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Savoir aimerPubliés par les amis de l’auteur (p. 34-36).
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LES MUSÉES


Entrez dans les palais grands ouverts à la foule,
Un jour limpide y luit, l’heure paisible y coule
Le pied rit au miroir des parquets précieux
Et loin, dans les plafonds aussi hauts que les cieux
Bleu séjour de la muse et du Dieu sous les voiles,
L’œil voit trembler des chars, des luths et des étoiles.

 Sous la voûte, sur les paliers,
Par les rampes en fleurs et les grands escaliers
 Un courant d’air vaste circule :
Et douce est la fraîcheur où vous marchez
Parmi le peuple blanc des marbres recherchés,
Saluez, c’est Vénus ; admirez, c’est Hercule !

 Comme vous reposez les yeux
 Ô blancheur sombre des musées,
La fièvre de nos sens expire dans ces lieux
Et nos âmes y sont largement amusées. —


 Ô génie, ô lent créateur,
Comme Dieu fait courir la sève dans les arbres
Tu fais courir la vie aux lignes des beaux marbres,
 Et sur la pierre, à la hauteur
Des bras de la statue ou du col de l’amphore
 L’œil croit voir voltiger encore
 Les mains illustres du sculpteur.

 Alors notre cœur se rappelle
Le temps d’Auguste, l’âge où florissait Apelle !
Tous ceux dont un laurier pressait le front puissant.
Le pnyx sonore où rit la troupe des esclaves
Les toges du forum, les plis des laticlaves,
César spirituel ! Sophocle éblouissant !

Rome Athène ! Ô palais que la colline élève !
Vous, Romains, vous sculptez à la pointe du glaive,
 Et vous, qui soupez chez les dieux,
Vous possédez la grâce, et vous la versez toute
Athéniens, et c’est chez vous que l’âme écoute
Le grand hymne muet qui chante pour les yeux
 Le long des lignes, sous la voûte,
 De vos temples mélodieux.

Des anciens, endormis au bruit frais des fontaines,
Les âmes en rêvant se promènent ici
Caressant tous les fronts d’un regret adouci ;
 Et font, sur les lèvres hautaines
Des Romains et des Grecs et de Tibère aussi,
Chuchoter un long flot de paroles lointaines.


Ô belle antiquité, toute nouvelle encor !
 Berce-nous de tes bons murmures
 Comme une abeille d’or
Que l’été de Paris prendrait aux roses mûres
 Pour la jeter en Prairial
 Grisée
Et bourdonnante, autour de la salle apaisée
 Où, visiteur royal,
Par la vitre embrasée au feu de ses prouesses
Le baiser du soleil vient dorer les déesses.