Savoir aimer/Race future

Savoir aimerPubliés par les amis de l’auteur (p. 87-94).


UNION CÉLESTE



Dieu sait bien que la femme est maîtresse de l’homme
Mais l’époux courageux, chez l’épouse économe,
S’ils sont deux bons chrétiens en un cœur bien fondus,
Libre, vit dans la paix, loin des jougs défendus.
Simple, comme un enfant qui partage une orange,
Il fait toujours deux parts de tout fruit mûr qu’il mange.
Il choisit les meilleurs qui sont les fruits permis
C’est un sage content du monde où Dieu l’a mis.
Pauvre, il a les trésors profonds de l’Évangile,
Riche, il tient ses greniers grands ouverts sur la ville ;
Quand le soir vient, l’étoile à sa lampe sourit.
Couple qui s’épousa sous les yeux de l’Esprit.
Rébecca dont le cœur battit à grands coups d’aile,
En voyant Isaac sortir au-devant d’elle ;
Isaac, dont le cœur en fête remarqua
L’anneau d’or fin qui luit au nez de Rébecca,
Étaient moins saintement amoureux l’un de l’autre
Que ces époux, courbés au souffle de l’apôtre
Quand leur âme aspira, près du cierge éclairé
La parfum frais qui sort du vieux texte sacré.

Comme il est bon et droit, que Jésus en son maître,
S’il parle, elle a des yeux ravis de se soumettre ;
Qu’elle parle, il écoute heureux de se plier
Aux désirs purs d’un cœur que Jésus sut lier.
Tous deux savent le prix des torts que l’on pardonne.
Au milieu des enfants que le Seigneur leur donne,
Ils laissent se mêler aux fils d’or éclatants
Les fils sombres qui sont au dévidoir du temps.
L’époux travaille ; il est ouvrier ou poète,
Il explique aux siens Dieu dont le ciel est la fête.
Un enfant vous écoute avec tant d’appétit,
C’est innocent, c’est bon, c’est grave, c’est petit.
Elle, quand elle file, un bras hors de la manche,
Elle a l’air de filer son âme en laine blanche.
Et son cœur doux s’écoule aux ondes de son lait,
Flot parfumé, pareil au flot pur, qui coulait
Du sein sacré sur qui Dieu tout petit ne bouge
Que sa lèvre d’enfant, humble fleurette rouge.
Dans la neige du linge et les tulles au vent,
Voilà la mère avec son sourire vivant,
Dont la chambre s’échauffe et dont l’ombre s’éclaire.
Femme aux seins mûrs, miracle, ô reine populaire !
Majesté de grands cils abaissés sur l’enfant,
Il s’abandonne, il dort. Un baiser le défend !
Le père le contemple, un rire sur la bouche.
Il est tel que devant une rose farouche
Un bon peintre amoureux de la gloire des fleurs.
Tous vivent dans le calme et les claires couleurs !
Ô chaleur maternelle ! ô prière qui vole !
Ô bouches ébauchant la première parole
Chère tribu, petit peuple qui grandissez,
Mère, qui d’une main délicate emplissez

De feuilles et de fruits les faïences fleuries,
Père, au sourire plein de chaudes causeries,
Servante qui tournez au bruit clair des sabots,
Si vous êtes sereins, même avec des tombeaux,
Si vous gardez entier l’amour de la famille
Dont la laine encor moins que l’honneur vous habille,
Si vous restez amis, quoi ? n’est-ce pas un peu
Parce qu’à tous vos soins vous savez mêler Dieu,
Qu’il vous tient sous son aile et qu’il vous a plu d’être
Unis par Jésus-Christ et bénis par son prêtre !


RACE FUTURE



Peut-être un jour l’époux selon l’amour, l’épouse,
Selon l’amour, selon l’ordre d’Emmanuel,
Sans que lui soit jaloux, sans qu’elle soit jalouse,

Leurs doigts libres pliés au travail manuel,
Fervents comme le jour où leurs cœurs s’épousèrent,
Nourriront dans leur âme, un feu venu du ciel,

Le feu du dieu charmant que les bourreaux brisèrent,
Le feu délicieux du véritable amour,
Dont les âmes des Saints lucides s’embrasèrent ;

Tourterelle et ramier, au sommet de leur tour
Mystique, ils placeront leur nid sur lequel règne
La chasteté couleur de l’aurore et du jour.

L’entière chasteté, celle où l’âme se baigne
Qui prend l’encens de l’âme et les roses du corps,
Que symbolise un lys et que l’enfant enseigne ;


Celle qui fait les saints, celle qui fait les forts,
Mystérieuse loi que notre âme devine
En voyant les yeux clos et les doigts joints des morts.

Rêvant de Nazareth, sous cette loi divine,
Ils fondront leurs regards et marieront leurs voix,
Dans l’idéal baiser que l’âme s’imagine ;

Qu’ils dorment sur la planche ou sur le lit des rois
Le monde les ignore, et leur secret sommeille
Mieux qu’un trésor caché sous l’herbe au fond des bois.

La nuit seule le conte à l’étoile vermeille ;
Pour eux, laissant la route aux cavaliers fougueux,
Dans le discret sentier où l’ange les surveille,

Ils ne sont jamais deux, le nombre belliqueux,
Jamais deux, car l’amour sans fin les accompagne,
Toujours Trois, car Jésus est sans cesse avec eux.

Paisibles pèlerins à travers la campagne
Et la ville, où leurs pieds fleurent l’odeur du thym,
Et l’époux reste amant, et la Vierge est compagne.

De l’aurore de soie au couchant de satin
Leur doux travail embaume, et leur pur sommeil prie
De l’étoile du soir à celle du matin.

Ce sont des enfants blancs de la Vierge Marie,
Rose de l’univers par la simplicité,
Et mère glorieuse autant qu’endolorie.


C’est elle qui leur ouvre, étonnant de clarté,
Sur ses genoux un livre où leur cœur voit le rêve
Sous son manteau céleste et bleu comme l’été.

Pudique autant que Jeanne, autant que Geneviève,
L’épouse file et songe aux lys du charpentier ;
L’époux travaille et songe à l’innocence d’Ève.

Avec sa main trempée au flot du bénitier
Chaque jour dans l’Église où son âme s’abreuve,
Les doigts fiers de tourner les pages du psautier,

Pour les pauvres amours qui marchent dans l’épreuve,
Les membres de Jésus dont le faubourg est plein,
Pour le lit du vieillard et l’habit de la veuve ;

Elle file le chanvre, elle file le lin,
Comme elle file aussi le sommeil du malade,
Et le rire innocent du petit orphelin.

Musique d’or du cœur qui vibre et persuade,
Sa parole fait croire et se mettre à genoux
Le plus méchant, qu’elle aime ainsi qu’un camarade.

Elle est plus sérieuse, et meilleure que nous ;
Il n’a que les beaux traits de notre ressemblance ;
Couple prédestiné, délicieux époux !

Ils ont la joie, ils ont l’amour par excellence !
Leurs cœurs extasiés de grâce sont vêtus ;
Car ils ont dépouillé toute la violence.


Sortis forts des combats vaillamment combattus,
Ils font vaguer leur corps et se mouvoir leur âme
Dans le jardin vivant de toutes les vertus.

Pour plaire à la beauté pure qui les réclame
Elle veut demeurer intacte ainsi qu’un fruit
Dans la virginité naturelle à la femme.

Docile au rayon d’or qui traverse sa nuit
Écoutant vaguement le monde qui doit naître,
Comme des grandes eaux dont on entend le bruit ;

Pour lui, content d’aimer Jésus et de connaître
Le sens prodigieux de ses simples discours,
Il met en Dieu son cœur, ses sens et tout son être.

Respirant l’humble fleur de ses chastes amours,
Ne prenant que l’odeur de la rose éternelle,
Ne cueillant pas le fruit qui réjouit toujours.

Car cette part amère à la race charnelle
C’est la part du mystère et la part du lion,
Et c’est votre avenir, Seigneur, qui couve en elle.

Car nous sommes les fils de la rébellion :
Nos fronts sont irrités, et nos cœurs taciturnes
Et la mort est pour nous la loi du talion.

Fils du désir d’Adam sous des ailes nocturnes,
Engendrés hors la loi des chastes paradis,
Nous errons sur la terre, et puisons dans nos urnes


Avec des vins impurs l’oubli des jours maudits.
Partageant nos trésors, tout pleins de convoitise,
Tel qu’autour d’une table un groupe de bandits.

Mais peut-être qu’un jour, sous les yeux de l’Église
Verra luire l’époux comme un diamant pur,
Et l’épouse fleurir comme une perle exquise.

Quand les nuages noirs laisseront voir l’azur,
Et paraître le mot du mystique problème,
Et ce couple idéal brûlera d’un feu sûr

Pour plaire à Dieu, qui peut tout pour nous quand on l’aime.