Si jamais je te pince !…/Acte III

ACTE TROISIÈME.


Un salon octogone disposé pour un bal chez Papavert. — À gauche, une porte. — Dans le pan coupé du même côté, porte conduisant dans d’autres salons. — Au fond, grande porte ouvrant sur une antichambre, décorée et éclairée. — Les entrées du dehors se font par cette porte et viennent de la droite de l’antichambre. — Dans le pan coupé de droite, une grande fenêtre. — Devant la fenêtre, une estrade et un pupitre double pour les musiciens. — À droite, une porte.


Scène PREMIÈRE.

PAPAVERT, puis CORINNE.
Au lever du rideau, on voit des invités se promener dans la pièce du fond.
PAPAVERT, en scène, tirant sa montre.

Dix heures moins sept !… et pas d’orchestre, c’est inimaginable !…

CORINNE, entrant par l’angle de gauche.

Eh bien, monsieur… ces musiciens ?

PAPAVERT.

Je n’y comprends rien !… voilà leur estrade… voilà leurs pupitres… et ils n’arrivent pas !…

CORINNE.

Nos invités se promènent depuis une heure… Est-ce que vous comptez donner un bal sans musique ?

PAPAVERT.

Mais non ! j’ai passé moi-même à huit heures et demie chez mon chef d’orchestre pour lui rappeler… je l’ai trouvé au milieu d’un déménagement… je l’ai aidé.

CORINNE.

Oh ! quand les maris se mêlent de quelque chose…

Elle remonte.
PAPAVERT.

Corinne ! tu es bien cruelle pour moi… Est-ce ma faute ?

CORINNE.

Enfin, que voulez-vous que je fasse de nos invités ? les dames bâillent, les messieurs s’endorment…

PAPAVERT.

Ah ! mon Dieu ! si tu disais à notre nièce Emerantine de leur chanter sa romance d’Amour et Tristesse ?

CORINNE.

Emerantine s’habille… et vous savez qu’elle en a pour longtemps.

PAPAVERT.

Oui, à cause de son épaule… Dis-moi, l’as-tu un peu cotonnée ?

CORINNE.

Mais oui… cela ne vous regarde pas !…

PAPAVERT.

Je crois lui avoir trouvé un prétendu… M. de Saint-Gluten m’a promis de venir.

CORINNE.

M. de Saint-Gluten !… est-il riche ?

PAPAVERT.

Dame ! il a un architecte ! (Tirant sa montre.) Dix heures ! Dis donc, Corinne, si tu leur chantais toi-même Amour et Tristesse ?

CORINNE, haussant les épaules.

Allons donc !…

PAPAVERT.

J’ai envie de louer un orgue !…


Scène II.

Les Mêmes, LUCIEN.
LUCIEN, entrant par la droite ; il est en garçon de café.

Monsieur, me voilà ! Faut-il passer les rafraîchissements ?

PAPAVERT.

Pas encore… on n’a pas chaud… on n’a pas dansé !

CORINNE.

Tenez-vous dans l’antichambre pour annoncer.

LUCIEN.

Bien, madame ! (À Papavert.) Monsieur est-il content de ma tenue ?

PAPAVERT.

Parfait ! parfait !

CORINNE.

Pourquoi des gants noirs ?

LUCIEN.

Madame, c’est moins salissant… Voilà quatre mois que je les porte… Voyez !… (Les mettant sous le nez de Papavert.) Monsieur peut sentir…

CORINNE, le renvoyant.

C’est bien… allez !… (Il remonte dans l’antichambre.) Encore une trouvaille de votre cru !…

LUCIEN, annonçant.

M. et madame d’Apremont.

Un monsieur et une dame traversent l’antichambre de droite à gauche.
CORINNE.

Mon Dieu ! encore du monde !…

PAPAVERT.

Et pas de musique !…


Scène III.

PAPAVERT, CORINNE, LUCIEN, ALEXANDRA,
LES QUATRE CLERCS.
LUCIEN, à Alexandra, qui paraît au fond.

Le nom de Madame ?

ALEXANDRA, l’écartant.

Va te promener !…

LUCIEN, annonçant.

Madame de Va-te-Promener !…

PAPAVERT et CORINNE, se retournant étonnés.

Comment ?…

ALEXANDRA, descendant résolument. — À elle-même.

Ça y est !… j’y suis !… et rien de cassé !… Ah ! tu m’enfermes !

LUCIEN, aux clercs qui paraissent au fond.

Qui faut-il annoncer ?…

PREMIER CLERC.

Des navets !…

LUCIEN, annonçant.

Messieurs des Navets !…

CORINNE et PAPAVERT.

Qu’est-ce que c’est que ça ?…

Les clercs viennent se ranger derrière Alexandra.


ENSEMBLE.
AIR : À table ! (Rat de ville.)
ALEXANDRA et LES CLERCS.

Nous voici, par miracle,
Dans ce bal parvenus !
Il n’est jamais d’obstacle
Pour les cœurs résolus !

PAPAVERT et CORINNE.

Chez nous, par quel miracle
Tous ces nouveaux venus ?
Quelle est cette débâcle
D’invités inconnus ?

PAPAVERT, bas à sa femme.

Les connais-tu ?

CORINNE.

Nullement !

PAPAVERT.

Moi non plus !… (Saluant les clercs et Alexandra.) Messieurs… Madame…

ALEXANDRA.

Bonjour, monsieur Papavert.

LES CLERCS.

Bonjour, monsieur Papavert.

PAPAVERT, à part.

Ils savent mon nom ! (À part.) Oserai-je vous demander… ?

ALEXANDRA.

Ah çà ! la musique n’est donc pas arrivée ?

PAPAVERT.

Nous l’attendons… Mais…

PREMIER CLERC.

Monsieur, un bal sans musique, c’est comme une dinde truffée…

DEUXIÈME CLERC.

Sans truffes !…

TROISIÈME CLERC.

Et sans dinde !

Tous rient.
PAPAVERT, riant par complaisance.

Oui… (À part.) Qu’est-ce qu’ils me chantent ? (À Alexandra.) Oserai-je vous demander… ?

ALEXANDRA.

Quoi ?

PAPAVERT.

Votre figure ne m’est pas tout à fait inconnue… Mais… à qui ai-je l’honneur de parler ?…

ALEXANDRA, à part.

Diable ! est-ce qu’il voudrait nous camper à la porte ?

DEUXIÈME CLERC, aux autres.

Nous ne tenons plus qu’à un fil !

PAPAVERT.

Pardonnez-moi si…

ALEXANDRA, haut.

Je vous présente ces messieurs… des parents… des amis…

PAPAVERT, saluant les clercs.

Messieurs, je suis très honoré… mais… je n’ai pas le plaisir de…

PREMIER CLERC.

Permettez-moi de vous présenter Madame.

CORINNE, à part.

Ils se moquent de nous !

PAPAVERT, à Alexandra.

Madame, je suis très honoré, mais tout ça ne me dit pas…

ALEXANDRA.

Monsieur, votre petite fête est charmante… Et Madame ?…

PAPAVERT.

Elle va très bien !… mais…

ALEXANDRA.

Et M. votre fils ?

PAPAVERT.

Je n’en ai pas.

ALEXANDRA.

Enchantée ! enchantée !…

Elle remonte.
LES CLERCS.

Enchantés ! enchantés !…

PAPAVERT, à part.

Mais qu’est-ce que c’est que ces gens-là ?…


Scène IV.

Les Mêmes, SAINT-GLUTEN.
LUCIEN, annonçant.

M. le comte de Saint-Gluten !

Corinne et Papavert remontant vivement de droite.
ALEXANDRA, à part.

Lui ?… il va nous présenter !

Elle passe vivement à gauche, suivie des clercs.
SAINT-GLUTEN, saluant.

Mesdames !… (Apercevant Alexandra.) Elle !… (À Alexandra.) Ah ! que je suis heureux !… J’étais si loin de m’attendre…

ALEXANDRA, bas.

Dites donc, présentez-nous, et chaudement !…

PAPAVERT, à Saint-Gluten.

Vous connaissez cette dame ?…

SAINT-GLUTEN, prenant Alexandra par la main et la présentant.

Mais sans doute… c’est… c’est ma sœur !

PAPAVERT et CORINNE.

Sa sœur !…

SAINT-GLUTEN.

Qui arrive de voyage… de très loin… de Valparaiso.

ALEXANDRA, à part, allant à droite.

Très adroit ! il a le fil !…

CORINNE, à Alexandra.

Oh ! que d’excuses !…

PAPAVERT.

Cette chère madame de Va-te-Promener !

ALEXANDRA et SAINT-GLUTEN, étonnés.

Hein ?

Saint-Gluten remonte.
CORINNE, avec empressement.

Vous n’avez pas froid ?

PAPAVERT, de même.

Vous n’avez pas chaud ?

ALEXANDRA.

Oh ! merci !… (À part.) Ils sont très gentils !…

PAPAVERT, indiquant les clercs.

Et ces messieurs ?…

ALEXANDRA.

Sont mes cousins !… Vous voyez, je suis venue en famille…

PAPAVERT.

Et vous avez bien fait. (Aux clercs, en leur distribuant des poignées de main.) Messieurs des Navets…

PREMIER CLERC.

Si nous sommes indiscrets… dites-le !…

PAPAVERT, les retenant.

Par exemple !… soyez les bienvenus !

ALEXANDRA, à part.

Nous nous casons ! nous nous casons !

CORINNE, à Alexandra et à quelques dames groupées au fond.

Mesdames, messieurs… voulez-vous que nous passions dans le salon gris pâle ?

Elle remonte avec Alexandra.
PAPAVERT, à Saint-Gluten.

Je vous présenterai à ma nièce.

SAINT-GLUTEN, vexé.

Oui !… après souper !…

PAPAVERT.

Non ! avant… (À part.) Comme il n’y en a pas…

Il s’approche des clercs.
SAINT-GLUTEN, offrant son bras à Alexandra.

Chère petite sœur !… (Bas, avec passion.) Oh ! j’ai des projets d’amour à vous communiquer.

ALEXANDRA.

Plus tard ! j’attends la musique !

Pendant le chœur, Saint-Gluten donne le bras à Alexandra, les clercs les suivent, Papavert et Corinne les accompagnent :


CHŒUR.
AIR : Au théâtre on vous attend.
ALEXANDRA, SAINT-GLUTEN, LES CLERCS.

Entre nous, vraiment ce bal
Promet d’être original !
Au salon, par politesse,
Suivons-le tant qu’il voudra ;
Mais, pour danser, je le laisse
Quand la musique viendra !
Entre nous, vraiment ce bal
Promet d’être original !

PAPAVERT et CORINNE.

En attendant que du bal
On nous donne le signal,
Emerantine, ma nièce,
Au salon, vous chantera
Son air : Amour et Tristesse !
Cela vous amusera ;
En attendant que du bal
On nous donne le signal.

On passe dans le salon du fond par la porte du pan coupé.

Scène V.

FARIBOL, LÉOPARDIN, puis CORINNE.
Ils arrivent par la droite ; l’un porte sa boîte à violon, l’autre sa flûte.
FARIBOL, entrant le premier, à la cantonade.

Arrive donc !… Quelle mâchoire que cette flûte ! il s’arrête chez tous les pharmaciens !

LÉOPARDIN, entrant avec sa flûte et une botte de chiendent.

J’ai pris une petite botte de chiendent et de la guimauve… parce qu’en rentrant… Quelle crème, mon Dieu !…

CORINNE, rentrant.

Enfin ! vous voilà, monsieur le chef d’orchestre ! vous êtes en retard !… très en retard !

FARIBOL.

Au moment de partir… un petit incident…

CORINNE.

Vite ! mes danseurs s’impatientent… (Montrant l’estrade.) Placez-vous là… tâchez de nous faire une musique… qui inspire des idées de mariage.

FARIBOL.

À vous, madame ?

CORINNE.

Non ; au frère de madame de Va-te-Promener.

Elle entre dans le salon de gauche.

Scène VI.

FARIBOL, LÉOPARDIN.
FARIBOL, étonné.

Madame de Va-te-Promener ?…

LÉOPARDIN.

Ce doit être une Hollandaise.

Il monte sa flûte.
FARIBOL, prenant son violon.

Plût à Dieu qu’Alexandra le fût !… mais elle est Corse !…

LÉOPARDIN.

Corse ! Alors, patron, je ne voudrais pas vous faire de peine… mais vous êtes toisé !…

FARIBOL.

Moi ?… oh ! je suis bien tranquille !… pour ce soir du moins… J’ai la clef dans ma poche !… (Riant.) Doit-elle rager !…

LÉOPARDIN, à part.

Pauvre homme !… s’il savait que sa femme est enfermée avec quatre clercs !… Décidément, je vais lui dire !… (Haut.) Patron !…

FARIBOL.

Quoi ?

LÉOPARDIN.

Non, rien !… (À part.) Ca l’empêcherait peut-être de jouer du violon !…

FARIBOL.

Nous allons prendre l’accord… Y êtes-vous ?

LÉOPARDIN.

Allez !…

FARIBOL, donnant un la sur son violon.

Voici mon la.

LÉOPARDIN, il donne une note toute différente.

Voici le mien !

FARIBOL.

Mais ce n’est pas un la que vous me faites là !…

LÉOPARDIN.

C’est le mien… en mineur… c’est un la mineur.

FARIBOL.

Et moi, je suis en majeur… Attention. (Il donne le la aux trois octaves. Léopardin donne le la des deux premières octaves et pas celui de la troisième. Il secoue sa flûte et la met sous son bras.) Eh bien… allez donc !…

LÉOPARDIN.

Non !… c’est la note qui m’est défendue par mon médecin.

FARIBOL.

Comment ?

LÉOPARDIN.

À cause de ma gastrite.

FARIBOL.

Eh bien, ça va être gentil !… Voilà un bal qui va être gentil !…

LÉOPARDIN.

La santé avant tout !…

FARIBOL.

Ah ! mais un instant !… ça change les conditions !… Je vous donne sept francs, parce qu’il y a sept notes, mais du moment que vous n’en jouez que six… vous n’aurez que six francs.

LÉOPARDIN.
C’est rat… mais c’est juste.

Scène VII.

FARIBOL, LÉOPARDIN, PAPAVERT,
puis CORINNE, puis Invités,
puis ALEXANDRA et SAINT-GLUTEN.
PAPAVERT, entrant.

Mais allez donc, l’orchestre !… il y a deux heures qu’on vous attend pour polker.

FARIBOL.

Tout de suite ! tout de suite !…

Il monte sur l’estrade et place la musique.
LÉOPARDIN, reconnaissant Papavert.

Tiens ! mon médecin !… (À Papavert.) Docteur, ça ne va pas mieux !… j’ai des réminiscences à l’estragon !…

Il tire une langue énorme.
PAPAVERT.

Allez au diable ! Mes consultations sont de midi à quatre heures.

FARIBOL.

Allons, la flûte !

LÉOPARDIN, montant sur l’estrade.

Voilà ! voilà !…

FARIBOL.

Attention !…

Ils sont tous deux sur l’estrade, ils attaquent une polka. Léopardin passe de temps en temps les notes aiguës.
PAPAVERT, joyeux.

Enfin ! voilà mon bal lancé !

Corinne entre en polkant avec un invité. Elle est suivie d’invités qui garnissent le salon en polkant, puis enfin Alexandra polkant au bras de Saint-Gluten.
FARIBOL, la reconnaissant et jetant un cri.

Hein ! elle !…

PAPAVERT, sursautant.

Qu’est-ce que c’est ?

SAINT-GLUTEN.

Le mari !…

ALEXANDRA, avec force.

Allez, la musique !…

FARIBOL, sautant au bas de l’estrade.

Avec lui !…

PAPAVERT.

Mais que faites-vous donc ?…

FARIBOL.

Oui !… oui !… (Alexandra et Saint-Gluten passent dans un autre salon en polkant. Faribol les suit en jouant machinalement du violon ; des groupes, en passant, l’empêchent d’atteindre Alexandra et Saint-Gluten. Les suivant.) Monsieur !… madame !… monsieur !…

Il disparaît par la porte de l’angle gauche en les poursuivant.
LÉOPARDIN.

Eh bien ! où va-t-il donc ?

Il suit son chef d’orchestre en jouant de la flûte. Papavert le rattrape, au seuil de la porte, par la basque de son habit et le ramène.

Scène VIII.

PAPAVERT, LÉOPARDIN.
PAPAVERT, le ramenant.

Mon orchestre qui déménage !… j’en tiens un morceau !…

LÉOPARDIN.

Je suis mon chef !

PAPAVERT.

Restez là, monsieur… et flûtez ! flûtez !… On vous paye pour ça !…

LÉOPARDIN.

Docteur, une rapide consultation.

Il tire la langue.
PAPAVERT.

Je n’ai pas le temps !

LÉOPARDIN.

Votre régime ne me réussit pas.

PAPAVERT, à lui-même.

Voilà un joli bal !

LÉOPARDIN.

Et pourtant, je ne me permets pas la plus petite distraction… je bois du lait… je mange de la crème au chocolat… je fuis l’amour…

PAPAVERT, impatienté.

Eh ! changez de régime ! buvez du punch ! et aimez tant qu’il vous plaira !…

LÉOPARDIN, radieux.

Ah bah !… aimer !… Je, puis aimer ?…

PAPAVERT.

Et jouez-nous quelque chose !

LÉOPARDIN, regardant par la porte du salon.

Oh ! les femmes !… les femmes !… Pristi !… quelles épaules !…

Il envoie des baisers.
PAPAVERT, le repoussant.

Mais ce sont les épaules de ma femme !… Flûtez donc, monsieur !… (Remontant.) Où est le violon, maintenant ? ne bougez pas !…

Il disparaît sur les traces de Faribol.

Scène IX.

LÉOPARDIN, puis FARIBOL, ALEXANDRA
et SAINT-GLUTEN.
LÉOPARDIN, seul.

Je puis aimer ! il me met aux spiritueux !… (S’exaltant.) Saperlicoquette ! si j’avais su ça à huit heures trois quarts, quand la bourgeoise !… Elle est belle… la bourgeoise !… Elle est spiritueuse… la bourgeoise !… La voici !… je m’embrase !…

Un groupe de polkeurs passe dans l’antichambre. Saint-Gluten entre en polkant avec Alexandra, Faribol les poursuit en jouant du violon.
FARIBOL, les séparant.

Corbleu ! madame !… que faites-vous ici ?

ALEXANDRA.

J’danse la polka avec mes p’tits amis !

FARIBOL.

Il ne s’agit pas de framboiser.

SAINT-GLUTEN.

Monsieur, je vous invite à être poli.

FARIBOL.

Je ne vous parle pas ! (À Alexandra.) Par où êtes-vous sortie ?… car j’ai la clef !… Par où ?…

ALEXANDRA.

Par la cheminée.

LÉOPARDIN, poétiquement.

Comme les hirondelles !…

FARIBOL, plaçant une chaise sur son estrade. — À Alexandra.

Vous allez vous asseoir là… près de moi… et je vous défends d’en bouger !… Avez-vous votre ouvrage ?…

ALEXANDRA.

Mon ouvrage !… Est-ce que vous croyez que je suis venue au bal pour ourler des mouchoirs ?

SAINT-GLUTEN, riant.

Ah ! la plaisanterie est bonne !

FARIBOL.

Je ne vous parle pas !

SAINT-GLUTEN.

Permettez… permettez… Madame a bien voulu m’accorder la deuxième polka…

ALEXANDRA.

Et la troisième, et la quatrième.

SAINT-GLUTEN.

Et la cinquième, et la sixième.

LÉOPARDIN.

Je m’inscris pour les autres.

FARIBOL.

Prenez garde ! je vais faire un éclat !

SAINT-GLUTEN.

Pas de menaces, monsieur.

ALEXANDRA.

Oh ! vous ne me faites pas peur !… J’ai des amis ici ! Je polkerai ! je valserai ! je mazurkerai ! à votre nez, à votre barbe !

LÉOPARDIN, à part.

Énergique ! énergique comme Mirabeau !

ALEXANDRA.

Et c’est vous qui me ferez sauter… avec votre imbécile de violon !… Allez, la musique !

SAINT-GLUTEN.

Allez, la musique !

LÉOPARDIN, à part.

Est-elle spiritueuse !…


Scène X.

FARIBOL, ALEXANDRA, LÉOPARDIN,
SAINT-GLUTEN, PAPAVERT, CORINNE,
LES QUATRE CLERCS, Invités.
TOUT LE MONDE, entrant par le fond et par le salon.

Eh bien, l’orchestre !… la musique !

FARIBOL.

Ah ! c’est comme ça !… Eh bien, je ne jouerai pas du violon ! Je ne veux pas que Madame danse !… elle ne dansera pas !

TOUS.

Hein ?

ALEXANDRA.

Dans quel cabanon a-t-on pêché ce chef d’orchestre ?

SAINT-GLUTEN.

Il est ivre !…

TOUS.

Pouah !

CORINNE, à son mari.

Payez-le, et qu’il s’en aille.

PAPAVERT.

Oui ; voilà vos vingt-cinq francs… et fichez-nous le camp !…

Il remonte.
TOUS.

À la porte ! à la porte !…

FARIBOL.

Très bien !… j’emmène Madame.

LES QUATRE CLERCS, l’arrêtant et le retenant.

Ne touchez pas !…

LÉOPARDIN, à part.

Tiens ! je les reconnais ! elle a amené sa petite bande !

ALEXANDRA.

M’emmener ? et de quel droit ?

FARIBOL.

De quel droit ? (Se plaçant au milieu.) D’un mot, je vais la foudroyer ! (À tout le monde.) Messieurs… cette dame est ma femme !

TOUS.

Sa femme !

PAPAVERT.

Madame de Va-te-Promener ?…

SAINT-GLUTEN.

Ma sœur ?

ALEXANDRA.

Allons donc ! je ne connais pas ce musicâtre !…

TOUS.

Ah !…

FARIBOL, stupéfait.

Oh !!!

LÉOPARDIN, riant.

Oh !!!

FARIBOL.

C’est trop fort !… j’en appelle à la flûte… Parle, Léopardin…

Il le fait passer au milieu.
LÉOPARDIN.

Moi ?… dame !… pour rendre hommage à la vérité… je n’en sais rien !…

Il remonte.
FARIBOL.

C’est une conspiration !… (Prenant la main d’Alexandra.) Suivez-moi, madame !…

ALEXANDRA, se dégageant et se réfugiant au milieu des clercs.

N’approchez pas ! je me mets sous la protection du notariat français !

LES QUATRE CLERCS, rugissant.

Cristi !… à la porte !… à la porte !…

TOUS.

À la porte ! à la porte !


CHŒUR.
AIR : C’est épouvantable !

À la porte !… à la porte !
Ah ! c’est un furieux !
Eh ! vite qu’on l’emporte
C’est un fou dangereux !


Les quatre clercs enlèvent Faribol qui se débat, et le transportent dehors, pendant que Léopardin, sur son estrade, joue de la flûte avec acharnement.

Scène XI.

ALEXANDRA, LÉOPARDIN,
puis LES QUATRE CLERCS, puis PAPAVERT.
ALEXANDRA, à part.

Ah ! tu m’enfermes ! ah ! tu m’empêches de danser !…

LÉOPARDIN, à part.

Elle est seule ! j’ai envie de me déclarer !… (À Alexandra, avec passion.) Madame !… les instants sont précieux !… Permettez à une humble flûte…

ALEXANDRA.

Quoi ?

LÉOPARDIN.

J’ai changé de régime, je suis aux spiritueux maintenant…

ALEXANDRA, sans comprendre.

Eh bien ?…

LÉOPARDIN.

Mon médecin m’a ordonné le punch… et le sentiment !… J’attends le punch… Quant au sentiment… (Tendrement.) Il est arrivé !…

ALEXANDRA, riant.

Ah bah !…

LÉOPARDIN, à part.

Elle rit !… (Haut.) Madame… une petite promenade… (Avec passion.) en voiture !… en voiture !… (On entend rire les clercs. — À part.) C’est embêtant !… elle allait se rendre.

Les clercs entrent en riant, par le fond.
ALEXANDRA.

Eh bien, qu’est-ce que vous en avez fait ?

PREMIER CLERC.

Nous en voilà débarrassés !… Comme il était très lourd, nous l’avons lancé dans l’omnibus de Chaillot.

DEUXIÈME CLERC.

Nous avions d’abord songé au pont des Arts.

PREMIER CLERC.

Mais cela nous eût menés trop loin…

LÉOPARDIN.

Le pont des Arts !…

ALEXANDRA.

Ils vont bien, les petits !

PAPAVERT, entrant par la gauche.

Allons donc, la flûte !… Nous n’avons plus que vous pour danser !…

LES CLERCS, entourant tous Alexandra.

On va danser !… Madame… une polka !… une polka !…

ALEXANDRA.

Un instant ! procédons avec ordre… (Appelant.) Numéro 1 !…

UN CLERC, avec une grosse voix.

Présent !

ALEXANDRA.

Superbe organe !

PAPAVERT.

Allons donc, la flûte !

LÉOPARDIN.

Je vais vous flûter ma Léopardine !… (À part.) Puis, après, tout au punch et au sentiment !

Il joue. Ils sortent tous en dansant, par la porte des salons.

PAPAVERT, les suivant.

Ils ont l’air très gais, ses cousins !… et ils ne la quittent pas ! C’est une famille bien unie !…

Il sort en dansant.

Scène XII.

FARIBOL, puis LUCIEN, puis LÉOPARDIN.
FARIBOL, entre par la droite, avec un plateau. Il est en garçon limonadier et porte un énorme toupet blond et des favoris semblables à ceux de Lucien.

C’est moi… Me voilà revenu. J’ai sauté à bas de l’omnibus… ça m’a coûté six sous… Ah ! les gueux !… mais soyons sournois… on me reficherait à la porte !… Ah ! il va se passer des choses dramatiques !… Le commissaire de police est en bas avec deux gendarmes !… Quant à ma femme, je viens de lui faire parvenir un petit billet… je lui donne cinq minutes pour capituler… les cinq minutes sont expirées… (Apercevant Lucien qui entre du fond avec un plateau.) Ah ! Lucien !… (L’appelant.) Pst ! pst !

LUCIEN, à part, étonné.

Un autre garçon ! Qu’est-ce que c’est que celui-là ?…

FARIBOL.

Va dire à madame Fari… (se reprenant.) à madame de Va-te-Promener que… les cinq minutes…

LUCIEN.

Dis donc, si tu voulais bien faire tes commissions toi-même, méchant limonadier !…

FARIBOL.

Hein ? (À part.) Ah ! oui !… il me prend pour… (Haut.) Tiens… voilà cinq francs !…

LUCIEN, à part.

Cinq francs ! Serait-ce M. Tortoni lui-même ?…

LÉOPARDIN, entrant par la première porte de gauche ; il est aussi en garçon limonadier, même coiffure et mêmes favoris que les autres. — Il tient aussi un plateau. — À part.

J’ai lâché ma flûte, pour papillonner autour de la bourgeoise.

LUCIEN, voyant Léopardin.

Encore un !…

LÉOPARDIN, à Faribol.

Garçon ! je suis le vicomte de Léopardin, caché sous les habits d’un folâtre garçon… Tiens, voilà cent sous.

FARIBOL.

Bon ! je rentre dans mon argent.

LÉOPARDIN.

Il y a, dans le bal, une dame du monde qui a un petit papillon pour moi ; je lui propose une promenade au bois de Boulogne, autour des lacs, tu vas lui porter ce message.

FARIBOL, lisant.

Hein ! madame Faribol !…

Il lui donne un coup de pied.
LÉOPARDIN.

Oye !… finis donc ! Est-il bête !


Scène XIII.

FARIBOL, LÉOPARDIN, LUCIEN,
puis PAPAVERT.
PAPAVERT, entrant.

Où est passée la flûte, à présent ?… Vous n’avez pas vu la flûte ?

LÉOPARDIN.

Elle nous quitte à l’instant !… Elle vient d’entrer là !…

Il indique la droite.
LES DEUX AUTRES GARÇONS.

Oui, là !… oui, là !…

Chacun indique un côté différent.
PAPAVERT, très ébahi.

Ah çà ! mais voilà bien des garçons !… Je n’en ai arrêté qu’un !…

FARIBOL.

C’est Lucien… un camarade… Il m’a prié de l’aider…

LÉOPARDIN.

Moi aussi… de passer les rafraîchissements.

PAPAVERT.

Eh bien, alors… passez-les !… Vous êtes là… plantés sur vos jambes…

FARIBOL.

Oui… c’est que j’attends quelqu’un…

LÉOPARDIN.

Moi aussi…

FARIBOL, et les autres.

Allez-vous-en !… allez-vous-en !…

PAPAVERT.

Comment, que je m’en aille !… (Les poussant.) Voulez-vous circuler avec vos plateaux !…

LES TROIS GARÇONS.

Voilà ! voilà !…

FARIBOL, sortant par le fond, et criant.

Orgeat ! limonade ! glaces !…

LÉOPARDIN, sortant par le pan coupé, et criant.

Régalez vos dames !…

LUCIEN, sortant à droite, et criant.

Grog, absinthe, vermouth !…

Ils reprennent ensemble leurs cris, et ils disparaissent.

PAPAVERT.

Est-ce qu’ils vont beugler comme ça dans mes salons ?… (Courant après eux.) Taisez-vous donc !… taisez-vous donc !

Il sort, au moment où Alexandra entre, par le premier plan de gauche.

Scène XIV.

ALEXANDRA, puis SAINT-GLUTEN.
ALEXANDRA, entre furieuse ; elle tient le billet de Faribol.

Ah ! j’étouffe ! je suffoque !… j’ai envie de mordre !… M’envoyer une sommation ! me menacer des gendarmes !… Le brigand ! au lieu de me prendre par la douceur, il me prend par la gendarmerie… mais je ne l’attendrai pas !… je partirai !… je pars ! Où est le petit ?… où est la flûte ?… où est mon étude ?… n’importe qui… J’hésitais… je n’hésite plus !… je franchis l’isthme de Suez !… Mais où est donc le petit ?… (L’apercevant en train de causer à la porte du pan coupé.) Ah ! le voilà !

Elle court à lui, le prend par le bras, et l’amène en scène.

SAINT-GLUTEN.

Madame !…

ALEXANDRA.

Monsieur, êtes-vous un homme ?…

SAINT-GLUTEN, gaiement.

Mais…

ALEXANDRA.

Alors enlevez-moi et chaudement !

SAINT-GLUTEN, étonné et joyeux.

Vous enlever !… où ça ?…

ALEXANDRA.

À Bastia… à Saint-Germain… à Asnières !… où vous voudrez !… Vite !… mon manteau ! un fiacre !

SAINT-GLUTEN.

Oh ! tout de suite ! tout de suite !


Scène XV.

ALEXANDRA, puis LÉOPARDIN et SAINT-GLUTEN.
LÉOPARDIN, venant du fond, toujours en garçon, mais sans plateau.

Elle est seule !… elle doit avoir reçu mon billet !… (S’approchant d’elle avec passion.) Madame !… le fiacre est à la porte !…

ALEXANDRA, sans le reconnaître.

C’est bien, garçon !

LÉOPARDIN, à part.

Ô bonheur ! elle accepte !

SAINT-GLUTEN, rentrant et apportant le manteau.

Voilà votre manteau…

ALEXANDRA.

Vite, partons !…

SAINT-GLUTEN.

Mais tout est perdu !… les deux portes sont gardées par les gendarmes !…

LÉOPARDIN, refroidi.

Les gendarmes ? Il vaudrait peut-être mieux renoncer à cette petite promenade…

ALEXANDRA.

Y renoncer ?… jamais !… Où est mon étude ? nous saurons bien nous frayer un passage.

LÉOPARDIN, effrayé.

Sapristi !…

SAINT-GLUTEN.

Non… j’ai un moyen… nous sommes à l’entresol… et, en faisant avancer la voiture sous le balcon, si vous ne craignez pas…

ALEXANDRA.

Par la fenêtre ? ça me va ! j’en ai l’habitude… Marchons !…

SAINT-GLUTEN.

Marchons !…

LÉOPARDIN.

Marchons ! (À part.) Je regrette ma gastrite.


Scène XVI.

Les Mêmes, FARIBOL, puis PAPAVERT, CORINNE,
LES CLERCS, les Invités.
Tous trois s’élancent vers la fenêtre ; ils l’ouvrent, et reculent en voyant Faribol planté sur le balcon, son plateau à la main, en costume de garçon.
FARIBOL.

Orgeat, limonade, glaces !

SAINT-GLUTEN.

Le mari !

ALEXANDRA.

Faribol !

LÉOPARDIN.

Je suis pincé !

Papavert et Corinne entrent, suivis des clercs et des invités.
TOUS.

Qu’est-ce que c’est ?… qu’y a-t-il ?

PAPAVERT, à Faribol.

Que fais-tu là, sur cette fenêtre ?

FARIBOL, toujours sur la fenêtre.

Je raconte une anecdote… M. Tortoni nous paye pour raconter des petites anecdotes dans les soirées qui languissent… c’est très comme il faut !…

CORINNE.

Ah ! par exemple ! écouter un garçon limonadier !

TOUS.

Oh !…

ALEXANDRA.

Pourquoi pas ? puisqu’on ne danse pas, ça nous amusera.

TOUS.

Oui, oui… ça nous amusera !

PAPAVERT.

Allons, parle… (À part.) Quelle drôle de soirée !

FARIBOL, arrivant en scène ; il donne son plateau à Léopardin.

C’est un conte des Mille et une Nuits… arrivé à une sultane dont le mari tenait un café à l’enseigne du Homard repentant… à Bagdad…

ALEXANDRA.

Continuez, garçon !

FARIBOL.

Ce mari… un nommé Faribol-al-Raschild… était un assez vilain coco… un pas-grand-chose… qui ne craignit pas de tromper sa femme…

ALEXANDRA.

Pour une drôlesse…

FARIBOL.

De Bagdad !…

CORINNE.

Oh ! c’est affreux !

LÉOPARDIN.

C’est ignoble !

TOUS.

C’est abominable !

FARIBOL.

C’est un gueux !… Je demande qu’on le fasse asseoir sur quelque chose de pointu !

PAPAVERT, à part.

Dire que c’est là une soirée dansante !

FARIBOL.

Mais il en fut bien puni !… Sa femme… la sultane… qui était corse… de Bagdad… résolut de se venger !… Elle jeta les yeux sur un jeune calife…

LÉOPARDIN, à part.

Il m’a regardé, je suis le calife !

ALEXANDRA.

Continuez, garçon !

FARIBOL.

On convient d’un enlèvement… par la fenêtre… le palanquin était à la porte… la dame déjà son manteau sur les épaules et un pied sur le balcon…

LÉOPARDIN, à part.

Ca finira par du sang !…

PAPAVERT.

Enfin, est-elle partie, votre sultane ?

FARIBOL, regardant Alexandra.

Mais…

ALEXANDRA, avec force.

Eh bien, oui !…

TOUS.

Hein ?…

ALEXANDRA.

Elle sauta par la fenêtre malgré son mari, malgré les gendarmes, malgré tout !

LES FEMMES.

Elle fit bien !

FARIBOL.

Oui !… mais sous le balcon… se tenait l’infortuné Faribol-al-Raschild, un verre de limonade à la main (prenant un verre sur le plateau de Léopardin) comme ceci… il dit à la sultane : « Étoile du matin ! si tu files… tu ne me retrouveras pas vivant ! »

TOUS.

Hein ?

FARIBOL.

Et il tira lentement de sa poche un petit papier… (Il l’en tire) il le déplia… et versa dans la limonade une petite poudre blanche…

Il la verse.
ALEXANDRA.

Ah ! mon Dieu !…

FARIBOL, tournant la poudre dans le verre d’eau.

Et il tourna… tourna… puis, il but… et, cinq minutes après, le docteur Ben Papavert balayait ses cendres, qui gênaient les dames pour polker.

Il porte le verre à ses lèvres.
ALEXANDRA, jetant un grand cri.

Non ! arrête !… je te pardonne !…

TOUS.

Hein !…

FARIBOL, l’embrassant.

Alexandra !…

ALEXANDRA, de même.

Faribol !…

PAPAVERT, voulant les séparer.

Qu’est-ce que vous faites donc ? un garçon de café !…

FARIBOL.

Non ! c’est ma femme !… j’ai retrouvé ma femme.

PAPAVERT.

Madame de Va-te-Promener !… (Faribol ôte sa perruque ; même jeu de Léopardin. — Stupéfait.) Mon chef d’orchestre !… la flûte !… quel drôle de bal !…

ALEXANDRA.

Monsieur Papavert, je vous demande la main de votre nièce pour M. de Saint-Gluten.

SAINT-GLUTEN.

Permettez…

PAPAVERT.

Je vous l’accorde…

SAINT-GLUTEN, à part.

La bossue ?… Dans une heure je serai à Madagascar !…

LÉOPARDIN, à Faribol.

Patron, votre histoire m’a donné des idées de mariage… Oui, c’en est fait, je me marie !

FARIBOL.

Jeune homme, vous allez vous marier… Écoutez les conseils d’un homard repentant… (À tout le monde.) Ne trompez jamais votre femme !

Il baise la main d’Alexandra.
TOUS.

Ah ! c’est bien ! c’est bien !

FARIBOL, bas à Léopardin.

Ou ce qui revient absolument au même : Ne vous laissez jamais pincer !

Il reprend le verre sur le plateau et le boit.
LÉOPARDIN.

J’aime mieux ça ! (Apercevant Faribol qui boit, et avec un cri d’effroi.) Malheureux !… la poudre blanche !…

FARIBOL, bas.

Ne dis rien… c’était du sucre râpé !


CHŒUR.
AIR du Cosaque du Don.

Indulgence et bonté,
Amour, fidélité,
D’un bonheur très parfait
Voilà tout le secret.

FARIBOL et ALEXANDRA, au public.
AIR de la Moisson (Masini).

Avant d’entrer en ménage,
Écoutez du mariage
La morale douce et sage,
Qui promet
Bonheur parfait :
Indulgence et bonté,
Surtout fidélité !
Oui, voilà du mariage
La morale douce et sage ;
Elle promet en ménage
La félicité.

ALEXANDRA.
Maris, trahir sa femme…
FARIBOL.
Femmes, trahir vos maris…
ALEXANDRA.
C’est une chose infâme !
FARIBOL.
Surtout quand on est pris !
ENSEMBLE.

Oui, voilà du mariage,
Etc.

TOUS.

Oui, voilà du mariage,
Etc.


FIN DE SI JAMAIS JE TE PINCE…!