Revue canadienne/Tome 1/Vol 17/Les Sociétés Secrètes et la Révolution (1er Article)

Collectif
Compagnie d’imprimerie canadienne (17p. 129-138).

Les Sociétés Secrètes et la Révolution[1]

Il est à la fois curieux et triste de constater dans quelle ignorance, dans quelles ténèbres est plongé le siècle qui s’intitule le siècle des lumières. Cependant, il n’y a là rien qui doive étonner celui qui voit toutes choses avec les yeux de la foi. Le monde refuse de s’éclairer à l’infaillible lumière de l’éternelle Vérité : il lui préfère les lueurs faibles et vacillantes de la pauvre raison humaine. Est-il étonnant qu’il hésite, tâtonne et ne trouve plus son chemin ?

Cette ignorance et cet aveuglement apparaissent particulièrement dans la conduite que les gouvernements ont adoptée vis-à-vis de la Révolution de la Franc-maçonnerie.

Comment en est-on venu à méconnaître les relations intimes qui existent entre ces deux œuvres, et les maux dont elles menacent toutes deux la société ?

On regarde le mouvement révolutionnaire avec une frayeur mêlée d’admiration. On veut l’arrêter, mais seulement à un point donné ; volontiers on entrerait avec lui dans la voie de la conciliation et des compromis. Dites donc tout de suite que vous en êtes !

Et la Franc-maçonnerie, avec quelle faveur singulière n’est-elle pas accueillie par les têtes couronnées, et que d’illustres personnages ne compte-t-elle pas dans ses rangs ? On n’y voit qu’une œuvre humanitaire et philantropique. Philantropique, oui, vraiment !

Devant un pareil état de choses, on comprend facilement que des écrivains catholiques aient cru de leur devoir de prendre la plume pour montrer, à qui ne veut pas de parti pris fermer les yeux à la lumière, la nature et les tendances véritables de la révolution et de la franc-maçonnerie.

Un savant religieux, le R. P. Deschamps, de la compagnie de Jésus, y a consacré trente années de sa vie — trente années passées à rechercher, à étudier les documents inédits, à compulser les historiens, à consulter les autorités les moins suspectes de préjugés à l’égard des sectes, c’est-à-dire les livres des maçons eux-mêmes. Le Père Deschamps avait ainsi préparé la matière de l’ouvrage le plus complet qui ait encore été écrit sur ce sujet quand Dieu l’appela à la récompense qui attend là-haut ceux qui ont consacré leur vie à la défense de la vérité. Mais il laissait un digne continuateur de son œuvre. M. Claudio Jannet, dont le nom jouit désormais en Canada de la plus légitime popularité, a terminé la publication de cet ouvrage, d’après le plan du vénérable auteur, et a fait paraître les deux derniers volumes. Puis, encouragé par l’accueil favorable que l’on a fait à ce livre, il a voulu en publier une seconde édition, entièrement refondue, et continuée jusqu’aux évènements actuels ; et il a fait précéder cette nouvelle édition d’une introduction sur l’action des sociétés secrètes au XIXe siècle.

Cette introduction, œuvre vraiment magistrale, a valu à son auteur, une lettre très élogieuse de Mgr Fava, évêque de Grenoble. Cet éminent prélat, qui a fait des études particulières et approfondies sur les sociétés secrètes, a voulu motiver cette appréciation, et il a démontré quelle lumière éclatante le travail de M. Jannet jette sur le sujet traité par le P. Deschamps. Non content de cette première lettre Mgr Fava a envoyé à la Revue catholique des Institutions et du Droit une seconde étude traitant de la doctrine, de l’histoire et du gouvernement de la franc-maçonnerie.

Or, de ce qu’on ainsi écrit les trois écrivains distingués que nous venons de nommer, il ressort principalement ceci : que la Révolution et la Franc-maçonnerie tendent au même but, accomplissent la même œuvre. Ces esprits profonds, frappés par le caractère d’universalité qu’offre la révolution ont étudié la manière dont elle se propage, comme les médecins recherchent le mode de transmission de la peste, et ils l’ont vue en tout temps et en tout lieu, dirigée, aidée et soutenue par une association puissante et occulte. Ils ont vu que les sociétés secrètes sont l’âme de la révolution, et ont toujours fait cause commune avec elle.

Nous résumerons les points les plus importants de leur démonstration.

I

ORIGINES DE LA FRANC-MAÇONNERIE

En dépit des prétentions affichées par les écrivains de la secte, et l’étalage de fausse science que l’on trouve dans leurs livres, il est prouvé que la franc-maçonnerie, comme société organisée, ne date que du commencement du XVIIIe siècle. Mais les erreurs qu’elle a embrassées avaient cours bien longtemps auparavant. On les trouve dans les écrits des anciens hérétiques, principalement des Gnostiques et des Manichéens, et plus tard, chez les Albigeois et les Templiers. On peut donc dire que la Franc-maçonnerie, comme doctrine remonte aux hérésies des premiers siècles.

Les doctrines coupables que professaient les templiers survécurent à l’abolition de l’ordre. Ou plutôt pourrait-on dire que Tordre condamné continua d’exister, mais d’une manière occulte. Ses adeptes eurent l’idée de faire servir à leurs desseins de vengeance contre l’Église et la papauté les associations formées au moyen âge par les ouvriers maçons, et connues sous le nom de Guildes de franc-maçons. Ces corporations n’avaient d’abord d’autre but que de sauvegarder les intérêts des maîtres et des ouvriers en tenant cachés les secrets du métier. Aussi les voyons-nous alors encouragées et bénies par l’Église. Mais au XVIe siècle un document important, la charte de Cologne, nous montre que la franc-maçonnerie est devenue une association qui ne s’occupe plus de l’art de bâtir, mais qui conspire contre l’Église catholique et contre toutes les autorités légitimes. Déjà elle possède les trois grades fondamentaux de la Franc-maçonnerie moderne. Un fait digne de remarque c’est que la francmaçonnerie s’est trouvée ainsi organisée dans les pays qui allaient se séparer de l’Église pour embrasser le protestantisme : en Allemagne, en Angleterre, en Écosse. Elle se développe à la faveur des troubles du protestantisme, et nous la voyons servir d’instrument à Cromwell. Mais ce n’est qu’au 18e siècle que la propagation de la franc-maçonnerie s’organise d’une façon active, et c’est à cette époque, dit le P. Deschamps, qu’elle commence à jouer un rôle décisif dans la marche des grands événements de l’histoire moderne.

Or, ce rôle se définit d’un seul mot : la franc-maçonnerie prépara et organisa la révolution.

II

WEISHAUPT ET L’ILLUMINISME.

Nous avons vu que les loges maçonniques professaient déjà et se transmettaient des doctrines anti-chrétiennes et anti-sociales, et qu’elles entretenaient leurs adeptes dans la haine de l’Église et de la royauté. Mais ces doctrines n’avaient pas encore été fixées et promulguées d’une manière définitive ; les loges en étaient encore à travailler isolément et comme au hasard lorsque parut le bavarois Jean Weishaupt. Cet homme, « l’un des plus profonds conspirateurs qui aient jamais existé » avait formé le dessein de changer la face du monde. Plus de religion, plus de société, plus de propriété, tel était son programme. Pour le réaliser il fonda la secte des Illuminés, et il voulut lui donner un code définissant et établissant les principes et les lois qui devraient diriger les membres de cette association, et assurer le succès de leur complot.

S’inspirant des doctrines gnostiques et manichéennes, ainsi que de la philosophie panthéiste de Spinosa, Weishaupt, dit Mgr Fava, « établit son système sur la négation absolue d’un Dieu créateur, rémunérateur et vengeur. Il n’y a pas d’autre Dieu que la nature, de qui est venu l’homme. (Comment ? Il ne le dit pas.) Quoiqu’il en soit il a reçu d’elle l’égalité et la liberté, que la propriété et les gouvernements ont détruites. Or, la propriété repose sur les lois religieuses et civiles. Donc, pour rétablir l’homme dans ses droits primitifs d’égalité, de liberté, il faut commencer par détruire toute religion, toute société civile et finir par l’abolition de toute propriété. »

Mais écoutons Weishaupt lui-même nous exposer les principes sur lesquels il base son système religieux, moral et politique : Voici les paroles qu’il adresse à celui qui veut se faire initier aux plus hauts grades de la secte :

« Souvenez-vous que dès les premières invitations que nous vous avons faites pour vous attirer parmi nous, nous avons commencé par vous dire que dans les projets de notre ordre, il n’entrait aucune intention contre la Religion. Souvenez-vous que cette assurance vous a été donnée de nouveau quand vous fûtes admis au rang de nos novices ; qu’elle vous fut encore répétée lors de votre entrée à notre Académie minervale. Souvenez-vous aussi combien dans ces premiers grades nous vous avons parlé de morale et de vertu ; mais combien les études que nous vous prescrivions et les leçons que nous vous donnions, rendaient et la vertu et la morale indépendantes de toute religion ; combien, en vous faisant l’éloge de la religion, nous avons su vous prévenir qu’elle n’était rien moins que les mystères et ce culte dégénéré entre les mains des prêtres. Souvenez-vous avec quel art, avec quel respect simulé nous vous avons parlé du Christ et de son Évangile, dans vos grades d'illuminé majeur, de chevalier écossais et d’Epopte ; comment nous avons su, de cet Évangile, faire celui de notre raison ; et de la morale, celle de la nature ; et de la Religion, de la raison, de la morale, de la nature, faire la religion, la morale des droits de l’homme, de l’égalité, de la liberté. Souvenez-vous qu’en vous insinuant toutes les diverses parties de notre système, nous les avons fait éclore de vous-mêmes comme vos propres opinions. Nous vous avons mis sur la voie ; vous avez répondu à nos questions bien plus que nous aux vôtres. Quand nous vous demandions, par exemple, si les religions des peuples remplissaient le but pour lequel les hommes les ont adoptées ; si la Religion pure et simple du Christ était celle que professent aujourd’hui les différentes sectes, nous savions assez à quoi nous en tenir, mais il fallait savoir à quel point nous avions réussi à faire germer en vous nos sentiments. Nous avons eu bien des préjugés à vaincre chez vous, avant de vous persuader que cette prétendue religion du Christ n’était que l’ouvrage des prêtres, et de l’imposture et de la tyrannie. S’il en est ainsi de cet Évangile, tant proclamé, tant admiré, que devons-nous penser de toutes les autres religions ? Apprenez donc qu’elles ont toutes les mêmes fictions pour origine ; qu’elles sont également toutes fondées sur le mensonge, l’erreur, la chimère et l’imposture. Voilà notre secret.

« Les tours et les détours qu’il a fallu prendre, les promesses même qu’il a fallu vous faire, les éloges qu’il a fallu donner au Christ et à ses prétendues écoles secrètes, la fable des Francs-Maçons longtemps en possession de la véritable doctrine, et notre Illuminisme aujourd’hui seul héritier de ses mystères, ne vous étonnent plus en ce moment. Si, pour détruire tout christianisme, toute religion, nous avons fait semblant d’avoir seuls la vraie religion, souvenez vous que la fin légitime les moyens que le sage doit prendre pour le bien, tous les moyens du méchant pour le mal. Ceux dont nous avons usé pour nous délivrer, ceux que nous prenons pour délivrer un jour le genre humain de toute religion, ne sont qu’une pieuse fraude que nous nous réservons de dévoiler dans ce grade de mage ou de philosophe illuminé…

« La vraie morale n’est autre chose que l’art d’apprendre aux hommes à devenir majeurs, à secouer le joug de la tutelle, à se mettre dans l’âge de leur virilité. La morale qui doit opérer ce prodige n’est point une morale de vaine subtilité ; elle ne sera point cette morale qui en dégradant l’homme le rend insouciant pour les biens de ce monde, lui interdit la jouissance des plaisirs innocents de la vie, lui inspire la haine de ses frères. Ce ne sera point celle qui favorise l’intérêt de ses docteurs, qui prescrit les persécutions, l’intolérance, qui contrarie la raison, qui interdit l’usage prudent des passions, qui nous donne pour vertus l’inaction, l’oisiveté, la profusion des biens envers les paresseux. Ce ne sera point surtout celle qui vient tourmenter l’homme déjà assez malheureux et le jeter dans la pusillanimité, dans le désespoir, par la crainte de l’enfer et de ses démons…

« Tout ce que nous disions contre les despotes et les tyrans n’était que pour amener à ce que nous avons à vous dire du peuple lui-même, de ses lois et de sa tyrannie. Ces gouvernements démocratiques ne sont pas plus dans la nature que les autres gouvernements.

« Si vous nous demandez comment les hommes vivront désormais sans lois et sans magistratures, sans autorités constituées, réunis dans leurs villes ; la réponse est aisée. Laissez-là et vos villes et vos villages et brûlez vos maisons. Sous la vie patriarcale, les hommes bâtissaient-ils des villes, des maisons, des villages ? Ils étaient égaux et libres ; la terre était à eux ; elle était également à tous, et ils vivaient également partout. Leur patrie était le monde et non pas l’Angleterre ou l’Espagne, l’Allemagne ou la France. C’était toute la terre et non pas un royaume ou une république dans un coin de la terre. Soyez égaux et libres, et vous serez cosmopolites ou citoyens du monde. Sachez apprécier l’égalité, la liberté, et vous ne craindrez pas de voir brûler Rome, Vienne, Paris, Londres, Constantinople, et ces villes quelconques, ces bourgs et ces villages, que vous appelez votre patrie. — Frère et ami, tel est le grand secret que nous vos réservions pour ces mystères. » (Neuvième partie du code illuminé, classe des grands mystères : Le Mage et l’Homme roi.)

Une fois qu’il eut rédigé son système, Weishaupt entreprit de le faire adopter non seulement par la secte qu’il avait fondé, mais par toutes les sociétés secrètes alors existantes. Il voulait en faire l’instrument d’une révolution universelle. Un auteur non suspect de partialité religieuse, le franc-maçon Louis Blanc, dans son Histoire de la Révolution expose ainsi le plan de Weishaupt :

« Par le seul attrait du mystère, par la seule puissance de l’association, soumettre à une même volonté et animer d’un même souffle des milliers d’hommes, pris dans chaque contrée du monde, mais d’abord en Allemagne et en France ; faire de ces hommes, au moyen d’une éducation lente et graduée, des êtres entièrement nouveaux ; les rendre obéissants jusqu’au délire, jusqu’à la mort, à des chefs invisibles et ignorés ; avec une légion pareille peser secrètement sur les cœurs, envelopper les souverains, diriger à leur insu les gouvernements et mener l’Europe à ce point que toute superstition fût anéantie, toute monarchie abattue, tout privilége de naissance déclaré injuste, le droit même de propriété aboli : tel fut le plan gigantesque du fondateur de l’Illuminisme, Weishaupt. »

En 1781, un convent général de toutes les sociétés secrètes fut convoqué à Wilhemsbad, dans le Hanau. Weishaupt y envoya deux de ses disciples qui réussirent, sinon à faire adopter par le congrès les principes de l’illuminisme, du moins à obtenir des mesures qui devaient amener infailliblement ce résultat, dans un avenir prochain. Ce qu’ils firent connaître du système de Weishaupt séduisit les députés des autres sectes qui s’empressent de se faire initier à ces nouveaux mystères. L’effet de cette initiation ne tarda pas à se faire sentir. Toutes les loges furent désormais ouvertes aux illuminés, et leurs propres loges se multiplièrent et s’étendirent dans tous les pays.

III

LE COMPLOT RÉVOLUTIONNAIRE.

En France, l’illuminisme de St Martin avait préparé les sociétés maçonniques à recevoir les idées de Weishaupt. Ce ne fut guère qu’une question d’affiliation. Les loges françaises, à la faveur des désordres de la régence et de l’affaiblissement de la foi, avaient pris un grand développement. Nombreuses et actives, elles étaient concentrées sous la grand’maîtrise de ce triste personnage, le duc d’Orléans, qui fut plus tard Philippe-Égalité.

Voltaire, d’Alembert, Diderot et les autres philosophes faisaient partie de ces loges. Ils les avaient dirigées dans la guerre qui venait d’être déclarée à l’enseignement chrétien et qui avait eu pour premier résultat l’abolition de la Compagnie de Jésus. Les disciples des philosophes, tous les impies et les incrédules affluaient dans les loges ; on y voyait, aussi, malheureusement, ce qu’on a vu depuis et qu’on voit encore aujourd’hui : un grand nombre d’honnêtes gens qui séduits par de pompeuses déclamations et des déclarations philantropiques, et initiés seulement aux premiers grades, servaient d’instruments aux vues plus avancées des chefs.

« L’illuminisme de Weishaupt, dit le Père Deschamps, venait régulariser tout ce travail d’impiété et de révolte sanglante, qui faisait le fond de tous les mystères, et y mettre le dernier sceau. Les députés allemands furent donc accueillis avec empressement par le comité des amis réunis faisant fonction de Grand-Orient. L’alliance la plus étroite fut conclue et un convent général des maçons de France et de l’étranger fut convoqué pour le 15 février 1785… C’est dans ce congrès que fut résolue la révolution française et sa propagation dans toute l’Europe. »

Ce sont les sectaires eux-mêmes qui ont ensuite révélé ces complots. Un franc-maçon anglais, John Robison, publiait en 1797 un livre intitulé : Preuves des conspirations contre toutes les religions et tous les gouvernements de l’Europe ourdies dans les assemblées secrètes des illuminés et des francs-maçons. Il y dévoilait les véritables tendances des sectes, dont le but unique, dit-il, est de détruire jusque dans leur fondement tous les établissements religieux, de renverser tous les gouvernements, et de faire du monde entier une scène de pillage et de meurtre. « J’ai remarqué, dit-il encore, que les personnages qui ont le plus de part à la révolution étaient membres de cette association ; que leurs plans ont été conçus d’après ses principes et exécutés avec son assistance. »

Un témoignage encore plus important est celui du comte de Haugwitz, ministre de Prusse, qui avait occupé les plus hauts grades de la Franc-maçonnerie. Dans un mémoire qu’il soumit au congrès des Souverains, à Vérone, en 1822, il raconte de quelle manière il vint à comprendre que les chefs de la secte entretenaient des desseins bien autrement ténébreux et redoutables que ceux dont on occupait le commun des adeptes. « J’acquis, dit-il, la ferme conviction que le drame commencé en 1781 et 1789, la révolution française, le régicide avec toutes ses horreurs, non-seulement y avaient été résolus alors, mais étaient le résultat des associations et des serments, etc., etc.

D’autres francs-maçons cités par le P. Deschamps ont également révélé que le meurtre du roi de Suède, Gustave III, et celui du roi Louis XVI furent résolus dans le congrès maçonnique de 1786.

Les comités secrets de la franc-maçonnerie avaient formé un club de propagande ayant pour but non seulement de consolider la révolution en France mais de l’introduire chez tous les autres peuples de l’Europe et de culbuter tous les gouvernements établis. La liste des membres ce club ainsi que de la loge des amis réunis nous fait voir les noms des principaux révolutionnaires : Siéyés, Condorcet, Mirabeau, Barnave, Pétion, les de Lameth, Boissy d’Anglas, Robespierre, l’abbé Grégoire, Chénier, Hébert, Lebon, Marat, Saint-Just, etc., etc., etc.[2]

Au témoignage de Louis Blanc, la grande majorité des Jacobins et des Cordeliers était composée de francs-maçons. Pendant les massacres de septembre les signes maçonniques servaient aux bourreaux de signes de ralliement.

Le même historien écrit encore ce qui suit :

« Il importe, d’introduire le lecteur dans la mine que creusaient alors sous les trônes, sous les autels, des révolutionnaires bien autrement profonds et agissants que les encyclopédistes : une association composée d’hommes de tous pays, de toute religion, de tout rang, liés entre eux par des conventions symboliques, engagés sous la foi du serment à garder d’une manière inviolable le secret de leur existence intérieure, soumis à des épreuves lugubres, s’occupant de fantastiques cérémonies, mais pratiquant d’ailleurs la bienfaisance, et se tenant pour égaux, quoique répartis en trois classes, apprentis, compagnons et maîtres : c’est en cela que consiste la Franc-Maçonnerie. Or, à la veille de la révolution française, la Franc-Maçonnerie se trouvait avoir pris un développement immense ; répandue dans l’Europe entière, elle secondait le génie méditatif de l’Allemagne, agitait sourdement la France, et présentait partout l’image d’une société fondée sur des principes contraires à ceux de la société civile. »

Joseph Desrosiers.
(à continuer.)
  1. Les Sociétés secrètes et la Société, ou Philosophie de l’histoire contemporaine, par N. Deschamps. Deuxième édition, entièrement refondue et continuée jusqu’aux événements actuels, avec une introduction sur l’action des sociétés secrètes au XIXe siècle par M. Claudio Jannet. 1880. Avignon, Séguin Frères : Paris, Oudin Frères.

    La Franc-Maçonnerie. Lettre de Mgr. Fava, évêque de Grenoble aux rédacteurs de la Revue catholique des Institutions et du Droit. Livraison de Juillet 1880.

    La Franc-Maçonnerie ; doctrine, histoire, gouvernement, seconde lettre de Mgr. Fava, aux rédacteurs de la Revue Catholique des institutions et du droit. Supplément à la livraison de septembre 1880.

  2. Le système de la terreur avait été conçu et organisé dans les réunions de la faction dite philantropique. Marmontel, dans ses Mémoires, nous montre de quelle manière les philosophes voulaient se servir du peuple, de cette classe déterminée qui ne voit rien pour elle à perdre au changement et croit avoir tout à gagner. Dès 1788, les ouvriers des faubourgs avaient été initiés aux loges maçonniques.