Sabre et scalpel/16
CHAPITRE XVI.
En arrivant au château, Chagru n’avait pas pu longtemps cacher l’affreuse nouvelle. Toute la maison fut jetée dans un émoi impossible à décrire.
Maximus se promenait à grand pas, l’œil en feu et la bouche contractée ; Gilles Peyron s’arrachait les cheveux, et Pétrini, qui se trouvait là par hasard, semblait frappé de stupeur pendant que Céleste poussait des cris comme le ciel dut en entendre des derniers survivants du déluge.
— Tout-à-coup, Pétrini se leva comme poussé par un ressort et marcha droit vers Maximus.
— Il n’est pas question de se lamenter, dit-il, il faut agir, et agir vite. Du temps qu’il fait les brigands qui ont osé porter la main sur Mlle Ernestine ne peuvent pas aller loin. Ils ne supposeront pas d’ailleurs que nous allons les relancer ce soir et nous les prendrons peut-être à l’improviste.
Maximus se retourna vers le jeune italien et lui saisit vivement les mains.
— Brave enfant, va ! dit-il, Dieu te récompensera et je serai fier de te nommer mon fils.
En moins de cinq minutes, tout le personnel du château avait été réuni autour de Maximus, de Pétrini et de Gilles Peyron, neuf personnes en tout, bien armées et protégées contre la pluie par d’amples manteaux.
Les chevaux furent amenés et l’on se mit promptement en selle.
Au moment du départ, Duroquois arriva comme une bombe au milieu de la petite troupe.
— J’apprends à l’instant le malheur, dit-il tout essoufflé à Maximus, et je viens vous aider. Ah ! les brigands ! Nous les tuerons, fussent-ils le diable en personne ! suffit !
Maximus lui serra la main en silence et fit amener une monture, c’était celle d’Ernestine.
Duroquois se campa sur ses étriers en marmottant des menaces.
— En route maintenant, cria Pétrini, il n’y a pas une minute à perdre.
La petite troupe s’ébranla et partit au galop à la suite du père Chagru qui courait à l’avant-garde avec François, le garçon de ferme.
Les deux vieux marins se tenaient à la crinière pendant que les chevaux, fouettés par une pluie battante, bondissaient avec une rapidité vertigineuse à travers champs et fossés.
— Quel tangage ! mon vieux, râlait Chagru entre deux bonds ; on se croirait sur un ras de marée, quoi ! Avec ça, un clapotis que le cœur m’en fait mal !
François mâchonnait sa chique sans pouvoir parler et se tenait ferme à la crinière.
Au bout d’un quart d’heure, on arriva à la clairière où toute la trouve fit halte, et où on laissa les chevaux.
Giacomo qui avait pris le commandement, divisa ses dix hommes par groupes de deux.
Il se fit indiquer par Chagru la direction qu’avait prise les ravisseurs d’Ernestine, et il fut décidé que chaque groupe marcherait dans cette direction, sur des lignes parallèles, à une distance de cent pas, en ayant soin de se tenir toujours à portée de voix.
Pétrini se trouvait avec Maximus qui portait une lanterne sourde ; à leur gauche étaient François et Chagru, tandis que le groupe de droite était composé de Duroquois et de Gilles Peyron. Les deux autres groupes formaient chacun l’extrême côté.
Dans cet ordre, ils entrèrent sous le couvert en faisant le moins de bruit possible.
À chaque instant, Maximus et Pétrini s’arrêtaient pour écouter et s’orienter le mieux qu’ils le pouvaient dans l’ombre, et s’aidant des rayons blafards de la lanterne sourde.
Au bout d’une demi-heure, ils n’avaient encore fait qu’un mille environ.
Pétrini connaissait parfaitement tous les coins et recoins de cette forêt ; mais il était trop rusé pour faire part de cette circonstance à Maximus ; bien au contraire, à chaque moment, il s’adressait à lui pour savoir s’ils ne s’étaient pas égaré et s’ils suivaient toujours la bonne direction. Maximus lui-même n’était pas très-sûr de son chemin.
À un moment donné, il s’arrêta et appela tout son monde autour de lui, pour reprendre le rhumb du vent.
L’un des valets de ferme constata que Maximus, au lieu de s’avancer en ligne droite, avait parcouru presque un demi-cercle.
Peut-être Pétrini n’était-il pas étranger à cette déviation.
Maximus s’emporta contre lui-même.
— Comment diable ai-je pu me tromper ainsi ? dit-il ; c’est une demi-heure de perdue. Allons ! remettons-nous dans la bonne voie et en route !
La petite caravane reprit son ordre de marche et s’avança à travers les branches et les buissons ruisselants de gouttes de pluie qui fouettaient la figure et pénétraient sous les manteaux.
Gilles Peyron, comme nous l’avons vu, se trouvait en compagnie de Duroquois.
Tout-à-coup, il arrêta ce dernier et, lui saisissant le bras, se mit à écouter.
— N’avez-vous rien entendu, dit-il ?
— Mais non ; fit naïvement Duroquois.
— Il me semble pourtant avoir reconnu une voix humaine, et si je ne me trompe pas une voix de femme là-bas, sur la gauche.
— C’est curieux que je n’ai rien entendu ; positif !
— Après tout, je pourrais m’être trompé, et je n’oserais pas arrêter toute la troupe pour si peu, ce serait perdre un temps précieux, sans aucun résultat peut-être. Pourtant si c’était elle !
Faisons une chose. Continuez avec les autres et tenez votre place ; pendant ce temps-là, je vais aller faire une petite course dans la direction où j’ai entendu le cri ; je vous rejoindrai à la lisière de l’autre côté du bois.
Sans attendre la réponse de Duroquois, il s’élança et disparu dans la nuit.
Ce dernier continua sa marche et rejoignit la ligne en faisant des vœux pour le succès de l’honnête intendant.
Quant à Gilles, nous avons vu dans le chapitre précédent quel avait été le but de sa course.
À la fin, la troupe arriva de l’autre côté de la forêt, dans une éclaircie qui se trouvait à environ trois milles du point de départ.
Rien n’avait été découvert et Gilles manquait à l’appel.
Duroquois expliqua son absence. Maximus eut une lueur d’espoir.
— Noble cœur ! dit-il, que Dieu bénisse ses efforts ! Il aura un nouveau titre à ma reconnaissance, à mon amitié !
À la demande de Maximus, on s’installa sous un grand pin, et comme l’orage avait beaucoup diminué l’un des hommes alluma un grand feu autour duquel chacun vint s’asseoir pour sécher un peu ses habits.
Cependant le temps se passait et Gilles Peyron ne revenait pas. Maximus était sombre et gardait le silence, pendant que Pétrini faisait entendre des soupirs prolongés.
François et le père Chagru s’étaient retirés un peu à l’écart et causaient à voix basse en fumant leurs pipes assis sur le tronc d’un érable renversé.
— Quel temps de chien ! disait Chagru, et pas une étoile, encore ! je donnerais quelque chose pour être revenu.
— Bah ! répondait François, nous en avons enduré bien d’autres. D’ailleurs, je me console en pensant que l’intendant est aussi mouillé que nous.
— Ça, c’est pas mal vrai ; vous continuez donc à le détester ce cher homme ?
— Avec çà que vous paraissez l’aimer pas mal, vous, par exemple.
— Le fait est que c’est un fieffé pendard.
— Et qui veut se faire passer pour un petit saint. Mais vous le connaissez comme il faut, vous, père Chagru ?
— Un peu trop, pour mon malheur. Je puis bien vous dire ça à vous qui êtes un homme de mer et par conséquent un vrai cœur, — il ma raconté un peu de sa vie et ce n’est pas de l’eau douce. Il a fait de vilains coups dans l’Amérique et de l’autre côté aussi.
— Il a été dans l’Amérique ?
— Oui et il s’est marié avec une fille riche, la fille d’un juif…
— Comment ! mais si c’était !…
— Tonnerre ! à présent ça me frappe aussi : c’est lui ! Et dire que je n’y ai pas pensé avant aujourd’hui. Nom d’un nord-est ! Ça cadre juste avec ce que vous m’avez conté l’autre jour ! En v’la une découverte !
— Chut, père, nous en reparlerons une autre fois et nous tâterons le terrain. Si c’est ça je lui promets une danse. V’la l’animal qui arrive. Quand on parle du diable, on voit ses cornes. Rentrons nos voiles.
En effet, Gilles Peyron, arrivait en ce moment et se jeta près du feu, haletant et trempé jusqu’aux os.
Tous les yeux se tournèrent vers lui pleins d’anxiété.
— Rien, murmura-t-il, en réponse à ces regards, rien ! Et pourtant Dieu sait si j’ai couru, si j’ai cherché !
— Mon Dieu ! mon Dieu, dit Maximus d’un air accablé, est-il possible, est-il possible ! Il baissa la tête, puis au bout d’un instant il ajouta :
— Il est minuit passé ; retournons au château, mes amis, demain nous essaierons encore.
Ah ! Dieu m’afflige, mes enfants, Dieu m’afflige ! Et deux larmes roulèrent sur ses joues.
On s’en retourna un peu plus vite qu’on n’était venu ; et, sur les trois heures du matin, tout le parti reposait au château, à l’exception de Maximus, qui se promenait d’un pas fiévreux dans sa bibliothèque en songeant au coup terrible qui venait de le frapper d’une manière si imprévue.
Le lendemain, ou plutôt le même jour, dans la matinée Maximus se préparait à se rendre à la ville pour requérir l’assistance des autorités, pendant que des groupes occupaient déjà les bois d’alentour, et cherchaient la trace des ravisseurs.
Il allait franchir le marchepied de sa voiture quand Laurens arriva comme un ouragan, au triple galop de son cheval, et sauta sur le sable de l’allée.
— C’est donc vrai ? mon Dieu, cria-t-il, je viens d’apprendre la nouvelle au moment de mon départ.
Maximus le regarda d’un air singulier.
— Oui, dit-il, c’est vrai, et j’espère que nous démasquerons les coupables ou le coupable, car je m’en vais de ce pas prévenir la justice.
— Mon Dieu ! mon Dieu ! Quelle affliction ! quel coup épouvantable ! Et moi qui l’ai laissée si gaie avant-hier ! Ah ! Maintenant, je ne pars plus. Il faut que nous la retrouvions. Si vous voulez me le permettre je vous accompagnerai.
Allons d’abord prévenir la justice.
— Merci, dit Maximus, que la douleur franche du jeune homme touchait profondément, merci monsieur : dans le malheur où je suis, je ne puis pas avoir trop d’assistance. Laissez reposer votre cheval ici, vous prendrez place avec moi.
Gustave sauta sur le siége et le cocher partit à fond de train vers la ville.
Le même jour et vers la même heure à quelques arpents du Pic Bleu, Luron et Beppo fumaient tranquillement leurs pipes, assis sur le tronc d’un hêtre renversé.
— Comme ça, maître André, tou as vou la petite cematin ?
— Tiens ! c’te demande !
— Et elle est réveillée ?
— Réveillée ? Plus réveillée ? que toi marquis ; seulement elle a un grand tort, elle ne veut pas rester avec nous.
— Per Dio ! Elle est fière, celle-là ; la chambre d’honneur !
— Il paraît qu’elle est encore mieux logée chez son oncle.
— II est riche, le bonhomme — Oui ! et il paiera gros !
— Hum ! On ne sait pas.
— Comment ! S’il ne veut pas, nous saccagerons sa maison. Je me charge de la cave ; quelles bonnes bouteilles il doit y avoir.
Et le Napolitain se passa la langue sur les lèvres.
— Dans tous les cas, Marquis, nous n’avons rien à voir là-dedans, c’est l’affaire du chef.
— Oui, oui, l’affaire dou chef ; il me semble que nous faisons depuis longtemps l’affaire dou chef, sans que le chef fasse la nôtre.
— Que veux tu, marquis ? l’homme est un dé ; s’il tombe sur le six, il marque un, s’il tombe sur l’un, il marque six.
— C’est ça nous sommes tombés sur le six ; c’est évident ; toujours…
À ce moment, une main pesante se posa sur l’épaule du marquis. Il fit un soubresaut et tous les deux se retournèrent ; Pétrini était derrière eux.
— Nous sommes perdus, se dirent mentalement les deux aventuriers.
Cependant la figure du chef n’exprimait pas la colère ; au contraire, il était souriant, ce qui était assez rare quand il faisait face à ses subordonnés.
— Comme cela, mes gaillards, vous vous la passez assez douce, à ce qu’il me semble !
Le marquis avait déjà fait disparaître sa pipe, par prudence autant que par respect.
— Nous nous reposions oune peu ; la nouit a été doure, dit-il.
— Oui, oui ; je sais, dit Pétrini ; mais cela ira mieux, dans quelque temps ; j’espère que les beaux jours reviendront, ayez confiance. Je suis un peu pressé pour le moment, mais vous aurez du neuf avant peu.
Sur ces mots, il s’élança à travers les branches dans la direction du Pic Bleu, laissant les deux hommes dans le plus profond étonnement ; car ils n’étaient pas habitués à ces familiarités de la part de leur chef.
Ernestine était assise dans sa grotte, ou plutôt couchée sur un banc à bras recouvert en velours rouge.
Depuis le point du jour, elle n’avait pas changé de position et s’était refusée de répondre à toutes les questions de la vieille Zégine.
Elle paraissait plongée dans un abattement profond.
— Mon Dieu, se disait-elle, est-ce que je dors ou suis-je éveillée ? Ne serais-je pas sous l’effet de quel qu’affreux cauchemar ! Pourtant, je me souviens bien ; la source était là ; je regardais les fleurs ; ils se sont élancés sur moi, j’ai senti les branches qui me fouettaient la figure, puis… je me suis éveillée ici, dans cette prison, Mon Dieu ! qu’ai-je donc fait. Oh ! mon pauvre oncle ! sait-il où je suis ; et Giacomo ? si au moins…
À ce moment la portière se souleva doucement ; Ernestine se retourna ; Pétrini était devant elle, pâle, les vêtements en désordre et un doigt sur la bouche.
— Chut ! fit-il, pour réprimer un cri qui allait s’échapper des lèvres de la jeune fille ; ma vie et la vôtre sont en danger, silence !
— Mon Dieu ! murmura-t-elle tout bas, en tendant les mains vers Pétrini, c’est bien vous ? Alors, je suis sauvée !
— Pas encore, dit-il en serrant les deux mains qu’elle lui tendait, mais nous allons au moins y travailler. Que je me remette un peu. Ah ! j’ai eu bien du mal, pour parvenir jusqu’ici et vous trouver.
Deux grosses larmes roulèrent sur ses joues et il se laissa tomber sur un banc comme écrasé par la faiblesse et l’épuisement.
Décidément, c’était un grand comédien que Giacomo Pétrini.
Quand il eut soupiré et qu’il se fut essuyé le front pendant plusieurs minutes, il reprit d’une voix presque mourante :
— D’abord laissez-moi vous dire que j’ai vu votre oncle ce matin ; il est triste mais plein d’espoir. Ah ! s’il pouvait savoir, maintenant, que je vous ai retrouvée !
— Mais il le saura bientôt, n’est-ce pas ?
— Si je sors d’ici vivant, je vous le jure !
— Dieu ! est-ce que vous seriez prisonnier, vous aussi !
— Chut ! ne parlez pas si haut. Vous ne connaissez pas le lieu où vous êtes. C’est une immense caverne, remplie de bandits et d’armes de toute espèce. À l’heure qu’il est nous sommes entourés, et, d’un moment à l’autre, si l’on soupçonnait ma présence ici, on pourrait me tuer sans merci.
— Alors nous sommes donc perdus, grand Dieu.
— Pas encore, je vous l’ai dit. C’est une espèce de miracle qui m’a conduit ici. En battant la forêt — car depuis hier, nous sommes tous à votre recherche — j’ai trouvé dans la montagne une fissure dans laquelle je me suis engagé, poussé par la Providence sans doute. Après des efforts inouïs, je suis parvenu jusqu’à vous. Tout me porte à croire que ce chemin par lequel j’ai passé n’est pas connu des bandits qui vous retiennent prisonnière, car il n’était pas gardé. Cependant, ils sont là sept ou huit dans la caverne voisine, j’ai entendu leurs voix. Si je puis retourner par le même chemin sans être vu, nous reviendrons en force pour vous sauver ; mais si je suis découvert…
— Alors ?
— Alors, dit-il d’une voix douce et en penchant la tête, alors priez Dieu pour moi, car ma fin sera proche !
— Puisqu’il en est ainsi, emmenez-moi avec vous, et, s’il faut mourir nous mourrons ensemble ; car ajouta-t-elle en tendant les bras vers lui, et lui saisissant les mains je sens que je ne vous survivrais pas !…
— Oh ! mon Dieu ! dit Pétrini, tant de bonheur et la mort si proche !
Mon Dieu est-il possible !
Il se tordait les mains et pleurait à chaudes larmes.
— Emmenez-moi, emmenez-moi ! disait Ernestine.
— Hélas ! c’est impossible ; vous ne pourriez jamais franchir les précipices à travers lesquels j’ai passé.
— N’importe, nous mourrons au moins ensemble ; d’ailleurs quelque chose me dit que nous réussirons.
— Enfant ! je le voudrais, mais ce serait nous nous perdre tous les deux. Ayez confiance ; si je puis sortir inaperçu, ce soir, vous serez dans les bras de votre oncle. Priez Dieu et espérez !
— Il se dégagea doucement et disparut par le rideau avant que la jeune fille eût le temps de l’arrêter. Au même moment, un coup de feu ébranla les voûtes de la caverne voisine et fut suivi d’un long cri d’angoisse. Ernestine tomba évanouie.
Pétrini qui avait préparé soigneusement toute cette petite scène, s’éloigna tranquillement, après avoir envoyé la vieille Zégine prendre soin de sa fiancée.
— Le coup de feu a fait son effet, se dit-il ; elle s’éveillera, sous l’impression que je suis mort ou tout au moins blessé pour elle. Allons maintenant consoler Maximus, lequel a une grande chance de devenir mon oncle chéri.
Sur ces mots, il s’engagea dans l’escalier tortueux sous la conduite de Pierre qui l’éclairait de sa lanterne.
Au bout de dix minutes, lorsqu’Ernestine revint à elle, Zégine était assise et cousait en chantonnant au pied de son lit.
— Est-il mort ? furent ses premières paroles.
— Qui ? mort ? fit la vieille d’un ton bourru.
— N’ai-je pas tout-à-l’heure entendu un coup de feu et comme le cri d’une personne blessée à mort.
— Un coup de feu ? un cri ? Vous avez rêvé, jeune fille ; il n’y a rien eu de pareil ici. Et, tenez vous feriez mieux de prendre cette tasse de tisane, c’est bon pour les cauchemars.
Ernestine prit machinalement la tasse et en but le contenu tout d’un trait.
— Mon Dieu, dit-elle, faites que ce soit un rêve ! Et pourtant, je l’ai bien vu, j’ai encore sur ma joue la trace de ses larmes brûlantes.
Elle se retourna sur sa couche, et soit par épuisement, soit sous l’effet de la tisane, elle tomba dans un profond sommeil.
Pendant ce temps, Giacomo, qui avait laissé son cheval dans un fourré à quelque cent pas du Pic Bleu s’élançait en selle et lançait sa monture au triple galop vers le château de Maximus.
Trois quarts d’heure après, au moment où il mettait pied à terre en face du perron, Maximus et Laurens, entraient dans l’avenue suivis d’une voiture de louage dans laquelle était un gros monsieur en cravate blanche à côté d’un gaillard à l’air joyeux, aux yeux vifs et remuants, faisant un contraste choquant avec l’air majestueux du monsieur en cravate blanche.
Quand ils entrèrent au salon, Pétrini était déjà en train de raconter à Céleste une histoire au sujet de ses recherches du matin ; à la vue de Laurens, il ne put retenir un mouvement de dépit qu’il réprima aussitôt pourtant et se leva pour saluer les nouveaux arrivants.