Revue des Romans/Augustine Gottis

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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GOTTIS (Mme  Augustine de).


ERMANCE DE BEAUFREMONT, comtesse de Gatinois, 2 vol. in-12, 1818. — Unique héritière d’un fief qui lui donnera bientôt une immense fortune et des milliers de serfs, Ermance de Beaufremont est recherché en mariage par tous les grands seigneurs des provinces voisines. Un des plus empressés est le duc de Bar, mais par un motif de reconnaissance et de tendresse filiale, elle préfère le vieux comte de Nivernois. Après l’avoir épousé, elle part avec lui pour son château, où se trouve un page nommé Ingelger, âgé de dix ans, auquel quelques années plus tard la tête tourne pour la belle châtelaine, qui ne le voit pas d’un œil indifférent. Plus tard le comte de Nivernois meurt subitement. Le duc de Bar, dont la haine et la jalousie poursuivent Ermance depuis son mariage, trouve le moyen de l’accuser d’avoir empoisonné son mari, et de le prouver par témoins. Par sentence du parlement elle est condamnée au bûcher. Elle en appelle au jugement de Dieu ; Ingelger soutient l’accusation ; le duc de Bar est tué, et Ermance, reconnue innocente, prend le voile dans un couvent de bénédictines. — La marche de ce roman est vive et simple. Les deux parties brillantes sont l’accusation d’Ermance, avec tous les accessoires du jugement de Dieu, et la prise d’habit de la nouvelle religieuse.

CATHERINE Ire, IMPÉRATRICE DE TOUTES LES RUSSIES, 5 vol. in-12, 1819. — Madame de Gottis a usé du privilége accordé à tout romancier, d’arranger les faits à sa guise. Elle a prodigieusement embelli toute la partie inconnue de la vie de son héroïne. Catherine n’est plus cette prisonnière de Mariembourg, forcée de subir toutes les chances de la guerre, et que ces chances donnent successivement à plusieurs maîtres ; c’est une jeune personne aussi réservée et plus scrupuleuse que l’héroïne d’un roman anglais. La première entrevue de Pierre et de Catherine est bien amenée, et prouve que l’auteur connaît l’art des contrastes. C’est au milieu de l’horrible massacre des Strélitz que le czar voit pour la première fois celle qui doit un jour partager son trône. Puis il la perd de vue pendant deux années, et la retrouve dans une fête chez le prince Menzikof. Cette dernière circonstance est à peu près conforme à l’histoire ; on sait que le czar prit d’abord pour Catherine un goût que lui-même regardait comme passager, et qui ne tarda pas à devenir un attachement sérieux. On assure que la beauté de Catherine n’avait rien d’extraordinaire, et que son plus grand attrait pour le czar était la gaieté de son humeur et la douceur inaltérable de son caractère. Elle calma souvent la colère de son époux, et le rendit moins cruel et le rendant plus clément. L’auteur a eu l’art d’encadrer dans l’histoire de Catherine tous les événements importants du règne de Pierre le Grand, qui, quoiqu’un peu travestis, ne cessent pas toutefois d’intéresser.

FRANÇOIS Ier, MADAME DE CHÂTEAUBRIAND, 2 vol. in-12, 1816. — François I vient de monter sur le trône ; galant, adorateur de toutes les belles, il ne connaît pas encore l’amour, lorsque Françoise de Foix, épouse du comte de Châteaubriand, paraît à la cour, dans l’espoir d’obtenir la grâce de son frère Lautrec, que le roi a dégradé et condamné à mort sur une fausse accusation de l’amiral Bonnivet. Les charmes de Françoise de Foix détruisent heureusement les effets de la calomnie, et le roi, à la prière de celle dont le premier regard l’a subjugué, réhabilite Lautrec dans tous ses honneurs. Le jaloux Châteaubriand, qui depuis plusieurs années était parvenu à dérober son épouse à tous les regards, s’empresse de la ramener dans son château, qu’il lui fait promettre de ne pas quitter, même quand il l’en presserait par lettres, à moins qu’il ne lui envoie un anneau pareil à celui qu’il lui laisse. À son retour à Paris, le comte, pressé par le roi et par toute la cour, écrit, mais vainement, à Françoise de venir le rejoindre, jusqu’au jour où le confident du roi parvient à percer le mystère de l’anneau ; un anneau semblable est envoyé à la comtesse, et la comtesse arrive. Bientôt après, le roi profite de l’absence du comte pour obtenir les faveurs de la comtesse, qui devint maîtresse déclarée et parcourut la France en souveraine avec son royal amant. Cependant François Ier est appelé aux champs de l’honneur pour aller combattre les troupes de Charles-Quint. Le comte de Châteaubriand, qui ne respirait que la vengeance, attire sa femme dans son château, poignarde sa fille sous ses yeux, et annonce à la comtesse qu’elle ait à se préparer à la mort. L’infortunée demande un prêtre ; on le lui amène suivi d’un chirurgien, qui ouvre les veines à la malheureuse Françoise et la laisse expirer dans les bras du ministre de Dieu. — Ce roman est assez bien conduit ; mais les caractères laissent beaucoup à désirer. Celui de Châteaubriand est atroce, et sa frénésie n’inspire pas un moment la pitié ; la comtesse n’a point de caractère, ou du moins il est à peine indiqué, et les traits en sont si peu d’accord, qu’il est impossible de s’identifier à son sort. Quant à François Ier, sa séduisante galanterie, son esprit chevaleresque, son aimable entraînement pour les femmes, cette grâce qui couvrait ses faiblesses, rien de tout cela n’est retracé.

MARIE DE CLÈVES, PRINCESSE DE CONDÉ, 3 vol. in-12, 1823. — On a raconté de mille manières l’origine de la passion extraordinaire que Marie de Clèves, princesse de Condé, inspira au duc d’Anjou, depuis Henri III. Selon l’usage des temps de crédulité où vécurent ces deux personnes, on crut que la princesse avait employé quelque charme pour enflammer Henri. Sainte-Foix, dans ses Essais historiques, donne à cette passion une cause plus naturelle, mais qui n’en est pas moins étrange. Il rapporte que, dans les fêtes qui furent données au Louvre à l’occasion du mariage de Marguerite de Valois avec le roi de Navarre, se trouvait la jeune Marie de Clèves, alors âgée des seize ans. Cette jeune personne, se sentant un peu indisposée de la chaleur du bal, passa dans un arrière-cabinet où les femmes de la reine mère l’engagèrent à changer de linge : elle y consentit. Il n’y avait qu’un moment qu’elle était sortie de ce cabinet, lorsque le duc d’Anjou, qui avait beaucoup dansé, y entra pour rajuster sa chevelure, et s’essuya le visage avec le premier linge qu’il trouva ; c’était la chemise que Marie venait de quitter. En rentrant dans le bal, il jeta les yeux sur elle, et ne put les en détacher ; son trouble, les transports et tous les empressements qu’il commença à lui marquer étaient d’autant plus étonnants, que depuis six jours qu’elle était à la cour il n’avait témoigné que de l’indifférence pour elle. Mme  de Gottis, en dépit des historiens qui assurent que Marie de Clèves mourut en couches à l’âge de vingt et un ans, suppose qu’elle a été empoisonnée par les ordres de Renée de Rieux, dite la belle Châteauneuf, maîtresse du duc d’Anjou. Cet affreux attentat est amené par une foule de scènes intéressantes, dans lesquelles l’imagination ingénieuse de l’auteur reproduit les phases très-variées des amours de la princesse de Condé et du duc d’Anjou. Catherine de Médicis, la reine de Navarre, Henri IV, se montrent par intervalles sur la scène, et figurent dans les fêtes, les bals, les carrousels, qui servaient de moyens politiques à l’astucieuse Catherine.

Nous connaissons encore de Mme  de Gottis : Marie de Valmont, in-12, 1812. — Le jeune Loys, 4 vol. in-12, 1817. — La jeune Fille, ou Malheur et Vertu, 2 vol. in-12, 1818. — Contes à une petite Fille, 2 vol. in-18, 1821. — L’Abbaye de Sainte-Croix, 5 vol. in-12, 1822. — Jeanne d’Arc, 4 vol. in-12, 1822. — La Tour de Bramafan, ou le Cri de la faim, 3 vol. in-12, 1824. — Robert de France, 4 vol. in-12, 1826. — Morale des jeunes princes, 2 vol. in-12, 1828.