San-Iu-Leou/Section III


SECTION III.


ARGUMENT.
Un personnage bienveillant conçoit le projet de mettre dans l’embarras l’homme avare et envieux. L’équitable magistrat s’efforce avec diligence d’éclaircir un cas douteux.

Iu-ke-wou après avoir congédié cette femme, continua sa route. Il se mit, par la pensée, à la place du magistrat, chargé de juger cette affaire, et il la considéra sous tous ses aspects. Ce trésor sans doute, se dit-il, n’a jamais appartenu à mes ancêtres ; car, si l’on supposait qu’ils en furent les propriétaires, comment expliquerait-on l’ignorance où leur fils est resté à cet égard, et le peu d’empressement de mes parens à le réclamer ? La personne qui en connaissait l’existence et qui l’a révélée dans sa pétition, est étrangère à ma famille, et comme d’ailleurs sa pétition est anonyme, il est évident qu’elle a agi par des motifs d’inimitié ; je ne puis élever aucun doute sur ce point. Mais en reconnaissant qu’il est probable que ce personnage inconnu a été guidé par quelque motif de mécontentement, on ne peut néanmoins que le blâmer d’avoir impliqué celui dont il avait à se plaindre dans une affaire aussi vile, et de l’avoir signalé comme un recéleur de vols. Il est vrai cependant que, lorsque le trésor a été déterré, on l’a trouvé tel que le dénonciateur l’avait spécifié, et qu’il n’y avait rien de plus ni de moins. Il est difficile de concevoir que celui qui a fait cette dénonciation pour satisfaire à une haine secrète, ait poussé l’esprit insensé de vengeance jusqu’à sacrifier une aussi forte somme, et à aller l’enterrer sous la maison d’un autre, au risque de la perdre pour toujours. »

Telles étaient ses réflexions. Pendant plusieurs jours il y revint sans cesse ; mais il ne se présenta à son esprit aucune explication satisfaisante de l’affaire qui l’occupait. Il ne pouvait s’empêcher d’y penser à chaque instant, et pendant son sommeil et dans ses rêves, il poussait des cris et prononçait des mots entrecoupés. Sa mère l’ayant entendu, lui demanda ce qu’il avait. Il lui répéta alors avec exactitude et sans rien oublier, ee que lui avait dit la femme qui était venue à lui. Sa mère partagea d’abord ses doutes et sa défiance ; mais après avoir réfléchi quelque temps, elle s’écria : « C’est cela ! c’est cela ! Ce trésor, en vérité, appartient à notre famille ! Les conjectures de cet homme se sont vérifiées ! Apprenez, mon fils, que, tandis que votre père était encore en vie, un de ses amis vint de fort loin pour lui faire une visite. Il coucha plusieurs nuits dans la chambre du rez-de-chaussée de notre maison, et il vit un rat blanc qui, après avoir couru de tous les côtés, se glissa tout à coup dans une fente du plancher. Au moment de son départ, il raconta à votre père ce qu’il avait vu, et il l’invita à ne jamais se défaire de sa maison dans aucun cas, parce qu’il pourrait par la suite y découvrir quelque trésor. Il est probable que ce trésor, vient d’être maintenant découvert. Votre père en ne le retirant pas de la place où il était, a été la cause du malheur d’autrui. Allez donc le réclamer, et par là sauver la vie d’un homme. »

Ke-wou lui répondit : « Il y a quelque chose de plus à dire à cet égard. Une histoire aussi futile serait déplacée dans la bouche d’un personnage respectable, et lorsque j’irai entretenir le hian d’un rat blanc, n’est-il pas probable qu’il imaginera que je veux m’approprier injustement ce trésor, et que je n’ai forgé cette histoire que pour tromper les esprits crédules ? D’ailleurs, ce rat blanc n’a point été vu par mon père, et ce n’est pas de sa bouche qu’est sorti ce conte absurde. Plus j’y réfléchis, moins je puis y ajouter foi ; c’est, à proprement parler, le rêve d’un insensé. Si ce trésor eût appartenu à ma famille, mon père l’aurait connu, et j’en aurais su quelque chose moi-même ; comment se fait-il qu’un étranger ait eu plus de notions sur ce point ? Toute cette histoire est fausse il n’y a aucune raison qui puisse me porter à la croire. Cependant il est convenable de consulter le hian, et de tâcher d’éclaircir cette affaire pour sauver un citoyen innocent. J’agirai ainsi en magistrat vertueux. »

Il finissait de parler, quand un domestique lui annoncer que le hian venait lui rendre ses devoirs. Ke-wou dit : « Je comptais aller à l’instant le voir moi-même ; hâtez-vous, et priez-le d’entrer. » Après que le hian l’eut salué et qu’il eut causé quelques instans d’une manière générale, il n’attendit pas que Ke-wou lui parlat de l’affaire qui l’occupait, et il entama ce sujet de lui-même, en le priant de l’éclairer de ses conseils. « Thang, un tel[1], lui dit-il, le entra pour possesseur du trésor, a été souvent questionné sans qu’on ait pu tirer de lui aucun éclaircissement. Dans sa déposition d’hier, il a déclaré que sa maison appartenait autrefois à votre famille, et que par conséquent le trésor qu’on y a trouvé y avait sans doute été déposé par vos ancêtres. Je suis venu vers vous, d’abord pour vous rendre mes hommages, et ensuite pour vous supplier de m’informer de ce que vous savez à cet égard. »

Ke-wou répondit : « Ma famille a été pauvre pendant plusieurs générations, et aucun de mes aïeux les plus proches n’a jamais rien accumulé. En conséquence, si je me hâtais témérairement de réclamer ce trésor, je me donnerais une mauvaise réputation. Mais de ce que je ne pense pas que ce trésor ait appartenu à mes ancêtres, il ne s’ensuit point nécessairement qu’il ait été caché par des voleurs dans la maison autrefois vendue par mon père. Je vous conjure donc de continuer vos recherches, afin d’arriver à la vérité, et si vous pouvez convaincre le prisonnier Thang de culpabilité, alors il méritera d’être puni.

Le hian dit : « À l’époque où votre père quitta cette vie, vous étiez encore enfant, et il est probable que vous n’ayez pu être entièrement informé de ce qui a précédé ou suivi de près votre naissance. Nous pourrions, il me semble, demander à votre mère si, avant la vente de votre maison, elle n’avait rien vu ou entendu dire de particulier. »

Ke-wou lui répliqua : « J’ai déjà questionné ma mère à ce sujet, mais elle en parle un peu au hasard, et ce qu’elle dit, elle ne le tient pas de mon père. Comme je suis maintenant interrogé par une personne respectable, je ne dois rien dire inconsidérément ; c’est pourquoi trouvez bon que je ne m’explique pas davantage. »

Le hian en entendant ceci, insista aussitôt pour qu’il lui dît tout ce qu’il paraissait savoir, mais Ke-wou ne voulut rien ajouter de plus.

Il arriva fort heureusement que sa mère était en ce moment derrière l’écran[2], et qu’elle entendit toute cette conversation. Désirant de faire une bonne action, elle ordonna à son intendant d’aller raconter tout ce qu’elle savait. Après que le hian l’eut écouté, il réfléchit en silence pendant quelque temps, puis il dit à l’intendant : « Veuillez prendre la peine d’aller demander à votre maîtresse où demeure l’homme qui vit le rat blanc, et s’il est encore en vie ou non ; si sa famille est riche ou pauvre ; quel était le degré de son intimité avec votre maître, et s’ils avaient coutume de se rendre réciproquement des services ? Je prie votre maîtresse de parler avec précision, parce que les renseignemens qu’elle donnera peuvent jeter du jour sur cette affaire obscure et difficile. »

L’intendant rentra et revint quelques momens après. « Ma maîtresse, dit-il, m’ordonne de vous informer que la personne qui vit le rat blanc, habite une contrée lointaine, et qu’il est du fou de… et du hian de… Il n’est point encore mort, et il possède une grande fortune. C’est un homme éminent par ses vertus, qui attache peu de prix aux richesses, et qui était lié à mon maître par les nœuds de la plus étroite amitié. Voyant que son ami avait vendu ses jardins, et qu’il serait peut-être aussi obligé de se défaire du petit bâtiment qui lui restait, il voulut lui fournir l’argent nécessaire pour racheter sa propriété ; mais comme mon maître ne voulut pas l’accepter, il ne le pressa pas davantage sur ce point. Ce fut au moment de son départ qu’il dit ce que vous savez. » Le hian ayant réfléchi de nouveau, ordonna à l’intendant de rentrer encore, et d’aller demander à sa maîtresse si cet homme, depuis la mort de son époux, était venu rendre ses hommages au défunt, si elle l’avait revu, et de répéter dans ce dernier cas tout ce qu’elle aurait pu lui entendre dire.

L’intendant obéit, et lorsqu’il rentra, il dit : « Il y avait dix ans que mon maître était mort, lorsque son ami en fut informé ; il vint aussitôt pour rendre des honneurs à sa mémoire. Voyant que la maison de mon maître avait été vendue, il parut très-surpris, et demanda si, après son départ, on avait trouvé le trésor dont il avait prédit la découverte ? Ma maîtresse lui répondit que non. Il soupira, et dit : « C’est une belle chose pour ceux qui ont acheté la propriété. Trompeurs dans le fond de leurs cours, et machinateurs de complots et d’artifices pour envahir les biens de votre mari, ils ont acquis une fortune qu’ils ne méritaient pas ; mais patience ! ils pourront aussi éprouver quelque malheur auquel ils sont loin de s’attendre. » Quelques jours après son départ, la famille de Thang fut dénoncée, et vous savez ce qui est arrivé. Ma maîtresse a constamment depuis lors loué et admiré l’ami de son mari, en disant que c’était un homme qui lisait dans l’avenir. »

Quand il eut cessé de parler, le hian se mit à rire de toutes ses forces, et allant vers l’écran il fit une profonde révérence en disant : « Je rends mille grâces à votre seigneurie pour les renseignemens qu’elle m’a donnés ; elle a éclairé ma faible intelligence, et je pénètre maintenant dans cette affaire extraordinaire. Il n’est pas besoin de faire d’autres recherches. Qu’un de vos gens prenne la peine de m’apporter un reçu, et je vais envoyer le trésor chez vous.

Ke-wou lui demanda ce qu’il voulait dire, et le pria de lui faire connaître sa pensée à ce sujet ; le hian lui répondit : « Ce trésor, en vingt portions, n’a été laissé par aucun de vos ancêtres, et n’est point le résultat des vols du prisonnier Thang. Voici le fait : ce vertueux étranger désirait de racheter les propriétés de votre père, mais votre père étant un homme d’un caractère indépendant, refusa obstinément les offres de son ami, et celui-ci, pour lui donner malgré lui le moyen de recouvrer sa maison par la suite, y déposa l’argent qu’on y a trouvé. Ne voulant pas le dire ouvertement, il supposa l’intervention d’un esprit, dans l’idée qu’aussitôt après son départ votre père déterrerait le trésor. Quand il vint pour rendre des honneurs à sa mémoire, et qu’il apprit que non-seulement son ami n’avait pas recouvré ses jardins, mais encore qu’il avait vendu le reste de sa propriété, il vit que le trésor était dans les mains de l’ennemi, et il fut vexé outre mesure. À son départ, il dressa une pétition anonyme pour la faire remettre en temps opportun. Telle est l’explication de cette affaire, et maintenant que la vérité est reconnue, il est juste que vous rentriez dans vos biens. Qu’avez-vous à dire à cela ? »

Ke-wou, quoique applaudissant à sa décision dans le fond de son cœur, avait encore quelques objections à faire, par le désir d’éviter tout soupçon de connivence. Il ne voulait pas se hâter de faire des remercimens au hian, mais s’inclinant devant lui, il lui dit « que sa conclusion lui paraissait parfaite, et qu’il était doué sans doute d’une sagesse admirable ; que Loung-tou[3] lui-même reparaissant au monde n’aurait pu mieux juger ; mais en même temps, ajouta-t-il, quoiqu’il paraisse évident d’après vos raisonnemens que ce trésor nous est venu d’un ami généreux, cependant, comme il n’y a personne qui puisse rendre témoignage du fait, il ne me conviendrait pas de me hâter de reprendre cet argent. Je vous supplie donc de le garder par devers vous, pour l’appliquer à soulager les pauvres dans les temps de famine. »

Tandis qu’il parlait ainsi, un de ses serviteurs entra, portant un billet rouge, et s’approchant de son oreille, il lui dit : « L’homme dont vous venez de vous entretenir est à la porte. Il dit qu’il vient d’une distance de plus de mille li,[4] pour rendre ses devoirs à ma maîtresse. Je ne puis l’annoncer tandis que le hian est présent ; cependant, comme il est instruit de l’affaire qui vous occupe, il ne pouvait arriver plus à propos sans doute, et j’ai cru devoir vous en informer, parce que vous pouvez peut-être désirer de le questionner. » Ke-wou témoigna la joie qu’il éprouvait de son arrivée, et en fit part aussitôt au hian. Celui-ci fut près d’en sauter de plaisir, et il demanda qu’on le fît entrer sur-le-champ. L’étranger leur parut un homme respectable, ayant un visage plein et des cheveux blancs. Il rendit ses devoirs à son ami, mais il fit peu d’attention au hian qui lui était inconnu. Après s’être incliné, il s’avança en disant : « L’objet de mon voyage est de venir voir la veuve de mon ancien ami. Je ne me propose point de faire ma cour aux riches et aux grands ; moi, homme de la campagne, je n’ai rien à démêler avec vous, et ce n’est donc pas à vous que je prends la liberté de faire une visite. Veuillez seulement me permettre d’entrer dans la maison pour que j’aille en saluer la maîtresse. »

Ke-wou lui dit aussitôt : « Comme mon vénérable ami est venu de très-loin, nous ne devons pas le traiter ainsi qu’un hôte ordinaire. Le hian et moi sommes en ce moment à consulter sur une affaire difficile, et comme votre présence peut nous être d’un grand secours nous vous supplions de ne pas refuser de vous asseoir un moment avec nous. »

Le vieillard à ces mots fit une révérence et s’assit. Le hian prit du thé avec lui, et le saluant ensuite, il lui dit : « Il y a environ vingt ans que vous avez accompli un acte d’une grande vertu. Personne n’en était d’abord instruit, et il m’est échu à l’instant en partage de le mettre en lumière. Dites-nous, je vous prie, si ce n’est pas vous qui voulûtes donner un trésor à votre ami, en lui faisant croire qu’il le devait à l’intervention d’un esprit ? »

Quand l’étranger entendit ces paroles, il parut fort surpris, et il ne répondit pas tout de suite ; ayant cependant surmonté son embarras, il dit : « Comment un homme du commun tel que moi aurait-il pu faire quelque chose qui vous paraît si louable ? Je ne sais ce que vous voulez dire. »

« On se souvient, lui dit Ke-wou, de vous avoir entendu proférer quelques mots concernant un rat blanc. On était sur le point de traiter un homme honnête comme un recéleur de vols. Je n’ai pu supporter cela, et j’ai prié le hian de le mettre en liberté. Cependant nous nous sommes entretenus de cette affaire, et par degrés nous croyons être parvenus à la solution ; mais comme nous n’avons pas de certitude la vérité ou la fausseté de l’histoire du rat blanc, nous vous conjurons de vouloir bien résoudre nos doutes à cet égard. »

Le vieillard se refusait toujours à donner des explications, lorsqu’il reçut un message de la part de la mère de Ke-wou, pour l’inviter à révéler la vérité et à justifier par là un innocent. Il sourit et laissa échapper enfin le secret enseveli depuis vingt ans dans le fond de son cœur. Ce qu’il dit s’accordait parfaitement avec tout ce que le hian avait conjecturé, et l’ordre ayant été donné à quelques hommes d’aller examiner et reconnaître les lettres et les marques empreintes sur le trésor, il ne resta plus aucun doute sur son identité.

Le hian et Ke-wou firent éclater leur admiration pour les vertus du vieillard ; le vieillard et Ke-wou se répandirent en éloges sur la pénétration du hian, et le hian et le vieillard exaltèrent la conduite désintéressée de Ke-wou. « De telles actions, disaient-ils tous ensemble, feront du bruit dans le monde ; il n’est pas besoin d’être devin pour prédire leur célébrité. »

Ils passèrent quelque temps à se louer ainsi l’un l’autre, et tous les domestiques qui étaient présens mettaient la main devant leur bouche pour s’empêcher d’en rire. « Le hian, disaient-ils, avait donné des ordres pour découvrir et saisir l’auteur de la pétition anonyme. Il la trouvé maintenant, et au lieu de le faire battre, ils sont assis et causent ensemble. C’est là du nouveau ! »

Aussitôt que le hian fut de retour à son tribunal, il envoya le trésor chez Ke-wou, et en demanda un reçu ; mais celui-ci ne voulut pas le recevoir, et il écrivit au hian pour le prier de remettre cet argent à la famille de Thang, pour racheter d’elle sa propriété. Ainsi s’accomplirai, disait-il, les intentions de mon père, et les désirs de son généreux ami ; enfin je mettrai la famille Thang à même d’acheter une autre maison, et personne ne sera maltraité dans cette affaire.

Chacun donna des éloges aux nobles sentimens de Ke-wou. Le hian pour complaire à ses intentions, mit Thang en liberté, et Ke-wou, remboursant à celui-ci l’argent que son père avait autrefois payé, exigea de lui en retour les actes et les titres en vertu desquels il était propriétaire. Les jardins et les bâtimens rentrèrent en la possession de leur ancien maître.

Le même jour, dans le plus haut des trois étages consacrés, Ke-wou fit une offrande de vin au ciel, en témoignage de sa gratitude. « C’est ainsi, s’écriait-il, que les vertus de mon père ont été récompensées ! C’est ainsi que les artifices de Thang ont rencontré leur punition ! Comment les hommes peuvent-ils renoncer à la vertu pour se complaire dans le vice ! »

Thang et sa femme firent dresser un acte par lequel ils disposaient de leurs personnes et de leurs biens, et le présentèrent à Ke-wou, en le suppliant d’agréer leurs services pour le reste de leurs vies ; mais celui-ci refusa absolument de l’accepter, et les tranquillisa par des paroles obligeantes. Alors le mari et la femme ayant fait graver une tablette pleine de leurs vœux pour lui, la placèrent dans le lieu le plus honorable de leur maison, pour y faire leurs offrandes. Quoiqu’ils ne pussent pas le persuader de les prendre à son service, ils ne s’en considérèrent pas moins comme ses serviteurs, et non-seulement ils s’efforcèrent de reconnaître ses bienfaits, mais encore ils firent savoir à tout le monde qu’ils appartenaient à la famille de Iu, et dès lors personne ne songea à leur faire injure.

Pour consacrer la mémoire de ces événemens, on composa une stance qui avait pour objet de conseiller aux hommes riches de ne pas envier la propriété de leurs voisins. Nous la donnons telle qu’elle s’est conservée :

« Contraint par le besoin, il vendit sa maison et ses terres,
» Maintenant la maison, les terres et les acheteurs lui reviennent ;
» C’est ainsi que la vertu reçoit enfin sa récompense,
» Tandis qu’il ne reste au vice envieux que des infortunés à déplorer.


MORALITÉ.

La perspicacité du jugement du hian ; la générosité désintéressée du vieillard, et la modération de Ke-wou, méritent toutes trois une renommée éternelle. Les magistrats doivent suivre l’exemple du hian, et les citoyens doivent imiter la modération de Ke-wou. Ceux qui ont de la fortune et de la bienveillance auraient tort cependant de se modeler tout à fait sur le vieillard, parce qu’on ne saurait le justifier à l’égard de sa pétition anonyme. Les actions de l’amitié généreuse ne sont pas toutes dignes d’être imitées. Ceux de qui la vie se recommande principalement par de bonnes actions sont invariablement des hommes intègres. Ainsi, à l’égard des amis, la différence qui existe entre ceux qui sont justes et ceux qui sont seulement généreux, c’est que la conduite des premiers doit servir de modèle, et qu’il faut se garder de copier celle des autres.


Fin.
  1. Le Hian ne connaissait que son Sing, c’est-à-dire, son nom de famille, lequel chez les Chinois se place toujours avant le Ming ou le Tseu, qui est le surnom ou le titre ; il dit donc : Thang meou, Thang un tel :
    (Note du Traducteur anglais.)
  2. Sorte de treillis ou de rideau qu’on suspend dans un appartement, et derrière lequel se placent les femmes pour voir sans être vues.
     Voyez le roman de l’Union bien assortie, tom. 2, pag. 73. (T. F.)
  3. Magistrat fameux des anciens temps. Le nom de sa place était Loung-tou-ta-hio-sse, et son nom propre Pao-wen-tching. Il est maintenant déifié, et on lui a élevé des temples.
    (Note du Traducteur anglais.)
  4. Environ cent lieues.