Revue Musicale de Lyon 1903-11-17/À travers la Presse

À travers la Presse

Dans la liste des reprises annoncées pour cet hiver au Grand-Théâtre, nous trouvons celle de Paillasse de Léoncavallo, qui fut jouée pour la première fois en 1895 sous la direction Campocasso. Nous espérons bien que M. Broussan ne perdra pas un temps précieux à remonter cette œuvre dont un des critiques les plus indulgents, M. Samuel Rousseau, écrivait lors de sa création à Paris :

« Il faudrait pourtant s’entendre. Qu’est au juste le théâtre que dirige M. Gailhard ? Académie nationale de musique ou Académie internationale d’opérette ? Temple du drame lyrique hautement pensé, talentueusement écrit ou bazar à treize sous qui vend de tout, même de la pacotille exotique pourvu qu’elle rutile et qu’elle tape à l’œil ? Panthéon de l’art ou maison de commerce ? Avec Sigurd, avec Samson, avec Siegfried, c’était encore hier l’Opéra ; avec Paillasse, est-ce aujourd’hui les Bouffes-du-Centre ?

Si c’est pour hospitaliser cette paillasserie en deux actes, quatre valses, huit polkas et seize romances que l’État a édifié l’immense pâté de marbre et d’or du boulevard Hausmann ; si c’est pour prodiguer artistes, décors et costumes à cette funèbre pantalonade que notre budget se saigne chaque année d’un beau million ; si enfin le « tempérament » suffit à suppléer à tout ce qui fait la noblesse de la musique : le savoir, le goût et la recherche, nous demandons qu’on élargisse le répertoire inauguré hier et qu’on accueille aux Bouffes-du-Centre les ouvrages d’Offenbach, de Leccoq et d’Audran. Grosse caisse pour grosse caisse, parade pour parade, rengaines pour rengaines, nous préférons aux noirceurs de Paillasse les franches lippées d’Orphée aux Enfers, de la Fille de Madame Augot et de la Mascotte. Elles chantent clair aussi ces partitionnettes ; les procédés d’effet y ont plus d’invention et au moins elles sont bien orchestrées. »

Nous donnerons dans un de nos prochains numéro une étude sur le Vers et la Phrase Musicale due à notre collaborateur J. Sauerwein dont le Courrier Musical a publié dans son numéro du 1er  novembre, un intéressant article sur « Schopenhauer et la Musique. »

L’Express (L.). — À propos de la « Traviata » :

Verdi est mort et son œuvre est bien malade.

Voilà près de treize ans, je crois, que le Trouvère a disparu de l’affiche du Grand-Théâtre — et je me félicite d’avoir vigoureusement travaillé pour cela. — Rigoletto ne fait plus que de courtes et intermittentes apparitions et les fameuses trompettes d’Aïda ont perdu tout leur prestige aux yeux des foules depuis que les compositeurs « en ont mis partout ». Quant à la Traviata, l’infortunée poitrinaire a succombé depuis plus de sept ans environ aux suites de cette terrible maladie de langueur qui ne pardonne pas.

En somme toute cette musique s’en va. Les orgues de Barbarie eux-mêmes n’en veulent plus, lui préférant avec raison les refrains de « Poupoule » ou les enlacements voluptueux de la Valse Bleue, délices des derniers salons où l’on cause. Et, grâce aux tendances artistiques plus saines et plus relevées du public, elle aurait définitivement disparu du répertoire, sans l’esprit de routine et le mauvais goût de la plupart des directeurs.

D’un journal quotidien de Bordeaux à propos de M. Escalaïs. « Il ne fut jamais si prodigue de ces belles notes élevées qui fendent l’air comme des obus. »