Ronsard - Œuvres, Buon, 1587/Ieune beauté, mais

Œuvres de P. de Ronsard, Texte établi par Jean Galland, Claude Binet et al., BuonTome 2 (p. 197-198).
ODE XII.



IEune beauté mais trop outrecuidée
Des preſens de Venus,
Quand tu verras ta peau toute ridée
Et tes cheueux chenus,
Contre le temps & contre toy rebelle
Diras en te tançant,
Que ne penſoy-ie alors que i'eſtoy belle
Ce que ie vay penſant ?
Ou bien pourquoy à mon deſir pareille
Ne ſuis-ie maintenant ?
» La beauté ſemble à la Roſe vermeille
» Qui meurt incontinent.
Voila les vers tragiques & la plainte
Qu'au Ciel tu enuoyras,

Tout außi toſt que ta face dépainte
Par le temps tu voirras.
Tu ſçais combien ardemment ie t'adore
Indocile à pitié,
Et tu me fuis & tu ne veux encore
Te ioindre à ta moitié.
O de Paphos & de Cypre regente
Déeſſe aux noirs ſourcis !
Pluſtoſt encor que le temps ſoy vengente
Mes deſdaignez ſoucis,
Et du brandon dont les cœurs tu enflames
Des jumens tout autour,
Bruſle-la moy à fin que de ſes flames
Ie me rie à mon tour.