Revue Musicale de Lyon 1903-12-08/Correspondance de Paris

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grands concerts

Les fêtes en l’honneur du centenaire d’Hector Berlioz ont été inaugurées aujourd’hui par la 141e audition de la Damnation de Faust. Sur la scène on a érigé le buste du maître dauphinois entouré de drapeaux et de palmes vertes. M. Colonne plus fringant, plus fougueux, plus jeune que jamais, émoustillé peut-être par la présence du grand surintendant des Beaux-Arts, M. Chaumié, dirige la Marseillaise orchestrée par Berlioz. Tout le monde se lève, un peu plus on oublierait Berlioz, on est patriote ou on ne l’est pas. Quelques cris de « vive la République » se font entendre et chacun y va de sa petite larme.

C’est qu’elle est très bien, cette adaptation berliozienne. Contrairement à ce qu’on pouvait attendre, les voix sont à découvert la plupart du temps, une vigoureuse orchestration ne vient que par intervalles accentuer le rythme et la couleur. La seconde strophe chantée au début, religieusement et doucement par le chœur d’hommes, puis se terminant par un crescendo dramatique et éclatant est vraiment émotionnante.

On me dispensera de donner mes impressions sur la Damnation ; tout le monde la connait, peu ou beaucoup. C’est en tout cas à Paris l’œuvre populaire par excellence, absolument comme le Faust de Gounod en province.

Interprétation vocale excellente de la part de Mlle Marcella Pregi, de l’impeccable Cazeneuve ; M. Ballard, protagoniste habituel du rôle de Méphistophélès était remplacé par M. Daraux très goûté dans les passages en demi-teinte, dans le fameux air de « Voici des Roses », dans la sérénade, moins bon dans certains récitatifs auxquels un timbre de voix plus sec, plus saccadé me semblerait mieux approprié. Enfin M. Guillemot à la voix de basse très pure, à la diction très nette, s’est taillé un joli succès dans le rôle de Brander.

Les chœurs et plus particulièrement ceux d’hommes furent parfaits. Que dire de l’orchestre du Châtelet, qui n’ait été dit ? Hélas il a dû payer cher la gloire, car on a bissé la Marche Hongroise, la Valse des Sylphes et le Menuet des Follets, la Sérénade de Méphistophélès ; on aurait bissé tous les morceaux si on avait pu.

Edouard Millioz.