Revue des Romans/Agnès Maria Bennett

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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BENNETT (mistress Elis.), romancière anglaise.


ROSA, ou la Fille mendiante, trad. de l’anglais par M. Brayer, 7 vol. in-12, an VI (1797). — Rosa est une petite fille de quatre ou cinq ans, qui mendie avec importunité pour apporter à sa mère un sou blanc, sous peine d’en être cruellement maltraitée si elle ne peut y réussir. Rosa, si malheureuse auprès de cette créature, est plus malheureuse encore quand elle en est abandonnée ; laissée seule au monde, dénuée, faible, elle est recueillie par un personnage bizarre, brusque et sensible, bon, excellent même, mais mélancolique, malheureux et malade. Après lui avoir dû le bienfait fatal d’un éducation infiniment supérieure à l’état d’où il l’a tirée, elle le perd par la nécessité où il est d’aller au delà des mers ; elle tombe successivement dans des malheurs aussi grands qu’ils sont peu mérités. Belle, parfaite, ornée de tous les talents et de toutes les vertus, mais sans expérience, sans connaissance du monde, toujours en péril, toujours exposée et ne succombant jamais, Rosa est un des êtres qui aient le plus de droits à la sensibilité et à l’intérêt des lecteurs. Après elle, s’offre à une curiosité et à un intérêt peu inférieurs, le mystérieux protecteur dans le sein duquel elle s’est jetée comme la colombe poursuivie par l’autour. Puis vient son valet, l’honnête, le bon, le dévoué John Brown, marié à une femme qui ne le vaut pas, à beaucoup près, et dont le caractère contraste étonnamment avec celui de cet excellent homme. Enfin, il suffit d’annoncer au lecteur qu’il trouvera dans ce roman la plus grande variété de personnages et de caractères. L’homme et la femme, dans toute leur perfection morale, dans toute la dépravation de l’immoralité, y sont, ou délicieusement, ou vigoureusement représentés. La scélératesse profonde, sous le masque de cette honnêteté dont on se contente dans le monde et qui suffit tout juste pour n’être pas pendu, y est tracée avec d’autant plus d’art, que les ménagements que garde l’hypocrisie y sont tous observés, et qu’on s’est abstenu des ressources de l’horreur. — Ce roman offre des tableaux vrais de la vie humaine, des mœurs telles que la société nous les offre ; enfin un aperçu de la grande famille qu’on appelle le monde, où le mal et le bien se rencontrent étrangement mêlés et confondus.

L’ORPHELINE DU PRESBYTÈRE, ou Fiction et Vérité, traduit de l’anglais par Defauconpret, 5 vol. in-12, 1816. — L’auteur débute, dans ce roman, par nous faire assister à la mort du grand-père de son héroïne. Le grand-père a deux fils d’un caractère bien différent : l’un habite un antique château, l’autre un modeste presbytère. Ces deux fils se marient, deviennent pères, et leurs enfants éprouvent un grand nombre d’aventures touchantes. La mère de notre héroïne est un de ces enfants ; après avoir erré dans les jardins du presbytère et dans les ruines abandonnées du château de Glenroff, elle rencontre un vil séducteur, devient coupable, est trompée, et meurt de désespoir après avoir donné le jour à une fille charmante nommée Hélène. La belle Hélène est confiée aux soins de lady Dorville, qui la conduit à Dorvill-Hall, où commencent ses infortunes, et où ses aventures se succèdent avec rapidité. Le frère de sa protectrice est un lord sombre, triste, fantasque, qui, pour calmer d’anciens remords, veut absolument épouser une jolie fille. L’orpheline se sent entraînée vers lui par un sentiment involontaire, et sans un être mystérieux auquel elle a donné son cœur dans la vallée de la caverne, on tremblerait de voir former cette union criminelle, comme la suite du roman le prouve. Le noble lord est donc obligé de repousser un penchant dont il reconnaît ensuite la véritable cause. Enfin Hélène, après avoir bravé mille dangers, essuyé mille infortunes, devient une riche héritière et une heureuse épouse. — Les personnes qui prennent plaisir à avoir peur seront satisfaites en lisant ce roman, qui est plein de justes observations, et où l’auteur a su répandre la plus excellente morale.

BEAUTÉ ET LAIDEUR, traduit de l’anglais, par Defauconpret, 2 vol. in-12, 1820. — Dans ce roman, une jeune personne passe subitement de l’un de ces états à l’autre. La petite vérole lui enlève les charmes dont elle était vaine, et comme si ce n’était pas assez d’un tel malheur, une banqueroute la plonge tout à coup dans l’indigence. Aussi, après avoir été recherchée, enviée de tout ce que Londres renfermait de plus brillant, Seline se trouve réduite aux plus dures extrémités. Forcée de pourvoir elle-même à sa subsistance, elle éprouve tout à tour le dédain des riches, les défiances des pauvres, et cette suite de petits maux de détail qui accompagnent toujours une grande catastrophe, et qui la font sentir de mille manières. Enfin, après avoir subi les plus cruelles épreuves, qu’elle ne supporte qu’à l’aide de la religion, Seline est replacée dans son premier état par un événement inattendu. L’intrigue et le caractère principal de ce roman ont une ressemblance marquée avec celui d’Ellen Percy, ou les Leçons de l’adversité, dont nous donnons l’analyse ; c’est le même thème fait de deux manières différentes. Ce qu’il y a de plus intéressant dans l’ouvrage de miss Bennett, c’est un tableau très-énergique de l’avarice. Rien de plus singulier que la peinture du ménage d’un petit marchand, père du mari de Seline, Harpagon despote qui impose à sa famille et qui s’impose à lui-même les privations les plus cruelles, et qui meurt privé de soins et d’aliments, dans un réduit humide et malsain, où il avait caché un million cinq cent mille francs, fruit de ses épargnes.

HÉLÈNE, COMTESSE DE CASTLE-HOWEL, traduit de l’anglais, par Defauconpret, 4 vol. in-12, 1823. — Les lecteurs qui aiment le naturel, des mœurs douces, et la peinture fidèle de la société, trouveront dans ce roman le tableau intéressant d’une jeune femme délaissée par son mari, qu’une intrigante a séduit, et qui, à force de douceur, de tendresse, de bons procédés et de vertu, finit par le ramener à elle. Des situations touchantes et bien amenées, un intérêt toujours croissant et des caractères bien soutenus, telles sont les principales qualités qui distinguent ce roman, dont on achève la lecture avec plaisir. — On a encore de mistr. Bennett :

Anna, ou l’Héritière Galloise, trad. de l’anglais, par Dubois-Fontanelle, 4 vol. in-12, 1788. — Agnès de Coucy, roman domestique, trad. de l’anglais, 4 vol. in-12, 1789. — La Malédiction paternelle, ou l’Ombre de mon Père, trad. de l’anglais, par madame Périn, 5 vol. in-12, 1809. — Henri Bennett et Julie Johson, ou les Esquisses du cœur, trad. de l’angl., 5 vol. in-18, 1794. — Le même ouvrage, trad. de l’angl., par P. F. Henri, 4 vol. in-18, 1800.