Revue musicale - 14 décembre 1844
Un critique étranger, Carlyle ou M. Gutzkow, je ne me rappelle plus lequel, reprochait dernièrement à la Marie Stuart de Schiller de n’être que la représentation dramatique d’un procès. Qu’importe si ce procès a la grandeur du drame ? je devrais dire de la tragédie, car pour la concentration du sujet et l’unité de temps Marie Stuart est une pièce française, et vous ne trouveriez point dans le théâtre anglais ou allemand d’œuvre qui se rapproche davantage de la pureté racinienne. Du reste, avant nous, Mme de Staël l’avait écrit : De toutes les pièces allemandes Marie Stuart est sans doute la mieux combinée et la plus remplie d’émotions ; et nous ajouterions volontiers que c’est aussi la tragédie de Schiller en tout point la plus accomplie, car, selon nous, les deux seuls ouvrages du même maître qui pourraient supporter la comparaison, Wallenstein et Tell rentrent plutôt dans le domaine de l’épopée.
Une jeune femme adorablement belle, portant sur son front souriant la couronne d’Écosse, est accusée de comploter contre le trône d’Angleterre, de menacer, du sein de sa mollesse et de sa voluptueuse indolence, l’imposant édifice que la politique Élisabeth vient d’élever sur les ruines de tant de désastres récens. Vis-à-vis d’elle, et comme contraste unique dans le drame moderne, se dresse cette Élisabeth au regard d’aigle, au cœur de roi, assez femme encore cependant pour sentir à fond l’aiguillon fatal de la beauté de Marie, pour sentir amèrement tout ce qu’en un clin d’œil cette triomphante beauté peut lui ravir de trésors et d’avantages lentement conquis. Des deux rivales, il faudra nécessairement qu’une l’emporte, car une seule doit vivre. De quel côté sera le droit, du côté de Marie ou d’Élisabeth ? De Marie sans doute, car elle n’a point conspiré, car elle est pure du crime dont on l’accuse, car elle refuse de reconnaître ce jugement qui émane d’un tribunal où ne figuraient pas ses pairs ; et puis elle est si royalement belle, si bonne, si généreuse, si touchante en ce repentir donné à la mémoire du passé ! Mais Élisabeth, elle aussi a le droit pour elle. Qui lui sera garant en effet que Marie, une fois libre, ne va point retomber au pouvoir d’un amant prompt à faire d’elle l’instrument de ses projets ambitieux ? Et son peuple, ce peuple de la vieille Angleterre accoutumé à regarder sa souveraine comme une divinité, que dira-t-il en la voyant retirer timidement la main d’un acte qu’il réclame à voix haute dans la rue et dans le parlement ? En cette alternative, il faut qu’une puissance supérieure intervienne, et, comme un poète moderne ne saurait invoquer en un sujet moderne la fatalité ni le destin, ce sera la passion qui décidera. De là cette magnifique scène de Fotheringay, péripétie et couronnement de l’œuvre de Schiller, je dirais presque (aussi bien ne s’agit-il point ici d’opéra ?) ce duo solennel entre le soprano et le contralto. À l’idée de cette rencontre des deux génies rivaux de l’Angleterre et de l’Écosse, on sent que la catastrophe approche, et qu’avec un poète tel que Schiller quelque chose de sublime et de terrible va nécessairement jaillir du choc de ces deux femmes souveraines dédaigneuses et superbes à l’égal l’une de l’autre. Aussi dès le début de la scène, c’en est fait de Marie Stuart ; elle succombera, dût la terre s’entr’ouvrir sous ses pas. Toute blessure à l’orgueil de l’Angleterre ne se lave que dans le sang ; malheur à qui l’offense !
La reine d’Écosse périra pour avoir commis le crime impardonnable de surpasser en beauté la reine Élisabeth… Mais, observera-t-on, c’est la tragédie de Schiller que vous analysez là, et qu’avons-nous besoin d’un pareil commentaire à propos de l’opéra nouveau ? Qui sait ? Le commentaire est peut-être moins déplacé qu’on ne l’imagine. Il y avait à la vérité un opéra à faire de Marie Stuart, mais c’était avec le poème de Schiller. Prenez un musicien, je ne dis pas de génie, l’espèce en devient trop rare par le temps qui court, non, simplement un de ces compositeurs d’élite qui croient avoir, par vingt succès, raisonnablement conquis le droit de s’informer un peu du texte qu’on leur livre, mettez-le entre la pièce représentée l’autre soir à l’Académie royale de musique et la tragédie de Marie Stuart, et vous verrez laquelle des deux il choisira de cette légende en action, de cette froide et pâle ébauche d’autant plus incomplète et monotone qu’elle prétend étreindre davantage, ou de la solennelle et dramatique imagination du grand poète allemand. La musique, faut-il qu’on le répète pour la centième fois, la musique ne vit que de passion, et, je le demande, quel poème plus animé, plus pathétique, plus musicalement conçu ! Cette lutte du cœur et des opinions, cette haine qui tue, cet amour dont on meurt, tout cela n’est-il pas fait pour échauffer le génie d’un grand-maître ? et si je pense à la péroraison du drame, à ce poétique Requiem de la fin, quelle plus glorieuse matière à mettre en musique ? Avec la scène des adieux, un musicien tel que Mozart eût fait un chef-d’œuvre impérissable. Il y a tant de pathétique et d’expression dans ces dernières paroles que l’auguste victime adresse en mourant à tout ce qui lui fut cher et précieux sur la terre, tant de suave et divine mélancolie dans ce royal regard, qui tantôt se lève vers le ciel, pour implorer pardon, tantôt s’abaisse doux et souriant sur le collier de perles, héritage de la fidèle camériste ! Je le répète, la muse du chantre de dona Anna, si élevée, si noble, si parfaitement grande dame en ses moindres inspirations, eût soupiré là une de ces sublimes élégies musicales, comme elle seule en rencontra jamais. Ce n’est point que cette scène dont nous parlons manque absolument dans l’opéra de M. Niedermeyer, elle s’y trouve, et aussi celle de Fotheringay ; mais l’une et l’autre seulement esquissées, tant l’encombrement de l’action laissait peu de place aux ressorts essentiels du sujet. Je m’étonne qu’on ait pu se tromper de la sorte, et chercher son succès dans des lambeaux anecdotiques, laborieusement cousus à la file, quand on avait sous la main l’œuvre lyrique par excellence, une œuvre à la fois concise et se prêtant au développement, idéale et réelle, où le sublime se meut en dehors de l’abstraction, une œuvre en un mot faite à souhait pour répondre aux conditions de l’opéra.
À côté de Mozart, tout à l’heure nous aurions pu nommer aussi M. Meyerbeer ; car, si la dernière scène de la tragédie nous semblerait convenir davantage à la manière élégiaque et tendre du cygne de Salzbourg, le reste de l’ouvrage, par le caractère, la couleur, rentre plus spécialement dans le domaine de l’auteur des Huguenots. C’est là que M. Meyerbeer eût trouvé aliment à ce style historique qu’il affecte, à ce goût louable qu’il nourrit d’accuser nettement ses personnages, et de faire de chaque rôle une figure à part, et vivant de sa propre vie. Quant à ces effets de contraste, effets plus métaphysiques sans doute que musicaux, qu’il a prétendu tirer dans les Huguenots de l’opposition des deux croyances, la tragédie de Marie Stuart n’eût certes pas manqué de les lui fournir, et la reine d’Écosse d’un côté, la reine d’Angleterre de l’autre, nous sembleraient les deux virtuoses par excellence pour exécuter ce fameux duo du papisme et du protestantisme, qui l’a si sincèrement préoccupé. Et puis, quelle plus admirable création, quel type plus digne d’un grand maître que ce Mortimer, dont les sentimens catholiques, déjà émus par le spectacle des pompes romaines, s’élèvent et s’exaltent jusqu’à l’enthousiasme, jusqu’à la conviction sous le feu d’un regard de Marie ! Est-ce votre Raoul, dites-moi, qui parlera jamais ce langage passionné ? est-ce lui qui trouvera jamais ces intrépides mouvemens du cœur dignes du Henri Percy de Shakespeare ? Dans l’espèce de chronique en cinq actes que l’académie royale de musique vient de représenter, Marie Stuart est tout simplement une princesse infortunée, qui expie par la captivité, la souffrance et la mort les égaremens d’un cœur trop sensible et trop faible. N’avez-vous jamais rencontré des esprits clairvoyans et profonds qui résumaient en ces termes le célèbre poème de Goethe : Faust est un mauvais drôle d’alchimiste sans aucun respect pour les commandemens de Dieu et de l’église, et que le diable un beau matin emporte aux enfers ? Du reste, nous n’avons nulle envie de contredire ce point de vue, il se peut qu’il soit le meilleur, à l’Opéra surtout, où le naïf qui impressionne, le spectacle qui parle aux yeux, l’emporteront toujours naturellement sur la question littéraire et critique. Aussi, quand nous nous inscrivons contre la fable de Marie Stuart, est-ce uniquement parce que cette fable nous semble décousue et mal construite, et nullement parce que nous pensons que la donnée historique aurait dû être envisagée de plus haut. En somme, quel intérêt voulez-vous qu’il résulte de ces scènes qui se succèdent confusément à la hâte sans que rien les motive, quelle émotion de ces dix ou douze tableaux vivans dont se compose la biographie en cinq actes que M. Niedermeyer vient de mettre en musique ? Si je ne craignais d’user ici d’un terme emprunté au vocabulaire des coulisses, je dirais tout uniment que les ficelles manquent. Aussi rien n’est lié : en pareille circonstance, et lorsqu’il s’agissait d’un tel faisceau d’évènemens, c’est à peine si l’énorme magasin de M. Scribe eût suffi ; et l’auteur, homme d’esprit du reste, a cru qu’il parviendrait à se tirer d’affaire par une classification assez lucide sans doute, mais plus ingénieuse que dramatique, des élémens mis en œuvre. Au premier acte, Marie Stuart quitte la France : vous la voyez s’embarquer et partir sans que l’auteur juge à propos de vous dire un seul mot des raisons qui ont amené cet exil. De jeunes gentilshommes qui boivent à la porte d’une taverne en se demandant lequel d’entre eux sera roi d’Écosse ; une reine, à qui des jeunes filles vêtues de blanc offrent des bouquets, et qui ne se montre que pour disparaître aussitôt : tel est le premier acte, plus froid et plus décoloré qu’il n’est permis même à un prologue. Cette divine élégie des adieux, cette scène, qui pourrait être à la fois si poétique et si touchante, a été complètement manquée, et la faute, hâtons-nous de le dire, n’en saurait être attribuée au musicien, qui a mis une grace exquise dans le motif de sa complainte. Mais cette scène, arrivant ainsi de prime-abord, sans exorde ni préparation aucune, vous laisse impassible et glacé ; il est certains déplacemens auxquels ne résistent pas les meilleures données, et celui-ci était du nombre. Le pathétique ne s’échauffe en nous que par degrés, et jamais, eussiez-vous l’art de Racine dans Bajazet, d’une scène d’adieux vous ne ferez une scène d’exposition. Le second acte se termine par l’assassinat de Rizzio, le troisième par le meurtre de Darnley ; au quatrième acte, nous avons Loch-Leven, et au cinquième, pour en finir, Fotheringay. Je conçois, à tout prendre, qu’au mélodrame un pareil système puisse prévaloir : un personnage disparaît, un autre le remplace, qu’importe si l’action n’en va que mieux son train, et si les décors changent à vue ? À l’Académie royale de musique, les individus ont leur valeur, et je ne sache pas, d’ailleurs, que les premiers sujets abondent à ce point qu’on puisse, sans graves inconvéniens, les faire mourir avant le dénouement. Y songez-vous ? quand vous aurez tué le ténor au troisième acte, il faudra donc que nous subissions la doublure aux deux derniers ! ce serait à périr soi-même d’ennui et de désappointement. J’en conviens ; dans l’opéra nouveau, Gardoni traverse les cinq actes, Mme Stoltz, elle aussi : pouvait-on faire moins ? Mme Stoltz tient le fil d’Ariane ; mais Barroilhet, passé la première scène du quatrième acte, il n’en est plus question, et Mme Dorus, qui joue Élisabeth, ne paraît qu’au cinquième pour chanter un duo. Ô néant des grandeurs ! l’illustre reine d’Angleterre réduite presque à l’état de comparse ! Si la vierge couronnée eût jamais prévu de son vivant le triste rôle qu’on lui ferait jouer en cette occasion, j’imagine qu’elle s’en serait bien vengée d’avance, en commandant à son poète ordinaire, William Shakspeare, quelque belle et bonne trilogie à son sujet, et dans laquelle Marie Stuart n’eut, à son tour, figuré qu’au plan le plus obscur.
Maintenant, supposez un de ces musiciens qui tiennent à donner quelque unité à leur style. Quel ne sera point son embarras vis-à-vis d’un poème, ainsi composé de pièces et de morceaux rapportés tant bien que mal, et cousus à la file ! Sur lequel de ces personnages qui vont lui échapper se fixera le souci de sa pensée ? Épuisez-vous donc à marquer d’une physionomie particulière celui-ci ou celle-là, pour qu’au plus beau moment vous les voyiez disparaître, comme Romulus, au milieu de l’orage d’un finale. Pour moi, les pièces de ce genre me font assez l’effet de ces châteaux-forts du moyen-âge, de ces donjons tout remplis de trappes et de bascules ; on ne sait ni qui vit ni qui meurt, et, l’exemple des autres vous gagnant, peu s’en faut que vous ne vous esquiviez vous-même avant la fin.
Du reste, M. Niedermeyer a parfaitement compris ce que nous disons là, et s’est tout-à-fait abstenu, en homme prudent qu’il est, de se mettre en frais d’imagination pour des gens qui devaient le quitter si tôt. Peu scrupuleux sur le chapitre de l’expression, il se contente de saisir au vol la première idée qui se présente, d’où résulte la musique la plus dénuée d’élévation et de couleur qui se puisse entendre : çà et là, j’en conviens, d’agréables motifs se lèvent par bouffées ; mais, contre tout ce qu’on était en droit d’attendre d’un maître tel que M. Niedermeyer, la partie grandiose et chevaleresque du sujet n’a pas même été sentie. À ces accens bourgeois, à ces mélodies sans caractère ni passion, on ne se douterait guère qu’on est en pleine Écosse, aux beaux temps de la querelle des deux reines, mieux encore des deux religions. Je le répète, c’est M. Meyerbeer que j’aurais voulu voir aux prises avec un pareil sujet. Le rôle de Marie manque à la fois de tendresse et de dignité ; l’élément bourgeois, le terre-à-terre s’y laisse trop souvent surprendre ; une tragédie lyrique n’est pas une complainte, et quand on s’attaque à des têtes que la poésie, à défaut du droit divin, couronnerait encore, il faut savoir les traiter royalement.
Comment prétendez-vous que je vous traite ?
En roi.
Avant de faire chanter Marie Stuart, peut-être M. Niedermeyer n’eût-il point mal fait de méditer sur cette admirable réponse de Porus à Alexandre dans la tragédie de Racine. Nous en dirons autant du caractère de la reine Élisabeth, qui vient au cinquième acte préluder par l’aria di bravura obligée au terrible duo de Fotheringay. L’idée seule d’un pareil morceau avait de quoi épouvanter un maître et nous concevons que M. Niedermeyer ait reculé. Il est certaines tâches qui n’appartiennent qu’au génie : traduire par un chef-d’œuvre en musique ce qui déjà était en poésie un chef-d’œuvre ; faire de la scène de Schiller un duo, et se maintenir dans la variation à la hauteur du thème, voilà qui, à mon sens, dépasse les forces d’un musicien de talent, ce musicien eût-il d’ailleurs donné les meilleurs gages de son aptitude et de son habileté. Pour passer maintenant aux rôles d’hommes, le personnage du régent Murray ne vaut ni plus ni moins que tous les tyrans d’opéra italien qu’il vous est arrivé de voir gesticuler sous le casque et l’armure ; ce sera, si vous voulez, l’Ernesto du Pirate, avec cette différence qu’au lieu de crier : Vendetta ! Murray vous chantera sur le même motif :
La couronne est à moi ;
Je marche au but sans effroi.
Ma place est là, je la vois,
Courbez-vous tous, je suis roi.
Ce qui, soit dit en passant, est un peu le refrain de chacun dans cet opéra de Marie Stuart. En effet, à peine le bâtard a-t-il chanté sa gamme, que sa royale sœur vient nous apprendre qu’elle seule est reine ; puis arrive Darnley, puis enfin Élisabeth qui le dit et le prouve. Quant à Bothwell, c’était évidemment sur ce rôle qu’aurait dû se porter la sollicitude du compositeur. Dans l’épisode des amours de Marie et du comte Bothwell (puisqu’il a plu aux auteurs de faire de ce rude guerrier le Tircis de l’ouvrage) reposaient toute l’émotion mélodieuse, tout le pathétique. Aussi faut-il regretter vivement que cette veine si abondante et si généreuse de Bellini dans les Puritains et de M. Donizetti dans la Lucia ne se soit point ouverte à cette occasion pour M. Niedermeyer. Étrange chose, le souvenir de Lucia ne cessait de nous poursuivre toute cette soirée, et Dieu sait cependant si c’est par la couleur locale que le chef-d’œuvre de M. Donizetti se recommande. De la couleur locale, en effet, du caractère pittoresque tel que Weber et les musiciens de l’école créée par lui les comprennent, vous n’en trouverez pas plus trace dans Lucia di Lammermoor que dans Marie Stuart. D’où vient alors que Marie Stuart vous laisse froid et désappointé, tandis que l’ouvrage de M. Donizetti vous fait rêver à je ne sais quels horizons inconnus, à je ne sais quel pays vaporeux de lacs et de clairs de lune, qui, pour n’être en aucune façon l’Écosse de sir Walter Scott, n’en ont pas moins leur charme et leur romantisme à part : horizons de toile peinte, montagnes de carton, lacs de gaze argentée, qu’importe si vous avez rêvé, si la divine larme a tremblé sous vos cils ? C’est qu’au fond il y a dans la musique de Lucia ce qui manque à la partition de Marie Stuart, le sentiment et la passion, deux choses sans lesquelles la musique n’est rien, et deux choses par lesquelles elle devient à l’instant ce qu’on voudra, écossaise, italienne, flamande, orientale, de tous les siècles et de tous les pays. Nous parlions des souvenirs évoqués en nous de Lucia ; au quatrième acte, il est une scène où le décor vient encore aider à l’illusion ; vous vous croiriez alors au Théâtre-Italien par une belle représentation de l’œuvre de Donizetti. Ne voyez-vous point, en effet, là-bas ce château illuminé et cette mer bleuâtre où frissonne un arc-en-ciel d’opale ; et pour que rien ne manque au rapprochement, regardez sur le devant du théâtre, et vous y découvrirez, à la faveur du clair de lune, le ténor empanaché soupirant au milieu d’un groupe d’amis fidèles. Nous avouerons qu’en ce moment il nous a été impossible de ne pas songer au sublime adagio de l’air de Rawenswood et surtout à Moriani. Qu’est-ce que Moriani ? Dira-t-on ? Un ténor de la classe de Rubini, ni plus ni moins, un de ces virtuoses maîtres qui savent vous impressionner jusqu’à l’enthousiasme là où vous eussiez cru la somme des émotions épuisée. Nous avons entendu Moriani à Londres, cet été, pendant que l’illustre chanteur y faisait les délices du Queens-Theater et de la saison musicale, et c’en est assez pour que nous ne laissions plus de trève à M. le directeur du Théâtre-Italien de Paris. Nous voudrions pouvoir donner en passant une idée de l’art inoui avec lequel Moriani compose le finale de la Lucia ; il trouve là des sons sourds et étouffés qu’eût enviés Rubini lui-même, et nous ne croyons pas que le grand artiste qui fut pendant dix ans l’honneur de notre compagnie italienne nous ait jamais rien fait entendre de plus beau que la phrase suivante telle que Moriani la dit ou plutôt la déclame :
Mai non passavi, ô barbara,
Del tuo consorte al lato, — ah !
Rispetta al men le ceneri, etc.
Dans la première partie de la période et au mot consorte, on sent éclater une colère terrible à laquelle Moriani donne en même temps un ton plein de bon goût et de convenance ; puis, après cet éclat, arrive le soupir d’amour, cet ah ! qui interrompt sa fureur et par lequel il rentre merveilleusement dans le ton plaintif du début : rispetta al men, etc. On ne saurait lier ensemble avec un plus grand art deux mouvemens opposés, l’invocation mélancolique et la menace ; Talma n’eût pas trouvé mieux, et c’est là réussir, comme dit Boileau, dans ce qu’il y a de plus difficile au monde : les transitions. Du reste, la manière dont Moriani compose le finale de la Lucia indique chez le virtuose une intelligence profonde du style dramatique, un sens merveilleux de l’expression musicale en ce qu’elle comporte d’élevé, un Allemand dirait de transcendental. Tant que la femme aimée respire encore, la passion qu’exprime Moriani est toute terrestre, remplie de ces alternatives de douleur et de rage qui signalent les crises du cœur humain. Vers la fin, au contraire, c’est de l’extase ; la transfiguration que vient de subir Lucie a passé dans le chant, et vous comprenez qu’il ne s’agit plus désormais d’une femme, mais d’une ame : la bell’ alma inamorata. Nous le répétons, on ne saurait donner une idée de l’exquise délicatesse de cette nuance, de la force avec laquelle Moriani la faisait sentir au public… à un public d’Anglais ! Mais où vais-je moi-même, et quel hasard m’entraîne à parler de Moriani lorsqu’il s’agit du nouveau ténor ? C’est pour le coup, je pense, qu’il conviendrait d’invoquer l’art sublime de la transition. Gardoni donc, puisqu’il importe que de lui on s’occupe, Italo Gardoni est un damoiseau de très-bonne mine ; jambe leste, taille à l’avenant, air naturel et comme il faut, avec cela prononçant le français à merveille et ne paraissant pas le moins du monde convaincu qu’il soit indispensable, pour jouer les amoureux à l’Opéra, d’avoir un embonpoint de financier sur un corps d’environ quatre pieds huit pouces de hauteur. Quant à l’organe, vous n’imaginez rien de plus agréable et de plus frais. Qu’on nous permette ici d’entrer dans quelques détails un peu techniques, indispensables pour définir cette voix et la famille où il convient de la classer. Il existe, selon nous (et cela chez les hommes plus encore que chez les femmes), trois espèces de voix bien distinctes, à savoir : les voix pleines, les voix creuses et les voix vides. On a si souvent comparé les notes à des perles, qu’il ne semblera pas trop étrange, peut-être, que nous les considérions un instant comme des objets réels et qu’on touche. Puisque perle il y a, discutons la transparence et la solidité. La voix pleine est celle en qui la note est remplie jusqu’au centre, et forme en quelque sorte un tout compacte où l’air ne pénètre pas. Les voix de cette espèce passent d’ordinaire, et avec raison, pour excellentes ; peu sonores, sans doute, vous les verrez s’élever aux plus grands effets. J’appellerai voix creuses celles en qui la note, bien que d’une vaste épaisseur, manque de substance, et laisse, vers le milieu, un espace qui produit la résonnance. Ce sont là, à tout prendre, les meilleures voix, car elles unissent à une grande sonorité une grande force de résistance, et, par conséquent, de très précieuses chances de durée. Viennent ensuite les voix vides, celles où la note n’a absolument que son enveloppe. Rien n’empêche d’ailleurs que cette enveloppe ne soit du métal le plus pur, d’or si vous voulez ; mais, au premier coup d’épingle qui la perce, la voix se brise et succombe. Ces voix-là sont quelquefois charmantes, d’une pureté et d’une fraîcheur ravissantes ; cependant, et, du reste, chacun le devine, avec elles on doit s’attendre à une extrême fragilité :
Et comme elle a l’éclat du verre,
Elle en a la fragilité.
La voix de Rubini était une voix pleine, une de ces voix inaltérables, toujours égales à elles-mêmes, identiques, et qui durent la vie d’un homme. Ainsi de Moriani, la voix la plus solide, la plus entièrement pleine qui se puisse concevoir. Mais, comme chez tous les grands chanteurs, ce n’est pas seulement l’organe, c’est sa manière qu’il faut admirer. Qu’on se figure ce qu’il y a au monde de plus pur, de plus large, de plus franc, un spianato poussé aux extrêmes limites du genre ; la simplicité de l’art grec, la majesté du nu, le style dorique dans l’ordre musical. Les voix de Tamburini, de Ronconi, de Donzelli, de M. de Candia même, appartiennent plus ou moins à la seconde des trois catégories, et se rangent parmi les voix creuses ou solides, qui peuvent bien, d’une année à l’autre, perdre quelque chose, s’écailler un peu pour ainsi dire, mais qui, au fond, savent réparer leurs brèches, car il y a toujours de l’étoffe en dessous, tandis que les voix vides se brisent entièrement au premier choc. Maintenant, nous craignons bien que la voix du nouveau ténor de l’Opéra ne doive être classée au nombre de ces dernières, et si, comme on l’a publié, Italo Gardoni n’a que vingt-deux ans, les qualités même de cette voix si limpide, si claire, déjà si entièrement débrouillée, nous effraient pour son avenir. Les sons élevés, développés à souhait, ont un charme qui ravit l’oreille ; mais le medium manque, et c’est là, du reste, un défaut assez naturel à ce genre de voix : or, dans cette partie résident justement la force de l’organe et ses principales chances de durée. Demandez plutôt à Mme Stoltz, qui ne doit d’avoir résisté à tant de travaux et d’efforts qu’au medium vigoureux et puissant sur lequel repose sa voix.
Mais qu’avons-nous à nous occuper de l’avenir du jeune artiste, lorsque son présent offre tant de qualités aimables et de motifs d’encouragement ? Gardoni a de la jeunesse, du charme, de l’élégance dans son talent et dans sa personne. Il réussit ; que peut-on demander de plus ? Sans aller jusqu’à dire que le nouveau ténor de l’Académie royale de musique doive entrer immédiatement en possession d’un emploi que M. Duprez semble chaque jour déserter davantage, nous pensons que dès à présent l’administration est en droit d’attendre de lui de bons et utiles services. Sans doute, tous les rôles du répertoire de Nourrit et de Duprez n’iront point à sa taille, il faudra choisir ; mais dans le nombre il s’en trouvera qui siéront à merveille. Nous citerons au premier rang le Raoul des Huguenots. D’après ce qu’on a pu juger de sa tenue, de son goût, de son air, il y sera parfait ; et quant à la ravissante cavatine du quatrième acte, fiez-vous-en à la voix de Gardoni, et soyez sûr que depuis Nourrit jamais elle n’aura été mieux dite. Qu’en pense Meyerbeer ? Y songez-vous ? Meyerbeer a bien d’autres musiques en tête ; Meyerbeer est à Berlin, et la veille du jour où l’Académie royale donnait sa Marie Stuart, l’auteur de Robert-le-Diable a dû faire représenter, devant le roi de Prusse, sa Campagne de Silésie, un Vaterlandisches Oper, qu’il vient d’écrire pour l’inauguration de la nouvelle salle. — N’importe, Meyerbeer n’a pu manquer à cette soirée. Ignorez-vous donc qu’aux chances plus ou moins heureuses de ces débuts d’ltalo Gardoni, était suspendue l’éternelle question du fameux opéra en cinq actes qui attend son ténor depuis tantôt dix ans, en s’écriant, comme l’héroïne du conte bleu : « Sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » Si d’aventure Gardoni eût échoué, l’embarras devenait terrible pour l’illustre maître, et force était alors de renoncer indéfiniment à toute espèce de distribution de rôles. Gardoni a réussi, et peut-être l’embarras n’est-il pas moins grand, car désormais l’excuse manquera. Il se peut que nos prévisions nous trompent ; mais tout nous porte à regarder maintenant l’illustre auteur de Robert et des Huguenots, sinon comme tout-à-fait perdu pour nous, du moins comme très sérieusement engagé ailleurs. Une influence supérieure nous le dispute, influence de nationalité à laquelle son opéra nouveau, il suffit du titre seul pour s’en convaincre, est un gage dont on ne saurait contester la portée. Le roi de Prusse tient en grande estime le talent de M. Meyerbeer, et ne négligera rien pour se l’attacher définitivement. De ce qu’on exclut de sa maison certaines individualités turbulentes, il ne s’ensuit pas qu’on méconnaisse les droits de la pensée ; le groupe de Berlin prouverait en ce moment le contraire, et l’on peut parfaitement mépriser les inconvenances dérisoires de M. Herwegh et les professions de foi de M. Freiligrath sans manquer aux devoirs d’un prince ami des lettres et des beaux-arts. — Pour en revenir à Meyerbeer, soyez bien sûr qu’il assistait à ces débuts de Gardoni, caché au fond de quelque baignoire d’où il aura noté tout à son aise sur son calepin les qualités et les défauts de cette voix juvénile, qu’il utilisera un jour ou qu’il n’utilisera point ; là n’est pas la question. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’à l’heure où nous parlons, l’illustre maître connaît déjà mieux que vous et moi le diapazon de la voix de Gardoni et la portée de son talent, et qu’il possède de cette physionomie intéressante un crayon net et précis, comme dirait M. de Balzac.
On a beaucoup reproché à Mme Stoltz d’avoir osé aborder le rôle de Marie Stuart après Mlle Rachel. Pour nous, il faut l’avouer, ce nouveau caprice de prima donna nous a moins étonné que l’audace dont Mme Stolz fit preuve il y a quelques mois en s’emparant du rôle de Desdemona dans Othello. Quand on a de gaieté de cœur affronté les souvenirs de la Pasta et de la Malibran, nous ne voyons point, à vrai dire, devant quelles convenances de ce genre on reculerait. Au surplus, Mme Stoltz se trouvait ici davantage dans son droit, puisqu’il s’agissait d’une création transportée du domaine de la tragédie dans celui du drame lyrique, et rien ne l’empêchait de compter un peu sur le prestige de son art pour l’aider à se tirer d’affaire aux momens les plus difficiles. C’est, du reste, ce qui est arrivé. En maint passage, la cantatrice a sauvé la tragédienne. Non que Mme Stoltz se montre une virtuose accomplie, mais sa voix, à force de tout risquer, atteint par moment des effets dont la puissance dramatique ne saurait se contester. Et d’ailleurs, sous le rapport de l’intonation, elle a gagné. Étrange voix dont la constitution d’acier résiste aux plus rudes épreuves, qui, par un merveilleux hasard, se retrempe dans la fatigue et les excès lorsque tant d’autres y succombent. Quant à la partie élevée du rôle, à la tenue, à la dignité du personnage, on devine que la cantatrice de l’Académie royale de musique n’en a pas senti le premier mot. Mme Stoltz a pour elle ou contre elle, comme on voudra, une chose qui, tout en la rendant propre à l’expression des mouvemens passionnés doit à jamais lui interdire tout caractère où certaines conditions de bienséance et de tenue deviennent cependant indispensables ; nous entendons parler ici de ce besoin immodéré de locomotion qui semble l’agiter, dès qu’elle met le pied sur la scène, de cette espèce de diable au corps qui la possède et ne lui laisse pas de repos. Ainsi voyez Mme Stoltz dans cette scène où Marie Stuart, laissée libre un moment, erre avec sa compagne dans les jardins de Fotheringay, et s’écrie comme enivrée par l’air qu’elle respire :
Évidemment il y a là un mouvement de joie irrésistible, un besoin inoui d’épancher au dehors tant de sensations divines, que la pesante atmosphère de la captivité comprimait au fond de l’ame ; mais il ne faut pas non plus, en exagérant la situation, transformer le tableau d’histoire en caricature. Que fait Mme Stoltz dans cette scène ? Elle va et vient, arpente le théâtre, son sein se gonfle, son œil flamboie, ses narines se dilatent, et vous vous rappelez involontairement ces vers de Virgile, où le poète latin ne se doutait certes guère qu’il décrivait l’extase d’une reine d’Écosse, au spectacle d’une belle matinée de printemps.
Illæ
Ore omnes versæ in zephirum…
Saxa per et scopulos et depressas convalles
Diffugiunt…
Si nous étions le moins du monde d’humeur maussade, nos critiques s’étendraient plus loin, et du geste passeraient au costume, qui est aussi une partie essentielle de l’art du comédien. Talma et Nourrit en savaient quelque chose ; et ce n’est pas Mlle Rachel qui consentirait à se montrer jamais sur la scène affublée du singulier costume que porte Mme Stoltz au troisième acte de Marie Stuart. Que signifie, en effet, cette couronne royale s’épanouissant comme une grenade enflammée sur un bonnet que la reine d’Écosse avait pu adopter à son ordinaire, mais dont, aux jours de cérémonie et de gala elle ne dut jamais manquer de faire le sacrifice à l’étiquette de sa cour ? Un diadème sur une coiffe ! il y a là un contre-sens énorme pour un théâtre qui se pique d’exactitude en pareil point. Au quatrième acte, les casques abaissés que portent deux des membres du conseil de régence pendant la scène de l’abdication ne nous paraissent guère plus heureux. On avouera, en passant, que le système n’a rien de bien favorable pour la voix, et Barroilhet, avec son corps fluet et grêle, et l’espèce de museau allongé et luisant que lui fait sa visière d’acier, ne ressemble pas mal à ces personnages à têtes de sauterelle ou de grillon qu’on voit figurer dans les vignettes de Grandville. D’ailleurs, de quelle utilité pouvait-il être d’amener le régent Murray d’Édimbourg à Loch-Leven pour le faire assister à un acte de brutalité que sa seule présence eût rendu impossible ? De quelle utilité ! nous répond M. Niedermeyer, il me fallait pour mon sextuor la voix de Barroilhet ; or, Barroilhet joue le régent, et voilà pourquoi Jacques Stuart, comte de Murray, qui, Dieu merci, avait du sang de gentilhomme dans les veines, souffre sans sourciller qu’à ses yeux un soudard insulte à la faiblesse d’une femme, de sa sœur. Oh ! la musique ! Quant à l’équipage de Mme Dorus au cinquième acte, c’est un costume de fantaisie fort convenable. Cependant les temps de la reine Élisabeth ne sont point si reculés, si fabuleux, qu’on doive tant se mettre en frais d’imagination à leur endroit. Les types abondent ; il ne s’agirait que de vouloir bien prendre la peine de les consulter. Nous nous souvenons d’avoir vu à Hatfield, chez lord Salisbury (qui est Cécil et descend du fameux lord-trésorier), un portrait de la fille de Henri VIII à l’âge de 25 ou 30 ans, lequel portrait passe en Angleterre pour le plus ressemblant qui existe et naturellement le plus exact sous le rapport de l’ajustement. Qu’on se figure d’énormes manches épaisses et bouffantes comme des oreillers, un corsage en manière de cuirasse se prolongeant en pointe jusqu’aux jambes, un ruff haut d’un demi-pied régnant en galerie sur la lisière de la robe, et partout, sur les manches, sur le corsage, sur les jupes d’une ampleur empesée et raide, partout les serpens familiers, se jouant en toutes sortes de broderies de soie, d’or et de pierreries, comme les salamandres royales de François Ier sur les murs du château de Chambord. J’allais oublier la coiffure, qui n’a pas moins de deux pieds et rappelle celle de Marie-Antoinette. J’ai vu depuis bon nombre de portraits de la reine Élisabeth représentée à différentes époques de sa vie ; tous portent le même costume qui, du reste, ne ressemble en aucune façon au dessin adopté par l’Opéra. Comme pendant à la célèbre toile de Hatfield nous citerions encore le portrait de Marie, conservé à Oxford parmi les curiosités de la bibliothèque bodléienne. À voir cette image, on éprouve d’abord quelque désappointement, on se demande s’il se peut que la femme qui a posé pour ce portrait ait jamais été la plus belle ou même la plus jolie de son pays et de son temps ; et quand on songe à toutes les fascinations que cette femme exerça autour d’elle, et combien de têtes elle tourna d’un sourire ou d’un regard, comme il faut bien finir par trouver le mot de tant de séduction et de magie, on se représente cette grace irrésistible, cet esprit importé de la cour de France, et qui, en multipliant ses triomphes, préparaient sa perte. C’est une vieille histoire, et qui n’a pas manqué de se renouveler depuis lors. En Angleterre comme en France, l’histoire abonde en exemples de ce genre. Qu’il s’appelle Henriette-Marie ou Marie-Antoinette, qu’il s’agisse de l’élégante femme de Charles Ier ou de l’aristocratique compagne de Louis XVI, le type charmant de Marie Stuart revivra, vous retrouverez le signe distinct, l’air de famille, et soyez sûr qu’au jour venu les puritaines et les bourgeoises ne se montreront pas plus empressées à faire grace qu’Élisabeth. Ce ne sont ni ses amans ni ses crimes qui ont coûté la vie à Marie Stuart, mais le fait même de son existence qui blessait à mort la fille superbe de Henri VIII. Cette femme de tant d’esprit et d’élégance, ayant sur les lèvres le mot piquant à côté du sourire, dut finir par impatienter dans sa gloire un peu morose et pédantesque la vestale qui trônait dans l’ouest, pour me servir du pathos de Shakspeare dans le Songe d’une nuit d’été. Creusez le fond des choses, et vous trouverez l’éternelle lutte du positif et de l’idéal, de l’élégance et de la brutalité, de la poésie et de la prose, de la grande dame et de la financière, en un mot et surtout, de l’esprit moqueur et fin de la société française et du cant britannique.