Servie, assemblée nationale

SERVIE. — Grande assemblée nationale. — La nation servienne, quoique soumise à la Porte, a joui depuis la conquête de priviléges assez considérables. Depuis le traité d’Andrinople, le Sultan a envoyé au visir de Belgrade un firman où il annonce l’intention de les exécuter dans toute leur étendue. On y remarque les suivans :

Liberté complète du culte, faculté de choisir librement les chefs de l’administration, indépendance de l’administration intérieure, intégrité de l’ancien territoire de la Servie (par conséquent restitution des six districts qui en ont été séparés), fixation invariable de la somme que la Servie doit payer en tribut à la Porte, administration par des Serviens de toutes les propriétés turques qui sont en Servie ; liberté de faire le commerce dans tout l’empire turc avec des passeports serviens ; faculté d’établir des hôpitaux, des écoles et des imprimeries, interdiction à tous les Turcs de résider en Servie, à l’exception de ceux qui font partie des garnisons qui doivent occuper certaines places fortes.

Cependant les négociations entre la Servie et la Porte avaient traîné en longueur. Enfin, le 1er de février 1830, un commissaire turc est parti de Constantinople avec les députés serviens qui s’y trouvaient, pour fixer définitivement les limites des six districts qui doivent être restitués à la Servie, savoir : ceux de Krain, Timok, Parakin, Kruschevatsch, Strarovlaschka et Drina.

Le prince Milosch, qui dirige depuis 14 ans l’administration de ce pays, qui est le sien, a convoqué une assemblée nationale, qui s’est réunie à Kragujewaz, le 4 février, pour entendre les communications que le prince devait faire à la nation. Cette assemblée se composait d’environ 1,000 représentans ; 700 étaient des députés des communes, munis pour la première fois de pleins pouvoirs de la part de leurs commettans ; chaque commune de 100 maisons avait nommé un député ; les autres plus petites s’étaient réunies pour en nommer un ou deux. La ville de Belgrade était représentée par 6 députés. Les 300 autres membres appartenaient au clergé supérieur, aux tribunaux ou à la classe des agens de l’administration.

Les pouvoirs ayant été vérifiés le 5 et le 6, le prince Milosch se rendit à l’assemblée le 7. Après avoir donné connaissance du firman dont nous avons parlé, il développa toute l’importance des priviléges reconnus à la Servie, et félicita son pays d’être rentré dans la jouissance de ses droits, grâce à l’intervention de l’empereur de Russie. Il parla ensuite de son administration : il déclara qu’il était prêt à rendre compte de l’emploi des deniers publics ; il annonça qu’une commission nommée par lui pour rédiger un code de lois, en prenant pour base le code Napoléon, travaillait déjà depuis deux ans. Il s’étendit sur la nécessité d’établir des écoles, des imprimeries, des hôpitaux, de répandre de toutes manières l’instruction, et d’encourager les sciences. Enfin il dit à l’assemblée nationale qu’elle était convoquée surtout pour organiser un gouvernement. Il déclara qu’il relevait la nation du serment de fidélité qu’elle lui avait prêté, et qu’il remettait l’administration de l’état entre les mains de ses représentans.

Ce discours produisit le plus grand effet sur l’assemblée. Une foule immense accompagna le prince jusqu’à son palais en faisant retentir les airs de cris de joie et d’applaudissemens.

Les premières autorités, le clergé et tous les représentans se sont réunis aussitôt après au palais de justice, où un comité choisi par cette assemblée a dressé trois actes, dont il lui a été fait lecture, et qu’elle a unanimement adoptés. Chacun de ces actes a été écrit sur un rouleau de parchemin, scellé et muni de la signature de tous les assistans, dont le nombre se montait à près de 1,000.

Le premier de ces actes, adressé au prince Milosch Obrenowitsch, lui confère, au nom de la nation, le titre de Père de la Patrie, lui confirme, ainsi qu’à ses héritiers légitimes, la qualité de prince régnant de la Servie, et renouvelle envers lui et ses successeurs, de la part de la nation, le serment d’un dévouement et d’une fidélité inviolables.

Le second contient les remercîmens de la nation envers le Grand-Seigneur ; elle lui adresse de nouveau la prière de reconnaître le prince Milosch Obrenowitsch comme régnant légitimement en Servie, et de confirmer, conséquemment à la résolution invariable de la nation, l’hérédité de cette dignité dans sa famille.

Le troisième acte est également une adresse de remercîmens envers le monarque russe.

Le 9, l’assemblée invita le prince à se rendre à l’église, où les trois actes lui furent solennellement remis, et elle lui renouvela, au nom de la nation, la prestation de serment ; le prince prêta de son côté serment au peuple servien. Le clergé entonna le Te Deum, et M. Gerasimos, évêque de Schabatz, prononça un discours analogue aux circonstances.