Revue dramatique - La Soirée parisienne au XVIIe siècle

Revue dramatique - La Soirée parisienne au XVIIe siècle
Revue des Deux Mondes3e période, tome 53 (p. 211-225).
REVUE DRAMATIQUE

LA SOIREE PARISIENNE AU XVIIe SIÈCLE

: Lettres en vers de La Gravette de Mayolas, Robinet, Boursault, Perdou de Subligny, Laurent et autres (1665-1689), recueillies et publiées par le baron James de Rothschild, tome Ier (mai 166)-juin 1666 ;. — Paris, 1881, Damascène Morgand et Charles Fatout. 

« La critique se meurt, et la chronique hérite d’elle : même la critique dramatique, plus vivace que la littéraire, et mieux défendue jusqu’à présent par certains privilèges du genre, une chronique théâtrale paraît, qui la dépouille des premières faveurs. La presse sérieuse s’abîme et la frivole s’élève, et de celle-ci même c’est le plus frivole que le public goûte davantage : non-seulement on ne lit plus que par devoir les feuilletons du lundi et les revues de quinzaine, mais au lendemain de la représentation d’un ouvrage nouveau, lorsqu’arrive une de ces feuilles légères qui se font gloire de l’être pour voler plus vite et se targuent à l’envi de la rapidité de leurs informations, on brûle le compte-rendu rédigé par un critique de nuit, et l’on court à cette rubrique de la Soirée parisienne placée presque à la fin du journal, comme un entremets de gourmand presque à la fin d’un repas. C’est là qu’on cherche, avec une opinion déguisée de l’ouvrage, avec un bon mot qui le juge, avec une parodie en vingt lignes, toute son histoire anecdotique depuis le jour où l’auteur a choisi le papier de son manuscrit jusqu’à l’heure à peine sonnée où l’un de ses interprètes a jeté son nom au public ; c’est là qu’on apprend si M. X…, applaudi ou sifflé la veille, a volé son sujet à M. Z…, et si M. Z… doit s’en plaindre ; si tel acteur, à l’origine, était chargé de tel rôle, et quel démêlé avec l’auteur ou quelle maladie l’en a privé ; si les décors sont coûteux et les machines compliquées ; si les costumes de l’ingénue sont plus riches que ceux de la coquette, et s’il y avait dans la salle hier soir plus de diamans, ou sur la scène ; qui se montrait en grande loge, qui au balcon, qui à l’orchestre, et qui surtout se cachait dans une baignoire grillée… Après de telles douceurs, naturellement, on ne revient pas aux plats solides ; après la soirée parisienne, on ne remonte guère au compte-rendu ; et voilà comment, si quelque dieu n’y pourvoit, la chronique, bientôt, dispensera la critique d’exister ! » — Ainsi se lamentent beaucoup d’honnêtes gens, abonnés au Journal des Débats et qui lisent le Figaro.

Ce n’est pas nous assurément qui blâmerons leur chagrin : il part d’un bon naturel et ne peut que nous toucher ; nous voyons comme eux le discrédit de la critique et nous ne le voyons pas sans peine. Est-ce parce que les journaux se font plus nombreux chaque jour et que, dispersée entre tant de juges, l’autorité s’affaiblit ? Est-ce parce que le public, toujours plus affairé, exige qu’on le serve à la hâte et en même temps se méfie de ce service précipité ? Le certain est que les critiques du lendemain, si sagaces qu’ils soient, si prompts de jugement et si agiles de plume, si prudens même et si sûrs de leurs coups, comme des tireurs au commandement, — tandis que leurs confrères du lundi seraient des tireurs au visé, — même les critiques du lendemain plaisent moins à l’appétit curieux du public que leurs voisins les chroniqueurs. Quant aux lundistes, ils arrivent après que la bataille est décidée ; souvent ils prônent une pièce dans le désert, ou bien ils condamnent à mort un ouvrage qui durera toute l’année. Le véritable feuilleton, ou du moins l’efficace, s’est fait à la volée des mots, dans les causeries des clubs, le soir même de la première représentation, ou le lendemain, dans les salons, autour de la petite table à thé. Certes, c’est grand dommage que l’opinion ne soit plus dirigée ; cette anarchie des jugemens permet des injustices fâcheuses ; elle explique seule certaines chutes et, plus encore, certains succès. Ce n’est pas nous, d’ailleurs, qui pourrions en tirer profit, plus reculés encore du public, au moins du public passant et distrait, que nos compagnons les lundistes. Cependant, et justement peut-être parce qu’en ce poste que nous avons l’honneur d’occuper, nous ne pouvons prétendre aux faveurs des gens pressés, nous voyons avec philosophie la prospérité de la chronique ; si nous trouvons mauvais qu’elle fasse délaisser la critique, nous trouvons fort bon qu’elle existe ; nous jugeons qu’elle a sa raison d’être, au moins à sa place : or, des meilleures choses, que peut-on dire davantage ? Mérimée, en délicat, mais en dégoûté qu’il était, en fanfaron de dilettantisme, écrivait un jour : « Je n’aime de l’histoire que les anecdotes. » Il eût fait bon marché de l’histoire elle-même et surtout de la philosophie de l’histoire. Nous ne saurions, certes, faire bon marché de cette philosophie de l’histoire de la scène, qui est proprement la critique dramatique ; mais nous ne dédaignons pas non plus les anecdotes de cette histoire, qui font, au jour le jour, la matière de la chronique théâtrale. Nous y trouvons notre plaisir et tenons que ce plaisir peut se justifier ; qu’il a ses raisons et qui ne sont pas si frivoles. Et ne serait-ce pas d’abord une présomption en sa faveur si nous découvrions qu’il n’est pas si nouveau ? que, du moins, nos pères ont prisé le pareil, au plus beau de l’âge classique, et que même nous pouvons ressaisir un peu du leur en le recherchant où ils l’ont trouvé ? Apparemment deux siècles passés auraient justifié celui-là, et nous serions, du même coup, rassurés sur le nôtre ; nous le serions surtout si nous apercevions que, sous l’agrément de ces légers écrits, une certaine utilité se cache, et qu’à mesure que l’agrément s’évapore l’utilité se cristallise, si bien que ces futilités, au lieu de s’avilir, prennent au contraire avec le temps une valeur moins futile : — mais le XVIIe siècle avait-il son « monsieur de l’orchestre ? »

Il l’avait, si l’on me permet ce rapprochement que me suggère un écrivain de théâtre, M. Ludovic Halévy ; son autorité m’excuserait, à supposer que j’eusse besoin d’excuse pour citer ici, auprès de gazetiers morts et tellement morts qu’ils sont bien oubliés, un gazetier, Dieu merci ! tout vif et bien vivant.

Depuis un an qu’il se repose des succès de la scène, — les lecteurs de la Revue connaissent son repos, qui fait leur délassement, — M. Ludovic Halévy a signé deux morceaux de critique ou, si l’on veut, de chronique : l’un sert de préface au volume des Soirées parisiennes de 1881, de M. Arnold Mortier[1] ; l’autre, imprimé dans le même journal que ces ingénieuses soirées, signalait à l’attention des amateurs le premier tome[2] des Continuateurs de Loret, c’est-à-dire le commencement de la publication des gazettes rimées de Robinet, de Mayolas, de Boursault, de Subligny et de quelques autres, recueillies et rééditées par le baron James de Rothschild. Quel rapport entre cette légère brochure, que recommande aux promeneurs du boulevard une vignette si pimpante et si coquine, et ce gros in-octavo que décèle aux érudits le classique parfum de son papier de Hollande ? — Quel rapport ? Plus étroit qu’il ne paraît : le gros volume dit au petit :


Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus.


Et il le fut, en effet, au moins en de certaines pages ; nous avons ici la soirée de la Princesse d’Élide, — soirée parisienne ou soirée ile Versailles, c’est tout un en ce temps-là, — comme là nous trouvons la soirée de la Princesse de Bagdad… Les « continuateurs de Lorel » ne sont en ceci que les prédécesseurs de M. Mortier.

Quoi de surprenant ? On sait qui fut Loret. Le fondateur du petit journal en France, comme Renaudot fut celui du grand, — si du moins, comme le veulent les locutions courantes, un journal est grand ou petit, non pas selon son format, mais selon le plus ou moins de sérieux qu’il affecte. La Gazette de Renaudot, en prose, était le Journal des Débats ou le Parlement de l’époque ; la Muse historique de Loret, en vers, en était le Figaro ou le Gaulois, et le contraste des deux genres était d’autant plus vif qu’il n’existait alors qu’un spécimen de chacun. Deux journaux pour toute la France, voilà qui nous paraît maigre : on n’avait pas alors tant de fausses nouvelles qu’aujourd’hui pour faire attendre les vraies. Encore ces deux journaux n’étaient-ils qu’hebdomadaires, et rédigés chacun d’une seule plume. Le merveilleux est que, des deux, le plus grave était le plus riche ou, du moins, celui qui nourrissait le mieux son homme : ô différence des temps ! Cependant la Muse historique, d’abord manuscrite et adressée seulement à la duchesse de Nemours, puis imprimée à douze exemplaires, avait peu à peu augmenté son tirage :


Demoiselles, hautes duchesses,
Dames, marquises et comtesses,
Femmes d’honneur, femmes d’amour,
Prélats forains, prélats de cour,


tels sont les lecteurs et lectrices auxquels Loret, le 3 janvier 1654, réclame le prix de leur abonnement. « Femmes d’amour » entre « femmes d’honneur » et « prélats,.. » — on reconnaît là déjà cette variété de clientèle qui fait la fortune d’un journal frivole au grand scandale de ses envieux : c’est que déjà elle se justifie par la variété des matières, et cette variété nous la retrouvons dans les Continuateurs de Loret. Quelques nouvelles de guerre, quelques annonces de promotions dans la diplomatie ou l’armée, çà et là un bref courrier de l’étranger ou de la province, un bulletin de la santé des rois et des reines, des voyages des princes ou des princesses ; beaucoup d’anecdotes de la ville, encore plus de la cour ; des mentions de faits divers, de crimes ou d’accidens, des récits de fêtes ou de spectacles, de chasses ou de comédies, de soupers et de ballets, tel est l’ordinaire contenu de ces gazettes. Les événemens publics n’y tiennent que la moindre place ; les tableaux de la vie privée en occupent la meilleure ; il est vrai que la plupart du temps les héros de ces tableaux sont tels que leur vie privée intéresse le public ; mais Robinet a autant de hâte qu’un chroniqueur d’aujourd’hui de quitter la politique pour les échos et les nouvelles du jour :


Cherchons chez les Particuliers
Des événemens singuliers !


Parmi ces « événemens singuliers, » le gazetier n’aurait garde d’oublier ceux du théâtre : dans ce premier volume, qui va du 25 mai 1665 au 26 juin 1666, il note au passage, comme nouveautés, l’Agèsilas de Corneille, l’Alexandre de Racine, la Princesse d’Élide et le Misanthrope.

C’est, en effet, le 25 mai 1665, que paraissent à la fois la première lettre de Mayolas et la première de Robinet, adressées l’une et l’autre à la duchesse de Nemours, l’une et l’autre annonçant que l’auteur veut continuer Loret. Le pauvre homme était mort, après seize années de chronique, dans le courant de ce mois de mai ; la duchesse, depuis le 28 mars, était privée de sa gazette. La Gravette de Majolas, — le beau nom de capitan, sonore comme une parade et gonflé pour le public ! — était venu de Toulouse pour être l’ami et le successeur de Loret :


Étant son ami plus fidelle
Il me dit d’imiter son zèle…
Et, peut-être, direz-vous bien
Qu’en m’ayant vous ne perdez rien…


Le chagrin de l’ami ne prévaut pas contre la confiance du gazetier. Robinet avait pendant six années déjà travaillé pour la princesse Palatine. Bientôt Boursault, puis Subligny, se mêlèrent de faire mieux que l’un et l’autre. Mais de Boursault nous n’avons que six lettres et de Subligny cinquante et une. Au contraire, de Mayolas nous avons tout le courrier, qui va de mai 1665 à septembre 1666 et, un peu moins régulièrement, de décembre 1669 à décembre 1671. Quant à Robinet, il tient avec constance son emploi auprès de Madame jusqu’à la fin de juin 1670 ; puis, jusqu’à la fin de 1674, il adresse ses rimes à différens personnages, et d’abord, pieusement, « à l’ombre de Madame ; » enfin nous retrouvons des lettres de lui jusqu’après 1684. Dans l’intervalle, de janvier 1677 à 1683, un autre gazetier, Jacques Laurent, avait fait son office, de sorte que le recueil des continuateurs de Loret nous offre l’histoire anecdotique de la France, ou du moins de Versailles et de Paris, de la cour et du théâtre, pendant les années 1665 à 1674, 1677 et 1678. On comprendra l’importance de ce recueil si l’on réfléchit qu’entre Mme de Motteville et Mme de Sévigné, alors que les Mémoires de l’une ont pris fin et que la Correspondance de l’autre n’a pas encore son train régulier, — c’est-à-dire justement de l’année 1665 à peu près jusqu’à l’année 1671, — nous ne possédons qu’un petit nombre de ces documens familiers qui nous permettent de revivre en esprit la vie des hommes disparus, de ressentir leurs sentimens, d’assister avec eux à l’éclosion d’ouvrages qui nous paraissent à présent durer de toute éternité.

Or la Muse de Loret avait bien été réimprimée de nos jours, mais jamais les gazettes de ses continuateurs n’avaient même été recueillies. Elles s’étaient envolées aux quatre coins de l’Europe : du seul Robinet il n’existait nulle part un exemplaire complet. Vouliez-vous consulter telle série de ses lettres, on vous renvoyait de l’Arsenal à la Bibliothèque nationale, et de celle-ci à la Mazarine ; heureux si vous ne deviez pas poursuivre jusqu’au British Museum de Londres, à la Bibliothèque royale de Stuttgart ou jusqu’à Saint-Pétersbourg ! Un collectionneur qui n’épargnait ni son argent ni sa peine, M. le baron James de Rothschild, a fait rechercher et copier ces gazettes éparses. Aillé d’un ami dévoué, M. Émile Picot, il les a classées et annotées avec une patience, une délicatesse, une discrétion singulières ; il en a rédigé des tables, qui sont des modèles de clarté. Stendhal disait : « Un banquier qui a fait fortune a une partie du caractère requis pour faire des découvertes en philosophie, c’est-à-dire pour voir clair dans ce qui est. » Sans doute un Rothschild devait « voir clair » en ces matières d’érudition : le baron James a fait le jour dans ces archives de la chronique et, par une générosité plus rare encore chez un collectionneur que tous ses autres mérites, il a voulu que ce jour éclairât tout le monde ; ayant découvert un trésor et l’ayant paré de ses mains, il l’a donné au public.

Est-ce un trésor de poésie ? Non certes ! bien que les prétentions des auteurs pussent le donner à croire ; mais en ce temps-là sans doute les gazetiers n’étaient pas modestes. Nous avons vu de quel cœur léger Mayolas se glorifiait sur la tombe de son ami Loret. Boursault. pour le contentement de soi, peut lui rendre des points ; s’il entreprend une gazette, c’est par le conseil, nous dit-il, de « tous messieurs les beaux esprits ; » de Corneille d’abord et de Quinault, et « d’un autre homme illustre, »


Qui du Languedoc est le lustre
Et qui, Cadejous, est tout Cur[3].
(Boyerius subauditur.)


Fier de ces suffrages, il acquiert encore celui de Mlle de Montpensier, à qui, le 23 août 1665 il écrit, avec force tours d’humilité : « N’estoit que je suis un Autheur modeste, je vous dirois pourtant. Mademoiselle, que ma première Gazette fut receue à la Cour plus favorablement que je ne l’espérois ; Madame eut la bonté de dire qu’il n’y avoit que moy qui fust capable de la faire… Je sens bien que je me sçay bon gré de m’être attiré un suffrage si considérable. Et si, pour comble de bonheur, V. A. R. me faisoit la grâce de m’honorer du sien, j’aurois de la peine à me changer contre le grand Corneille, à moins qu’il ne me donnast quelque chose de retour… »

Robinet, semble-t-il, a un sentiment plus modéré de son mérite ; il dit bien à sa muse :


Muse de la cour de Madame,
Sus ! qu’un nouveau feu vous enflâme ;..
Son Ame grande et délicate
Ne peut souffrir la Rime plate, —


(il y paraît !) — mais il lui recommande aussi de ne pas « aller vers la nue ; » et sa toute première épître, celle du 25 mai 1665, commence justement par une apostrophe qui réduit cette Muse au personnage qu’elle doit faire :


Viens ça, Muzette ; as-tu du cœur ?


La muse de nos gazetiers n’est qu’une musette : sept quarts de siècle avant Mürger, le nom a déjà sa grâce. Heureux Robinet, heureux Boursault ! quand leur muse, en effet, le mérite ; quand elle « décrit la bagatelle » d’une « veine assez naturelle ; » on ne peut raisonnablement lui demander davantage. L’histoire romaine en madrigaux ne fera jamais que de méchante poésie. Un plus grand poète que Boursault n’a pas dédaigné de nous le prouver : j’ai nommé La Fontaine, qui se fit, une fois au moins, gazetier par complaisance ; son épître à Mme la princesse de Bavière n’a que peu ajouté à sa gloire. Quand il dit à la princesse :


Pendant que je suis sur la guerre
Que saint Marc souffre dans sa terre,
Deux de vos frères sur les flots
Vont secourir les Candiots,


il se rapproche singulièrement du style dont Boursault écrit à la reine :


Votre catholique papa,
Qui dernièrement échapa
Des mains de Madame la Parque, etc..


Quand il écrit


On s’est en Pologne choisi
Un roi dont le nom est en ski,


sa désinvolture ressemble fort à celle de Robinet, qui, pour rimer avec « Inspruch, » met simplement :


Je ne sais pas de rime à pruch.


Sans doute l’épître de La Fontaine s’achève par un trait de malice dont Robinet ne serait pas capable ; de même, dans cette lettre en prose mêlée de vers qu’il adresse à son ami Maucroix pour lui décrire une fête donnée à Vaux, et qui est proprement la Soirée des Fâcheux, La Fontaine se fait reconnaître à plus d’un tour que n’eût pas trouvé Mayolas. Mais, en somme, sa relation est plate, comme il convient au genre, et ce n’est pas ces vers-là que nos gazetiers durent trop envier à La Fontaine.

Çà et là, d’ailleurs, malgré la médiocrité de leur style, ces rimeurs rencontrent l’expression juste et pittoresque. Robinet parlera des dames « de diamans éclairées, » à qui Monsieur, la veille, offrit un cadeau. Ailleurs, il commencera le compte-rendu de la représentation d’un opéra devant la cour par ces vers qui ne manquent pas d’une certaine majesté :


Quand ces divinités visibles
Eurent pris séance en leur rang…


Mayolas, décrivant une chasse dans le parc de Versailles dira que :


Le jour sembloit filé de soie ;


et racontant un concert donné dans ce parc après le spectacle, il terminera joliment :


Violons, hautbois et musique…
Avec le grand jour atirèrent
Ou, pour mieux dire, réveillèrent
Les Rossignols du fond des bois…


Mais ces rencontres sont rares. Ce même Mayolas, annonçant le supplice de conspirateurs anglais, conclut que


… les plus rudes châtimens
Sont dûs aux mauvais sentimens.


Ces deux vers nous rappellent un passage d’une complainte célèbre, la Complainte de Fualdès :


Car de Rhodez les habitans
Ont presque tous des sentimens ;..


C’est, en effet, le style de la complainte que parlent d’ordinaire Mayolas et Robinet, et Boursault lui-même et Subligny ; aussi n’ont-ils pas à baisser le ton pour nous raconter le duel de deux dames à propos d’un petit chien, la mésaventure d’un cocher ivrogne qui passa la nuit dans la rue, la mort d’un chirurgien tué par la chute d’une cheminée, celle d’un jeune homme blessé par l’imprudence d’un pédicure.

Dans tous ces passages, leur style est bien celui de la complainte qui réclame l’accompagnement de l’accordéon, — et, si cette muse est celle des cours, on se demande en vérité desquelles !

Mais ce n’est pas le talent de ces gazetiers qui fait leur prix à nos yeux, et l’éditeur, en nous les donnant, ne nous les donne pas pour des poètes… Leur mérite est celui de témoins qui, par la fraîcheur de leur récit, nous rendent la sensation de la nouveauté des choses. Les ouvrages de Corneille, de Racine et de Molière sont à nos yeux maintenant comme s’ils avaient toujours été, et, d’ailleurs, comme si quelque signe les avait toujours distingués des autres. Volontiers nous les considérons comme divins et suspendus en dehors du temps et de l’espace dans un éther spécial où résident éternellement les chefs-d’œuvre. Or, les gazetiers, tout naïvement, et sans vouloir nous rien prouver, par leurs bulletins écrits au courant de la plume, — et de quelle plume ! — mais rédigés sincèrement et datés, les gazetiers nous prouvent que les chefs-d’œuvre même sont humains et nés tel jour, en tel lieu, dans les mêmes conditions que tels médiocres ouvrages ; qu’à l’origine rien ne les distinguait évidemment de ceux-ci, pas même, — bien souvent, — le succès. Les uns ont duré, les autres ont péri, mais tous ont commencé de vivre ; et ces fleurs, d’une immortelle beauté, qui nous semblent aujourd’hui détachées de la glèbe et perpétuellement nourries de leur propre substance, ont jeté leurs racines dans le même terrain que d’autres depuis longtemps fanées ; quelques-unes de celles-ci, d’abord, ont brillé du même éclat que celles-là, et, à reconnaître le sol où toutes fleurirent ensemble, nous trouverons peut-être même aux plus belles, à celles dont la splendeur semble ne devoir jamais passer, des parfums plus vivans, plus énergiques, plus voisins de la terre et plus agréables à l’homme, que jusqu’ici, dans notre respect, nous n’osions soupçonner.

Nous comprenons mieux, grâce aux bulletins de ces courriers de cour, cet art classique français qui fut proprement aristocratique, mondain et courtisan. Qu’est-ce qu’un ouvrage de théâtre ? Qu’il soit excellent ou médiocre, d’un bon auteur ou d’un mauvais, c’est avant tout, et plus que jamais au XVIIe siècle, un divertissement. Ce n’est pas, comme peut être un essai de philosophie, ou bien un poème, ou même un roman, une construction solitaire de l’esprit. Qu’il dure ensuite et passe chef-d’œuvre ou bien qu’il périsse et tombe dans l’oubli, d’abord il faut que l’ouvrage de théâtre ait servi un certain jour au plaisir d’une certaine société. Que ses fusées se fixent tremblantes au ciel pour y devenir d’inextinguibles étoiles, ou bien qu’il n’en reste le lendemain que les baguettes noircies et gisantes, il faut qu’un certain soir le feu d’artifice ait été tiré pour le passe-temps d’un certain public, et la première récompense, — la plus sûre, — de l’artificier, est qu’il ait fait, ce soir-là, passer le temps. Ces vérités nous servent à la fois d’avertissement et de consolation : vainement on s’enfermera pour faire de propos délibéré un chef-d’œuvre avec ce détachement des choses du monde que peut affecter le métaphysicien ouïe chimiste ; les fabricans de tragédies qui travaillent dans le vide, à l’abri des contagions de l’époque, sont des pédans naïfs à qui la postérité ne paiera pas leurs frais de pédanterie : gardons-nous de les imiter. D’autre part, ces privilégiés qui se trouvent avoir fait des chefs-d’œuvre n’ont pas connu avant de mourir leur bonheur plus qu’humain ; d’autres, dont l’ouvrage n’a pas résisté au temps, ont goûté les mêmes joies qu’eux, et ces joies ne nous sont pas interdites. Bons ou mauvais auteurs livrent de même leurs ouvrages, et les meilleurs comme les pires, à leurs contemporains pour l’amusement de quelques heures : la postérité reconnaîtra les siens ! Elle rejettera, n’en doutez pas, tout ce qu’on lui aura marqué par avance ; elle méprisera les fleurs artificielles préparées pour durer toujours, et n’admettra dans ses parterres que les plus belles des fleurs vivantes qui auront poussé simplement, et sans connaître leur gloire future, dans le même terreau que les autres.

Ainsi les chroniqueurs, en replaçant pour nous dans le milieu où ils se sont produits des ouvrages que les critiques étudient surtout en eux-mêmes, les chroniqueurs nous donnent une leçon de modestie pour le présent, et de confiance, au moins, sinon d’assurance dans l’avenir : ils nous donnent cette leçon à mesure qu’ils nous communiquent une plus fine intelligence du passé, laquelle profite à toutes les œuvres dont la richesse de ce passé se compose. Ne peut-on, en effet, distribuer ces œuvres en trois classes : les excellentes des bons auteurs, qui sont les fleurs toujours fraîches dont nous parlions tout à l’heure ; les médiocres des mêmes, que la postérité conserve, mais seulement dans son herbier ; enfin celles des mauvais qui pourrissent dans l’oubli ? Les gazetiers raniment encore le parfum persistant des premières ; ils rendent aux secondes et même aux troisièmes une apparence de vie.

Le Misanthrope, assurément, durera toujours ; on le traite même volontiers comme s’il avait toujours existé. Cependant il fut représenté pour la première fois le 4 juin 1666. Est-ce un mal que Robinet et Subligny, par leurs lettres du 12 juin et du 17, nous en ravivent la nouveauté ? Nullement, et, bien au contraire, nous y voyons que le succès ne se fit pas attendre. « Toute la cour en dit du bien, » déclare Subligny, et pompeusement il ajoute :


Après le Mysantrope il ne faut plus voir rien.


Bobinet est plus simple et aussi plus sensé ;


Le Mysantrope enfin se joue ;
Je le vis dimanche et j’avoue
Que de Molière, son Autheur,
N’a rien fait de cette hauteur.


Robinet a l’esprit clair ; il marque d’un mot au passage, comme il est permis à un chroniqueur, le caractère du héros ; même il cache sous l’éloge une fine pointe de moquerie, comme fera volontiers de nos jours le malicieux rédacteur des Soirées :


Et ce Mysantrope est si sage
En frondant les mœurs de notre âge
Que l’on diroit, Benoist Lecteur,
Qu’on entend un Prédicateur.


Le gazetier n’y touche qu’à peine : il n’est pas un critique ; cependant son trait nous est une preuve que ce n’est pas d’hier seulement que le Misanthrope paraît austère. Mais ce qui nous importe dans ses gazettes, plus que d’y trouver déjà les raisons durables d’un succès ou d’une chute, c’est de voir les raisons passagères qui y ont aidé : en les apercevant, nous comprenons mieux certaines parties de l’ouvrage. Les marquis du Misanthrope nous semblent aujourd’hui de peu d’importance dans la pièce ; à l’importance qu’ils ont dans la lettre de Subligny, nous jugeons cependant combien ils contribuèrent à la victoire. Comment ? Parce que le marquis ridicule, réputé marquis de province, était un personnage plaisant pour les marquis de la cour de Versailles. Or n’a-t-on pas du Misanthrope un sentiment plus juste si l’on réfléchit qu’avant de passer chef-d’œuvre il devait plaire à cette cour ? Et n’est-ce pas encore un souvenir qui rend je ne sais quel charme à cet ouvrage sévère que celui de ces comédiennes alors applaudies et aimées ?


Et l’on y peut voir les trois Grâces
Menant les Amours sur leurs traces,
Sous le Visage et les Attrais
De trois Objets jeunes et frais :
Molière, du Parc et de Brie ;
Allez voir si c’est menterie !


Nous n’irons pas maintenant « voir si c’est menterie ; » où sont les Célimènes d’antan ?.. C’est vérité, au contraire, vérité pour toujours ; le gazetier galant n’a plus de démentis à craindre.. et ce passage cité de ses chroniques suffit à rendre à l’immortel chef-d’œuvre un peu de cette grâce qui n’est guère qu’aux objets périssables.

Qu’est-ce aujourd’hui que la Princesse d’Élide et Alexandre, sinon des ouvrages séchés dans l’herbier classique ? À lire Mayolas, Robinet et Subligny, nous retrouvons de quelle ardeur et de quel éclat ils brillèrent, quelle vie éphémère fut la leur et dont cependant ils vécurent. Ce ne furent jamais, à vrai dire, ni une comédie, ni une tragédie, mais des divertissemens mondains, l’un galant et comique, l’autre héroïque et galant : ils ont duré ce que durent les ornemens d’une fête. C’est à Versailles que se joue la Princesse d’Èlide, à titre d’intermède et d’entrées de ballet pour assaisonner une comédie de plus d’importance, le Favori, de Mlle Desjardins. La voix de Mlle Hilaire, la musique de Lulli, les machines de Vigarani eurent plus de part au succès que la prose de Molière. On n’était pas là réuni en académie pour juger un morceau de littérature ; on était devant une scène improvisée, dans le parc, après le bal, avant le souper servi dans le labyrinthe et le concert caché dans les charmilles. Le roi était là, et la reine, —


Le roy, brillant comme un soleil,
En habit plein de pierrerie,
De galons et de broderie…


Monsieur aussi, et Henriette d’Angleterre, et toute « cette fine noblesse » à qui devaient tant plaire des répliques dans le goût de celle-ci : « Eh madame ! il est de certaines faiblesses qui ne sont point honteuses et qu’il est beau même d’avoir dans les plus hauts degrés de gloire ! » — Entendez à demi-mot, fines oreilles « de diamans éclairées !.. »

Alexandre aujourd’hui nous paraît fade ; apparemment notre goût n’étonnerait pas Robinet. Il est allé voir ce héros représenté par La Grange au Palais-Royal ; après l’avoir loué comme il convient, il ajoute tout doucement :


D’ailleurs il me paraît plus tendre
Que l’ancien Alexandre.


Mais quoi ! ce nouvel Alexandre n’a pas seulement pour excuse celle que Robinet lui suggère, à savoir qu’ici sa flamme a pour objet Mlle Molière ; à l’hôtel de Bourgogne, où il figure sous les traits de Floridor, — on sait que la pièce fut représentée en même temps sur les deux théâtres, — Alexandre n’a pas seulement cette raison d’être galant que sa Cléophile est la Dennebault, rivale en beauté de la Des Œillets qui fait Ariane ; non, non, mais sur l’une et l’autre scène le héros veut plaire à l’assistance : or, quelle est-elle, de grâce ? Une gazette de Subligny nous l’apprend, laquelle est proprement « une soirée au Palais-Royal, » la soirée d’un vendredi de décembre 1665 : Monsieur est là et Madame, et Condé et d’Enghien, et tant d’autres qui se délassent des fatigues de la guerre par les veilles de la cour ; et pendant que les madrigaux se déroulent magnifiquement sur la scène, les vaillans gentilshommes se penchent à l’oreille des belles dames.

Aussi le succès est tel qu’à peine quelques jours après, la comtesse d’Armagnac ayant l’honneur de traiter le roi, Alexandre figure sur le programme de la fête : — Elle compose son cadeau, dit expressément Robinet, — d’un souper, d’un bal,


Et (jugez si c’est là l’entendre)
De Monsieur le Grand Alexandre.


La tragédie après le souper et le bal, et figurant juste au même titre sur la liste des divertissemens… J’imagine qu’on ne saurait mieux en marquer le caractère, et voilà qui m’aide à la comprendre.

Qui lit aujourd’hui la Mère coquette de Quinault et qui sait seulement que celle de de Visé existe ? Leur querelle fait autant de bruit vers la fin de 1665 qu’à la fin de 1881 celle d’Odette et de la Fiammina. Alors comme à présent le public, avec le bon sens de l’égoïsme, se désintéresse un peu du débat ; sans regarder qui est le voleur ou le volé dans cette affaire, il cherche seulement qui lui fait le plus de plaisir, qui a tiré le meilleur parti du sujet :


Sans que l’un ni l’autre je loue,
Attendons, lecteurs, qu’on les joue
Et, pour lors, enfin nous verrons
Qui le plus des deux nous louerons.


Alors comme à présent, les gens d’autorité prononcent qu’il est bien difficile d’établir la propriété d’un sujet, que celle des caractères est seule respectable et que leur différence suffit à faire la différence des ouvrages. La postérité maintenant a mis Quinault et Visé d’accord : méditons, à la rencontre, cette leçon de philosophie.

Pour nous, le titre seul d’Agésilas, — et qu’en reste-t-il que le titre ? — n’appelle d’autre souvenir que celui de la fâcheuse rime : Hélas ! Pourtant le gazetier nous est témoin que les contemporains ne furent pas unanimes à pousser cet hélas ; bien au contraire !

Quant à l’Antiochus de Thomas Corneille, selon le témoignage de Robinet, et selon le goût de ses lecteurs, c’est tout uniment un chef-d’œuvre. On le représente avant souper chez le duc de Créquy, à l’occasion des fiançailles de Mlle d’Artigny avec le comte du Roure ; et rien ne paraît si beau, sinon peut-être la mascarade dansée ensuite, le Triomphe de Bacchus dans les Indes. Cela se passe vers la mi-janvier ; à la fin de mai encore. Robinet revient sur ce chef-d’œuvre, — et de quel enthousiasme !


Je veis, Mardi, l’Antiochus,
Et je veux que comme à Malchus
Quoique Pierre m’ôte une oreille
Si ce n’est pas une merveille !


Il est vrai que Stratonice est représentée par la Dennebault


Qui sçait dans de feintes amours
En inspirer de véritables…


Mais qui se douterait aujourd’hui qu’une si jeune et si jolie femme ait jamais joué l’Antiochus de Thomas Corneille !


Molière, pour nos gazetiers, est bien


L’admirable et plaisant Molière
Le Mome des Terrestres Dieux
Comme l’autre est Molière aux deux ;


mais qu’après la collation et la chasse, on joue de lui l’Amour médecin.


Qui fut trouvé drôle et follet,


ou bien qu’on donne un ballet composé sur l’ordre exprès du roi par le marquis de Dangeau pour les paroles et le marquis de Frémenteau pour la musique, la différence est petite et le public ne l’aperçoit qu’à peine ; encore ne jurerais-je pas qu’elle ne soit en faveur des marquis. Voyez la distribution de leur ouvrage ! Gentilshommes du pays : le Roi et le marquis de Villeroi ; Gouverneur de la province : le Roi ; Sa femme : Madame ; Son frère : le marquis de Villeroi ; Sa sœur : Mlle de La Vallière ; Ceux qui chantent les récits : les marquis de Grignan et de Frémenteau ; Chasseur : le duc d’Enghien ; Bohémien : le comte du Lude ; Nymphe : Mme la princesse de Monaco ; Femme du capitaine du château : le duc de Roquelaure ! Assurément Molière n’eut jamais de distribution plus belle : or quoi de plus important que la distribution, s’il ne s’agit que de divertir ceux qui feront les acteurs ? Molière a sur M. de Dangeau cet avantage qu’il sert plus souvent, en somme, au plaisir de ses contemporains ; mais aucun signe ne le marque entre tous ; aucun ne distingue ses ouvrages. On nous dit quand il est malade, on se félicite de sa rentrée ; mais quel deuil on mène quand meurt Beauchâteau ! Robinet parle une fois du Misanthrope, et Subligny une fois ; Mayolas n’en dit rien. Mais sur les Amours de Jupiter et de Sémélé aucun des trois ne tarit d’éloges ; chacun en parle deux fois, c’est l’événement de l’année, le Michel Strogof de l’époque : il fait plus de bruit, naturellement, qu’une Madame Caverlet. La tragédie de Boyer est une pièce à spectacle : il en coûte cher de l’aller voir, tant les frais ont été grands, mais il faut l’aller voir.


Curieux, allez voir la pièce du Marais…
Le machiniste avoit, je croy, le diable au corps
Lorsqu’il fit de telles merveilles…
Dans ses Vols, ses Rochers, ses Eaux et ses Palais.


Ainsi parle Subligny. Mayolas a payé sa place et ne paraît pas regretter son argent :


A moy, qui l’aime dessus tous,
Il m’a coûté jusqu’à cent sous.


Le mois d’après, le roi va voir la parodie de l’ouvrage à la foire Saint-Germain, chez Francizin, joueur de marionnettes ; un mois se passe encore, les représentations continuent, et Robinet témoigne qu’il est du même sentiment que Mayolas :


Des machines presque, divines,
Et les Vers de Monsieur Boyer,
Méritent bien sans aucun doute
Qu’on y courre, quoi qu’il en coûte.


Il en coûte justement plus que de voir une comédie de Molière, — on nous le dit en termes exprès, — mais quoi !


quand il faut se satisfaire
Le Coust est un mal nécessaire,
Mais mal qui doit passer pour Bien !
À qui de son or use bien, —


et qui donc oserait dire que c’est mal user de son or que d’enrichir M. Boyer ?.. M. Boyer est cité par Mayolas dans cette liste des « beaux esprits » où pieusement il insinue son prédécesseur Loret :


Les Chapelaina et les Corneilles,
Les Scudérys et les Gombauds,
Les Boyers, Gilberts et Quinauts,
Les Segrais et les Benserades,
Les Lorets et ses camarades…


Hélas ! parmi ces beaux esprits, combien ont péri tout entiers que semble railler ici le grand nom de Corneille ! Ils ont vécu cependant au même titre que lui, ce que nous risquons chaque jour d’oublier davantage, — et le rimeur de gazettes, en nous le rappelant de la sorte, nous rappelle que lui aussi, cet immortel, a vécu sa vie humaine !

Ai-je fait comprendre l’intérêt de ces gazettes et qu’il justifie celles d’aujourd’hui ? qu’en marge de la critique il y a place pour la chronique, et que le plaisir qu’on y prend n’est pas si frivole puisqu’il en reste, après deux cents ans, une utilité pour les lettres ? Je serais heureux, j’en conviens, de vous avoir rassurés sur un de nos goûts, et plus heureux encore d’avoir rendu à la mémoire de James de Rothschild, enlevé par la mort d’une façon qu’il ne prévoyait guère lorsqu’il nous entretenait, deux mois avant, de ses travaux, l’hommage qui peut-être lui semblera le plus précieux.


LOUIS GANDERAX.

  1. Dentu, éditeur.
  2. L’ouvrage en aura six.
  3. Tout cur, tout cœur en gascon.