Serres chaudes/Texte entier
Serre chaude
Ô serre au milieu des forêts !
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Oraison
Ayez pitié de mon absence
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Serre d’ennui
Ô cet ennui bleu dans le cœur !
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Tentations
Ô les glauques tentations
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Cloches de verre
Ô cloches de verre ! Examinez à travers leurs feuillages : Une vierge arrose d’eau chaude les fougères, |
Offrande obscure
J’apporte mon mauvais ouvrage
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Feuillage du cœur
Sous la cloche de cristal bleu
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Âme chaude
Ô mes yeux que l’ombre élucide
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Âme
Mon âme ! On enterre un frère d’armes à midi, Ou une sœur épluchant des légumes au pied du lit d’un incurable ?
Toutes les châtelaines sont mortes de faim, cet été, dans les tours de mon âme !
Voici le petit jour qui entre dans la fête ! Il y eut un jour une pauvre petite fête dans les faubourgs de mon âme ! On y fauchait la ciguë un dimanche matin ; Et toutes les vierges du couvent regardaient passer les vaisseaux sur le canal, un jour de jeûne et de soleil. Tandis que les cygnes souffraient sous un pont vénéneux ; Et la tristesse de tout cela, mon âme ! et la tristesse de tout cela !
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Lassitude
Ils ne savent plus où se poser ces baisers,
Ces lèvres sur des yeux aveugles et glacés ;
Désormais endormis en leur songe superbe,
Ils regardent rêveurs comme des chiens dans l’herbe,
La foule des brebis grises à l’horizon,
Brouter le clair de lune épars sur le gazon,
Aux caresses du ciel, vague comme leur vie ;
Indifférents et sans une flamme d’envie,
Pour ces roses de joie écloses sous leurs pas ;
Et ce long calme vert qu’ils ne comprennent pas.
Chasses lasses
Mon âme est malade aujourd’hui,
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Fauves las
Ô les passions en allées
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Oraison
Mon âme a peur comme une femme,
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Heures ternes
Voici d’anciens désirs qui passent,
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Ennui
Les paons nonchalants, les paons blancs ont fui,
Les paons blancs ont fui l’ennui du réveil ;
Je vois les paons blancs, les paons d’aujourd’hui,
Les paons en allés pendant mon sommeil,
Les paons nonchalants, les paons d’aujourd’hui.
Atteindre indolents l’étang sans soleil,
J’entends les paons blancs, les paons de l’ennui,
Attendre indolents les temps sans soleil.
Hôpital
Hôpital ! hôpital au bord du canal !
Et les transatlantiques agitent l’eau du canal ! Et les agneaux de la prairie entrent tristement dans la salle ! |
Oraison nocturne
En mes oraisons endormies
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Désirs d’hiver
Je pleure les lèvres fanées
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Ronde d’ennui
Je chante les pâles ballades
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Amen
Il est l’heure enfin de bénir
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Cloche à plongeur
Ô plongeur à jamais sous sa cloche ! Attention ! l’ombre des grands voiliers passe sur les dahlias des forêts sous-marines ;
Et je suis un moment à l’ombre des baleines qui s’en vont vers le pôle !
En ce moment, les autres déchargent, sans doute, des vaisseaux pleins de neige dans le port ! Il y avait encore un glacier au milieu des prairies de Juillet ! Ils nagent à reculons en l’eau verte de l’anse ! Et fermez bien vos yeux aux forêts de pendules bleus et d’albumines violettes, en restant sourd aux suggestions de l’eau tiède.
Ils ont l’air d’entrer à midi, dans une avenue éclairée de lampes au fond d’un souterrain ; Ils traversent, en cortège de fête, un paysage semblable à une enfance d’orphelin.
Ils arrivent comme des vierges qui ont fait une longue promenade au soleil, un jour de jeûne ; Ils sont pâles comme des malades qui écoutent pleuvoir placidement sur les jardins de l’hôpital ; Ils ont l’aspect de survivants qui déjeunent sur le champ de bataille.
Ils sont pareils à des prisonniers qui n’ignorent pas que tous les geôliers se baignent dans le fleuve, Et qui entendent faucher l’herbe dans le jardin de la prison.
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Aquarium
Hélas ! mes vœux n’amènent plus
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Verre ardent
Je regarde d’anciennes heures,
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Reflets
Sous l’eau du songe qui s’élève,
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Visions
Je vois passer tous mes baisers,
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Oraison
Vous savez, Seigneur, ma misère !
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Regards
Ô ces regards pauvres et las ! Et ceux qui n’arriveront jamais et qui existent cependant ! Il y en a qui semblent visiter des pauvres un dimanche ; Il y en a comme des agneaux dans une prairie couverte de linges. Et ces regards insolites ! Il y en a sous la voûte desquels on assiste à l’exécution d’une vierge dans une salle close, Et ceux qui font songer à des tristesses ignorées ! Aux idées d’une reine qui regarde un malade dans le jardin, À une odeur de camphre dans la forêt, À enfermer une princesse dans une tour, un jour de fête, À naviguer toute une semaine sur un canal tiède. Ayez pitié de ceux qui sortent à petits pas comme des convalescents dans la moisson ! Ayez pitié de ceux qui ont l’air d’enfants égarés à l’heure du repas ! Ayez pitié des regards du blessé vers le chirurgien, (Oh ! des fleuves de lait vont fuir dans les ténèbres ! Et ces yeux où s’éloignent à pleines voiles des navires illuminés dans la tempête ! Et le pitoyable de tous ces regards qui souffrent de n’être pas ailleurs ! Et tant de souffrances presque indistinctes et diverses cependant ! Et ceux que nul ne comprendra jamais ! Au milieu des uns on croit être dans un château qui sert d’hôpital ! Et tant d’autres ont l’air de tentes, lys des guerres, sur la petite pelouse du couvent !
Et tant d’autres ont l’air de blessés soignés dans une serre chaude ! Et tant d’autres ont l’air de sœurs de charité sur une Atlantique sans malades !
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Attente
Mon âme a joint ses mains étranges
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Après-midi
Mes yeux ont pris mon âme au piège,
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Âme de serre
Je vois des songes dans mes yeux ;
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Intentions
Ayez pitié des yeux moroses
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Attouchements
Attouchements ! Tous les troupeaux de l’âme au fond d’une nuit d’éclipse ! Tout le sel de la mer en herbe des prairies ! Mais ces attouchements plus mornes et plus las ! Et des troupeaux d’agneaux s’éloignent au clair de lune le long d’un fleuve tiède.
Je me souviens de toutes les mains qui ont touché mes mains. Et je revois ce qu’il y avait à l’abri de ces mains, Et je vois aujourd’hui ce que j’étais à l’abri de ces mains tièdes. Je devenais souvent le pauvre qui mange du pain au pied du trône.
J’étais parfois le plongeur qui ne peut plus s’évader de l’eau chaude ! J’étais parfois tout un peuple qui ne pouvait plus sortir des faubourgs ! Et ces mains semblables à un couvent sans jardin ! Et celles qui m’enfermaient comme une troupe de malades dans une serre un jour de pluie ! Jusqu’à ce que d’autres plus fraîches vinssent entr’ouvrir les portes, Et répandre un peu d’eau sur le seuil ! Il y avait une musique de saltimbanques autour de la prison, Il y avait des figures de cire dans une forêt d’été, Et parfois je trouvais une vierge en sueur au fond d’une grotte de glace.
Ayez pitié des mains trop pâles ! Il me semble que les princesses sont allées se coucher vers midi tout l’été !
Il n’y a plus que des brebis noires en des pâturages sans étoiles !
Et les agneaux s’en vont brouter l’obscurité ! Elles apportent de l’eau claire et froide en leurs paumes ! Elles arrosent de lait les champs de bataille ! Elles semblent sortir d’admirables forêts éternellement vierges !
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Âme de nuit
Mon âme en est triste à la fin ; J’attends leur fraîcheur sur ma face, |