Sagesse de Bretagne/Des Pays

Sagesse de BretagneAlphonse Lemerre, éditeur1 (p. 274-283).

Des pays[1]

I


Cent pays, cent usages.

Cent paroisses, cent églises.
 
Ô Bretagne, ô très beau pays !
Bois au milieu, mer alentour. (Tiré du Télen Arvór.)

II

 
La mer de Cornouaille est poissonneuse,
La terre de Léon abondante en blé.
 
Mon Dieu, protégez-moi au passage du Raz,
Car ma barque est petite et la mer est grande.

Nul n’a passé le Raz

Sans frayeur ou sans mal.
Depuis qu’est submergé Ker-Is[2],

On n’a pas trouvé le pareil de Paris.

Paris
Pareil à Is.

Quand des eaux sortira Kcr-Is,
Dans les eaux entrera Paris.

Saint-Pol, la ville sainte. — Kemper la belle. — Lorient la jolie.
 
Les montagnes d’Arré, échine de la Bretagne.
 
Aplanir Brasparz,
Épierrer Berrien,
Arracher la fougère de Plouié,
Sont trois choses impossibles à Dieu.
 

prière des pèlerins.

Saints de mon pays, secourez-moi !
Les saints de ce pays ne me connaissent pas.
 

III

 
Dans la paroisse de Taulé, entre les deux grèves,
Est le meilleur breton parlé dans la Bretagne.
 
Breton de Léon, et français de Vannes.

Oui et non,
C’est le français de la maison. (Cornouaille, 1842.)
 

Parler breton comme un Normand.
IV

 

Un Normand a son dit,

Et il a son dédit.
 
Voici un dire d’autrefois :
Vain et léger comme un Français,
Dur et méchant comme un Anglais,
Orgueilleux comme un Écossais.
 
Sot comme un Vannetais (un Morbihanais),
Brusque comme un Cournouaillais,
Voleur comme un Léonnais,

Traître comme un Trégorrais.

Les cloches de Saint-Jean de Vougay disent :

Keraniens ! Keraniens !
Tous voleurs ! tous voleurs !

Les cloches de Saint-Jean de Kéran répondent

Ce que nous sommes, nous le sommes ;

Ce que nous sommes, nous le sommes !
 
Panais ! Panais !
C’est le dîner d’un Léonnais.
 
Pain d’avoine et beurre frais,
C’est le plaisir des Quintinais.

Mangeurs de bouillie et de choux.
Ceux de Saint-Brieuc le sont tous.
 
Fèves rouges et fèves bariolées.

Abricots des Lamballais.

 

Un Lamballais est un maître

Pour faire de bons talus.
 
Français pourri ! Français pourri !
Le sac du diable sur son dos.

Têtes-de-sardine, ceux de Concarneau ;
Têtes-de-saumon, ceux de Châteaulin ;
Têtes-de-merlus, ceux de Combrit.
 
Bec de rouget, bec salé !
C’est ce qu’on mange à Quimperlé.
 

triade de cornouaille[3].

Le recteur de Kemper est instituteur,
Celui du Grand-Ergué, écobueur,
Celui d’Ellian, faucheur.
 
Le recteur de Concarneau est pêcheur,
Celui de Beuzec herboriseur.
Celui de Melven beau parleur.
 
Le recteur de Pont-Aven est cordonnier,
Celui de Rosporden chapelier,
Celui de Trévou sabotier.
 
Le recteur de Corré est tisserand.
Tailleur est celui de Leurhan,

Fanfaron celui de Fouesnant.
Le recteur de Tourc’h est tonnelier,

Celui de Ker-nével charroyeur,
Et celui de Scaer est lutteur.

V

 

des tailleurs.

Il faut neuf tailleurs pour faire un homme.

Qui dit tailleur
Dit menteur.

des meuniers.

Des crêpes et du beurre, c’est bon.
Et un peu du sac à farine de chacun.
Et les jolies filles aussi.

VI

 
De toute couleur bon cheval.
En tout pays bonnes gens.
 
Le roitelet aime toujours

Son toit et le petit coin de son pays.



  1. Plusieurs des proverbes qui précèdent ont leurs analogues dans les proverbes français ; cependant on n’a pas voulu les omettre, ignorant si la sagesse française n’était pas héritière de l’antique sagesse des Gaulois. — Dans cette section sur les Pays tout est local : ce sont des épigrammes rustiques et familières, telles qu’en pouvaient échanger les cantons et les petites bourgades de la Grèce, et qu’il serait si curieux de connaître. Les antiquaires et les artistes en sentiront la valeur. C’est surtout dans les choses simples que les mœurs d’un peuple sont vivantes.
  2. La ville d’Is, située dans la baie de Douarnenez, fut submergée vers l’an 442
  3. Cette triade nous semble personnifier d’une manière assez
    originale, dans chacun de leurs recteurs ou curés, le caractère
    de quelques paroisses de la Cornouaille.