Rimes de voyage
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 52 (p. 991).
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UNE STATUE DE PUGET.


Les bourreaux ont lancé leurs flèches empennées,
Et le soldat du Christ aux brillantes années,
Sébastien, par les trous qu’elles font en sa chair,
Sent avec tout son sang l’âme se détacher.
Déjà son cœur remue à peine en sa poitrine,
Sur son corps affaissé sa pâle tête incline,
Il tombe, et s’il n’était par des liens tenu,
Il joncherait le sol… Mais une femme a vu
Le supplice de loin, et cette aimante femme,
Jalouse dans son vol d’arrêter la belle âme,
Avec le saint troupeau de ses pieuses sœurs,
Va venir la tirer des mortelles langueurs…
O Puget, que de cœurs sensibles dans ce monde
Sont, comme ton martyr, à la haine profonde
En butte et transpercés des flèches du méchant,
Faisant à larges flots couler leur noble sang !
Mais, hélas ! tous n’ont pas comme lui dans la peine
La délicate main de quelque douce Irène
Pour ranimer leur cœur, et sur la plaie en feu
Poser secrètement le dictame de Dieu.


Gênes, Sainte-Marie de Carignan.