Revue dramatique - 30 septembre 1882

Revue dramatique - 30 septembre 1882
Revue des Deux Mondes3e période, tome 53 (p. 694-706).
REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : les Corbeaux, pièce en 4 actes de M. Becque. — Odéon : le Mariage d’André, pièce en 4 actes de MM. Lemaire et de Rouvre. — Gymnase: Héloïse Paranquet (reprise). — Vaudeville : Tête de linotte, comédie en 3 actes de Th. Barrière, achevée par M. Gondinet.

M. Becque, l’auteur des Corbeaux, est un terrible homme : il ne veut pas que l’art dramatique soit un art d’agrément. Ce n’est pas un jouvenceau qui s’amuse à fronder les gens sages pour leur ménager dès maintenant la joie de le convertir : il a quarante ans sonnés et ne connaît pas ces roueries. Ce n’est pas un débutant qui se risque plus qu’il ne voudrait et fait, par maladresse, des prodiges de courage : il a donné, voilà douze ans passés, un drame bizarre, mais d’une belle énergie, Michel Pauper, qui n’était pas son premier essai; il a fait jouer, depuis, une comédie en un acte, la Navette, qui mérite de rester au même titre que la Visite de noces; c’est un bijou comme la Visite, un bijou d’acier noir, un flacon ciselé qui ne tient qu’une goutte, mais d’une essence de misanthropie si pure qu’elle ne perdra pas de longtemps sa force. Au moins la Nacelle pourra demeurer comme document des basses mœurs de l’époque : ainsi de tel conte du XVIIIe siècle, classé de nos jours parmi les petits chefs-d’œuvre. M. Becque n’est donc pas un brouillon ni un naïf. Après quinze années de lutte pour parvenir au grand public, M. Becque fait recevoir un-pièce, une comédie en quatre actes, dans la maison de Molière. Qu’est-ce que Molière? M. Becque doit le savoir. Molière, passé grand homme depuis deux cents ans qu’il est mort, était, de son vivant, acteur et chef de troupe : il composait des pièces, pour lui-même et pour sa troupe, qui se sont trouvées être des chefs-d’œuvre ; il avait fallu d’abord qu’elles fussent des œuvres agréables : — à qui ? Au public, d’où dépendaient la troupe et son chef. Parmi ces œuvres, il s’en trouve une, le Misanthrope, dont deux personnages, Alceste et Philinte, sont assez connus. L’un « prend tout doucement les hommes comme ils sont » et se garde bien de heurter « les communs usages » du siècle ; l’autre, dans un procès, ne veut avoir pour lui que « la raison, le bon droit, l’équité. » — «J’ai tort ou j’ai raison, » dit-il, lorsqu’on le presse de solliciter ses juges, selon la coutume du temps. Et comme on l’assure qu’ayant raison, il fait en sorte qu’on lui donne tort : « Soit !… s’écrie-t-il ; j’aurai le plaisir de perdre mon procès. » Je n’affirme pas que M. Becque perde son procès ni qu’il le perde avec plaisir ; mais, s’il le perd, du moins il l’aura perdu à plaisir et pourra s’en vanter. Il n’a pas cette âme de Philinte, qui doit être, pour qu’il s’accommode au public, celle de l’écrivain de théâtre ; son théâtre, à lui, c’est le théâtre d’Alceste.

Cette comédie des Corbeaux est une œuvre d’art qui, prise en elle-même, force notre estime, — et s’il ne s’agit que de la nôtre, elle n’a pas de peine à la forcer ; — considérée selon ses chances de plaire ou de déplaire au public, elle est manifestement d’une probité révoltante et d’une sincérité scandaleuse. Oyez plutôt le sujet.

Un petit bourgeois, M. Vigneron, mari d’une bonne bourgeoise, père de trois filles et d’un fils, est devenu, par son industrie, un assez gros bourgeois. Fort des capitaux de Teissier, un banquier de rang médiocre, il gagne dans sa fabrique de quoi nourrir grassement sa famille. Le fils fait des fredaines, la fille aînée fait des roulades : elle est bonne musicienne et légèrement exaltée ; la seconde a les cheveux châtains, elle est raisonnable et gracieuse : c’est l’Henriette de ce Chrysale qui n’a pas de Philaminte ; la troisième est blonde, sensible, trop sensible : aussi croit-on bien faire en la mariant de bonne heure ; elle est fiancée à M. de Saint-Genis, un tout jeune homme, fils d’une veuve qui a de belles relations et d’un capitaine mort au champ d’honneur après avoir vécu à la cantonade. Le jour même du dîner de contrat, M. Vigneron est frappé d’apoplexie. Que laisse-t-il à ses enfans ? Ni fortune liquide, — c’est évident, — ni solide, — il y parait bientôt d’accord avec Bourdon, un aigre fin du notariat, le vieux Teissier y pourvoit ; il réclame la dissolution de la société, pour reprendre tout seul, à bas prix, la fabrique ; il déprécie pour les racheter, des terrains où Vigneron voulait bâtir ; en un mot, il dépouille légalement la famille. Le fils s’est engagé, pour n’être plus à la charge de sa mère ; on ne pouvait lui demander mieux. Les quatre femmes s’agitent en vain, rabattues vers la misère par Bourdon et Teissier. Pour surcroît de malheur, Mme de Saint-Genis rompt le mariage de son fils avec la cadette, et cependant la pauvre fille, presque une enfant, mal gardée par sa vieille bonne, s’est laissé prendre aux caresses du jeune homme, presque un enfant aussi ; elle est devenue sa femme devant Dieu et ne le sera jamais devant les hommes : les veuves comme Mme de Saint-Genis n’élèvent pas leurs jolis garçons de fils pour des filles séduites et sans dot, pas plus qu’elles n’élèvent leurs filles, quand le diable leur en donne, pour faire le bonheur d’un honnête homme, et d’un seul. Blanche, la pauvre petite, devient folle. Sa sœur aînée, Judith, cherche à donner des leçons de chant: elle ne trouvera nulle part à chanter, sinon dans les cours, pendant que Marie fera la quête et que la mère mènera la folie par la main. Et, de fait, n’est-ce pas là que ces femmes seront bientôt réduites? Leur crédit a péri, leurs fournisseurs au jour le jour deviennent insolens et menaçans; ils forcent la porte de cette maison, où ils ne trouvent plus d’homme. Mais voici que le vieux Teissier, dans le naufrage même où il a péché les épaves de cette fortune, a remarqué le sang-froid, le courage modeste et la bonne tenue de Marie; il lui demande sa main: plutôt que de la tendre aux passans, elle l’ouvre à ce vieillard. L’homme est rentré dans la maison du mort : les corbeaux s’enfuient. Teissier même, devenu par son mariage le patron de ceux qu’il spoliait, dit naïvement à Marie: « Vous êtes entourée de fripons, mon enfant, depuis la mort de votre père... Allons retrouver votre famille. » Ainsi finit cette histoire, qui ne pouvait finir mieux.

Et c’est tout? — Oui, c’est tout. Mais, peut-être, à ce récit, ne voit-on pas où gît le scandale et n’aperçoit-on pas toutes les raisons décisives pour lesquelles l’ouvrage doit déplaire au public: c’est qu’on ne réfléchit pas sans doute que c’est un ouvrage de théâtre.

Pourquoi, de grâce, va-t-on au théâtre, à Paris du moins, et de nos jours? Rosemberg, dans Barberine, dit au chevalier Uladislas : « Je ne connais rien de plus agréable, après qu’on a bien déjeuné, que de s’asseoir en plein air avec des personnes d’esprit et de causer librement des femmes sur un ton convenable. » Les Parisiens de ce temps, après qu’ils ont bien dîné, ne pensent guère à s’asseoir en plein air, à moins que ce ne soit aux Champs-Élysées, pendant l’été, pour écouter des chansonnettes; mais volontiers ils consentent, alors qu’il pleut sur les boulevards, à s’enfermer dans un théâtre pour digérer en s’amusant. Sans doute, ils n’y goûtent pas la même liberté d’esprit qu’à l’Hippodrome ou au Cirque, où les yeux se récréent sans que l’intelligence ait de fatigue; mais en hiver l’Hippodrome et le Cirque (au moins le Cirque à la mode) sont fermés; d’ailleurs, une émotion modérée ou une gaîté facile ne nuit en aucune façon à la béatitude de l’estomac : on va donc au théâtre pour mettre un intervalle agréable entre le dîner et le bal, ou la partie au club, ou simplement le sommeil. Ces dispositions, au moins, sont celles du public élégant, qui arrive au théâtre tout frais de son oisiveté. Pour les gens de travail, ils arrivent recrus de fatigue, harcelés jusqu’à la dernière heure par des soucis d’ambition ou de commerce; ils viennent chercher au théâtre un rêve de quelques heures, un divertissement, un délassement dramatique ou comique. Ni les uns ni les autres, en somme, ne viennent chercher un plaisir littéraire, qui serait un exercice d’esprit et n’irait pas sans peine: si le spectacle qui leur convient se trouve d’ailleurs littéraire, si l’auteur qui l’a disposé pour eux a gardé le souci des caractères, des mœurs et du style, et qu’ils s’en aperçoivent, il se peut assurément qu’ils se sachent bon gré de s’y plaire. Mais encore un coup, c’est le superflu; le nécessaire est que ce spectacle émeuve ou divertisse d’une façon agréable, et, pour cela, il n’est besoin ni de mœurs, ni de caractère, ni de style.

De quoi donc est-il besoin, si ce n’est d’abord que ce soit proprement un spectacle, c’est-à-dire un objet préparé pour les yeux? Or qu’est-ce, je vous prie, pour les yeux, qu’une mère et trois filles en habits de deuil depuis le commencement d’un deuxième acte jusqu’à la fin du dernier? Mme X.., la couturière habituelle des héroïnes de MM. Dumas et Sardou, disait un jour : « Je suis terriblement émue : j’ai trois pièces qui passent cette semaine. » Elle se considère nettement, comme la collaboratrice des auteurs, et n’a pas tort : la toilette de Mlle Croizette, au deuxième acte de la Princesse de Bagdad, n’avait-elle pas son pathétique? La toilette, en d’autres cas, a pareillement son comique. M. Gondinet, quelques jours après la lecture d’une pièce accueillie froidement par les artistes des Variétés, rencontre le directeur de ce théâtre : « Eh bien, dit celui-ci, cela va mieux : Baron cherche une étoffe pour un pantalon. » La pièce n’a jamais été jouée : sans doute M. Baron n’avait pas trouvé son étoffe. Quel régal est-ce donc, je le répète, pour les yeux de notre public, que ces quatre robes de laine noire qu’il voit pendant trois actes? Elles peuvent être disposées, ces quatre robes, de façon que la monotonie même et la simplicité du tableau touchent un amateur. Ainsi, au commencement du quatrième acte, quand Mme Vigneron et ses filles sont assises autour d’une pauvre table pour prendre un pauvre repas, et que le silence n’est rompu que par ce cri de la mère : « O mes enfans! si votre père nous voyait!.. » c’est là une composition d’une force et d’une sobriété presque magistrales. Mais quoi ! une toilette de Mlle Sarah Bernhardt dans l’Etrangère ou de Mlle Pierson dans la Princesse Georges, est plus avantageuse aux regards du public, comme une peinture de M. Carolus Duran l’est plus qu’un portrait de M. Fantin-Latour.

Ajoutez que, si les robes sont noires, les idées le sont aussi : Mme Vigneron et ses filles ont du chagrin pendant trois actes, et le public n’aime pas le chagrin. Si encore il y avait un acte en deuil, un en demi-deuil et, dans le troisième, le deuil rompu par un mariage et des toilettes de sacristie! Mais non ! c’est toute une pièce en grand deuil, et le public crierait volontiers aux comédiens: Quand on est en deuil, on reste chez soi ! Si d’ailleurs, il n’aime pas le chagrin, il aime encore moins les questions de chicane et moins encore, s’il est possible, les questions d’argent. Il n’est sensible en pareille matière qu’au résultat et le réclame conforme à ses vœux; il attend la fin et se désintéresse des moyens, mais demande seulement qu’ils soient courts. Peu lui importe qu’on cite l’article 815 du code ou l’article 2007, ou qu’on cite l’un pour l’autre, pourvu qu’on n’en cite qu’un seul, et que celui-là, authentique ou non, soit dans l’intrigue un ressort docile à son désir. Commence-t-on sur la scène un calcul financier, il se distrait de l’opération jusqu’à l’annonce du résultat. Que si d’aventure un spectateur suit avec attention la marche des choses, ce n’est pas, soyez-en sûr, pour goûter un plaisir dramatique, mais pour chercher querelle à l’auteur sur quelque point de jurisprudence et de procédure, ou sur le choix de quelque facteur qui rendrait toute l’opération fausse. Tel ou tel, dans son fauteuil, paraît prendre à ces Corbeaux plus d’intérêt que son voisin : c’est pour reprocher à M. Becque d’avoir oublié volontairement que des mineurs sont toujours protégés par un conseil de famille, et que dans la dissolution d’une société ou dans une vente les deux parties ne peuvent être représentées par un même notaire : ainsi, de mauvaise foi, l’auteur néglige et méconnaît les garanties que la loi donne aux faibles; il calomnie la société ! A quoi M. Becque peut répondre qu’il ne calomnie personne; que son notaire, au deuxième acte, fait allusion à la réunion nécessaire et prochaine d’un conseil de famille; qu’il a le droit de faire tenir toute sa pièce entre la mort du père et la désignation de ce conseil ; qu’au jour de la dissolution et de la vente, pour procéder à l’acte, Me Bourdan serait obligé d’appeler un collègue qui représenterait ou la succession Vigneron ou Teissier, mais qu’il peut attendre, pour le faire appeler, détenir cette succession dans sa nasse, et que la pièce peut justement finir là.

Mais à quoi bon ces excuses? Le public s’en moque bien : il se moque des griefs! Allez voir s’il écoute les jurisconsultes de la critique lorsqu’ils réforment le dénoûment d’Héloïse Paranquet! Ce dénoûment le satisfait, parce qu’il supprime par un coup de la loi un fripon qui, justement, a failli triompher par la loi. Tant pis si l’on proteste que c’est par un coup d’une loi qui n’existe pas ou qui n’a pas de telles conséquences! Le public a son plaisir et ne le cède pas pour si peu. M. Dumas le savait bien : il connaît le code comme un critique! Mais il connaît aussi le public, et le tient tout juste dans l’estime où l’auteur avisé doit le tenir. Dans le manuscrit primitif d’Héloïse, que M. Durantin vient de publier avec son titre, Mademoiselle de Breuil, ce coquin de Cavagnol, qui s’appelait alors d’Egrignoux, se faisait payer son consentement au mariage de Camille et son départ pour l’étranger; rien de plus simple et de plus vraisemblable. M. Dumas fils a imaginé cet artifice par lequel l’union de Cavagnol et d’Héloïse est censée nulle ; il l’a imaginé sciemment, persuadé que le plaisir du public en serait accru: il ne s’est pas trompé. M. Dumas est homme de théâtre: il a pour le public ce mépris accommodant, qui sert l’agrément du public et l’utilité de l’auteur; chacun y trouve son bien. S’il avait eu connaissance de la pièce de M. Becque, sans doute il l’aurait averti : « Hé quoi! se serait-il écrié, vous faites fond sur le sérieux des gens ! Votre comédie en deuil est une comédie d’affaires et vous croyez qu’on va la suivre! Votre deuxième acte, d’un bout à l’autre, semble signé Balzac! C’est honorable. César Birotteau est un beau livre à lire à tête reposée, les pieds sur les chenets, et pourvu qu’on le ferme aussitôt qu’on a le cerveau fatigué. Mais César Birotteau à la scène!.. On préfère les Pilules du diable! C’est parce que l’argent intéresse les hommes tout le jour que vous prétendez, vous, qu’il les intéresse le soir? Mais c’est justement le contraire; une question d’argent, au théâtre, ne touche les gens que traduite en question de sentiment. Que l’héroïne ou le héros soit ruiné ou enrichi, cela importe, et quel effet fera sur l’un la ruine ou la richesse de l’autre; mais comment ruiné? enrichi comment? Cela n’importe. Mieux vous l’expliquerez et plus vous ennuierez le public. Vous invoquez la raison d’art? Vous êtes incorrigible. » — Et M. Becque, en effet, ne se fût pas corrige! — Alceste peint ce qu’il voit, et non ce que les autres veulent voir; il le peint de son mieux et n’admet que sa conscience pour juge : si le cœur lui dit de faire des pièces, après qu’il aura fui Célimène, Alceste sera, pour son plaisir, auteur dramatique dans le désert.

C’est que cette comédie en deuil, cette comédie d’affaires, est, en effet, l’œuvre d’un misanthrope, ou du moins d’un pessimiste! Ainsi juge le public; or l’ouvrage d’un pessimiste est mauvais pour la digestion. A vrai dire, en y regardant bien, ce n’est peut-être pas l’auteur qui voit tout en pire; c’est le public qui demande à voir tout en mieux: cela revient justement au même. On a payé sa place pour passer une bonne soirée : vainement l’auteur se défendra contre l’optimisme déçu. Vainement, à ceux qui s’étonnent de ne pas voir auprès de ces femmes, pour les défendre, un véritable honnête homme, il répondra que Vigneron, bourgeois parvenu, a pu quitter ses vieilles relations sans en acquérir de nouvelles et que, dans Paris, la grande ville, on trouverait beaucoup de gens qui n’ont pas un ami. On reproche à son notaire, Me Bourdon, d’être cynique : répondra-t-il qu’il ne l’est pas, sinon peut-être en tête-à-tête avec son acolyte Teissier, mais que dans ses débats avec Mme Vigneron et ses filles, ce qu’on appelle cynisme est la netteté, la brutalité de l’homme d’affaires, qui doit souvent, par procession, avoir la brusquerie du chirurgien? Citera-t-il, pour son excuse, ce notaire de Molière, Me Bonnefoi, qui, amené auprès d’un malade pour le faire tester en faveur de sa seconde femme, au détriment de ses deux filles, lui dit de ne pas s’adresser à certaines gens « qui sont ignorans des détours de la conscience... Il y a d’autres personnes, ajoute-t-il, qui sont bien plus accommodantes, qui ont des expédiens pour passer doucement par-dessus la loi et rendre juste ce qui n’est pas permis... Sans cela, où en serions-nous ? Il faut de la facilité dans les choses; autrement, nous ne ferions rien, et je ne donnerais plus un sol de notre métier... » Je ne sache pas que Me Bourdon compromette davantage la corporation; bien au contraire; cependant il ne servira de rien à M. Becque de citer Me Bonnefoi, non plus qu’il ne lui servirait de citer le client de ce Bonnefoi, Argan, lorsqu’on se récrie contre Teissier. Teissier dit à Marie : « Est-ce que vous ne seriez pas bien aise de laisser votre famille dans l’embarras et d’en sortir vous-même? J’aurais ce sentiment-là à votre place. » Et le public de s’indigner contre le personnage et contre l’auteur. Argan dit à Toinette, qui veut le détourner de donner sa fille à Diafoirus : « C’est pour moi que je lui donne ce médecin; » et quelle réponse fait-il au discours du notaire :« Ma femme m’avait bien dit, monsieur, que vous étiez fort habile et fort honnête homme. Comment puis-je faire, s’il vous plaît, pour lui donner mon bien et frustrer mes enfans? » Je ne sache pas que ce personnage soit moins cynique que Teissier. Mais à quoi bon citer Argan? Molière, assurément, servait le plaisir de son public, mais son public avait plaisir à suivre le développement d’un caractère; il n’en voulait pas à l’auteur de ce qu’il faisait parler chaque personnage selon sa nature : aujourd’hui, c’est bien différent. Si l’auteur introduit un vilain personnage et le fait parler comme il doit, on est troublé par cette audace, on a hâte de la punir : « Notre soirée est gâtée ; mieux valait rester chez nous. Où l’auteur prend-il de tels sentimens, à moins que ce ne soit en lui-même? Il n’a pas l’âme belle; il calomnie l’humanité. » Et c’est ainsi qu’on venge sa digestion compromise.

On l’a bien fait voir à M. Becque, pendant la grande scène du troisième acte, qu’on ne se soucie plus des caractères et qu’on ne regarde plus qui parle, mais seulement la couleur des paroles; on lui a sifflé aux oreilles les conseils d’une poétique nouvelle. On aurait préféré qu’il l’escamotât, cette scène entre Mme de Saint-Genis et Blanche, la mère du séducteur et la jeune fille séduite : il suffisait, pensait-on, que Mme de Saint-Genis écrivît à Mme Vigneron, et qu’elle arguât avec discrétion, pour rompre le mariage, de cette ruine subite qui modifiait le contrat. On n’avait pas réfléchi qu’à ce compte le plus simple est d’escamoter toute une pièce, c’est-à-dire de n’en pas faire; on n’avait pas réfléchi non plus que si Mme de Saint-Genis eût agi de la sorte. Blanche eût sans doute avoué sa faute à sa mère, et que cette mère eût peut-être dérangé le joli petit Saint Genis dans son projet d’un nouveau mariage : c’est de Blanche elle-même qu’il fallait obtenir son sacrifice; c’est à Blanche seule que Mme de Saint-Genis devait s’adresser. Et comment? Est-ce une honnête femme et une femme du monde que cette belle personne mûrissante qui case son fils dans la bourgeoisie? Vigneron, au premier acte, s’étonne qu’elle ait trouvé, pour témoins du mariage, un chef de division et un général; le général et le chef de division ne viendront pas ensemble: ils se sont rencontrés chez Mme de Saint-Genis autrefois, mais je ne jurerais pas qu’elle eût préparé la rencontre. Bourdon l’aborde en souriant, sur un renseignement de son collègue Testelin, — qui aime les jolies femmes. Depuis le commencement de la pièce, toutes ses façons de parler et d’agir nous disent assez qui elle est, sans nous le dire trop; car c’est le propre de ces intrigantes de ne pas afficher qu’elles le sont. Elle est de ces beautés agissantes, qui, selon les circonstances et l’âge, sont filles, sœurs ou veuves de capitaines qu’on n’a jamais vus. Qu’au lieu d’un fils elle ait une fille, et qu’elle désespère de la marier, m’est avis qu’elle la présentera au jeune Gaston Vigneron, ce gaillard qui signe si dextrement des lettres de change de 10,000 francs, et cette fois, il ne sera pas besoin de Me Bourdon dans l’affaire. Voilà qui elle est : une diablesse, comme dit Rosalie, la vieille bonne. Voulez-vous qu’elle ait les sentimens et le langage d’une honnête femme? Eh bien, le public le veut. Pour le public, elle est une mère devant la fiancée de son fils, et lui prêter les paroles qu’une Mme de Saint-Genis doit avoir, c’est calomnier en elle toutes les mères, qui sont pareilles étant mères, c’est insulter toutes les femmes. Et les sifflets d’aller bon train. Parfait! Je me souviens d’une certaine Frosine qui, dans l’Avare, fait métier « d’entremetteuse d’affaires, » n’ayant reçu du ciel « d’autres rentes que l’intrigue et que l’industrie; » elle vante les beautés des jeunes filles aux vieillards et les mérites des vieillards aux jeunes filles : ô le vilain homme que ce Molière!

Mais ce n’est pas tout, et nous ne sommes pas au bout des impertinences de l’auteur. Sa comédie en deuil, sa comédie d’affaires, sa comédie de caractères et de vilains caractères est, pour comble d’audace, une comédie qui finit mal; et c’est là, comme on sait, un dernier degré d’insolence que le public ne pardonne pas. Mariane, à la fin de l’Avare, se trouve fille de don Anselme, qui la donne à Cléante ; à la fin des Corbeaux, Marie épouse Teissier. Qu’une jeune fille épouse un vieillard pour tirer d’embarras sa famille, c’est un spectacle fâcheux, à coup sûr, mais qu’à la ville, pourtant, il nous est donné de supporter : il nous cause, au théâtre, une peine au-dessus de nos forces, et nous défendons qu’on nous le montre. Si Teissier, au dernier acte, se trouvait le père du petit Saint-Genis et le jetait dans les bras de Blanche avec une dot qui nourrisse toute la famille, on rirait peut-être, mais, sûrement, on serait moins furieux. Et encore rirait-on? Il suffirait, pour prévenir ces rires, de quelque bon tour d’intrigue, et la scène révoltante, pour peu qu’elle préparât ce dénoûment, ne révolterait plus personne.

Voyez ce que le public admet dans tel et tel théâtre et si des situations qu’il applaudit sont moins déplaisantes que celle-ci. Au Château-d’Eau, c’est la Fille-Mère, à la Gaîté la Criminelle; l’une et l’autre héroïne tue son amant d’un coup de pistolet, l’une et l’autre pour se délivrer de ses menaces. Notez que la seconde est presque une honnête femme et la femme d’un honnête homme : elle a cédé, on ne sait comment, à un galant d’assommoir, et le public assiste sans se plaindre aux chantages de ce galant : il faut bien que ce drôle pousse à bout sa maîtresse pour être châtié à la fin; la fin justifie les moyens. — La Fille-Mère a un fils qui naturellement aime une jeune fille; il a un rival et ce rival n’est autre qu’un frère naturel de la jeune fille, et, quand il provoque son rival, ce personnage, qui fleure l’inceste à plein nez, lui répond qu’on ne se bat pas avec le fils d’un forçat. Comment le public supporte-t-il une telle lâcheté d’un tel homme? Parce qu’il attend la réplique du capitaine, un vrai capitaine, celui-là, sorti des rangs du peuple exprès pour dénouer le drame, qui frappe sur l’épaule du jeune homme et lui demande : « Et se bat-on avec le fils d’un mécanicien? » Le capitaine assure le mariage des amoureux et chasse le candidat à l’inceste : joie! joie! pleurs de joie! — Et à l’Odéon ? — A l’Odéon, c’est bien autre chose. Avec Rotten-Row, une pièce enfantine, que sauve à peine M. Porel, — avec l’Ècran du roi, un pastiche où l’on applaudit la verve de soubrette de Mlle Chartier, — ou bien avec le Trésor, de M. Coppée, que soupire une gentille ingénue, avec ces trois pièces alternativement, l’une mauvaise, l’autre médiocre et la troisième charmante, mais toutes les trois telles que la mère y peut conduire sa fille, on donne, pour relever le ragoût, un drame, le Mariage d’André, dont la donnée ferait rougir même un admirateur de M. Becque. André Sirven, enfant naturel, épouse la fille du comte de Reuilly; après le mariage, aussitôt après, il découvre que le comte est son père. Il a donc épousé sa sœur; il l’aime, elle l’aime, et le public désire que le mariage se consomme. Comment obtenir une dispense? Comment sortir de cette impasse? A quelque prix que ce soit, le public trouvera que c’est à peu de frais. A peu de frais, en effet : la comtesse de Reuilly déclare qu’Adrienne n’est pas la fille du comte ; elle en est sûre, bien sûre, quoique jusqu’ici le comte fût sûr du contraire; elle a trompé son mari jadis, et justement le jour qu’il fallait pour que la pièce aujourd’hui finisse bien. Trouvez-vous que cette comédie traîne l’esprit sur des pensées ragoûtantes? Non, assurément. Personne n’en est choqué pourtant: l’adultère, ici, légitime l’inceste; béni soit l’adultère ! Pendant que le public s’écoule, Adrienne devient la femme d’André : le spectateur rentré chez lui, la tête sur l’oreiller, est heureux de leur bonheur.

On a repris, au Gymnase, Héloïse Paranquet : cette comédie, est taillée cousue, façonnée de main d’ouvrier. A comparer le texte joué avec celui que l’auteur, M. Durantin, vient de publier, on apprécie mieux le savoir-faire de son collaborateur, M. Dutmas; on voit à plein combien celui-ci connaît les habiletés de son métier. La pièce est artificielle tout entière; elle l’était avant même que M. Dumas y eût touché : c’est par ce qu’il y a mis de plus artificiel encore qu’elle est devenue meilleure et qu’elle le reste; c’est par là qu’après seize ans elle agrée encore au public. Cette brièveté, cette décision données par M. Dumas à l’ouvrage, qui sont comme les accens mis par un maître à l’esquisse d’un élève, cette netteté de l’intrigue et cette rapidité du dialogue surprennent moins aujourd’hui qu’à l’origine ; elles plaisent aussi moins vivement : on a vu depuis assez d’autres drames exécutés selon cette formule. En deux points cependant, la joie du spectateur éclate : c’est où deux ressorts se détendent pour pousser la pièce vers un heureux dénoûment; ni l’un ni l’autre n’est naturel. Le personnage d’Avertin est inventé tout exprès pour le revirement qu’il opère à la fin du troisième acte; il n’a rien à faire dans les données essentielles de la pièce; il n’existait pas dans la version première; le petit mouvement qu’il fait là décide de tout le succès : on ne l’a imaginé que pour ce petit mouvement. Dans la version première, Héloïse ne se déclarait pas à sa fille; elle se donnait pour une amie et se retirait discrètement, à peu près comme fait la comtesse dans Odette, de M. Sardou. C’était déjà beaucoup, n’est-ce pas, et même trop, selon le moindre clerc en sciences sociales et le moindre licencié en psychologie : les mères comme Héloïse Paranquet ne deviennent pas par un coup de la grâce des mères pitoyables et tendres; elles se font racheter leur fille par le père, quand elles ne la vendent pas à un étranger. Mais l’auteur avait besoin de cet artifice pour amener le dénoûment souhaité du public : M. Dumas l’a renforcé. La mère et la fille sont en présence : « Mon enfant!.. — Maman!.. Tu vois comme c’est simple !.. Il n’y a plus besoin de tribunaux!..» C’est fort simple, en effet; il n’y a plus besoin de caractères. Les spectateurs se retirent en ordre : ils remercient l’auteur de cette bonne soirée. Pourquoi Blanche Vigneron, à l’entrée de Mme de Saint-Genis, ne s’est-elle pas jetée dans ses bras en criant : « Ma belle-mère!.. » L’autre aurait répondu : « Ma bru! » Il faut que cette petite fille fût déjà un peu folle pour ne pas s’être avisée de ce dénoûment; ou plutôt, je vous le dis tout bas, il faut que M. Becque n’ait pas de cœur. Comme c’était simple pourtant! Il n’y avait plus besoin de sifflets.

Aussi bien ce n’est pas seulement par la noirceur de son dénoûment que M. Becque a péché contre la dramaturgie contemporaine. Il s’est contenté, le malheureux ! d’imaginer des caractères et de les faire s’exprimer avec une merveilleuse propriété de style; c’est un mérite qui, pour le public, est bien près d’être un tort, — les personnages étant bourgeois, et le style bourgeois, par toute une pièce, n’étant pas avantageux : à la longue, on préférerait quelque impropriété qui réveillât, quelque fantaisie de dialogue, quelques bons mots d’auteur. Mais le pis encore est que l’action, comme le style, est régie par les caractères; leur logique mène le drame, sans aucun agrément d’intrigue; pas de péripétie amusante, pas d’imbroglio pathétique. L’aberration de l’auteur était allée jusque-là qu’après le consentement de Marie au mariage avec Teissier, il avait placé encore une scène entre elle et un fournisseur : le fournisseur était insolent, il élevait la voix et presque la main; Teissier rentrait et le mettait à la porte. Et la toile tombait là-dessus. Le scène était originale, sobre et saisissante. Elle renfermait la conclusion logique de l’ouvrage, et la renfermait en action; elle justifiait sans phrase ce mariage pénible et nécessaire : l’homme rentré dans la maison, les corbeaux en sortaient. Mais cette scène prolongeait la pièce au-delà du dénoûment connu, elle la terminait sans que les principaux personnages fussent rassemblés, sans que le public fût averti, comme par trois coups frappés dans la coulisse, qu’elle allait la terminer. On a coupé cette scène après la répétition générale ; maintenant, pour la retrouver, il faut la chercher dans la brochure. On n’a pu faire que cette pièce ne fût originale jusqu’à la fin ; au moins a-t-on obtenu, par cette coupure in extremis, qu’elle finît à peu près comme beaucoup d’autres.

Ai-je passé en revue toutes les chances qu’avait cette comédie de déplaire? Ai-je, au cours de cette revue, indiqué tous ses mérites? Je ne prétends pas que, jugée en conscience, et comme œuvre d’art seulement, elle soit exempte de défauts; je relève au premier acte quelques détails d’un comique un peu lourd, du deuxième au troisième une contradiction dans le caractère de Marie. D’autre part, je crois que l’auteur, sans se manquer à lui-même, aurait pu ménager quelque succès à son œuvre; sans estropier ses caractères, sans les emmaillotter d’une intrigue, sans les faire fléchir vers une fin mensongère, il aurait pu donner au public plus de facilités de les apprécier; il aurait pu mettre plus d’air et de lumière dans cette pièce un peu dense, la distribuer avec plus de netteté, conduire cette scène avec plus de décision, trouver un passage plus heureux de celle-ci à celle-là; il aurait pu abréger, au troisième acte, une discussion d’affaires, qui paraît renouveler les précédentes; il aurait pu, d’un tour de main plus vif, plus habile et peut-être plus brusque, faire passer la terrible entrevue de Mme de Saint-Genis et de Blanche sans rien sacrifier des vérités qu’elle renferme. Il ne l’a pas voulu. Il a pensé qu’à céder un peu on risquait de céder trop; il a pensé que si l’Avare a son prix, ce n’est pas parce qu’à la fin Cléante épouse Mariane, et que si le Tartufe est un chef-d’œuvre, ce n’est pas parce que l’exempt du roi vient dire au dénoûment, et pour le spectateur aussi bien que pour Orgon :


Remettez-vous, monsieur, d’une alarme si chaude!


A quoi, d’ailleurs, on peut répliquer que, justement, l’Avare a son prix malgré cela, et que, malgré cela aussi, Tartufe est un chef-d’œuvre. Mais Molière est un Philinte et M. Becque un Alceste. Molière traite le public en enfant et lui dore la pilule. M. Becque pense-t-il que le public soit adulte, il compose la pilule en conscience et refuse de la dorer; il est chimiste plutôt que pharmacien. L’exemple qu’il donne de désintéressement et de courage n’est pas si lucratif qu’il soit dangereux : s’il pouvait seulement être utile! Si quelques ouvrages d’une sincérité aussi crue, aussi grossière, aussi choquante, pouvaient troubler le public dans ses préjugés et le décider à en faire l’examen ! Peut-être peu à peu, chacun y mettant du sien, l’art et le public s’accorderaient, sans trop de détriment pour l’un, ni de désagrément pour l’autre. M. Becque aurait contribué à cet heureux succès.

En attendant, il a écrit une pièce d’un rare mérite, où chacun des personnages a son caractère et s’exprime selon ce caractère, selon sa condition et ses mœurs : Mme Vigneron, ses trois filles, ou plutôt chacune de ses filles, Teissier, Bourdon, Mme de Saint-Genis, l’architecte Lefort et le pianiste Merckens, autant de créatures dont chacune a sa physionomie propre, et de même son langage; toute cette prose, d’ailleurs, est d’une santé, d’une fermeté remarquables ; enfin l’action est telle que l’exige la logique des caractères. C’est, j’imagine, assez pour que je salue très bas M. Becque, et que la Comédie-Française, à mon avis, ait bien fait d’accueillir les Corbeaux. Que si toutes les chances d’insuccès que j’ai indiquées rendaient la pièce inadmissible ailleurs, c’était une raison de plus pour qu’elle fût admise là. Il ne fallait pas moins que l’autorité de cette maison, le talent de ses acteurs et la perfection de sa mise en scène pour que le public subît jusqu’au bout un ouvrage de cette sorte. Or la Comédie-Française est payée par l’état pour se risquer dans l’intérêt des lettres où d’autres ne pourraient se risquer. Elle a cet honneur, parmi les théâtres, de pouvoir n’écouter que son courage et mépriser son intérêt : nous regrettons seulement qu’elle n’use pas plus souvent de la licence.

Comparez, de grâce, la troupe des Corbeaux et celle d’Héloïse Paranquet. Certes, je ne veux pas écraser le Gymnase : Mlle Léonide Leblanc, devenue comédienne, succède sans désavantagea Mme Pasca; Mlle Gallayx est intelligente, M. Barbe est sensible, M. H. Luguet a une belle tenue et M. Marais une belle voix; M. Saint-Germain, m’assure-t-on, ne laisse pas regretter Arnal. Mais supposez les Corbeaux sans M. Thiron, exquis dans le personnage de Teissier, sans M. Febvre, qui joue le notaire, sans Mme Pauline Granger surtout, sans Mlles Baretta et Reichemberg, qui, toutes les trois, atteignent à la perfection dans les rôles de Mme Vigneron, de Marie et de Blanche : la pièce ne finira pas. Les Corbeaux, je m’en tiens garant, ne pouvaient être joués au Gymnase.

S’ils n’étaient joués nulle part, beaucoup s’en consoleraient; j’en serais, pour ma part, fort chagrin et honteux. Je ne blâme pas les optimistes qui craignent de passer une mauvaise soirée aux Corbeaux; chacun est libre assurément de gouverner ses plaisirs. Qu’ils aillent, ceux-là, au Vaudeville : on y joue Tête de linotte, une comédie de Barrière, achevée par M. Gondinet. Je n’en ai rien à dire, sinon que je ne connais pas d’imbroglio plus gai, plus ingénieux, plus honnête, plus aimablement spirituel. A Dieu ne plaise que je moleste le spectateur qui l’applaudit, même s’il a eu cette cruauté de siffler les Corbeaux ! Mais j’ai sur lui cet avantage d’applaudir sincèrement les deux pièces : qu’il passe une bonne soirée, moi, j’en ai passé deux, — et je crois servir, en le disant, la cause du théâtre et des lettres.


LOUIS GANDERAX.