Société et Solitude/Avant-propos

Traduction par Marie Dugard.
Armand Colin (p. vii-viii).

AVANT-PROPOS


Emerson n’a pas à être présenté au public français. Depuis quelques années, les esprits las des systèmes se sont tournés vers le Penseur américain qui eut à un degré supérieur le sens de la vie. D’abord à demi voilé par le transcendantalisme, ce sens s’est dégagé de plus en plus dans les œuvres qui ont suivi ses premiers Essays, notamment dans la Conduct of life. Mais c’est dans Society and Solitude, publiée dix ans plus tard[1] qu’il se manifeste avec toute la force d’une sagesse parvenue à son plein épanouissement.

« Il me semble », lui écrivait Carlyle, « que l’on retrouve ici toute votre ancienne personnalité, et quelque chose de plus. Une calme intuition perçant jusqu’au cœur des faits, une noble sympathie, un admirable esprit épique, une âme paisiblement équilibrée en ce monde bruyamment discordant dont elle voit la laideur, mais note seulement les vastes opulences nouvelles (encore si anarchiques) ; une âme qui sait exactement ce que valent la télégraphie électrique, avec tous ses dérangements et impertinences vulgaires, et ditto ditto les plus antiques théologies éternelles de l’homme. Tout cela appartient au plus haut ordre de pensée (vous pouvez le croire), et m’a paru, en outre, à bien des égards, la seule voix parfaitement humaine que j’aie entendue depuis longtemps parmi mes semblables. »

Il n’y a rien à ajouter à une telle appréciation. Le lecteur en reconnaîtra la justesse en sentant avec Carlyle l’action vivifiante de l’esprit émersonien.

M. D.
  1. En 1870.