Revue de la Littérature anglaise de 1840 à 1843/01




REVUE LITTÉRAIRE
DE LA
GRANDE-BRETAGNE.[1]

C’est en 1688 que le protestantisme a pénétré définitivement dans la littérature et dans les mœurs britanniques. Ce génie protestant, dont Bossuet avait deviné la destinée et la chute, mais dont il n’avait pas prévu les longs succès, ce génie de l’analyse indépendante et de la critique individuelle avait éclaté violemment sous Élisabeth, Jacques Ier, Charles Ier, Charles II et Jacques II ; arme d’attaque ou de défense, il ne se présentait pas encore comme un élément organique. Sa nature même semblait s’opposer à ce qu’il créât ; il renfermait en lui la négation et la destruction. La révolution de 1688, avec ses lâchetés de détail et ses mensonges de légalité, accomplit une singulière œuvre : elle concilia les inconciliables et organisa le néant. Tous les groupes restèrent ennemis ; fatigués d’une guerre à mort, ils se contentèrent d’une hostilité permanente. On conservait sa haine en déposant ses armes. Le catholicisme seul était banni. En qualité d’ennemi commun, il servait à rallier par l’animosité toutes ces opinions divergentes, qui n’avaient pas d’autre sympathie que l’antipathie.

Guillaume III saisit le trône. Aussitôt le ton de la littérature change ; elle se subdivise comme le protestantisme ; elle devient spéciale, minutieuse, fractionnaire ; elle prend un caractère de détail hollandais, de moralité domestique, et d’indépendance individuelle qu’elle n’avait jamais eu. Le protestantisme la domine. Elle s’organise à son tour, selon le mode et le rite voulus par la critique protestante.

Cette histoire morale de la littérature qui n’a jamais été faite, se montre en Angleterre sous des formes particulièrement intéressantes. Ainsi, au XVIIIe siècle, l’Angleterre, qui possède vingt sectes religieuses sans compter le catholicisme, renferme, dans sa littérature, vingt littératures ; vous diriez la poésie et le drame de plusieurs peuples. — Pope représente la cour et le grand monde ; chez lui ainsi que chez Adisson, une moralité de convenance et de bon ton corrige la licence de l’ancienne cour ; il garde l’élégance et chasse la corruption. — Richardson va bien plus loin, il est puritain, populaire, calviniste, inexorable ; il s’embarrasse peu de vous amuser ; il professe un culte strict pour la vérité du détail et pour la régularité scrupuleuse. Tout un système de philosophie et de religion vit dans ses romans. — Fielding, au contraire, ce juge de paix qui écrivait de si délicieuses choses entre les bouteilles de vin de Madère et les pâtés de venaison, l’auteur de Tom Jones, ennuyé d’entendre toujours cette psalmodie puritaine, et fidèle aux vieilles mœurs bourgeoises de la patrie, mœurs plus joyeuses et plus indulgentes, poursuit à outrance l’hypocrisie et le cant. — D’autres groupes représentent la philosophie sceptique, le quakerisme, l’église anglicane, la nationalité irlandaise, la nationalité écossaise. Plus le temps s’écoule, plus l’œuvre du fractionnement continue dans toutes les directions. Jacobitisme, torysme, whiggisme, trouvent leurs échos. Une foule de Revues et de Magazines s’adressent à chacune des fractions sociales, et elles se subdivisent encore par la diversité des professions ou des goûts. L’Horticulteur, le Boxeur, l’Éleveur de chevaux, le Chasseur, ont leurs organes fidèles. Il n’y a pas si petite société, de joueurs de billard qui n’aspire à constater son existence au moyen de la presse.

Ce déluge de spécialités ne pouvait convenir qu’aux hommes médiocres. Les grands esprits sont toujours héroïques, ils combattent leur siècle. C’est leur destin. Les idées générales et la synthèse leur devinrent chères, à mesure que l’on se précipitait vers la subdivision infinitésimale et vers les spécialités les plus restreintes. Tel est le caractère de Burke, de Walter Scott, de Burns, de Byron, de Godwin, de Southey, de Wordsworth. Ils se sont adressés à l’humanité tout entière, Walter Scott surtout, moins remarquable par l’élévation et le coloris que par l’immensité charmante de sa sympathie humaine. C’est sa gloire, comme celle de Goethe. Crabbe et Cowper, intelligences rares, admirables poètes, sont des génies beaucoup plus étroits. On doit à Bulwer cet hommage, qu’il a cherché aussi la généralité des vues. Mais une multitude de talens secondaires, applaudis pendant une année ou deux, se sont engagés et égarés dans les sentiers les plus resserrés et les plus imperceptibles : tel n’a peint qu’un vaisseau, tel n’a parlé que des prisons, telle femme n’a voulu chanter que son enfant, telle autre s’est consacrée à la Bible. Il est résulté de tout cela des succès passagers couronnant des travaux incomplets, des gloires écourtées passant d’une tête à l’autre, et l’Angleterre assiste aujourd’hui aux résultats extrêmes de cette analyse sans fin. Un mouvement intellectuel ne s’arrête que lorsqu’il est épuisé. L’analyse protestante, en créant les spécialités et en appliquant la division du travail aux œuvres de l’esprit, a détruit les grands travaux philosophiques.

L’Angleterre, au lieu d’une grande littérature, possède donc aujourd’hui une centaine de genres littéraires. La littérature des gravures et la littérature comique jouissent surtout de la faveur universelle. On voit paraître de temps à autre quelques débris de la littérature maritime, par exemple le Spitfire assez bon roman du capitaine Chamier ; les calembours de Hood, les facéties de Cruishank et de ses acolytes obtiennent bien plus de succès. Une Revue entière (the Humorist) exploite la farce au bénéfice d’un libraire ; vous avez le Comic Almanach, le Comic Annual, le Comic Review, et même, qui le croirait ? une grammaire latine comique ! On a tourné le gérondif en calembour et prêté un masque de carnaval au participe absolu. La décadence littéraire qui succède à l’époque féconde des Walter Scott et des lord Byron n’a pas de signe plus certain. Cependant la satire de Swift est morte ; personne ne relève ce sceptre de la raillerie puissante et de l’imagination hardie ou délicate, que Sterne avait transmis à Charles Lamb : les épigrammes ingénieuses de Thomas Moore ont clos la liste des observateurs caustiques. Un anonyme qui s’est récemment essayé dans cette carrière, et qui a publié de détestables Observations lunaires, écrites tout au plus pour les habitans de la lune, mérite à peine d’être cité.

Le vieux Southey, recueillant, comme Jean-Paul-Frédéric Richter, les débris de ses lectures et les recoupes de son érudition, en a composé cinq volumes de mélanges, tout-à-fait précieux pour les amis des curiosités littéraires. Hartley-Coleridge, Croker et Wilson ont tour à tour fixé l’attention du public, curieux de pénétrer le mystère de cet ouvrage anonyme ; mais on croit en général que ces amusans volumes appartiennent à Southey.

C’est une intelligence rare que celle de Robert Southey ; naturellement féconde, ardente et profonde, enrichie par une culture incessante, elle ne s’est point desséchée au souffle de la vieillesse. Elle a perdu son luxe, son audace, son exubérance, son désir d’usurpation épique, son utopie universelle ; elle est restée active, tendre, rêveuse, méditative et savante. Entre Robert Southey et Charles Nodier, les personnes rares qui connaissent à fond les deux peuples et leurs produits littéraires trouveront plus d’un rapport. L’Angleterre a su favoriser le développement de son historien et de son philologue, et l’apprécier dignement : pour nous, Français, qui prétendons aimer l’intelligence, nous jouissons d’elle en l’écrasant, en la décourageant, en la faisant martyre et en calomniant sa force. À peine l’Académie française, armée de sa récompense annuelle de douze cents francs de pension, est-elle venue, aux dernières années de Charles Nodier, couronner cette science multiple, ces connaissances philologiques, cet art profond du style, cette inspiration mélancolique, cette exquise et vaste organisation de poète et d’érudit. Nodier n’avait pas assez fait, disions-nous, c’est-à-dire qu’il n’avait pas créé d’assez gros volumes. Cependant l’auteur de vingt gros volumes compilés, sans critique et sans style, s’endormait insolemment sur des tonnes d’or, et les créateurs exclusifs de quelques énormes dictionnaires mahrattes ou tcherkesses, allaient dormir aussi à l’Institut, en qualité de génies. Nous voulons des volumes ; nous en voulons. La France n’a pas de plus triste symptôme de sa légèreté cruelle que cet amour des volumes et ce respect pour le poids. Elle ne juge plus, elle pèse. Il ne lui faut pas un grain d’or, mais un monceau de plomb. Les cent tomes de M. Delille de Sales, de l’Académie française, ont donné à ce personnage beaucoup de consistance. Quant à ces autres esprits amoureux de la vérité, semant au hasard les rayons lumineux qu’ils concentrent, quant à ces ames sérieuses, à ces intelligences fortes qui préfèrent la valeur intrinsèque d’une phrase et le prix d’une idée à l’ordre extérieur des chapitres et à la multitude des pages, nous ne les apprécions en France que fort tard. Grands esprits : « Pascal » et ses fragmens ; « Vauvenargues » et ses fragmens ; « La Rochefoucauld » et ses fragmens ; ils ont peine à se faire jour. Le mode de l’intelligence anglaise a cet avantage sérieux sur le nôtre, de juger et de classer un homme d’après la valeur, non la quantité de l’œuvre. Coleridge et Lamb sont pour elle de grands penseurs, honorés et chéris, quoiqu’ils n’aient pas versé des torrens d’encre dans des compartimens réguliers.

Les mélanges de Southey, publiés sous ce titre : The Doctor, ressemblent un peu aux Petits Mélanges tirés d’une grande bibliothèque, par Charles Nodier. Il y a cependant chez l’écrivain anglais moins d’ordre, plus de bizarrerie, des coudées plus franches, un ton plus étrange, une indépendance plus réelle. Malgré nos airs de liberté et de caprice, nous sommes toujours parfaitement soumis aux lisières monarchiques ; la convenance nous reste, faute de vertu ; une béquille, faute de force. Pour le savoir et l’esprit fin, brillant, la malice secrète, les jouissances d’érudit, le carnaval des vieux livres, la joie causée par une citation inattendue, le bon style, la bonne grace, le bon sens satirique et doux, les deux écrivains se valent. Southey a osé, dans son livre de mélanges, tout ce que Charles Nodier avait tenté dans le Roi de Bohème, roman qui a passé pour fou et qui ne l’est pas. On trouve dans le Docteur toutes sortes de choses : la friperie des citations, la biographie, le conte pour rire, l’anecdote, la dissertation, le portrait, la poésie, la nouvelle, le sermon, s’y coudoient. Quelques chapitres ont deux lignes ; d’autres ont cent pages. Le vieillard, qui s’amusait, n’a oublié ni la postface qui est à la tête, ni la préface qui est à la queue, ni l’interface qui occupe le centre. Vous rencontrez aussi des préludes, des interludes, sous-chapitres, intercalations, et autres folies que je ne vous donne point pour des modèles, mais qui ont peu d’importance et qui ne sont après tout que l’enveloppe de l’ouvrage. Soulevez cette enveloppe, vous trouverez un trésor de citations ravissantes, extraites de poètes oubliés, de prosateurs inconnus, d’écrivains fantastiques, une guirlande de ces fleurs que le temps ne fane pas, la quintessence de trente mille volumes, tout le portefeuille du vieux savant, et d’un savant à l’ame poétique, vidé pour vos menus-plaisirs. Quel écrivain si misérable et si chétif n’a pas produit un jour quelques lignes heureuses ou brillantes ? L’océan de l’oubli les recouvre ; les flots des âges passent sur ces perles ensevelies ; le patient et juste Southey a plongé dans les profondeurs pour les en tirer. Il a joint à ces débris des souvenirs personnels, des fantaisies baroques, une certaine dose de jeux de mots, une espèce d’histoire qui ne commence pas et ne finit jamais, trois ou quatre personnages qui tombent des nues ; et le singulier mélange s’est fort bien vendu, même sous le voile de l’anonyme.

Du reste, le sceptre littéraire, dont Eugène Bulwer s’est emparé à la mort de Walter Scott, se trouve toujours aux mains des morts ou des gens qui se reposent. Bulwer, qui veut bien donner au théâtre quelques momens perdus, semble se diriger vers une activité toute politique. Chaque jour éclaircit les rangs des vieilles illustrations intellectuelles ou blanchit leurs cheveux grisonnans. Brougham, Southey, Wordsworth, Campbell, Thomas Moore, se tiennent debout sur les ruines de cette magnifique génération qui a ouvert les portes du XIXe siècle avec un si grand éclat de génie. Southey, dans sa belle solitude, se joue de ses souvenirs et de ses lectures en composant le Docteur ; Wordsworth, caché sous l’ombrage de sa forêt, jouit d’une gloire qui mûrit avec les années. Southey révise et corrige ses œuvres complètes ; Thomas Moore compile des livres obscurs ; miss Edgeworth produit en deux années un roman assez pâle, intitulé Hélène ; lady Morgan s’éteint ; Rogers se tait ; Leigh Hunt, homme remarquable et incomplet, écrivain excessif et coloriste faux, qui aurait en France un grand succès, et qui a créé là-bas une école long-temps ridiculisée, perd son exagération avec sa gloire et ne trouve plus d’écho ; Wilson continue sa mission de critique dans le Blackwood ; Lockhart, Campbell et Croly s’en tiennent aux mêmes fonctions. On publie, on annote, on illustre, on commente ; Byron, Scott, Cowper et Crabbe, reparaissent sous toutes les formes. Bulwer, qui semble regarder sa carrière littéraire comme achevée, fait paraître une édition complète de ses romans.

C’est l’époque des annotations, des notices, des commentaires, des lettres posthumes, des biographies. La correspondance et les journaux de Shelley viennent de paraître, publiés par sa femme. On commence à donner de l’importance à cette poésie métaphysique, long-temps peu appréciée des Anglais ; poésie transparente et flottante, qui ne transforme pas les réalités en idéal, mais qui essaie de condenser et de réduire en une forme solide les nuages du panthéisme mystique. D’ailleurs, en admirant Shelley, on ne l’imite pas. C’est moins une littérature que la queue d’une littérature ; le crépuscule suit le jour. Point de nouveauté, point de grandeur. Où sont les maîtres ? Où est Crabbe le tragique, Lamb le charmant comique, Coleridge le penseur ; Godwin, l’homme de génie qui n’a fait qu’un chef-d’œuvre ; Galt l’Écossais ; Keats, le jeune poète inspiré ; Shelley, le plus lyrique des modernes ; mistriss Hemans, dont l’inspiration était plus morale encore que poétique, et cette infortunée miss Landon, qui dort à jamais au bord d’une mer lointaine ? Où sont l’économiste Sadler, le démocrate Cobbett, le misanthrope Egerton Brydges, qui a écrit des sonnets délicieux et recueilli des livres rares ? Le berger d’Ettrick, cette contre-épreuve un peu pâle de Robert Burns, vient de mourir aussi ; tous les flambeaux s’éteignent l’un après l’autre.

Ainsi se tut la muse anglaise sous Jacques Ier et Charles Ier, après le grand et magnifique concert de ses plus beaux génies. Trente années s’écoulèrent ; Milton, Butler et Dryden, sous Charles Ier, lui rendirent son pouvoir. Il se fit encore un repos et un silence, jusqu’au règne à demi français de Pope, d’Adisson et de Samuel Johnson ; ce règne fut à son tour suivi de la grande lacune remplie par les nullités triomphantes de Mason et de Hayley. Le commencement du XIXe siècle rompit le charme fatal. Trente années de splendeur et de fécondité succédèrent.

Les romans de Bulwer, derniers épis de cette moisson prodigieuse, semblent eux-mêmes épuisés. N’espérons plus voir renaître les temps où chaque année donnait un volume de Byron, un recueil d’odes de Wordsworth, une œuvre historique de Southey, un essai de Lamb, un hymne de Campbell, une mélodie de Thomas Moore. Le grand foyer fume encore ; mais ceux qui l’ont allumé périssent ou croisent leurs bras. Quand on annonça l’autre jour au vieux Wordsworth la mort de Hogg, berger d’Ettrick, toute cette décadence, ces poètes tombant l’un après l’autre comme les feuilles d’automne sur le chemin, lui apparurent douloureusement. Il trouva dans son émotion une ode pleine de naïveté et de simplicité, consacrée à la mémoire de son ancien ami, homme bon et aimable, commensal de Walter Scott et de Wilson, rustique partisan de la prérogative, agréable narrateur, buveur vigoureux, versificateur facile et naïf :


« — C’était lui, dit Wordsworth, le berger d’Ettrick, qui me conduisait par la main le premier jour où, descendant de mes collines, je visitai la vallée découverte et stérile, arrosée par la rivière d’Yarrow ;

« — Lui, qui me conduisait encore, le dernier jour où je foulai sur la même rive les bosquets aux feuilles dorées qui couvraient déjà les sentiers d’automne.

« — Ce puissant poète ne respire, plus. Il est couché à jamais au sein des ruines qui s’en vont en cendres. La mort a fermé les paupières du berger-poète, endormi sur les bords buissonneux de l’Yarrow.

« — Deux années n’ont pas accompli leur tour depuis que la merveilleuse intelligence de Coleridge s’est glacée avec toutes les facultés de ce puissant esprit.

« — Il dort dans la terre, l’homme à l’œil lumineux, au front divin, à l’ame inspirée. Il sommeille aussi, Lamb ; il a quitté son foyer solitaire, le doux et facétieux ami.

« — Comme ils se sont suivis tous, le frère après le frère, quittant la terre du soleil pour cette autre terre sans soleil ! rapides comme les nuages qui balaient le sommet des monts, comme les flots que nulle main ne saurait dompter !

« — Et moi je reste, moi qui m’éveillai avant eux dans mon berceau d’enfant. Je reste pour entendre cette voix qui murmure et me demande : « Le premier qui va tomber et disparaître, quel sera-t-il ? »

« — Notre vie hautaine se couronne de ténèbres, comme Londres se couronne de ses vapeurs noires ; dôme sombre que je contemplai de loin avec vous, ô Crabbe ! quand nous nous arrêtâmes ensemble sur la bruyère d’Hampstead, sous la brise fraîche qui soufflait alors.

« — C’était hier seulement, ô mon ami ! et vous êtes parti déjà ; vous m’avez précédé. Fragiles survivans, est-ce à nous de pleurer sur les épis mûrs que le moissonneur recueille ?

« — On peut pleurer, mais sur cette femme poète (mistriss Hemans), qui s’en est allée avant le temps, esprit sacré, ame pure, limpide comme l’éther du printemps, profonde comme la mer ; pour celle qui, avant l’automne, est tombée[2] ! »

Étrange spectacle, assister ainsi à la chute du jour intellectuel, à cette demi-obscurité qui couvre tous les objets, à cet affaiblissement de toutes les couleurs, à ce grand déploiement du voile qui vient recouvrir, comme dit Dante, le belle cose, les belles choses de l’univers et du soleil ! Nous qui avons vu, et de près, l’épanouissement de toutes ces nobles fleurs ; nous qui étions à Londres, quand Childe-Harold tombait, d’Italie et de la Grèce, sur la société anglaise, comme le rejaillissement d’un volcan lointain ; nous qui étions à Édimbourg quand Waverley faisait rêver les jeunes cœurs les plus austères ou les plus tendres ; nous ne pouvons, à cet aspect d’une décadence inévitable et croissante, repousser une tristesse qui rend plus pénétrantes et plus mélancoliques pour nous les belles strophes de Wordsworth.

Le dernier des noms que l’aimable poète a placés dans sa liste incomplète, mistriss Hemans, est, sans aucun doute, la plus distinguée des femmes poètes que l’Angleterre ait fait naître en ces derniers temps. Ce n’est point une Corinne ou une Sapho : son inspiration manque de force. Elle a moins d’imagination que de tendresse, et cette tendresse est plus douce que passionnée. Mais un grand charme de moralité, une pureté exquise, et les traces fécondes d’une culture intellectuelle très distinguée mettent son talent hors de ligne. Il lui arrive quelquefois de remplacer la pensée ou le sentiment par cette mélodie rêveuse, aussi funeste à la muse du Nord que la mélodie insignifiante des paroles est fatale à la muse du Midi. Les deux poésies, septentrionale et méridionale, ont deux moyens équivalens pour ne rien dire ; l’une file des sons, l’autre enchaîne des soupirs ; une chante des sonnets, l’autre laisse couler ses larmes. La poésie française a bien aussi son lieu commun ; c’est le genre didactique. Un poète français, quand il sommeille, raisonne sur l’amour et sur l’amitié ; un poète italien, quand sa verve est tarie, fait vibrer douze rimes sonores ; une poétesse anglaise, quand elle sent son génie faiblir, s’endort sur une tombe et s’enveloppe de vapeurs.

Immédiatement au-dessous de mistriss Hemans nous placerons miss Letitia Landon, morte très jeune, et qui, mariée en 1838, s’est éteinte loin de son pays[3], au mois d’octobre de la même année. Femme spirituelle et aimable, dont la destinée a été douloureuse ; imagination peu vigoureuse et peu féconde ; douée d’une sensibilité moins vive et moins touchante que mistriss Hemans, mais habile dans son art, sachant varier et colorer ingénieusement ses tableaux, reproduisant avec talent les effets pittoresques ; amoureuse surtout de la pompe, des descriptions brillantes et de la partie théâtrale de la poésie, elle aurait pu produire des œuvres plus complètes et plus durables, si la société anglaise, dans un de ses accès de pruderie violente, ne l’eût frappée au cœur. Elle semblait se juger elle-même et jeter sur sa vie et son talent inachevés un coup d’œil plein de mélancolie et de justesse, lorsqu’elle écrivit ces vers charmans dont notre traduction reproduira faiblement la grace et le bonheur :

« La vie est faite d’heures misérables. Tout ce dont nous avons désiré la possession rapide, tout ce qui nous a coûté vœux, espérances, efforts ; toutes ces bénédictions si souhaitées, tout cela n’arrive que marqué d’un sceau funeste, avec une réserve douloureuse : Hélas ! nous aurions pu être !…

« Jamais l’avenir ne rend au passé les jeunes croyances qui lui étaient confiées. Sur le marbre pâle qui protégera notre cendre, écrivez ces mots, première et dernière vérité de la vie : Nous aurions pu être[4] ! »

Miss Landon a publié, quelque temps avant sa mort, un roman remarquable, Ethel Churchill. Sa prose est moins élégante que celle de lady Blessington, et moins spirituelle que celle de Mme Gore, les deux reines du roman fashionable ou comme il faut. La Governess de lady Blessington est une de ces délicates et minutieuses peintures qui détaillent curieusement un seul repli des mœurs nationales. La Governess occupe une position exceptionnelle ; c’est mieux que notre institutrice, c’est beaucoup moins que notre femme du monde ; un peu de pédantisme et une nuance bleue s’attachent communément à ce personnage, dont lady Blessington a plutôt caressé les aspects intéressans que saisi les côtés comiques. On trouva quelque talent aussi dans le Diary of a Nun, espèce de voyage en Italie, déguisé sous forme romanesque, dans le Favori de miss Jane Roberts, et même dans les Amis de Fontainebleau, dernier reste du genre historique, aujourd’hui si négligé. Mais il faut le dire, toutes ces créations de femmes, délassemens d’un loisir que la vie anglaise leur rend pénible, manquent d’originale puissance. Il n’y a pas de George Sand en Angleterre. La corolle éclatante et parfumée d’une seule rose reine sur sa tige effacerait toutes ces pâles et blanches roses que la brise balance avec mollesse et qui lui abandonnent un faible et doux encens. C’est Mme Gore qui, pour l’esprit et la finesse de l’observation, l’emporte, selon nous, sur ses rivales. Le Cabinet Minister est rempli de détails comiques et hardis ; le Courtisan de Charles II offre une bonne peinture de l’époque. Elle excelle, en général, à dessiner un caractère, à le nuancer, et à faire saillir ses ridicules sans les outrer. Les souvenirs de la cour de George III et de l’ère brillante qui vit paraître et lutter sur le même théâtre Sheridan, Burke, Fox et Pitt, ont fourni à Mme Gore des romans d’autant plus remarquables qu’ils sont peu romanesques.

Une véritable conquête pour l’histoire du XVIIIe siècle en Angleterre, ce sont les Lettres posthumes de lord Chatham, récemment publiées. Elles prouvent d’une manière éclatante la fausseté de cette parole vulgaire, « qu’il n’y a pas de grand homme pour son valet de chambre. » Certes, la grandeur théâtrale et fausse, le charlatanisme, l’héroïsme de l’acteur, la pose fanfaronne, l’air matamore, l’apparence du dévouement ou du génie, disparaissent et s’effacent aux yeux des intimes ; mais il y a, croyez-moi, des générosités réelles et des puissances d’ame ou d’esprit qui gagnent à être vues de près. Les lettres dont je parle rehaussent beaucoup lord Chatham, qu’elles montrent en déshabillé. Elles suivent dans les particularités les plus vulgaires de sa vie cet homme plein de simplicité et de patriotisme, de sentimens élevés qui se traduisent en actions, et d’orgueil souvent blessant pour les autres, mais toujours noble et désintéressé. Les annales de la politique anglaise au XVIIIe siècle attendaient cet ouvrage important.

Nous ne parlons pas d’un capitaine Meadows-Toylor, qui a cru pouvoir transformer en roman la vie d’un étrangleur indien, ou thug. Les Confessions d’un Thug nous reviendront sans doute quelque jour, non pas traduites, mais mutilées, selon la mode actuelle de la traduction française. L’usage que nous faisons aujourd’hui des littératures étrangères est d’une singularité trop bizarre et trop inconnue de la plupart des lecteurs pour que nous ne la signalions pas ici. Il y a des découpeurs de livres étrangers qui les dépècent, les mêlent, les saupoudrent, les arrangent, et servent le tout au public. Un roman de femme, un voyage d’officier ; un recueil d’anecdotes, tombent en même temps sous le couteau du cuisinier littéraire. De ces membres épars, on compose je ne sais quel aliment auquel on impose quelque nom britannique. Si ce travail ne frappait que les ouvrages médiocres, peu importerait assurément. Mais de très bons livres ont subi la même transformation ; les admirables pages d’Audubon, sa vie dans les bois, ses observations personnelles, ce roman vrai d’une existence dévouée à l’étude de la nature, enfin l’un des beaux produits de la littérature moderne, seront bientôt sacrifiés au même travers, à la même spéculation déplorable. Quiconque s’occupe de la littérature anglaise ou allemande rencontre à chaque pas des pseudonymies inouies, des falsifications sans exemple. Douze romans de douze auteurs divers ont été attribués à l’auteur unique de Trevelyan ou de Marguerite Lindsay, pour favoriser la vente ; Pickwick, mêlé à un roman de lord Normanby, la lie du ruisseau confondue avec le plus fade des parfums, a produit une œuvre récente. Pauvretés plus ridicules que coupables, mais qui attestent un grand mépris de toute conscience et l’invasion de la mercantilité la plus déhontée.

La forêt littéraire porte chez nos voisins, comme je l’ai dit, une multitude de feuilles parasites et de fruits sans saveur, résultats inévitables de ces groupes ennemis dont la variété et le nombre ne reconnaissent aucun dogme central. Il y a une littérature spéciale pour les baptistes, une pour les méthodistes, une pour les swedenborgiens, une pour les catholiques romains ; une autre, extrêmement féconde, réservée aux prosélytes de l’église établie. Dans ce broiement des opinions réduites en fragmens, la poussière stérile abonde, et nous ne la recueillerons pas. James Howitt et Marie Howitt, tous deux quakers, méritent une honorable exception. Ce sont des ames poétiques, éprises du beau idéal, mais attachées par l’habitude positive de l’existence anglaise à l’amour de l’ordre, aux faits, aux dates, à l’exactitude, aux localités, à l’érudition précise. Un caractère acquis, se composant de sévérité douce et de devoir rigide, devient admirable, lorsqu’il a l’enthousiasme vrai pour ressort et la passion pour base naturelle. C’est chose délicieuse que cet or brillant de l’imagination semé sans effort sur un canevas austère. Aussi les livres de James Howitt, et les pages moins fortes et moins élégantes de Marie, s’emparent-ils du lecteur avec une puissance et un charme extrêmes. Au lieu de froideur dans le désordre, triste résumé de beaucoup de livres français, vous trouvez chez James Howitt la passion dans l’harmonie. Il aime, rêve, pense, pleure, s’attendrit ; dans tout ce qu’il écrit, une émotion continue et contenue se fait sentir, et cette énergie ne reste jamais à l’état d’ébauche : cette flamme est ardente, quoique limpide ; l’exécution est délicate, mais non brutale ; la pureté de la forme, qualité secondaire quand la pensée est faible, devient merveilleuse et fait ressortir les qualités intérieures et profondes de l’homme et de l’écrivain. Malheureusement, ou heureusement, Howitt, se conformant aux traditions de sa secte, n’aborde point les grandes questions historiques et philosophiques, et ne publie que des livres d’éducation.

Une très mauvaise Histoire anecdotique des Reines d’Angleterre, compilation indigeste ; un assez bon voyage, up the Rhine (en remontant le Rhin), et des Oriental Outlines, par W. Wright, qui n’offrent rien de saillant, ne se trouvent ici que pour mémoire. L’Écossais Tytler, érudit et écrivain distingué, a placé quelques matériaux nouveaux et intéressans dans son livre intitulé l’Angleterre sous Édouard VI et Marie Tudor. Cependant l’érudition véritable trouvera un aliment plus curieux et plus neuf dans le Mabinogion, recueil de contes traduit de la langue gallique (welsh), par miss Charlotte Guest. Cet ouvrage, que l’on aurait peine à croire sorti de la plume d’une jeune personne, si la chose n’était incontestable, n’est pas exécuté avec toute la fidélité désirable en pareille matière ; mais le petit nombre de monumens que possède la littérature celtique et leur extrême obscurité prêtent de l’intérêt à la traduction de miss Guest. Citons enfin la suite des Aventures du comédien Mathews, livre médiocrement écrit, mais assez plaisant pour tenter quelque manipulateur hardi, qui l’attribuera sans doute à Talma, Kean, Iffland, selon la volonté ou le caprice du libraire.

Les Annuaires et les livres d’images n’ont pas manqué cette année. La pauvreté de l’intelligence s’arrange fort bien de cette manie pour les gravures, de cette séduction adressée aux yeux, de ce luxe enfantin auquel notre époque attache tant de prix. On aime la blancheur du papier, la rondeur du type, la disposition des marges, la nouveauté et l’élégance de la reliure. On se fait une poésie de ces misères, et l’on charge de volumes qui étincellent, mais qui ne contiennent et ne disent rien, les tables de palissandre. Lorsque cette fureur d’illustration a épuisé ses ressources anglaises, françaises, italiennes, elle va chercher au bout du monde quelque localité inconnue qu’elle exploite à loisir. L’Irlande, l’Amérique, l’Espagne, l’Australasie, ont couvert de leurs paysages une immense surface de cuivre et d’acier ; maintenant c’est le tour de Gibraltar, que le major Hart met à contribution dans un magnifique et stupide volume. Les talens eux-mêmes, conduits en triomphe par le dessinateur, le relieur et le graveur, éditent des almanachs et remplissent de leur prose sans vigueur et de leur poésie sans nouveauté des rames de papier vélin. Ainsi prospèrent et fleurissent sur les cendres de Byron et de Walter Scott cette civilisation de l’industrie, ce sacrifice de l’intelligence aux sens ; et de la pensée à la matière, que l’on retrouve aujourd’hui chez tous les peuples de l’Europe. Miss Landon, qui ne manquait ni de grace ni de facilité ; lady Blessington, remarquable par sa finesse ; Mme Norton, si cruellement traitée par la société anglaise ; Galt, dont les récits ont de l’originalité, ont subi tour à tour cette suzeraineté de l’éditeur, ce pouvoir du papier blanc, cette tyrannie de la vente. Autrefois on faisait des gravures pour un livre ; maintenant on fait le livre pour les gravures. La littérature devient femme de chambre, de maîtresse qu’elle était. Il lui suffit de se voir attelée au char de l’artiste qui achève les vignettes ou couvre de dorures la soie et le tabis.

Le Livre de la Beauté (Book of Beauty), que l’on traduirait infiniment mieux, par les Beautés anglaises, a l’honneur de se trouver édité par lady Blessington ; c’est ce que l’on peut dire de mieux en sa faveur. Ici l’aristocratie des noms propres, celles du luxe, de la richesse et de la coquetterie, vous offrent une vingtaine de figures qui sourient, et qui ont toutes les cheveux lustrés, le bras potelé, la bouche petite, les yeux grands, des fleurs dans les cheveux et la mélancolie peinte dans le geste et l’attitude. Cette galerie vous amuse un moment et vous passez. La Belle d’une Saison (The beauty of a Season), due aussi à lady Blessington, est un livre du même genre ; seulement la gravure ne l’a pas totalement usurpé ; on y trouve, si ce n’est une idée, au moins de la grace dans les détails ; non de la poésie, mais de jolis vers ; non de l’intérêt, mais de l’élégance. Rien ne ressemble davantage aux fleurs coquettes que la monarchie française, prête à s’éteindre, faisait éclore en 1750 : peu de couleur, peu de chaleur, aucun entraînement, quelques observations sans profondeur, enfin l’éclat mourant d’une civilisation factice. Le titre même ne signifie pas ce qu’il a l’air d’exprimer : au lieu de la Belle d’une Saison, lisez : Trois mois de la vie d’une jeune Anglaise. On est belle, on a dix-huit ans ; le monde vous admire pour la première fois ; voici les bals, les guirlandes, les fêtes, la joue qui pâlit, l’incarnat qui s’efface sous les veilles ; c’est le coming out. Plus tard, les portes du palais s’ouvrent à vous ; vous montez les degrés de marbre de la reine Victoria, vous allez à la cour ; c’est la présentation. Bientôt l’amour du bal vous prend ; et quand vous avez épuisé le quadrille, et exécuté mille fois les marches et les contremarches de cet insignifiant plaisir, vous cherchez un emploi moins trivial de votre beauté. Le bal costumé s’offre avec ses ressources qu’il emprunte au drame, ses souvenirs d’histoire, sa poésie de velours et de satin ; vous pouvez être reine ou laitière : choisissez. Le moyen-âge, les républiques italiennes, le Tyrol, la Suisse, la Flandre, vous réclament tour à tour. Vous traversez ces enchantemens dont vous êtes la fée et la créatrice, et vous arrivez enfin, conduite par lady Blessington, au port du mariage, où elle vous laisse, et dont la perspective incertaine couronne son œuvre gracieuse, mais trop enfantine.

C’est à ce point qu’est tombée la poésie : nous avons vu tout à l’heure comment se traînent en Angleterre l’histoire et le roman. Le drame seul donne quelques signes de vie : nous nous en occuperons un autre jour.

Cette stérilité fractionnée de la littérature anglaise moderne n’a vu s’élever dans ces derniers temps qu’un esprit vraiment original, mauvais écrivain d’ailleurs, c’est Carlile. Auteur d’une traduction de Wilhelm Meister de Goethe, de plusieurs autres traductions de l’allemand, et d’un pamphlet extrêmement remarquable, intitulé le Chartisme, il n’appartient à aucune école anglaise. Intelligence métaphysique, nourri depuis sa jeunesse de l’étude de Schelling, Hegel et Novalis, il écrit ses ouvrages dans une langue bizarre, qui n’est ni l’anglais pur ni l’allemand véritable, mais qui, toute saxonne par le fonds, emprunte au dictionnaire anglais ses formes grammaticales, à la syntaxe allemande ses procédés de composition, de formation, d’analogie, et à l’habitude germanique ce mysticisme plus novateur dans les mots que dans les choses. L’originalité résultant de cet archaïsme composite n’est pas toujours de bon aloi. Carlile a des adjectifs de cinquante toises et des composés qui ne finissent jamais. Comme Richter qu’il prend pour modèle, comme Novalis qu’il admire, il se permet les métaphores les plus effrayantes et les images les plus hétéroclites. Un sens profond se cache sous ces déguisemens d’un style affecté ; mais nous lui reprocherons surtout les ambages de sa pensée, les digressions interminables dans lesquelles il se perd, le lointain et obscur labyrinthe d’investigations historiques dans lequel il se plonge, à propos de la plus simple question. Ainsi, le Chartisme, cette révélation moderne des souffrances que l’industrie impose aux classes ouvrières, conduit Carlile jusqu’au berceau de la race saxonne, et de là jusqu’aux langes du genre humain ; s’il pouvait remonter un peu plus haut, il ne s’en ferait pas faute. C’est, après tout, un curieux phénomène que ce mélange accompli dans l’intelligence de Carlile : l’observation positive et la pratique anglaise s’alliant à l’érudition mystique de l’Allemagne moderne. Si cet homme remarquable voulait épurer, condenser et affermir son système et ses observations, il pourrait donner à l’Angleterre ce qu’elle n’a pas produit depuis long-temps, un bon livre philosophique. Seul, en effet, de tous les hommes politiques de son pays, il paraît comprendre la fusion de l’Europe, l’époque souffrante et palingénésique où nous vivons, sa transformation par les angoisses, son renouvellement par la douleur, et l’épreuve de feu et de larmes que traversent les sociétés humaines aspirant à se reconstruire quand les temps sont accomplis.


Philarète Chasles.
  1. Nous nous proposons d’examiner successivement, dans cette Revue, les productions importantes qui paraîtront en Angleterre ; mais nous avons cru devoir commencer par une appréciation générale de la situation littéraire de la Grande-Bretagne.
  2. When first descending front the Moorlands,
    I saw the stream of Yarrow glide
    Along a bare and open valley,
    The Ettrick Shepherd was my guide.

    When last along its banks I wandered
    Through groves that had begun to shed
    Their golden leaves upon the pathways
    My steps the border Minstrel led
    .
    Etc., etc., etc.

  3. Au Cap.
  4. Life is made of miserable hours ;
    And all of which we craved a brief possessing,
    For which we wasted wishes, hopes and powers,
    Comes with some fatal drawback on the blessing.
    — We might have been !…

    The future never renders to the past
    The young beliefs entrusted to its keeping.
    Inscribe one sentence, life’s first truth and last
    On the pale marble where our dust is sleeping.
    — We might have been
    , etc.