Semaine théâtrale/Première représentation de l’Outrage à la Porte-Saint-Martin

BULLETIN THÉÂTRAL


Porte-Saint-Martin : Reprise de l’Outrage, drame de Théodore Barrière et Édouard Plouvier.

L’Outrage n’est peut-être pas ce qu’on appelle un bon drame, mais c’est un drame dont la donnée est saisissante et dont certaines situations sont d’un intérêt palpitant. Il date aujourd’hui de près de quarante ans, puisque son apparition première remonte au 25 février 1859. Le succès alors n’en fut pas douteux, malgré la hardiesse du sujet, hardiesse qui peut sembler pâle aujourd’hui après les exploits du Théâtre-Libre et de ses congénères. Il s’agit ici d’un jeune fille, Hélène Latrade, qui est devenue folle à la suite d’un horrible attentat dont elle a été victime de la part du fils d’un magistrat, Raoul de Brives. Elle revient cependant à la raison, sinon à la mémoire, grâce aux soins et à l’amour d’un brave garçon, Jacques d’Albert, qu’elle consent à épouser. Mais voici que le soir même des noces… elle se rappelle, fond en larmes et, sur les supplications de son époux, lui fait connaître son malheur passé. Jacques se jure alors de ne pas être le mari de sa femme tant qu’il n’aura pas découvert l’infâme qui l’a déshonorée. Il serait trop long de raconter par quels moyens il finit par trouver le coupable et comment celui-ci, pour échapper au déshonneur et au châtiment qui l’attendent lui-même, se suicide devant son justicier. Le dénouement, qui était difficile à trouver, peut paraître singulier, mais le drame n’en reste pas moins puissant et émouvant en certaines parties, en dépit de quelques modifications assez fâcheuses qu’on lui a fait subir.

Il est bien joué par Mlle Lara, qui est décidément une artiste de race et qui représente la jeune Hélène de la façon la plus délicieuse, par M. Desjardins, qui a bien dessiné la physionomie indigne de Robert de Brives, et par M. Burguet, qui joue Raymond de Brives avec beaucoup de naturel. Quant à M. Philippe Garnier, il est bien inégal et parfois bien singulier dans le personnage de Jacques d’Albert, sur lequel il n’attire pas la sympathie évidemment rêvée par les auteurs.

A. P.