Revue Musicale de Lyon 1903-12-15/L'Ouverture de Tannhauser

L’Ouverture de Tannhauser

Comme pour le prélude du troisième acte des Maîtres-Chanteurs[1], Wagner a donné de l’ouverture de Tannhæuser un intéressant commentaire que nous reproduisons ci-dessous :

« Au début, l’orchestre chante le cantique des pélerins. Les voix se rapprochent, s’enflent dans un élan puissant et s’éloignent. — Crépuscule ; derniers échos du cantique. — Dans les ombres de la nuit, on voit se dessiner des apparitions fantastiques. Un nuage rose et parfumé les enveloppe, des cris voluptueux frappent l’oreille et la danse joyeuse déroule ses anneaux lascifs. C’est la fantasmagorie séduisante du Vénusberg… Attiré par le charme, on voit paraître Tannhaüser, le chantre de l’amour… Il fait entendre son hymne fier et passionné… À sa voix le Vénusberg s’ouvre devant lui et montre ses mystérieuses merveilles. Des cris de joie sauvage répondent à son chant. Emportées par le délire de l’ivresse, les Bacchantes enlacent Tannhaüser dans leur ronde furieuse et le jettent aux bras de Vénus qui l’entraîne dans les profondeurs inaccessibles de l’empire du Néant. La troupe sauvage disparaît et la tempête s’apaise brusquement. Un bruit léger et plaintif continue pourtant à planer dans l’espace… — Mais déjà l’aube blanchit l’horizon. Dans le lointain, on entend s’éveiller la mélodie du cantique. À mesure que les voix se rapprochent et que la clarté du jour fait reculer les ténèbres de la nuit, les vibrations aériennes, qui ressemblaient tout-à-l’heure à la douloureuse lamentation des damnés, prennent peu à peu l’accent de la joie. Lorsque, enfin, le soleil surgit et que le cantique des pélerins s’élève comme un chant de délivrance, elles se répandent en nappes sonores, où l’on sent vibrer le ravissement de l’enthousiasme. C’est l’hymne du Vénusberg, racheté de l’antique malédiction, qui s’enlace au cantique divin lui-même. Ainsi toutes les forces de la vie entonnent le chant de la rédemption, et les deux éléments jusqu’ici séparés, l’esprit et la matière, Dieu et la Nature, s’embrassent et s’unissent dans le baiser sacré de l’amour[2],

Un des prochains numéros de la REVUE MUSICALE DE LYON sera entièrement consacré à une étude du Dr Edmond Locard sur le CRÉPUSCULE DES DIEUX.

  1. V. le No4 (10 nov. 1903).
  2. Gesammelte Sebriften t. iv.