Revue scientifique 2e trim. 1832
Séance du 2 janvier. L’Académie procède à la nomination d’un vice-président, qui cette année, doit être pris dans la section des sciences physiques. Les voix se partagent entre MM. Geoffroy-Saint-Hilaire et Cordier, qui, à un premier tour de scrutin, réunissent, l’un dix-neuf, et l’autre vingt-trois suffrages ; au second tour, M. Cordier obtient vingt-trois votes, M. Geoffroy vingt-cinq : ce dernier est proclamé vice-président. M. Lacroix, qui en 1831 avait été chargé des mêmes fonctions, passe suivant l’usage à la présidence pour l’année dans laquelle nous entrons.
Divers mémoires sont adressés pour le concours aux prix fondés par M. de Montyon.
M. Gendrin ayant, dans une des séances précédentes, fait connaître les succès qu’il avait obtenus de l’usage de la limonade sulfurique dans le traitement de la colique de plomb, MM. Chevalier et Rayer adressent des documens qui prouvent que, depuis plusieurs années, ils emploient une méthode curative, la même au fond que celle proposée par M. Gendrin, et avec un succès égal à celui qu’il annonce avoir obtenu.
M. Ampère, faisant allusion aux expériences récentes de M. Faraday sur la production d’un courant électrique par l’action d’un courant voisin, rappelle qu’en 1822 il a fait à Genève des expériences analogues à celles du physicien anglais.
M. Cuvier lit un mémoire sur les progrès de l’ossification dans le sternum des oiseaux.
Le sternum des oiseaux, lorsqu’il s’ossifie, présente comme presque tous les os larges, plusieurs points autour desquels commence à se déposer le phosphate calcaire. On en voit cinq chez le jeune poulet, et les anatomistes, supposant qu’il en était de même pour tous les autres oiseaux, considéraient le sternum de ces animaux comme résultant de la réunion de cinq os distincts. Telle était l’opinion générale lorsque M. Geoffroy-Saint-Hilaire, conduit par ses idées sur l’unité de composition dans le système osseux des vertébrés, chercha dans le sternum des oiseaux un plus grand nombre d’os, et annonça qu’il en existait neuf. Ces os, que, pour éviter l’emploi des périphrases, nous désignerons par les noms que M. Geoffroy leur a donnés sans rien préjuger d’ailleurs sur la théorie qui sert de base à cette nomenclature, sont, d’abord, les cinq pièces précédemment reconnues, savoir : la pièce médiane que forme la quille et la partie moyenne de la carène (l’ento-sternal), deux pièces triangulaires formant les angles antérieurs du sternum (les hyo-sternaux), et deux pièces le plus souvent fourchues formant les angles postérieurs (les hypo-sternaux) ; puis les quatre pièces nouvelles, savoir : les épisternaux et les xiphisternaux, situés, les premiers, en avant, et les autres, en arrière de la pièce impaire.
M. Cuvier, qui, d’après ses observations antérieures, était porté à douter de l’existence des nouvelles pièces annoncées par M. Geoffroy, a entrepris une série de recherches destinées à fixer les idées non-seulement sur ce point, mais encore sur plusieurs autres qui étaient considérés, quoique à tort, comme suffisamment avérés. Il ne s’est pas borné à étudier les gallinacés, mais il a porté ses investigations sur tous les ordres, et pour chacun d’eux sur plusieurs espèces ; suivant de jour en jour, et pour ainsi dire d’heure en heure les progrès de l’ossification, depuis le moment où se montrent les premiers rudimens du système osseux dans l’embryon jusqu’à l’époque où ce système a atteint chez l’adulte toute sa perfection. Dans le mémoire que nous analysons, il s’est borné à faire connaître les résultats relatifs au sternum. Les bornes de cet article ne nous permettent pas de faire connaître tous les détails de cet important travail et nous nous contenterons de rapporter les conclusions que l’auteur exprime dans les termes suivans :
1o Le sternum du poulet n’a que cinq pièces osseuses, cinq noyaux d’ossification : l’ento-sternal, les hyo-sternaux et les hypo-sternaux.
2o Les épisternaux et les xiphisternaux sont, non pas des noyaux osseux distincts, mais des restes non encore ossifiés du cartilage primitif.
3o Il s’en faut de beaucoup que les cinq noyaux se montrent dans tous les oiseaux ; dans les plus grands nombres, notamment dans les oiseaux d’eau et les oiseaux de proie, le squelette ne commence à s’ossifier que par deux points placés aux mêmes endroits que ceux qui, dans les gallinacés, ont été nommés hyosternaux.
4o Les formes du sternum, sa quille, ses échancrures, ses trous, ne sont pas les produits de l’ossification, mais cet os préexiste avec tous ses caractères en nature de cartilage, et avant qu’il s’y soit montré aucun point osseux.
5o Il n’est nullement nécessaire à la formation d’un trou dans un os ou du moins d’un de ces trous qui sont fermés par une membrane, que plusieurs os d’abord distincts, l’aient entouré ; ce trou peut être déjà existant dans le cartilage, et la matière osseuse peut l’enceindre petit à petit ou tout à-la-fois, sans jamais être divisée en plusieurs pièces.
6o Le cartilage préexistant avec tous ses caractères avant qu’il se montre aucun symptôme d’ossification, la manière dont cette ossification se fait, le nombre plus ou moins grand des noyaux où elle commence, la direction selon laquelle ces noyaux s’étendent, ne sont d’aucune considération dans la discussion de ces doctrines connues sous le nom d’épigénèse et d’évolution ; surtout on ne peut en déduire aucune preuve en faveur de l’épigénèse.
7o Les grains osseux qui doivent donner au sternum son caractère se déposent successivement par l’effet de la nutrition et l’action des artères, non pas sur, mais dans la substance du cartilage. Ces molécules osseuses s’interposent entre celles du cartilage qui s’écartent pour les recevoir, et qui finissent par leur céder en partie la place. Il y a donc dans ce mode de durcissement, de la part du cartilage, une véritable intus-susception qui n’a rien de commun avec la juxta-position opérée dans la formation des dents et des coquilles, mais qui ressemble bien plutôt à la transformation de substance que ces mêmes dents, ces mêmes coquilles éprouvent si souvent dans l’intérieur de la terre.
Une réclamation de M. Serres, relativement aux trois dernières conclusions, donne lieu à une explication entre M. Cuvier et lui ; explication d’où il résulte seulement que les deux académiciens attachent aux mêmes mots une valeur différente, et qu’ainsi, par exemple, tandis que par ossification M. Cuvier entend la déposition du phosphate calcaire dans le cartilage, M. Serres entend la formation du cartilage lui-même. Les deux adversaires ne se rencontrent donc pas ici sur le même terrein, et il faudra que ce soit sur quelque point plus reculé, que les deux doctrines de l’épigénèse et de l’évolution en viennent enfin à se prendre corps à corps. Quoi qu’il en soit, les faits recueillis par M. Cuvier sont désormais acquis à la science et ne perdront jamais rien de leur valeur.
M. Delpech lit, en son nom et celui de M. Coste, un mémoire sur les monstruosités, faisant suite au travail précédemment présenté par les mêmes auteurs sur la formation de l’embryon.
La monstruosité, à l’occasion de laquelle a été écrit ce mémoire, s’est offerte dans un œuf de poule, observé après trente-six heures d’incubation, mais dont le développement semble avoir été retardé de près de dix heures. On y voit deux germes avec leurs tapis qui chevauchent un peu l’un sur l’autre. L’appareil nerveux est bien marqué dans les deux ; mais il est moins avancé dans celui dont le tapis est engagé sous l’autre. Les axes des deux appareils nerveux ne sont pas parallèles ; celui du plus grand est dirigé parallèlement à la ligne des deux chalazes, l’autre forme avec cette ligne un angle d’environ 45°. Les auteurs du mémoire considèrent ce défaut de parallélisme entre les deux axes nerveux, non comme une disposition primitive, mais comme le résultat des forces qui président au développement des embryons, comme étant déterminée par la direction des courans électriques, dont ils admettent l’existence autour de chaque germe. Si l’on suppose deux germes, situés parallèlement et de manière à ce que la tête soit, pour tous les deux, tournée du même côté, la même symétrie existera pour les courans électriques ; or, les courans parallèles et dirigés dans le même sens s’attirant mutuellement, ainsi que nous l’ont appris les découvertes récentes, les deux germes, qui sont le siége de semblables courans, tendront à se porter l’un vers l’autre, en conservant leur parallélisme. Toutefois, comme, dans ce déplacement, la résistance dépendant du frottement pourra être plus grande vers une extrémité de l’axe que vers l’autre, la direction de celui-ci en sera altérée, et, au lieu d’une fusion des germes dans toute leur longueur, il se produira une réunion angulaire. C’est communément par les extrémités inférieures que se fait la jonction : celle des parties supérieures est beaucoup plus rare. Quant à la réunion qui s’opérerait entre les parties supérieures d’un fœtus et les parties inférieures, on n’en a pas d’exemple, et on n’en saurait avoir en effet, si la théorie de MM. Coste et Delpech est vraie, puisqu’en supposant les axes nerveux dirigés en sens opposés, leurs courans électriques seraient en sens contraire, et dès-lors, s’il s’exerçait entre eux une action, ce serait pour éloigner et non pour rapprocher les germes.
M. Schumacher, astronome à Altona, adresse à l’Académie le programme d’un prix que le roi de Danemark vient de fonder en faveur de toute personne qui, la première, découvrira une comète télescopique. L’observation devra être transmise sur-le champ à M. Schumacher avec l’indication de l’heure précise à laquelle elle a été faite : on tiendra compte de la différence des méridiens des observateurs, pour décider de la priorité de leur découverte.
Séance du 9 janvier. M. Poisson dépose sur le bureau un travail inédit de La Grange, sur la force de la poudre à canon. On suppose que les recherches qui en font l’objet furent entreprises sur la demande du gouvernement, en 1793. Ce manuscrit sera joint à ceux du même auteur, que possède déjà la bibliothèque de l’Institut.
M. Cagniard-Latour donne la description d’une nouvelle machine de son invention, à laquelle il applique le nom de volcan hydraulique. Cette machine se compose d’un faisceau de tubes qui ont un assez petit diamètre, pour que les liquides et les gaz qu’on y introduit simultanément, y puissent rester mélangés. Si l’on place verticalement ce faisceau dans un réservoir d’eau, et qu’on fasse arriver à sa partie inférieure un courant d’air suffisamment abondant, on aura dans chaque tube une colonne intermittente d’air et d’eau, dont le poids sera nécessairement inférieur à celui de la même colonne, supposée entièrement liquide, et pourra être moindre que celui d’une colonne seulement égale en hauteur à la partie immergée. Dans ce dernier cas, il s’opérera évidemment un mouvement ascensionnel dans l’intérieur de chaque tube, dont l’extrémité supérieure donnera alternativement issue à des gouttes d’eau et à des bulles d’air.
M. Geoffroy, qui, à l’occasion du mémoire de M. Cuvier sur le sternum des oiseaux, avait fait observer que s’il évitait d’entrer sur ce sujet dans une discussion verbale, son silence ne devait point être considéré comme une marque d’adhésion, dépose sur le bureau, pour prendre date, un mémoire intitulé : Réflexions sur les faits communiqués par M. Cuvier, relativement au sternum des oiseaux et sur leur immédiate application à la théorie des analogues.
M. Latreille fait un rapport sur un mémoire de M. Guérin, intitulé : Description du genre leptognate dans l’ordre des crustacées décapodes ; l’honorable académicien n’admet point la réalité de ce nouveau genre, il croit que ces leptognates ne sont que les sergestes de M. Milne Edwards, et que les différences assez légères que présentent les individus décrits par M. Guérin, tiennent seulement à ce que les animaux observés par lui n’étaient pas encore parvenus à l’âge adulte.
M. Dulong fait en son nom et celui de MM. Arago, Prony et Cordier, un rapport très avantageux sur un nouveau producteur de vapeur, de l’invention de M. Seguier. Cet appareil paraît présenter des avantages marqués sous le rapport de la sûreté et de l’économie, avantages qui dépendent en partie du mode de chauffage à flamme renversée, et en partie du remplacement de la chaudière unique, par un système de bouilloires cylindriques, parallèles entre elles, et d’une inclinaison donnée relativement à la direction de la flamme. Le producteur de vapeur semble particulièrement propre aux usages de la navigation, et M. le rapporteur pense que l’académie pourrait engager le gouvernement à en faire l’essai sur un des bâtimens de l’état. M. Biot s’oppose à cette initiative qu’on propose de faire prendre à l’académie, comme étant tout-à-fait contraire à ses usages. On ne donne pas de suite à cette demande. L’impression du mémoire dans le Recueil des savans étrangers est ensuite mise aux voix et adoptée.
M. Chevreul fait un rapport très favorable sur un mémoire de M. Guérin, relatif à la classification et à l’analyse chimique des gommes. Sous le nom de gommes, l’auteur comprend seulement les substances qui, traitées par l’acide nitrique, donnent de l’acide mucique ; cette propriété, comme il le fait voir, appartient à deux principes immédiats qui se trouvent toujours l’un ou l’autre dans les gommes, et qui le plus souvent y existent simultanément : ce sont l’arabine, principe soluble, et la bassorine, principe insoluble. M. Guérin partage toutes les gommes en deux grandes familles, suivant que l’un ou l’autre de ces principes y prédomine. Il examine ensuite séparément chacune d’elles, et donne, avec beaucoup d’exactitude, les proportions des principes immédiats qui s’y trouvent. Le rapporteur conclut en demandant pour le mémoire de M. Guérin l’insertion au Recueil des savans étrangers. Cette proposition est adoptée.
M. Isidore Geoffroy termine la lecture, commencée dans une précédente séance, de son mémoire sur les variations générales de la taille chez les mammifères et dans les races humaines.
L’auteur fait d’abord remarquer qu’en considérant sous le rapport de la taille, les différentes classes d’animaux, il n’en est pas qui présente, entre les limites extrêmes, une distance aussi grande que celle que nous voyons chez les mammifères ; puisque d’un côté nous trouvons les immenses baleines, et de l’autre de petites musaraignes dont le volume excède à peine celui des oiseaux-mouches. Mais si, dans cette classe, nous envisageons séparément chaque ordre, chaque genre, chaque tribu, nous voyons les variations de taille devenir de moins en moins considérables à mesure que nous considérons un groupe d’ordre moins élevé. Lorsque enfin nous arrivons à la comparaison directe des espèces congénères, nous trouvons qu’aux différences importantes dans la taille coïncident toujours des différences dans l’organisation, et qu’au contraire, lorsque deux ou plusieurs espèces sont liées par des rapports très intimes, leur taille est à très peu près la même.
Pour tout ce qui concerne les variations de taille dépendante du genre de vie des mammifères, et des circonstances dans lesquelles la nature les a placés, l’auteur se livre à des recherches où nous regrettons de ne pouvoir le suivre, mais qui se trouvent résumées par lui-même dans les propositions suivantes.
La taille varie :
1o Suivant la patrie et le lieu d’habitation. Toutes les espèces qui habitent au sein des eaux, ou qui y passent une partie de leur vie, atteignent une taille supérieure à celle des autres animaux du même genre.
2o D’après le genre de nourriture. Les mammifères terrestres peuvent être rapportés à quatre groupes d’après leur genre de nourriture : les herbivores, les frugivores, les carnassiers et les insectivores. Les premiers sont les plus grands de tous, les carnivores viennent ensuite, puis les frugivores. Les plus petits de tous sont les insectivores.
3o D’après la disposition des lieux habités. La taille des mammifères est partout proportionnée à l’étendue des lieux qui doivent les recevoir ; les grandes espèces sont réservées pour les mers, les continens et les grandes îles, les petites pour les rivières et les îles de peu d’étendue. Buffon avait déjà fait remarquer que les animaux américains sont d’une moindre taille que ceux qui leur correspondent dans l’ancien continent, et il y voyait un résultat de la moindre chaleur et de la plus grande humidité du continent. M. Geoffroy n’y voit qu’un cas particulier de la loi générale qui proportionne à l’étendue des différens pays la taille des animaux qui l’habitent. En effet, dit-il, chacune des deux régions qu’on réunit sous le nom d’Amérique, équivaut environ à la moitié de l’Afrique et de l’Asie, et ne porte que des espèces inférieures de dimension aux espèces asiatiques et africaines. Au contraire, la Nouvelle-Hollande, deux fois plus petite que l’Amérique du Sud, et comme celle-ci très isolée des autres grandes terres du globe, ne renferme que des espèces d’une taille généralement fort inférieure à celle des espèces américaines. Pour un même pays, les mammifères qui habitent les montagnes sont communément, sous le rapport de la taille, au-dessous de ceux qui habitent les plaines.
Chez les animaux que l’homme a soumis depuis très long-temps, on trouve, pour une même espèce, différentes races qui présentent souvent de grandes différences sous le rapport de la taille, comme on l’observe dans l’espèce du chien, depuis le dogue de forte race jusqu’au plus petit bichon ; mais dans chacune de ces races les variations individuelles sont resserrées dans des limites beaucoup plus étroites. Pour l’homme, c’est précisément le contraire dans l’espèce humaine, la différence des tailles extrêmes d’individus appartenant à une même race est beaucoup plus considérable que celle qui existe entre la moyenne de la plus grande des races et celle de la plus petite.
Les autres résultats auxquels conduit l’étude de l’homme considéré sous le rapport qui nous occupe, peuvent se résumer dans les propositions suivantes.
1o Différence selon le sexe. Chez les peuples de très grande taille, les femmes sont en général beaucoup plus petites que les hommes. Chez les peuples de petite taille au contraire, la différence est très faible.
2o Différence suivant le climat. Les peuples les plus remarquables par leur grande taille habitent généralement l’hémisphère austral, ceux de petite taille au contraire se trouvent (comme on l’a depuis long-temps observé) dans l’hémisphère boréal. Parmi les premiers, les uns vivent sur le continent de l’Amérique méridionale, les autres dans divers archipels de l’Océan du sud. Tous sont compris entre le dixième et le cinquantième degré de latitude sud. Il faut observer toutefois qu’il existe dans l’hémisphère austral des peuples dont la taille est au-dessous de la moyenne, et réciproquement, dans le boréal, des peuples dont la taille surpasse cette moyenne ; et ce qui est remarquable, c’est que, dans un cas comme dans l’autre, près des peuples de la plus haute taille se trouvent ceux qui sont le plus remarquables par l’exiguité de leur stature. C’est qu’un froid modéré semble une circonstance très favorable au développement de la taille, et que quelques degrés de plus produisent sur-le-champ une sorte de rabougrissement.
3o Différences suivant le régime diététique et le genre de vie. C’est un résultat assez généralement reconnu, pour qu’il ne soit pas nécessaire de s’y arrêter. Toutefois, l’influence de ces causes est bien moins manifeste sur l’homme que sur les animaux domestiques.
En terminant son mémoire, M. Geoffroy discute la question relative à la prétendue dégénération physique de notre espèce, soutenue par divers écrivains, et fait voir que tous les faits sont contraires à cette opinion, de sorte qu’il est infiniment probable que, depuis les temps historiques, la taille moyenne n’a pas varié d’une manière appréciable.
Séance du 16 janvier. M. Cordier lit l’extrait d’une lettre qui lui a été adressée de Palerme, en date du 18 décembre, par M. Constant Prévost, et dans laquelle ce géologue donne des détails sur différentes parties du sol de la Sicile. Le cap Passaro ne lui a point présenté ces couches alternatives de basalte et de calcaire, que d’autres observateurs avaient cru y voir, mais une grande formation basaltique qui a soulevé et pénétré en diverses directions des calcaires de différens âges, depuis la craie jusqu’au calcaire moderne. Cette action volcanique a donc eu lieu à une époque très récente, et n’a été suivie que de la formation d’un terrein qu’il faudra nommer quaternaire, terrein qui renferme à l’état fossile des animaux analogues à ceux qui habitent aujourd’hui près des mêmes lieux, et qui se trouve à toute la périphérie de la Sicile autour de laquelle il forme une sorte de ceinture.
M. Prévost donne en outre quelques détails sur une ascension qu’il a faite à l’Etna, sur une visite à la presqu’île de Melazzo, etc.
M. Moreau de Jonnès lit des recherches statistiques sur l’accroissement de la population en Europe. Il serait difficile de donner dans une courte analyse une idée de ce travail, et les limites de cet article ne nous permettent pas d’entrer dans de longs détails. Nous nous contenterons donc d’indiquer le principal résultat qui est une augmentation beaucoup plus rapide dans les peuples du nord que dans ceux du midi de l’Europe, de telle sorte que si l’on supposait que l’accroissement continuât dans le même rapport que celui des dernières années, la population du nord doublerait en moins d’un demi-siècle, tandis que celle du midi ne le ferait qu’en près de quatre-vingts ans.
M. le colonel Raucourt lit un mémoire sur les constructions maritimes exécutées avec les forçats du port de Toulon. Envoyé en 1818 à Toulon pour y diriger, comme ingénieur, les travaux du port, M. Raucourt eut l’idée d’y employer les forçats, espérant obtenir à-la-fois pour l’état une économie sensible, et pour les forçats une grande amélioration tant physique que morale. Comme les résultats de cette tentative paraissaient plus que douteux aux personnes qui auraient pu être consultées relativement aux avances de fonds à faire par le gouvernement, M. Raucourt éluda cette première difficulté, en s’arrangeant de manière à n’employer dans ses constructions que des matériaux presque sans valeur. Des briques faites avec l’argile que le voisinage lui fournissait, et cuites avec les copeaux des chantiers, furent fabriquées par les forçats. La menuiserie, les ferrures, lui furent fournies par les débris provenant du démolissement des vieux vaisseaux. Aux planchers qui eussent exigé des bois de choix, il substitua partout des voûtes, et trouva moyen de les faire assez légères pour les établir sur des murs déjà anciens. Pour les nouvelles constructions, au lieu de fonder sur pilotis, il affermissait le sol en le faisant battre à force de bras. À l’aide de ces diverses inventions, et malgré quelques échecs qui pouvaient être considérés comme le paiement de l’apprentissage des ouvriers qu’il avait eu à former, il atteignit complètement le but qu’il s’était proposé.
M. Raucourt ayant terminé son mémoire, M. Biot donne quelques détails sur les travaux de Tarragone, également exécutés par des forçats sous la direction d’un ingénieur fort éclairé, M. Schmidt, Irlandais au service de l’Espagne. Cet ingénieur parvint à faire naître chez les hommes qu’il employait un goût de travail et une habitude d’ordre tels, que la plupart des condamnés, en finissant leur temps, trouvaient à s’établir et à se marier à Tarragone même. Il avait trouvé pour eux deux grands moyens d’exciter l’émulation. L’un était d’accorder une haute paie pour le travail que chaque homme faisait au-delà de la tâche qui lui était imposée ; l’autre, qui ne serait pas applicable chez nous, ou du moins qui exigerait une loi spéciale, était celle-ci : que tout condamné qui, pendant trois jours de suite, avait fait plus que le travail prescrit, indépendamment de la haute paie qu’il recevait pour cet excédant, obtenait encore la diminution d’un jour dans la durée de sa détention.
Séance du 23 janvier. M. Sarrut, professeur à la faculté des sciences de Strasbourg, réclame la priorité pour l’invention dont M. Cagnard-Latour a entretenu l’Académie dans une des précédentes séances. Dès 1827, M. Sarrut, dans le cours de physique qu’il faisait à Perpignan, a montré l’usage d’un appareil semblable au volcan hydraulique, et il l’avait même employé à un usage domestique, savoir à faire remonter perpétuellement la lessive dans un cuvier à blanchir le linge.
L’Académie procède à la nomination d’un correspondant dans la section de minéralogie et de géologie. M. Buckland obtient dix-sept suffrages, M. Gustave Rose en obtient vingt-neuf, et est proclamé correspondant de l’Institut.
M. Ampère lit une note sur des expériences nouvelles qu’il a faites de concert avec M. Becquerel, pour vérifier quelques-uns des nouveaux résultats obtenus par M. Faraday. Si l’on enroule autour d’un cylindre creux de bois, un fil métallique dont les extrémités soient en communication avec un galvanomètre, et qu’ensuite on introduise dans l’intérieur de ce cylindre un barreau aimanté, il se produit dans le fil un courant instantané qui cesse, dès que l’aimant est en repos, quoique contenu encore dans l’intérieur du cylindre. Le courant va dans le même sens, tant qu’on s’avance d’une extrémité jusqu’à la partie moyenne de l’hélice. À partir de ce point, soit qu’on recule l’aimant, soit qu’on continue à le pousser en avant, le courant a lieu en sens contraire.
M. Civiale lit une note sur un cas de chirurgie très compliqué, qu’a présenté un ancien militaire, blessé, en 1812, de plusieurs coups de lance dans l’abdomen. Cet officier, qui, après la guérison de ses blessures, n’avait jamais recouvré parfaitement la santé, présenta, il y a quelques mois, les signes évidens d’une affection du foie. Un abcès s’y forma, et la tumeur, qui faisait saillie dans l’hypocondre gauche, ayant été ouverte, il en sortit de la bile, qui depuis n’a pas cessé de couler. Aujourd’hui encore, il en sort en vingt-quatre heures près d’un verre ; malgré cette perte journalière, la santé générale est améliorée, et le malade a pu supporter l’opération de la lithotritie.
Séance du 30 janvier. M. de Humboldt fait connaître différens travaux récemment publiés en Allemagne : tels sont l’ouvrage de M. Karsten sur la métallurgie, la monographie du genre torpille, par M. d’Olfers, un mémoire de M. Ehrenberg sur la fructification des asclepiadées, un mémoire de M. G. Rose, sur l’identité des formes cristallines de l’or et de l’argent ; enfin une série d’observations destinées à montrer les rapports entre l’intensité du choléra à Berlin, et l’humidité de l’air aux différentes époques de l’épidémie. L’auteur est M. Auguste, directeur du gymnase mathématique à Berlin.
M. Héricart de Thury fait un rapport sur une note de M. Doé, relative à la disparition des eaux de la fontaine publique de Rosny. L’honorable académicien admet la réalité de la cause assignée à ce fait par l’auteur de la note (l’ouverture des fossés du fort construit dans cette commune). Après avoir indiqué ce qu’il y aurait à faire pour ramener les eaux à leur ancien point de réunion, il se demande si les frais qu’entraînera cette opération ne doivent pas être supportés par l’état, qui a commandé la construction des fossés, plutôt que par la commune, qui, n’ayant pu exercer aucune surveillance sur ces travaux, a déjà souffert assez long-temps du défaut de prévoyance des ingénieurs chargés de les diriger.
M. Dutrochet lit un mémoire ayant pour titre : De l’usage physiologique de l’oxigène, considéré dans ses rapports avec l’action des excitans. L’auteur commence par exposer le fait qui l’a mis sur la voie de cette recherche. Si l’on place dans de l’eau une certaine mousse (l’hypnum filicinum de Linnée), recueillie par un temps pluvieux, ou voit aussitôt dans cette eau une multitude d’animaux infusoires, qui alternativement descendent au fond, et remontent à la surface, par un mouvement qui ne paraît point dépendre de courans dans le liquide même. M. Dutrochet pensa que ces animalcules absorbaient, près de la surface, une portion d’oxigène, et que, devenus ainsi plus pesans, ils étaient entraînés vers le fond, où ils restaient jusqu’à ce que, perdant une partie de cet oxigène sous forme d’acide carbonique, et leur pesanteur spécifique devenant par-là moindre que celle de l’eau, ils étaient reportés de nouveau en haut. Il fut confirmé dans cette idée, en voyant les mouvemens s’arrêter dès qu’il interdisait la communication avec l’oxigène, soit en couvrant la surface de l’eau d’une couche d’huile, soit en bouchant hermétiquement le flacon, soit enfin en le plaçant ouvert sous une cloche où il faisait le vide, ou bien dont il dépouillait l’air d’oxigène, en y déposant quelques fragmens de phosphore.
Au bout de quelques jours, les animaux ne remontent plus jusqu’en haut, et à mesure que le temps s’avance, la limite supérieure de leurs excursions s’abaisse de plus en plus. À une certaine époque enfin, ils ne peuvent plus s’élever du tout, et restent au fond du vase. Cela tient, pense M. Dutrochet, à ce que leur pesanteur s’est progressivement accrue, parce qu’à chaque respiration, une portion de l’oxigène absorbé reste fixée dans leurs organes. M. Dutrochet considère cet état des animalcules comme un état de vieillesse, et fait voir qu’on peut en retarder l’époque en diminuant l’activité de leur respiration, soit en raréfiant le fluide respirable, soit en diminuant les excitans de la respiration, la lumière et la chaleur.
Selon M. Dutrochet, les diverses causes excitantes tendent toutes à produire le même effet, qui est de déterminer la matière organique et l’oxigène à s’unir, en agissant simultanément sur l’une et sur l’autre. Ainsi, selon lui, l’excitabilité est une véritable combustibilité ; cette excitabilité, ajoute-t-il, est très grande dans la jeunesse, parce qu’alors l’organisme est éminemment oxidable, ne possédant presque point d’oxigène fixé définitivement. Dans la vieillesse, au contraire, les excitans ont peu d’action, parce que la tendance à oxidation est moindre en raison de la grande quantité d’oxigène déjà fixé dans l’organisme.
M. Velpeau présente un jeune homme sur lequel il a lié avec un plein succès l’artère iliaque externe, qui avait été ouverte par un coup de couteau.
Séance du 6 février. M. Dutrochet fait, en son nom et celui de MM. Serres et Duméril, un rapport très favorable sur le mémoire de M. Isidore Geoffroy Saint Hilaire, concernant les variations de la taille chez les mammifères et les races humaines. L’académie, sur la demande du rapporteur, ordonne l’insertion de ce travail au recueil des savans étrangers.
M. Demoyers adresse à l’académie quelques considérations tendant à prouver que les ossemens d’hommes, et les débris d’art humain qu’on a trouvés dans certaines cavernes, surtout dans celles du midi de la France, y ont été laissés postérieurement au dernier cataclysme, quoiqu’on les trouve réunis à des ossemens d’espèces détruites.
M. Demoyers fait d’abord remarquer que les différens lits de gravier, de limon et ossemens introduits par des cours d’eau dans ces cavernes ont été déposés en couches très ondulées, et non simultanément, et que les cavités laissées par ces ondulations ont été remplies par les dépôts formés postérieurement, ou par des corps accidentellement laissés dans ces cavernes pendant la période actuelle ; qu’ainsi, lorsqu’à une époque postérieure, des courans moins tumultueux ont passé sur ces couches, en enlevant une tranche horizontale, ils ont dû mettre à nu des corps appartenant à diverses époques, lesquels auront pu être d’autant plus aisément confondus et attribués à une seule et même époque, que souvent des stalactites ont cimenté le tout en agrégats solides, les os d’ours et d’hyène des lits intérieurs avec les os humains et les poteries brisées des couches superficielles.
La présence d’os humains dans les cavernes indique-t-elle une époque fort antérieure aux temps historiques ? nullement ; car à l’époque de la conquête romaine, c’était encore la coutume, chez les peuples de race celtique, de mettre, à l’approche d’une invasion leurs grains, et tout ce qui composait leurs richesses, en sûreté dans des cavernes où eux-mêmes se réfugiaient quelquefois. Florus nous apprend qu’au temps de la guerre de César, les Aquitains vaincus se retirèrent dans des cavernes que le général romain fit murer ; or il est à remarquer qu’une partie des cavernes où de nos jours on a trouvé des ossemens humains appartenaient à l’Aquitaine, telle qu’elle était au temps de Florus. Si l’on voulait tirer un argument, en faveur de la grande ancienneté de ces os, de la grossièreté des produits d’industrie qui s’y trouvent mêlés, il serait facile de montrer que les vases et ustensiles trouvés dans les tumuli près des dolmens ou sur l’emplacement des anciennes bourgades gauloises, n’indiquent pas un degré d’art plus avancé.
M. Dutrochet lit un mémoire intitulé : Expérience sur la matière colorante des feuilles et des fleurs.
Chez certains végétaux, les feuilles offrent, comme on le sait, une coloration différente à la face supérieure et à l’inférieure. Cette différence sembla à M. Dutrochet en indiquer une dans la composition chimique, et peut-être dans la nature électrique des deux matières colorantes. Pour s’en assurer, il pila une feuille de begonia sanguinea avec un peu d’eau, et mettant une goutte de ce liquide en communication avec les deux pôles d’une pile, il vit la matière rouge se porter au pôle positif, et la matière verte au pôle négatif. Dans cette circonstance, dit-il, il se manifesta comme à l’ordinaire, deux ondes, l’une alcaline et négative, l’autre acide et positive. La première était verte, et la seconde était rouge ; il se forma à leur rencontre un coagulum composé, d’un côté, d’une matière verte et négative, et de l’autre côté, de matière rouge et positive, en sorte que les deux matières étaient disposées en contact et en opposition, comme elles le sont dans la feuille. Cette expérience, variée de diverses manières, conduisit M. Dutrochet à conclure que dans toutes les feuilles unicolores aussi bien que bicolores, la face supérieure est occupée par une matière colorante négative, et l’inférieure par une matière colorante positive. Des expériences analogues, faites sur les pétales des fleurs, le portèrent à y admettre de même la superposition de deux matières douées d’une électricité opposée. Ainsi, dit-il, ces parties des végétaux sont de véritables piles galvaniques, ou plutôt chaque fleur, chaque pétale est un élément de pile dont il représente un des couples. On sait, poursuit M. Dutrochet, que sous l’influence de la lumière, la matière verte dégage de l’oxigène ; la face supérieure de la feuille, ou son côté négatif, qui est en rapport avec la lumière, est donc désoxidante, et la face inférieure positive est le côté oxidant. C’est à la nécessité de la continuation de ce double phénomène de désoxidation et d’oxidation, sous l’influence de la lumière et par le moyen d’une pile, que M.Dutrochet rapporte, comme à sa cause première, le retournement des feuilles, lorsqu’on a artificiellement dirigé en haut leur face supérieure. Le mouvement, dit-il, est dû à une modification des phénomènes d’endosmose, mais cette modification elle-même ne se produit qu’en vertu de l’excitation que reçoit la matière colorante de la face inférieure, par l’action insolite de la lumière. Ainsi, ajoute l’honorable académicien, la matière colorée, et surtout la matière verte, joue, chez les végétaux, un rôle analogue à celui que joue la matière nerveuse chez les animaux.
M. Ampère donne le détail de nouvelles expériences sur la production de courans électriques. Son appareil est le même que celui dont la description a été donnée dans la séance du 23 janvier, à cette seule exception, qu’au lieu du barreau, aimanté, qu’on faisait mouvoir dans l’intérieur d’une hélice de fil métallique recouvert de soie, dont les extrémités étaient en communication avec le galvanomètre, on emploie ici une deuxième hélice semblable, mais d’un plus petit diamètre, et dont les deux bouts sont en communication avec les pôles d’une pile galvanique : les résultats obtenus sont tout-à-fait semblables, seulement il y a cela de plus, qu’on peut anéantir tout-à-coup, et recréer de même l’aimant artificiel que la deuxième hélice représente, en interrompant et rétablissant alternativement sa communication avec la pile. Dans l’un et l’autre cas, la suspension du courant électrique, et son rétablissement dans l’hélice produisent précisément les mêmes effets que l’on obtient en enlevant ou en replaçant dans la spirale, soit l’hélice, soit l’aimant.
M. Lamé, ingénieur des mines, lit un second mémoire sur la propagation de la chaleur dans les polyèdres. MM. Poisson, Ampère et Navier en feront l’objet d’un rapport à l’Académie.
M. Comesnil lit un mémoire sur les résultats obtenus à Reims, en 1831 et 1832, de l’emploi des soupes à la gélatine.
La gélatine était préparée avec un appareil que M. de Belleyme avait consenti à céder à la ville de Reims. Depuis le 3 janvier, où l’appareil commença à fonctionner, jusqu’au 15 mai inclusivement, deux cent douze mille huit cents rations de potage, contenant chacune deux onces et demi de pain, ont été distribuées aux indigens, porteurs de cartes, lesquels, de plus, ont reçu cinquante-trois mille deux cents rations de pommes-de-terre en ragoût, et vingt-six mille six cents rations de viande cuite, chacune de cinq onces.
Chaque ration, prise en masse, revenait, tous frais compris, à 7 cent. un quart. Les secours donnés sous cette forme ont été reçus avec reconnaissance par tous les ouvriers honnêtes. Ils ont, au contraire, excité les murmures des mendians de profession, qui préféraient de beaucoup recevoir les aumônes en argent dont ils employaient la plus grande partie à acheter des liqueurs fortes.
Séance du 13 février. M. Quest présente un échantillon de pain fabriqué avec la pomme-de-terre, sans addition de farine de céréale. Ce pain, d’un goût aussi agréable que le pain bis qu’on mange dans les campagnes, et dont le prix est inférieur d’un tiers, se fait, non pas avec la fécule de la pomme-de-terre, mais avec toute la pulpe que donne le tubercule trituré, et soumis à un simple lavage. M. Quest donne le nom de Parmentine à cette substance, qui contient, outre la fécule, le tissu parenchymateux et une partie de la peau. MM. Huzard, Sylvestre, Darcet et Flourens feront à l’Académie un rapport sur ce pain.
M. Damoiseau fait, en son nom et celui de M. Bouvard, un rapport sur une nouvelle méthode, pour corriger les distances de la lune aux astres. Cette méthode n’est jamais susceptible d’une grande exactitude, mais, quand on n’a besoin que d’une approximation, elle est d’un usage assez commode. Du reste, M. Mancel n’est pas le premier qui l’ait employée, et elle se trouve exposée dans divers ouvrages imprimés.
M. Arago présente deux thermomètres à tubes aplatis, construits par M. de Bunten. Les tubes de cette espèce, absolument nécessaires pour les instrumens qui doivent réunir à un petit volume une grande délicatesse, avaient été jusqu’à présent fabriqués seulement en Angleterre. Ceux des deux thermomètres présentés sont les premiers qui aient été exécutés en France. Ils sortent de la manufacture de Choisy, où on les exécute maintenant avec la même perfection qu’en Angleterre.
M. Azaïs lit la première partie d’un mémoire sur la production de tous les genres d’effets chimiques par la force universelle. Nous ne donnerons point l’analyse de ce mémoire, dans lequel l’élégance du style et le brillant de plusieurs pensées, réellement ingénieuses, n’ont pas suffi pour cacher la pauvreté du fond. L’Académie, qui avait écouté, avec une impatience difficilement contenue, cette première lecture et une seconde, qui eut lieu dans la séance du 27, a décidé enfin que la troisième n’aurait pas lieu, et que le mémoire serait renvoyé directement à des commissaires, qui en feraient l’objet d’un rapport.
Séance du 20 février. M. Libri annonce à l’Académie qu’il y a quelque espoir de retrouver les écrits dans lesquels Fermat a donné la démonstration des célèbres théorèms dont nous n’avons aujourd’hui que l’énoncé. Ces écrits n’ont point été perdus entièrement, comme on le supposait à la mort de leur auteur, puisque M. Libri a trouvé, dans la bibliothèque de Bouillaud, mort près de trente ans plus tard, les titres de cinq ouvrages manuscrits de Fermat, qui faisaient partie de cette bibliothèque.
M. Larrey fait un rapport sur une opération de rhinoplastie, pratiquée par M. Blandin.
M. de Blainville fait un rapport verbal très favorable sur un ouvrage de M. Michaud, lieutenant au 10e régiment de ligne, intitulé : Complément de l’histoire naturelle des mollusques terrestres et fluviatiles de la France, de Draparnaud.
M. Heurteloup lit un mémoire sur un nouveau moyen pour détruire la pierre dans la vessie. L’instrument dont il se sert est une sonde courbe à deux branches, qui glissent l’une sur l’autre, comme celle du compas des cordonniers. La sonde est introduite fermée ; puis, la branche inférieure étant solidement fixée au bord de l’espèce de siège sur lequel le malade est assis, la branche supérieure est attirée en avant, et son extrémité interne, en se séparant de celle de la branche fixe, offre un espace dans lequel le calcul vient se loger naturellement, et sans qu’il soit nécessaire de le chercher. Cela fait, on rechasse en-dedans la branche mobile, en frappant à coups de marteau son extrémité externe. Les coups transmis presque sans perte de force à la pierre, qui ne peut reculer, puisqu’elle est soutenue en arrière par l’extrémité recourbée de la branche fixe, l’ont bientôt brisée et réduite en fragmens plus ou moins nombreux. Par ce procédé, dit l’auteur, on brise en quelques minutes un calcul, qui, par le forage, eût exigé plusieurs longues séances pour être divisé, et l’on opère avec une extrême facilité sur les pierres plates, contre lesquelles les anciennes méthodes lithotritiques étaient, pour ainsi dite, impuissantes. MM. Dupuytren, Larrey et Savart sont chargés de prendre connaissance du procédé de M. Heurteloup, et d’en faire leur rapport à l’Académie.
M. Girard, fait en son nom et celui de M. Molard, un rapport très favorable sur un mémoire de M. de Morogues, ayant pour titre : De l’utilité des machines, de leurs inconvéniens, et des moyens d’y remédier, en assurant l’extension et les progrès de notre agriculture. L’auteur avance, et les commissaires admettent comme lui, que toutes les fois qu’on applique l’usage des machines à une branche d’industrie, parmi les ouvriers que cette substitution prive tout-à-coup de leurs moyens ordinaires d’existence, il en reste quelques-uns qui ne réussissent point à s’ouvrir une nouvelle carrière, et qui viennent grossir, sans qu’il y ait de leur faute, la classe des pauvres. Il fait voir de plus qu’à mesure que le paupérisme augmente par l’accroissement de la classe manufacturière aux dépens de la classe agricole, les crimes et les délits se multiplient dans un rapport très grand. Passant ensuite en revue les différens moyens proposés pour arrêter les progrès du mal, il démontre que les uns sont entièrement illusoires, et que d’autres, tels que l’établissement de colonies lointaines, n’offrent qu’un secours passager. Il s’arrête donc à l’idée d’établir, dans le pays même, des colonies destinées à recevoir l’excédant de la population manufacturière, colonies qui n’exigeraient pas les mêmes dépenses que celles d’outremer, n’offriraient pas les mêmes dangers pour la santé des colons, et ne seraient pas l’objet de la même répugnance puisqu’il ne s’agirait point d’une expatriation véritable, mais d’un simple déplacement dans l’intérieur du pays.
Séance du 27 février. M. de Mirbel fait, en son nom et celui de M. Desfontaines, un rapport verbal très favorable sur les cinq premières livraisons de la Flore de la Sénégambie, de MM. Guillemin, Perrotet et Richard. Cette flore, qui manquait entièrement à la science, renferme la description d’un grand nombre d’espèces nouvelles, et les auteurs ont eu un soin scrupuleux de n’en donner aucune pour telle qu’après avoir consulté tous les ouvrages écrits sur des pays dont la végétation a quelque analogie avec celle du Sénégal. Des planches très bien faites accompagnent le texte, et donnent d’une manière fort nette l’analyse de la fleur et du fruit. Cette flore, disent en terminant les rapporteurs, n’offre pas de l’intérêt aux seuls botanistes, et le commerce, l’industrie, l’administration même, y trouveront d’utiles renseignemens.
M. Becquerel lit un mémoire sur la cémentation et les altérations que le fer peut éprouver dans la terre. L’honorable académicien rappelle les faits exposés dans un premier mémoire sur les changemens qui s’opèrent par la chaleur, le contact, le frottement, etc., dans l’état électrique des corps, et sur les modifications qui en résultent dans l’arrangement de leurs parties moléculaires ; puis de ces faits et de quelques considérations nouvelles, il en vient à conclure que les molécules des corps peuvent être considérées comme autant de petites piles électriques dont les actions réciproques et continues constituent la force d’agrégation. En outre il admet avec M. Ampère, dans les atomes une polarité électrique. En partant de ces données, on peut, dit-il, expliquer les décompositions qu’éprouvent de la surface au centre, et quelquefois du centre à la surface, des masses considérables de granit de fer, spathique, etc., sans que ces masses aient cessé d’être solides. Dans la cémentation qui est un effet évidemment de même nature, M. Becquerel a constaté pleinement l’origine électrique du changement.
Les décompositions parasites de Haïdinger ou pseudo-morphoses d’Haüy ne sont probablement aussi que des sortes de cémentations dont quelques-unes peuvent être imitées au moyen de forces électriques à petite tension.
Le reste de la séance a été occupé par la lecture du mémoire de M. Azaïs.
5 mars. M. Dumas expose les propriétés qu’il vient de découvrir dans un composé qu’il désigne par le nom de camphogène.
Ce composé, obtenu d’abord par M. Oppermann, se compose pour un volume de douze volumes de carbone et de neuf d’hydrogène.
Un volume de camphogène combiné avec un volume d’eau constitue le camphre ordinaire.
Un volume de camphogène et un volume d’acide hydrochlorique produisent le camphre artificiel.
Deux volumes de camphogène avec un volume de vapeur d’eau produisent la cholestérine.
Quatre volumes de camphogène, une proportion d’acide nitrique, une proportion d’eau, produisent un ether particulier, le nitrate de camphre des anciens chimistes.
Le camphogène se combine avec l’oxigène. Deux volumes de camphogène et deux volumes d’oxigène fournissent l’acide caproïque ; deux volumes de camphre et trois d’oxigène donnent l’acide caprique ; enfin deux volumes de camphogène et cinq d’oxigène donnent l’acide camphorique.
Ces résultats, auxquels M. Dumas est arrivé en combinant ses observations avec celles de MM. Liebig, Oppermann et Chevreul, semblent de nature à jeter du jour sur divers points encore obscurs de la chimie organique.
M. Cuvier fait un rapport verbal sur les deux lettres de Scarpa à Weber, insérées dans les Annales de Milan, et dans lequel ce grand anatomiste expose les résultats auxquels il est arrivé relativement à la nature du nerf intercostal. Ce nerf, suivant lui, se compose uniquement des filets qui se détachent des nerfs intercostaux de la cinquième et de la huitième paire. Pour la sixième avec laquelle il communique également, on ne sait pas bien encore si c’est lui qui reçoit ou qui envoie les filets de communication.
Il peut sembler étrange au premier abord qu’un nerf, qui se compose uniquement de filets provenant du système cérébro-spinal, ne soit pas soumis à la volonté ; mais cela tient, comme Scarpa le fait voir, à ce que tous ces différens filets proviennent des racines postérieures des nerfs spinaux, racines qui, comme on le sait depuis les travaux de MM. Bell et Magendie, sont affectées uniquement à la sensibilité, tandis que celles des racines antérieures donnent naissance aux nerfs du mouvement. Schmidt avait avancé que les filets qui se rendent au nerf intercostal, provenaient de la racine antérieure des nerfs de l’épine ; mais un examen plus attentif fait voir qu’ils sortent réellement du tronc postérieur un peu avant le ganglion dont ce tronc est pourvu, comme le sont tous les nerfs de la sensibilité. Au-delà de ce ganglion, les racines antérieures et postérieures s’unissent, et dès-lors tous les rameaux qui se détachent du tronc commun contiennent des filets appartenant à l’une et à l’autre. Cependant il paraîtrait qu’un peu avant leur terminaison, ces filets s’isolent de nouveau de manière, par exemple, à ce que les ramuscules nerveux qui viennent se terminer dans la peau proviendraient uniquement des filets sensitifs.
M. de Humboldt fait une communication, relativement à un nouveau minéral qu’on trouve dans les grunsteins de l’Oural, avec des cristaux de pyroxène et d’amphibole, et qui, par son clivage, et ses formes cristallines, semble former le passage entre ces deux minéraux.
M. Rose avait déjà observé qu’en fondant dans un creuset les élémens de l’amphibole, on n’obtient que des cristaux de piroxène, la différence de forme cristalline de ces deux minéraux s’explique fort bien par celle des circonstances dans lesquelles l’agrégation a eu lieu, la forme de l’amphibole annonce un refroidissement lent, celle du pyroxène, un refroidissement plus rapide. La manière dont s’est opéré le changement de température dans la masse liquéfiée des grunsteins a de même exercé son influence sur la formation des cristaux de la nouvelle espèce ; ainsi, parmi les échantillons présentés par M. de Humboldt, on voit des ouralites qui ont pour noyau un cristal de pyroxène beaucoup moins fusible qu’elles. L’ouralite, de même que l’amphibole et le pyroxène, échangeant très souvent des élémens isomorphores, on conçoit fort bien comment les élémens moins fusibles se sont cristallisés les premiers, et ont formé un silicate, le pyroxène ; tandis que les bases plus fusibles ont pu former plus tard dans la pâte dont le refroidissement devenait de plus en plus lent, des amphiboles ou des ouralites.
L’amphibole est groupée généralement avec le quartz, l’albite, le feldspath qui se sont séparés de la masse par un refroidissement lent ; le pyroxène, au contraire, se rencontre plus souvent avec l’olivine qui se forme par un refroidissement rapide.
M. Serullas lit un mémoire sur les chlorures de cyanogène. La composition assignée précédemment à ce corps par M. Serullas ne pouvait plus être admise, au moins sans modification, depuis que MM. Wolher et Liebig avaient reconnu l’existence de l’hydrogène dans l’acide cyanique, obtenu par l’action de l’eau bouillante sur le perchlorure de cyanogène. Toutefois les expériences de ces deux chimistes étaient susceptibles de deux interprétations ; car, d’une part, on se rendait compte du résultat obtenu par eux, en admettant que le perchlorure contenait de l’hydrogène ; et de l’autre, on l’expliquait également, en supposant dans ce corps une proportion de chlore moindre que celle qui avait été admise jusque-là. Un moyen pour se décider entre ces deux hypothèses était d’évaluer la quantité d’acide hydrochlorique qui se produit quand on fait réagir du chlore sec sur de l’acide hydrocyanique pour produire le perchlorure de cyanogène. C’est ce qu’a fait l’auteur du mémoire, et cette expérience lui a fait reconnaître que l’hydrogène de l’acide hydrochlorique formé représente tout l’hydrogène de l’acide hydrocyanique. Une analyse directe du perchlorure de cyanogène, faite par le même chimiste, a également démontré la non-existence de l’hydrogène dans le composé, et a fait voir en même temps qu’il renferme moitié moins de chlore qu’on ne le supposait, c’est-à-dire, un atome de chlore pour un atome de cyanogène, par conséquent la même composition que le chlorure de cyanogène gazeux.
M. Lamarre-Picquot lit un long mémoire relatif aux serpens venimeux de l’Inde, et à différens vers qu’il a trouvés dans les cavités splanchniques et dans le tissu même des organes de ces animaux. M. Lamarre-Picquot croit pouvoir, d’après une observation qui lui est propre, affirmer que certains serpens couvent leurs œufs, et éprouvent, pendant ce temps, un accroissement notable dans la température de leur corps. Des détails sur les différens effets de la morsure des serpens de l’Inde se trouvent dans ce mémoire, et l’auteur présente en même temps le venin de plusieurs des espèces les plus redoutables conservé soit dans l’esprit de vin, soit par la dessication.
MM. Duméril et Cuvier sont chargés de rendre compte de ce travail.
Séance du 12 mars. M. de Humboldt présente à l’académie un mémoire de M. Gherard, directeur général des mines et usines en Prusse, mémoire qui a pour titre : Observations sur la température de la terre faites dans les mines de toutes les parties de la monarchie prussienne.
Dès l’année 1828, dit M. de Humboldt, j’avais engagé M. Gherard à faire faire des observations thermométriques dans les mines ; il s’y est prêté d’une manière digne de la reconnaissance des physiciens ; des thermomètres exactement comparés entre eux ont été enfermés dans des trous cylindriques conservés dans la roche. M. Gherard a fait déterminer avec le plus grand soin la température moyenne de l’air au-dessus des mines, la hauteur au-dessus du niveau de la mer. Il a publié les moyennes de deux ou trois années d’observations, et discuté les causes de l’accroissement inégal de la température. Ses observations ont été faites en onze endroits, entre l’Oder et le Rhin, par les 50° et 51° 1/2 de latitude, et en employant une vingtaine de thermomètres. En Europe, la température des couches rocheuses correspondantes à trente-deux pieds, ancienne mesure de France, a été trouvée, terme moyen, 6° 54 de Réaumur ; mais par cent soixante-dix pieds de profondeur, la température est déjà de 7° 73 de Réaumur ; par cinq et six cents pieds, elle est de 9° 6 à 11° 6 de Réaumur ; à un accroissement de cent quatre-vingts pieds correspond une augmentation de température de 1° de Réaumur. Un trou de sonde percé dans les collines calcaires de Rüdersdorff, près de Berlin, a donné un accroissement bien plus rapide, que MM. Erman et Magnus ont observé au moyen d’appareils thermométriques très ingénieux.
Ces expériences se continuent maintenant en diverses parties de la Prusse avec un zèle et une constance très méritoires ; des travaux analogues se font aussi d’après la demande de M. de Humboldt dans les mines de Freiberg, sous la direction de M. Herber.
M. de Humboldt présente en outre un mémoire de géologie générale, dont l’auteur, M. Erman, est bien connu des savans par son important travail sur le magnétisme. Le mémoire qui traite de la direction, de la hauteur et de l’âge relatif des grandes chaînes de montagnes et des plateaux du nord de l’Asie, est accompagné d’un Atlas manuscrit, présentant des profils et coupes de montagnes avec l’indication des roches qui les composent.
M. Cuvier fait un rapport verbal très avantageux sur les dernières livraisons de l’anatomie de MM. Bourgery et Jacob.
M. Girard fait, en son nom et celui de M. Dupin, un rapport favorable sur un appareil inventé par M. Fayard, pour charger les grandes voitures dites fardiers, qu’on emploie pour le transport des bois. Il serait à désirer, disent les rapporteurs, qu’on prit le parti de substituer cet appareil assez peu coûteux et d’un usage facile, au levier de bois qu’on emploie maintenant. On préviendrait de la sorte des accidens qui se répètent journellement, et qui coûtent chaque année la vie à quelques-uns des hommes employés à charger et conduire ces voitures.
M. Dutrochet lit un mémoire sur l’hétérogénéité électrique des substances superposées dans les globules sanguins. On sait que le sang des animaux vertébrés offre de nombreux globules qui nagent isolés dans un fluide albumineux légèrement alcalin. Ces globules sont composés d’un noyau solide, blanchâtre, et d’une enveloppe peu consistante, formée principalement aux dépens de la matière colorante rouge. Quelque temps après que le sang est tiré de la veine, les globules s’agglomèrent, et, se séparant du liquide dans lequel ils étaient d’abord dispersés, forment ce que l’on nomme le caillot. Si l’on prend ce caillot et qu’on le triture dans l’eau, celle-ci retient en suspension la matière rouge de l’enveloppe, tandis que la partie incolore, qui formait le noyau, se dépose promptement. Ayant isolé par ce moyen les deux substances qui, dans les globules du sang, se trouvaient à l’état de superposition, M. Dutrochet annonce leur avoir trouvé une électricité opposée, de sorte que chaque globule, suivant lui, formait ainsi un petit appareil électrique. C’est de l’action de ces appareils, ajoute-t-il, que résulte la répulsion qui, pendant la vie, tient les globules constamment éloignés les uns des autres. Si, une fois que le sang est sorti des vaisseaux, ces mêmes globules, au lieu de se repousser, s’attirent, cela tient, suivant l’auteur, à ce qu’alors il ne se produit plus d’électricité.
M. Pelouse lit une note sur la transformation singulière de l’acide hydrocyanique et des cyanures en ammoniaque et en acide formique. L’auteur résume dans les propositions suivantes les résultats de ses recherches et de celles de quelques autres chimistes.
1o L’acide hydrocyanique est transformé en formiate d’ammoniaque par l’action des acides forts.
2o Une dissolution concentrée de cyanure de potassium, soumise à l’action de la chaleur, se change en ammoniaque et en formiate de potasse.
3o Le même composé à une haute température et sous l’influence d’un excès de potasse donne de l’hydrogène, de l’ammoniaque et du carbonate de potasse.
4o Un excès d’acide muriatique produit avec le cyanure de mercure un chlorure double d’ammoniaque et de mercure, de l’acide formique et très peu d’acide prussique.
5o La formiate d’ammoniaque, soumis à l’action de la chaleur ; se transforme à une température d’environ 150° cent. en eau et en acide hydrocyanique,
M. Soulange-Bodin lit un mémoire sur les greffes et spécialement sur les greffes herbacées. L’auteur a greffé des tomates sur des tiges de pommes de terre. Les fruits des tomates ont été très abondans, très gros, et ont mûri aussi bien que s’ils étaient venus sur pied franc, et le produit des pommes de terre n’a été ni moins beau, ni moins considérable, de sorte que l’on a obtenu simultanément une double récolte sur une même surface de terrein.
M. Virlet lit une note sur la géologie de l’île de Thermia, une des Cyclades. Le sol de cette île est entièrement formé de roches primitives. Ce qu’il offre de plus remarquable, c’est une caverne très étendue, creusée dans une montagne de phyllades et de micaschistes d’une grande dureté. Cette caverne, formée de diverses chambres unies par d’étroites galeries, ne présente aucune stalactite ; mais, dans le sol qui en forme le fond, M. Virlet pense que l’on trouverait des ossemens fossiles. La configuration du pays voisin, qui représente un bassin presque complètement fermé, dont l’entrée de la grotte occupe le fond, a fait penser à l’auteur que ce conduit souterrain avait pu, à une époque antérieure, donner issue aux eaux du bassin, qui, plus tard et par suite de quelque grande catastrophe, se seraient frayé l’ouverture latérale par laquelle elles s’échappent aujourd’hui.
Séance du 19 mars. M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire fait hommage du premier volume de son Histoire des anomalies de l’organisation chez l’homme et chez les animaux.
M. de Humboldt présente trois ouvrages allemands sur le cholera-morbus.
M. Libri présente une note dans laquelle il donne l’intégrale générale de toutes les équations différentielles du premier ordre : ce théorème, qui sera pour les équations différentielles ce que le théorème de Fourier est pour les fonctions d’une seule variable, est d’une grande utilité dans les questions de physique mathématique. Par son secours, on pourra intégrer les équations qui expriment le mouvement de la chaleur, en supposant variables la conductibilité et la chaleur spécifique des corps échauffés. Ce cas, qui est celui qui a lieu dans la nature, ne pouvait pas être résolu par les formules connues jusqu’à présent.
M. de Humboldt annonce que la société patriotique de la Havane a ordonné l’an passé la construction d’un observatoire magnétique, conformément à la demande qui lui en avait été adressée.
Déjà, grâce à l’activité et à la persévérance de M. de Humboldt, des maisons magnétiques s’étendent sur une ligne qui va de Pékin à la Havanne, en passant par Kasan, Pétersbourg, Nikolajef, Berlin, Freiberg et Paris. Dans chacune, quatre fois l’année et à la même époque, on fait pendant un jour et demi, d’heure en heure, des observations sur les variations horaires de la déclinaison magnétique ; on y observe également tout ce qui est relatif à la déclinaison et à l’inclinaison absolue ainsi qu’à l’intensité magnétique.
M. le docteur Delpech, de retour d’un voyage qu’il a fait à Londres de concert avec M. Coste, annonce qu’il a reconnu sur presque tous les individus qui ont succombé au choléra une inflammation du plexus solaire, des ganglions semi-lunaires et des plexus rénaux. L’ensemble des symptômes lui avait fait soupçonner dès le principe une affection du système des nerfs splanchniques, et l’autopsie cadavérique a, dit-il, justifié cette prévision.
M. Chevreul fait, en son nom et celui de MM. Magendie, Dupuytren, Serres, Flourens et Serullas, un rapport très avantageux sur le bouillon de la société Hollandaise : le rapporteur s’est livré à des recherches très étendues, relativement à la composition du bouillon de viande ordinaire, aux caractères qui le distinguent de la solution de gélatine des os, et à l’importance du rôle que jouent dans l’alimentation les substances qui se trouvent en quantités presque inappréciables à la vérité, dans le premier liquide et n’existent pas dans le second.
M. Latreille fait un rapport très avantageux sur une monographie du genre pourpre par M. Duclos. M. de Blainville annonce qu’il s’occupe d’un travail du même genre, mais dans lequel il s’est borné à considérer les espèces que possède le muséum d’histoire naturelle.
M. Mathieu fait, en son nom et celui de M. Puissant, un rapport sur un instrument d’arpentage inventé par M. de Riquehem. Cet instrument, dont la construction est presque aussi compliquée que celle d’un théodolite, ne le remplacerait que très imparfaitement. Il pourrait être, à la vérité, substitué avec avantage au graphomètre, mais il est plus cher et moins portatif.
M. Duméril fait, en son nom et celui de M. Latreille, un rapport peu avantageux sur un mémoire de M. Lamarre-Picquot, relatif aux serpens venimeux de l’Inde. L’honorable académicien signale plusieurs faits qui lui semblent erronés, et cherche à faire ressortir les circonstances qui ont pu induire l’observateur en erreur. M. Lamarre-Picquot du reste a des droits à la reconnaissance des naturalistes pour les beaux échantillons d’animaux qu’il a rapportés de l’Orient, et sur lesquels une commission prise dans le sein de l’académie a fait précédemment un rapport très favorable.
M. Heurteloup adresse une réclamation relativement à une lettre dans laquelle M. Leroy d’Etiolles annonçait avoir inventé depuis assez long-temps un instrument analogue à la sonde employée pour la lithocenèse. M. Heurteloup montre que son instrument a des caractères qui le distinguent complètement de celui de M. Leroy.
M. Duméril fait un rapport très favorable sur les deux premiers cahiers du recueil mensuel de la Gazette médicale.
Séance du 26 mars. M. Cordier, donne lecture de divers extraits de lettres écrites de l’Inde par M. Jacquemont, lettres dans lesquelles ce jeune savant rend compte de son voyage de Calcutta aux sources de la Jumnah, l’un des principaux affluens du Gange, dans la vallée de Kanaor où coule le Sutledge, une des grandes sources tributaires de l’Indus, enfin jusque sur le versant nord de la branche la plus septentrionale de l’Hymalaya, c’est-à-dire au-delà de la frontière chinoise.
Dans la vallée de Kanaor, la hauteur moyenne des villages est de trois milles mètres au-dessus du niveau de la mer, le long des rives du Sutledge, et de quatre mille mètres dans le bassin du Spiti, un des affluens du premier fleuve. Quant aux habitations séparées, on en trouve presque à la hauteur de cinq mille mètres.
De la vallée de Kanaor, M. Jacquemont est revenu à Delhi pour se préparer à entrer dans le Pendjab, état indépendant, qui comprend presque tout le bassin de l’Indus. L’exploration de ce pays avait été jusqu’à présent à-peu-près interdite aux voyageurs européens, et elle l’eût été sans doute de même à M. Jacquemont sans une circonstance aussi heureuse qu’imprévue. Un officier français, M. Allard, était établi depuis assez long-temps dans ce pays et en grande faveur auprès du prince, dont il avait discipliné les armées presqu’à l’européenne. Grâces à son intercession, notre naturaliste a obtenu du rajah toutes les facilités pour son voyage. Arrêté quelque temps par une sorte de brigand, un petit seigneur châtelain du pays, il est parvenu, à force d’adresse et de présence d’esprit, à se tirer de ses mains ; mais le bandit n’a pas eu long-temps à se féliciter de l’avantage qu’il avait un moment obtenu ; arrêté par l’ordre de Runjit singh, c’est le nom du rajah du Pendjab, il ne dut la vie qu’à l’intercession de celui qu’il avait offensé. Toutefois M. Jacquemont sentit que la prudence ne lui permettait pas d’être trop généreux, aussi le coupable eut non-seulement à restituer les sommes extorquées, mais encore à subir un châtiment corporel et à rester prisonnier tout le temps que notre compatriote dut rester dans le voisinage.
M. Jacquemont n’a pas été émerveillé du pays de Cachemir. Si les environs de cette ville ont été célébrés par les poètes de la cour de l’Inde, il faut songer que cette contrée qui était la résidence d’été des souverains, devait en effet sembler délicieuse quand on la comparait aux plaines brûlées d’Agra et de Delhi.
M. Jacquemont croit pouvoir assurer qu’il existe quatre espèces de ruminans dont on tire un duvet propre à la fabrication des tissus de cachemire ; il espère recevoir promptement du petit Thibet plusieurs couples de chacune de ces espèces.
M. Navier fait, en son nom et celui de MM. Arago et Poisson, un rapport très avantageux sur un mémoire concernant de nouvelles expériences sur le frottement, dont l’auteur est M. Morin, capitaine d’artillerie.
L’académie, conformément aux conclusions de ses commissaires, ordonne que le mémoire de M. Morin sera imprimé dans le Recueil des savans étrangers.
M. Thénard lit une note sur le moyen de détruire les rats et autres animaux malfaisans qui habitent les murs des maisons, au moyen de fumigations d’hydrogène sulfuré. On commence par boucher exactement tous les trous, mais bientôt ceux qui ferment les passages les plus fréquentés par ces animaux sont ouverts de nouveau. C’est à ceux-là seulement qu’on applique l’appareil, qui consiste en une cornue de verre dont on lute entièrement le goulot à l’entrée du trou ; on y introduit ensuite par une tubulure du sulfure noir de fer ; puis on y verse avec précaution, pour éviter l’explosion, une certaine quantité d’acide sulfurique étendu, il se fait alors un dégagement d’hydrogène sulfuré qui pénètre par le trou dans toutes les anfractuosités où les rats se retirent, et les fait périr en peu de temps.
M. Serullas lit, en son nom et celui de M. Chevreul, un rapport très favorable sur un mémoire de M. Pélouze, concernant la transformation de l’acide hydrocyanique et des cyanures en ammoniaque et en acide formique.
M. Serullas lit une note sur l’acide iodique. L’honorable académicien, ayant entendu dire qu’on avait obtenu de l’acide iodique en traitant l’iode par l’acide nitrique, essaya d’en obtenir en soumettant, dans une cornue munie d’un récipient, de l’iode à l’action de l’acide nitrique bouillant. Il ne parvint à former, par ce moyen, qu’une quantité presque insensible d’acide iodique ; mais il fut plus heureux en substituant à l’acide nitrique pur de l’acide nitrique surchargé de deutoxide d’azote. Ce liquide, ayant été chauffé dans une capsule avec de l’iode jusqu’à la disparition des vapeurs rutilantes, laissa, dans quelques minutes, une très grande quantité d’acide iodique en très petits cristaux brillans.
M. Blainville lit le mémoire qu’il avait annoncé sur le genre pourpre et les genres voisins.
- ↑ Pour compléter de plus en plus notre Revue, nous donnerons désormais chaque mois un aperçu des travaux des corps savans. M. le docteur Roulin a bien voulu se charger de ce soin.(N. du D.)