Revue Musicale de Lyon 1903-10-20/Nécrologie

NÉCROLOGIE

M. Camille du Locle, qui s’était retiré depuis très longtemps à Capri, vient d’y mourir à l’âge de 71 ans. C’était un esprit fort original, dont le court passage à l’Opéra-Comique, en qualité de directeur, a laissé pourtant une trace, puisque ce fut sous son règne que fut donnée l’immortelle Carmen de Georges Bizet. Il allait volontiers de l’avant, comme on voit, car à son époque Carmen fut œuvre de nouveauté. Mais il avait peut-être trop le dédain du « répertoire » alors en pleine vogue et c’est ce qui hâta sa perte. C’est lui qui s’écria un jour avec un certain enthousiasme : « Enfin la Dame Blanche ne fait plus d’argent ! » Et ce fut dommage pour sa caisse. Mais il était vraiment un artiste d’un certain raffinement, et même un poète délicat. Il eut des prix à l’Académie Française et attacha son nom, comme librettiste, à des œuvres musicales de valeur. Citons Aida, Don Carlos, Sigurd, Salammbô, la Déesse et le Berger,la Fiancée de Corinthe. etc., etc. Dans sa longue retraite de Capri, où il cherchait l’oubli de toutes choses, il envoyait encore, de temps à autre, quelque sonnet bien tourné à son grand ami Reyer, qui s’empressait de le mettre en musique. Camille du Locle laissera le souvenir d’un galant homme, d’esprit très fin et très acéré.