Revue des Romans/Désirée de Castéra

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839



CASTÉRA (Mlle Désirée).

OÏCOMA, ou la Jeune voyageuse, 2 vol. in-12, 1808. — Ce n’est point ici un voyage dans le nouveau monde ; c’est tout bonnement un voyage mélancolique qui s’étend depuis Paris jusqu’à Abbeville. Un crêpe funèbre sur le visage, un mouchoir tragique à la main, Oïcoma quitte les murs de Paris et arrive à Saint-Denis, où commencent les soupirs, les lamentations, les pensées solennelles sur les tombeaux dispersés des grands, sur les ruines désertes, sur tout ce qu’on peut imaginer de la plus magnifique tristesse. Oïcoma est vraiment inépuisable en ce genre ; sa douleur ne se dément point et semble s’accroître à chaque ligne : elle apostrophe les bois de Chantilly, les sites pittoresques de Beaumont, les remparts d’Amiens, le cimetière de Saint-Riquier, les ponts d’Abbeville, etc., etc. ; il n’y a pas d’objet qui ne fasse vibrer chez elle toutes les cordes de la sensibilité. Il ne faudrait pas s’aviser de rire, quand la voix de l’héroïne ne s’exprime qu’en plaintifs accents ; toutefois, nous qui ne sommes pas arrivé au même degré de sensiblerie que l’auteur, nous prendrons la liberté de lui faire observer qu’il est bien difficile de pleurer pendant deux volumes entiers, et que ce plaisir-là a des bornes comme tout autre. À travers ce fatras de poésie élégiaque en prose, on rencontre néanmoins de temps en temps quelques détails historiques, quelques souvenirs d’anciennes traditions, qui font d’autant plus de plaisir qu’on les trouve à côté des monuments qui les attestent, et la Picardie n’en manque point.

ULDARIC, ou les Effets de l’ambition, 2 vol. in-12, 1808. — Uldaric est un corrupteur qui ravit à son frère la souveraineté de la Bohême, et le confine dans une étroite prison, après lui avoir fait crever les yeux : tel est le début de l’ouvrage. La fin est un peu moins tragique : l’usurpateur ayant épousé une certaine Béatrix, la meilleure personne du monde, fait sortir son frère de prison, lui rend sa couronne ducale, et partage le gouvernement avec lui, parce qu’il ne peut pas lui rendre la vue. L’aveugle est obligé de tout souffrir et de tout pardonner. Uldaric cependant ne peut apaiser ses remords ; au bout de quatre ans d’une tranquillité assez douce, il meurt lui-même de regret. — L’histoire romanesque d’Uldaric n’a pas suffi à l’auteur pour compléter son second volume ; il l’a rempli par une anecdote anglaise intitulée : Claypole. C’est une fille de Cromwell, la plus douce, la plus bienfaisante des créatures, qui court sans cesse les champs et les forêts pour sauver les malheureux royalistes des fureurs de son père, et qui meurt vierge et martyre, quoique son cœur n’ait pas été indifférent aux hommages de lord Mortimer, que cet amour a entraîné dans le parti du Protecteur. — Tout, dans le style d’Uldaric et de Claypole, rappelle celui d’Oïcoma, et l’on y reconnaît la manière noire et pleureuse de la désolée voyageuse de la Picardie.

L’INCENDIE DU MONASTÈRE, ou le Persécuteur inconnu, 4 vol. in-12, 1812. — Le monastère incendié est un imbroglio, où l’auteur conduit ensemble cinq ou six intrigues tellement serrées et compliquées, que l’esprit le plus subtil et le plus attentif ne pourrait en démêler le fil ni en suivre les détours. Toutes ces intrigues diffèrent entre elles, mais tous les personnages se ressemblent : les femmes sont toutes des anges de beauté et de vertu, ou d’infâmes mégères ; les hommes, des prodiges d’amour et de délicatesse, ou des scélérats à rouer. Cette vaste machine d’incidents sans vraisemblance et de situations sans intérêt est conduite par une espèce de brigand qui se cache dans les tours d’un château ruiné, et de là, comme le Vieux de la Montagne, fait manœuvrer sa bande, qui vole, assassine, enlève les femmes, brûle les maisons, etc., etc. Il faut plus que du courage pour achever la lecture de cette détestable production.

Nous connaissons encore de Mlle Castéra : *Armand et Angela, 4 vol. in-12, 1802. — *Narcisse, 3 vol. in-12, 1804. — *Oslinda, 3 vol. in-12, 1808. — *Éléonore et Sophie, 3 vol. in-12, 1809. — *Alméria de Sennancourt, 3 vol. in-12, 1809. — *Le Spectre de la montagne de Grenade, 3 vol. in-12, 1809. — *L’habitante des ruines, 3 vol. in-12, 1813. — *Les Prisonnières de la montagne, 4 vol. in-12, 1813. — *L’Étrangère dans sa famille, 4 vol. in-12, 1814. — *Le Portrait, 3 vol. in-12, 1814. — *Le Berceau de roses sauvages, 4 vol. in-12, 1815. — *Le Rocher des Amours, 3 vol. in-12, 1816. — *La Fille du Proscrit, 3 vol. in-12, 1818. — *Le Fantôme blanc, sec. édit., 3 vol. in-12, 1823.