Revue des Romans/Mateo Maria Borjado

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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BOJARDO (Mateo Maria), né à Scandino en 1435, mort en 1494.


Bojardo est célèbre par son poëme de l’Orlando innamorato (Roland l’Amoureux), l’un des poëmes les plus importants de toute la littérature italienne, puisqu’il a offert le premier exemple de l’épopée romanesque qui méritât d’être suivi. À l’imitation d’Homère dans l’Illiade, Bojardo a choisi pour son sujet le siége de Paris, qu’il substitue à celui de Troie, comme le Pulci l’avait fait avant lui. Les Roland, les Rodomond, les Atton, les Ruger, et d’autres personnages extraordinaires sont ses héros. Les fées et les enchanteurs jouent aussi un grand rôle dans son poëme, où brillent de grandes beautés, mais où l’on rencontre souvent des idées et des expressions basses. Cependant cet auteur a la gloire d’avoir peut-être été le guide de l’Arioste dans son Roland le Furieux ; ils ont l’un et l’autre donné carrière à leur imagination, qu’ils avaient également vive et brillante. Mais si l’un a le mérite de l’invention, l’autre l’emporte pour le style. — Bojardo ne put achever son poëme, qui fut imprimé, l’année qui suivit sa mort, par les soins de son fils. Le Berni refit le poëme tout entier en le traitant à sa manière, en 1541. Voici l’indication des meilleures traductions de ce poëme :

Roland l’Amoureux, contenant les valeureux fait d’armes et d’amour, traduit par Jacques Vincent, in-fol., 1549, 1574. — Le même, trad. par François de Rosset, in-8, 1679. — Le même, trad. par le Sage, 2 vol. in-12, 1717.

La traduction de l’ingénieux auteur de Gil Blas est plutôt une imitation du Roland l’Amoureux qu’une traduction littérale. Le Sage a été forcé d’y faire beaucoup de changements. Le poëte italien, très-ignorant en géographie, rapprochait les États les plus éloignés, et commettait les bévues les plus singulières. Son traducteur les a corrigées autant qu’il l’a pu. Le gigantesque des caractères y est adouci, les convenances y sont un peu plus observées : Charlemagne y est moins petit, Ferragus moins brutal, Renaud moins malhonnête, Roland moins butor, etc. Il est vrai qu’Astolfe est plus gascon, Fleur-de-lis plus hardie, etc. Le Sage s’est encore écarté quelquefois de son original pour lier les aventures l’une à l’autre, et faire disparaître la contrariété qui se trouve souvent entre elles dans le poëme italien. Pour les hauts faits d’armes et les enchantements qui ne se peuvent changer sans défigurer l’auteur, il les a conservés, de même que les caractères. Son style est pur, élégant, léger, et l’on y reconnaît l’auteur de Gil Blas.

Le comte de Tressan a donné une traduction abrégée de Roland l’Amoureux, in-12, 1780.