SillagesE. Sansot et Cie (p. 94-95).

GLAS



Gardant la dignité d’un silence hautain,
J’entends sonner d’en haut l’heure de mon destin.

Sa lamentation traverse la lumière,
Elle sonne en pleurant, lente et régulière.

Elle sonne, elle annonce, elle dit : Tu mourras.
Je sens qu’il est des sorts qui ne pardonnent pas,

Des routes sans bonheur et sans espoir suivies,
De si tristes amours et de si tristes vies.


Moi, j’ai vécu les yeux aveuglément ouverts
Dans l’incompréhensible et terrible univers.

J’ai porté la douleur des autres et la mienne,
J’ai revêtu le deuil et chanté l’antienne,

Je fus humiliée à la face des cieux,
J’ai vu m’abandonner ce que j’aimais le mieux,

Et j’ai vu m’échapper l’amour comme la gloire.
Tout s’accomplit enfin… Sonne, ô mon heure noire !

Sonne, dans un ciel gris et dans un vent mauvais,
Et proclame d’en haut que j’ai trouvé la paix.