-closes.
Qu’importent tous les rêves fous
Qui s’agitent en ce bas monde,
Pourvu que la terre soit ronde
Et qu’on soit dessus, non dessous !
En vrais païens, enivrons-nous
De ces flots de lumière blonde…
Qu’importent tous les rêves fous
Qui s’agitent en ce bas monde !
Ne comptons ni le temps perdu,
Ni les cigarettes fumées,
Et méprisons les renommées
Qu’achète un labeur trop ardu !
Là-bas, le soleil descendu
Baise les vagues enflammées…
Ne comptons ni le temps perdu,
Ni les cigarettes fumées !
Le sot dira : « C’est végéter !
— C’est vivre bien ! » dira le sage.
Cueillons le bonheur au passage
Quand le hasard veut l’apporter,
Et lézardons sans nous hâter
Devant ce divin paysage…
Le sot dira : « C’est végéter !
— C’est vivre bien ! » dira le sage…
J’écris ces petits vers légers
Sous un pin que le vent caresse
D’un caresse enchanteresse
Où flotte un parfum d’orangers.
Que les zéphyrs, doux messagers,
Lecteur, les porte à ton adresse…
J’écris ces petits vers légers
Sous un pin que le vent caresse !