Revue des Romans/Philippe Busoni

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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BUSONI.


ANSELME, 2 vol. in-8, 1835. — Anselme, fils naturel d’un père qu’il ne connaît pas, a été élevé dans une condition modeste. Confié aux soins d’un bonhomme pédant, on lui fait quitter la petite ville d’Allemagne où s’est écoulée son enfance, et on le conduit à Paris, où, jeté au milieu d’une population laborieuse et souffrante, il nourrit son âme d’extases philanthropiques. À Paris, Anselme est présenté chez Mme de Flavigny, qui l’accueille avec un intérêt fort tendre, et où il fait connaissance avec Mlle de Vongy. Aussitôt les rêveries de l’enthousiaste Allemand ont un objet ; mais sa condition équivoque s’oppose à ce qu’il puisse prétendre au bonheur. Le marquis de Vongy marie sa fille au vieux comte de Clémor, envoyé de Darmstadt. Un ami emmène Anselme en Allemagne, et le malheur veut qu’il rencontre dans une auberge, à Dusseldorf, le comte de Clémor et sa femme. Une scène d’amour, presque publique, entre Anselme et celle qu’il a connue sous le nom de Mlle de Vongy, amène un duel ; Anselme tue M. Clémor. Au moment où celui-ci tombe frappé du coup mortel, il reçoit ce billet de sa femme : « J’ose vous implorer, Monsieur ; épargnez ses jours et qu’il respecte les vôtres ; Mme de Flavigny était ma mère. » — « Vous aimerez ma femme maintenant, n’est-ce pas ? C’est votre sœur, » dit le comte en saisissant la main d’Anselme ; et il expira. Anselme, ramené à Paris, fait craindre d’abord pour sa raison ; puis lui, qui croyait au bonheur, à l’amitié, à la vertu, il ne croit plus en rien. Il fait un mariage d’argent en épousant une douairière qui le fait duc de Cobourg, cherche à Venise, à Cadix, en Grèce, des intrigues de bal masqué, des amours de corsaire et des aventures de partisan ; il tue par son lâche égoïsme et ses duretés la belle et aimante Clotilde, après qu’elle lui a tout sacrifié, et de peur qu’elle ne nuise à ses projets de grandeur. Enfin, dégoûté de la science, dégoûté de l’imagination, dégoûté de l’amour, il veut essayer de l’ambition, et devient ministre d’un grand État. — Anselme n’est au fond que la fantôme d’un siècle d’égoïsme, que l’absence de foi a réduit à n’avoir plus qu’une foi, celle de l’or. Dans le livre, l’amertume domine ; il y a une philosophie chagrine, un penchant à se moquer de tout, à tout rapetisser, à tout voir par le côté ignoble et méprisable, dont on ne peut contester parfois la justesse, mais dont il faut bien reconnaître l’effet.