Ronde de vieilles (Grégoire Le Roy)

Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 197-198).


Ronde de Vieilles


Petites vieilles, mes pensées,
Il neige, il tombe du lointain,
Un peu de mort et d’incertain
Sur toutes les choses passées.

En moi pourquoi cette froidure,
Et ce calme et ces longs hivers,
Et ces lugubres ciels couverts,
Et cet hiver qui dure et dure ?

Petites vieilles inutiles,
Faites du feu de vos passés,
Et de tous ces roseaux cassés,
Et de tous ces rêves stériles.

Les souvenirs de toutes sortes,
Brûlez-les comme du sarment,
Et chauffez-vous très longuement
Au petit feu des branches mortes.


Parlez-vous bien dans vos souffrances,
De ces bons jours de l’Autrefois,
Et videz encor de vos doigts,
Les fuseaux bleus des souvenances.

Et quand la nuit, la nuit pleureuse,
Dans la chaumière se fera,
L’une de vous rallumera,
Comme une lampe un peu fumeuse,

— Oh ! pourquoi faut-il que je pleure
De n’en avoir oublié rien ? —
La souvenance, la meilleure,
De Celle que vous savez bien.