SI JE PLEURE ?




 
Ô mon pâle rêveur ! me disait une femme.
Toi dont le cœur est mort dans ton sein déchiré,
Et dont l’œil cependant reluit sous tant de flamme,
Sceptique de vingt ans, as-tu jamais pleuré ?

Hélas ! lui répondis-je, aux faiblesses humaines
Je n’ai pu m’arracher encore tout entier ;

La suprême apathie a de vastes domaines
Où ne s’est point encor posé mon pied altier.

Si j’ai pleuré, dis-tu, femme aux lèvres heureuses,
Je suis un homme, hélas ! et j’en porte le nom ;
J’ai versé bien souvent des larmes douloureuses,
— Je pleure chaque fois que j’épluche un oignon.