Scènes de la vie du clergé/La Conversion de Jeanne/27

CHAPITRE XXVII

Il vint, le jour béni de la délivrance, le triste jour des épouvantements, et, la seconde semaine de mars, le corps fut descendu dans la fosse. Il fut enterré comme il l’avait désiré : il n’y eut point de corbillard, point de voiture de deuil ; son cercueil fut porté par douze de ses plus humbles auditeurs, qui se relayèrent tour à tour. Mais il fut suivi par un long cortège d’amis, de femmes aussi bien que d’hommes.

Lentement, au milieu d’un profond silence, le triste cortège traversa la rue du Verger, où, dix-huit mois auparavant, le vicaire évangélique avait été accueilli par des huées et des sifflets. M. Jérôme et M. Landor étaient les plus âgés d’entre ceux qui portaient les cordons, et, derrière le cercueil, conduite par le cousin de M. Tryan, marchait Jeanne, dans une douleur calme et soumise. Elle ne pouvait penser qu’il fût entièrement séparé d’elle ; le monde invisible était si près ; il renfermait tout ce qui avait remué au profond de son cœur, l’angoisse et la joie.

C’était une matinée orageuse, et il avait plu lorsqu’ils quittèrent Holly Mount ; mais, comme ils avançaient, le soleil perça les nuages, qui roulèrent en grandes masses quand ils entrèrent au cimetière et qu’ils entendirent M. Walsh dire : « Je suis la résurrection et la vie ». Les visages ne furent pas indifférents à cette cérémonie ; le service funèbre ne fut point une simple forme. Chaque cœur était rempli du souvenir d’un homme qui, pendant une vie de sacrifice et pendant une pénible agonie, avait été soutenu par la foi vivante qui remplissait son âme.

Lorsque Jeanne quitta le cimetière, elle ne retourna pas à Holly Mount ; elle se rendit à sa maison de la rue du Verger, où sa mère l’attendait. Elle lui dit avec calme : « Faisons le tour du jardin, ma mère ». Et elles en firent le tour en silence, leurs mains entrelacées, regardant les crocus dorés brillant des rayons printaniers. Jeanne sentait en elle un calme profond. Elle ne désirait rien, n’ambitionnait rien. Elle vit les années à venir s’étendre devant elle comme un après-midi d’automne. La vie ne pouvait plus avoir aucune agitation pour elle ; c’était un service de reconnaissance et d’efforts patients. Elle marchait en présence d’un témoin invisible, de l’amour divin qui l’avait sauvée de l’amour humain, qui avait attendu l’éternel repos, jusqu’à ce qu’il eût vu le sien à elle assuré jusqu’à la fin.