Revue Littéraire des publications nouvelles

Revue Littéraire des publications nouvelles
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 68 (p. 752-769).
REVUE LITTERAIRE
DES PUBLICATIONS NOUVELLES

I. Bossuet orateur, études critiques sur les sermons de la jeunesse de Bossuet, par M. B. Gandar, 1 vol. in-8o,1867. — II. La Fontaine et les fabulistes, par M. Saint-Marc Girardin, S vol. in-8o, 1867. — III. Laurette de Malboissière, lettres d’une jeune fille du temps de Louis XV, publiées par Mme la marquise de Lagrange, 1 vol. in-18. — IV. Gustave III et la cour de France, par M. A. Geffroy, 2 vol. in-8o, 1867. — V. La Philosophie de Goethe, par M. E. Caro, 1 vol. in-8o. — VI. Calendal, poème de Frédéric Mistral, 1 vol. in-8o ; Avignon et Paris, 1867.

Les esprits qui aiment à se rendre compte du spectacle des choses présentes, ceux qui dans le mouvement tumultueux d’une société cherchent à dégager le principe, la loi, ou tout au moins l’idée maîtresse, ceux qui voudraient ramener à un système, à une théorie unique, la variété toujours croissante des phénomènes et des symptômes, ceux-là certainement, s’ils interrogent la littérature comme l’expression des sentimens publics, sont plus embarrassés aujourd’hui que ne le furent jamais leurs devanciers. A quelle autre époque vit-on une confusion pareille ? Et je ne parle pas seulement de notre France, cette remarque est vraie de tous les peuples associés à l’œuvre de la civilisation. Le caractère de toutes les littératures européennes en cette période que nous traversons, c’est précisément l’absence de caractère. Je ne veux pas dire que tout dégénère, que tout s’affaisse et tombe. Ces lieux-communs ne sont pas de notre goût. Soit que chaque génération les répète à l’heure de son déclin, soit que la jeunesse, en ses nobles exigences, les redise tous les vingt ans avec un rigorisme farouche, il nous répugne d’y souscrire. Je serais plutôt de l’avis de celui qui écrivait ici même il y a un quart de siècle : « Quoi ! l’homme.est si peu de chose, et cependant son esprit enfante toujours ! Sans fin, sans relâche, le feu brûle toujours sous les cendres accumulées ! Plusieurs milliers d’années ont passé sur la forge mystérieuse, et Prométhée ne se lasse point ! » Je ne cède donc pas à des pensées chagrines, je sais que le bien dans notre siècle est à côté du mal, je sais que nul âge n’a montré de plus généreux élans en face de défaillances plus tristes, et je lui appliquerais volontiers le mot de Pascal : « s’il se vante, je l’abaisse ; s’il s’abaisse, je le vante ! » Comment nier pourtant que ces contradictions lui donnent une physionomie incohérente ? Comment nier que pour nous, engagés dans la mêlée, ce siècle est loin d’offrir un caractère franc, décidé, comme les grandes époques auxquelles il succède ? Dire que le XIXe siècle est une période de transition, de transformation, par conséquent d’indécision fiévreuse, en vérité ce n’est pas dire grand’chose ; ce n’est qu’une autre façon de reconnaître cette absence de caractère précis dont je parlais tout à l’heure.

Il y a toutefois des symptômes particuliers qui apparaissent çà et là sur cette physionomie changeante et que l’observateur peut noter au passage. Pour ne parler que de l’heure présente, pour ne remonter du moins qu’à un petit nombre d’années en arrière, ne sommes-nous pas autorisés à dire qu’un des phénomènes les plus fâcheux du moment dans l’ordre des choses littéraires, c’est l’effacement de plus en plus marqué de cette littérature que nos pères eussent appelée la littérature du tiers-état ? Certes les travaux de haute érudition, de critique savante, ces œuvres qui ne s’adressent qu’à une élite spéciale, sont continués de nos jours par d’infatigables pionniers. Les académies, qui peuvent bien avoir leurs inconvéniens, mais qui rendent aussi tant de services, défendent et défendront toujours ces domaines de haute culture, honneur de toute civilisation libérale. A l’extrémité opposée, aux antipodes de ces foyers paisibles dont Voltaire, en son Siècle de Louis XIV, a proclamé l’influence féconde, s’agite la littérature toute différente que ce même Voltaire, caractérisait avec une dureté parfois injuste. Nous serions plus injustes encore, si nous condamnions indistinctement les pages sans nombre qui répondent avec plus ou moins de bonheur aux exigences désordonnées d’une société démocratique. Là, comme partout, le bien se rencontre avec le mal. Le talent sous toutes les formes a droit à la sympathie, et il y a tel genre, inférieur ou même blâmable en apparence, que l’honnêteté du sentiment peut relever. Le juge est là, c’est le public, et bien que ce juge dans un monde aussi mélangé que le nôtre soit trop souvent un Perrin Dandin qu’on trompe en l’amusant, la raison générale, comme on l’a très bien dit, finit toujours par avoir raison. Nous serait-il cependant défendu de regretter qu’entre ces deux mondes si opposés la littérature à la fois sérieuse et charmante, sévère et douce, voie sans cesse diminuer le nombre de ceux qui la représentaient aux meilleurs jours de notre histoire ? On dirait que, dégoûtés des lettres bruyantes et indiscrètes, les purs lettrés se confinent de plus en plus dans les travaux inaccessibles à la foule, d’où il résulte que les autres, ayant devant eux le champ libre, sont plus exposés aux écueils de leur propre genre, — car chaque genre a ses écueils, et la littérature indiscrète, on voudra bien en convenir, n’est pas plus à l’abri du péril que la littérature académique. C’est fort mal fait d’ennuyer les honnêtes gens, c’est plus mal fait encore d’exciter chez eux des sentimens de dégoût.

Nous n’avions pas besoin de ce préambule pour signaler à nos lecteurs un petit nombre d’ouvrages récemment publiés, qui continuent avec honneur la tradition des hautes lettres et qui s’adressent en même temps atout esprit bien fait ; ne semble-t-il pas néanmoins que ce mélange de charme et de solidité, de valeur morale et d’agrément littéraire, offre aujourd’hui un intérêt particulier ? Le livre que M. Gandar a publié sous le titre de Bossuet. orateur est une œuvre excellente de tout point, une œuvre où l’importance des résultats est rehaussée par la sûreté des recherches et la nouveauté des faits. Oui, tout est neuf dans ce livre. Ne dites pas à première vue, et en jugeant l’ouvrage d’après l’étiquette, qu’il n’est guère possible d’apporter aujourd’hui quelque chose de nouveau sur l’éloquence de Bossuet, tous les maîtres de la critique ont passé par ces routes royales, et dans ce concert de louanges une voix de plus ne serait point écoutée. Le titre que je viens de transcrire est donc trop général ; le sous-titre[1] indique le sujet particulier où s’est portée avec toutes ses forces la méthode exacte, la science précise, la pénétration littéraire et morale de l’auteur. À vrai dire, c’est l’initiation de Bossuet au grand art qui est exposée ici avec l’intérêt des plus précieux détails ; il s’agit de la jeunesse du puissant maître, il s’agit des essais, des occasions, des inspirations diverses qui ont formé cette voix incomparable. Certes, s’il y a un homme qui soit ne orateur, c’est l’auteur du Panégyrique de saint Paul ; mais, quels que soient ces dons de nature, le développement de la vie intérieure et les influences du dehors peuvent seuls expliquer les chefs-d’œuvre du génie. La critique du XIXe siècle ne nous permet plus d’accepter en aveugles ces gloires d’autrefois qui ressemblaient à des légendes, ces demi-dieux de la pensée et de la parole qui naissaient tout armés, ces monumens qui apparaissaient soudain au milieu des peuples éblouis. Elle s’approche, elle examine, elle mesure ; dans l’œuvre même des six jours, la science n’a-t-elle pas découvert le long travail des siècles ? Ainsi fait la critique ; elle voit les essais, les tâtonnemens, elle marque les phases successives de la vie là où on ne savait autrefois que prendre les choses en bloc. Pour appliquer cette méthode au génie oratoire de Bossuet, il fallait commencer par rétablir le texte de ses sermons. On sait avec quelle ardeur Victor Cousin a renouvelé l’étude du XVIIe siècle par son Rapport sur les Pensées de Pascal ; ce n’est pas aux lecteurs de la Revue qu’il est nécessaire de rappeler tant de pages éclatantes. L’étude de M. Gandar se rattache d’une manière étroite au mouvement inauguré par l’illustre maître. C’est la même passion du vrai, le même soin et la même ardeur dans les recherches.

Depuis le bénédictin Déforis, qui donna la première édition des Sermons, jusqu’aux, écrivains de nos jours, qui ont essayé plus ou moins heureusement de rectifier ces textes défigurés, nul incident de cette histoire n’a échappé à son enquête. La part de chacun des hommes qui ont eu mission ou se sont arrogé le droit de toucher à Bossuet est faite avec une précision impartiale. Rien de plus curieux que le rôle de dom Déforis, de dom Coniac, du libraire Boudet, de l’abbé Maury, en cette manipulation étrange. On entre avec M. Gandar dans les officines de l’ancienne critique et on apprend à mieux estimer son siècle ; puis, ce travail terminé, les sermons du jeune orateur une fois rendus à leur forme première, que de découvertes inattendues ! Nous assistons à l’éducation intime de Bossuet. Il prend son élan, il s’égare, il revient sur ses pas, et le voici cette fois dans le droit chemin, plus ardent encore et plus impétueux, car il est plus, sûr de lui-même. Ce que je résume ainsi en deux lignes, M. Gandar l’a mis sous nos yeux par une multitude d’exemples, en suivant de ville en ville, de bataille en bataille, cette marche conquérante du génie. L’image est vivante ; la biographie et l’histoire, associées à la critique littéraire, la préservent des vagues généralités. C’est bien un homme que nous voyons grandir dans le feu continu de l’inspiration, continuus animi motus. L’imagination l’emporte ; il la règle sans l’éteindre, il la dompte sans l’affaiblir, et obtient d’elle de merveilleux effets. Je recommandé surtout dans le tableau de M. Gandar les sept années que Bossuet a passées à Metz, c’est toute une révélation. On ne peut s’empêcher de penser ici aux paroles de Cicéron : est finitimus oratori poeta. L’orateur de la cathédrale de Metz est véritablement le grand poète chrétien de l’ancienne France. Que de rapports avec Dante, avec Milton, avec sainte Thérèse ! M. Gandar profite de toutes les ressources de la littérature comparée pour mettre en son vrai jour la féconde adolescence du poète orateur, et quand Bossuet en 1662 prêche le carême au Louvre, nous savons désormais ce que la perfection de son art lui a, coûté d’études, de méditations, de tentatives de toute sorte. C’est le fond même de cette âme active et enthousiaste, c’est la source toujours bouillonnante de cette imagination antique et biblique à la fois que M. Gandar a étudiée avec amour. Qu’il approuve ou qu’il blâme les pensées du sermonnaire (et pour un homme du XIXe siècle que de choses à répudier chez Bossuet !), il ne cesse jamais de rendre hommage à la sincérité, que dis-je ? à l’ingénuité sublime des sentimens qui l’inspirent. Ce livre restera ; par la nouveauté des recherches, comme par la loyauté des appréciations, il fait le plus rare honneur à la critique de nos jours.

On a beau dire, il y a des sujets éternels, et nos grands siècles littéraires sont de ce nombre. Quoi donc ! parce que des commentateurs insipides ont répété à l’envi des lieux-communs sur les génies charmans ou superbes que décore une jeunesse inaltérable, il serait interdit de revenir à ces viriles études ! Si vous n’avez rien de nouveau à nous apprendre, taisez-vous ; si votre admiration est trop exactement conforme à l’admiration traditionnelle, ne sortez pas des rangs ; mais qui voudrait empêcher le chercheur courageux ou l’esprit étincelant de converser tout haut avec Bossuet ou Pascal, avec Molière ou La Fontaine ? Ce serait trop accorder vraiment à la critique routinière que de lui sacrifier ainsi nos plaisirs. La chaîne d’or, bien que des pédans aient osé y porter la main, n’en reste pas moins la chaîne d’or. On sait quel est le goût de l’Allemagne pour les nouveautés aventureuses, et cependant, depuis plus d’un demi-siècle, combien de livres sur Goethe, sur Schiller, sur Lessing. sur tous ces écrivains que la nation allemande appelle ses classiques ! C’est que les génies heureux à qui est échu l’honneur d’exprimer la maturité d’un peuple ont précisément le mérite de provoquer des pensées nouvelles. La grande tradition d’un pays stimule les esprits actifs, bien loin de les enchaîner au passé. Faites comme nous, disent les ancêtres ; vivez, pensez, augmentez le patrimoine commun ; nous avons instruit et réformé notre temps, instruisez et réformez le vôtre.

Personne ne s’étonnera donc que M. Saint-Marc Girardin publie deux volumes sur La Fontaine et les fabulistes[2]. Ces sujets lui appartiennent. Je ne sais en vérité si aucun écrivain a jamais mieux rempli les conditions dont je parlais tout à l’heure. Converser tout haut avec les maîtres des grands siècles, s’entretenir avec Molière et Racine, discuter avec Voltaire et Rousseau, demander aux uns et aux autres le secret de leur enseignement, innover en s’inspirant de la tradition, charmer et instruire la France nouvelle en l’initiant aux choses de la France d’autrefois, c’est l’originalité de ce riche et libéral esprit. Est-il besoin de rappeler que ces pages sont le résumé d’un cours fait à la Sorbonne il y a quelques années, et dont la Sorbonne garde fidèlement le souvenir ? « Je n’ai pas eu, dit M. Saint-Marc Girardin, la prétention de publier un livre. J’ai récrit, d’après mes notes et celles de quelques-uns de mes auditeurs, ces leçons qui n’avaient d’autre mérite que celui d’entretiens familiers sur le sujet le plus varié du monde, c’est-à-dire sur les Fables de La Fontaine. L’auditoire prenait part à ces entretiens par son attention et par son adhésion. Le professeur y parlait avec une franchise de sentimens qu’il se devait à lui-même devant la jeunesse qui l’écoutait et que le gouvernement a eu le bon goût de toujours respecter. » Et pourquoi donc cette franchise que La Fontaine a gardée si ingénument sous la monarchie absolue de Louis XIV eût-elle été refusée à M. Saint-Marc Girardin sous l’empire démocratique ? Les leçons que l’éminent écrivain emprunte au fabuliste pour nous les appliquer à nous-mêmes sont le produit le plus pur de la grande tradition française. L’allure en est vive et piquante, la morale y trouve toujours son compte. Il faudrait une singulière pusillanimité pour découvrir dans ces pages loyales le moindre élément d’esprit factieux. L’aiguillon des plus vives paroles chez l’éloquent interprète de La Fontaine, c’est l’aiguillon qui stimulé, jamais celui qui blesse.

Observateur pénétrant comme les moralistes chrétiens du XVIIe siècle, habile comme les polémistes du XVIIIe à manier l’ironie, M. Saint-Marc Girardin s’est toujours plu à mettre au service du bon sens et de la vérité des armes consacrées depuis longtemps à des causes très différentes. Ajoutez à cela des lectures considérables, une richesse merveilleuse de rapprochemens, de comparaisons, de contrastes, une fertilité de vues, une abondance de traits qui n’embarrassent jamais les allures naturelles du style, vous aurez le secret du charme que l’auteur sait répandre sur les matières les plus connues. En relisant les Fables de La Fontaine avec M. Saint-Marc Girardin, on fait véritablement un voyage de découvertes. S’il y a chez un écrivain oublié une pensée heureuse, une page bien venue qui se rapporte à son sujet, il la détache et la met en lumière. Ce n’est qu’un mot souvent, ce sont deux ou trois vers noyés dans le fatras ; les voilà sauvés pour toujours. En somme l’histoire de la fable, n’est-ce pas l’histoire de l’humanité ? Depuis les auteurs des apologues orientaux jusqu’aux derniers fabulistes de notre société moderne, de Vichnou-Sarma et Bidpaï à Lessing et Gellert, que d’épisodes curieux dans cette histoire ! Je recommande entre tous l’épisode de Gellert. Cet écrivain si doux et si fin, si évangélique et si vif, n’est guère connu en Allemagne que des lettrés de profession ; la France l’ignore absolument. Gellert était digne d’inspirer de cordiales sympathies à M. Saint-Marc Girardin, et cette récompense tardive accordée chez nous à l’un des plus aimables esprits du XVIIIe siècle ne profite pas seulement à celui qui la reçoit ; le commentateur de La Fontaine y a trouvé quelques-unes de ses meilleures inspirations ; mais c’est La Fontaine lui-même dont la figure domine cette assemblée de conteurs et de moralistes. Rien qui sente l’admiration de commande, c’est une étude sincère et une discussion libre. Il y a bien des lacunes dans la morale de cette comédie aux cent actes divers ; M. Saint-Marc Girardin, sans rigueur intempestive, les indique d’une main légère et sûre. J’oublierais enfin un des traits caractéristiques de ce livre charmant, si je ne disais pas qu’il y est question de nous-mêmes autant que du XVIIe siècle. Société de nos jours, si malade, si menacée, dit-on, quoique toujours pleine de sève et de vie, vous ferez bien d’écouter ces histoires : de le fabula narratur. Quel révolutionnaire que votre La Fontaine ! écrivait un jour au maître un auditeur surpris. Une des pages les plus curieuses de l’ouvrage est celle où M. Girardin, répondant à cette exclamation, montre en effet combien le fabuliste était révolutionnaire, et quelle différence il y avait entre les révolutionnaires du XVIIe siècle et ceux du XIXe. « il y a, dit-il excellemment, une révolution qui n’a point encore été tentée et qui mériterait de l’être, une révolution qui serait la conversion ou l’amélioration de chacun de nous. Je suis disposé à croire qu’a mesure que les individus vaudraient mieux, la société elle-même deviendrait meilleure. Nous cherchons depuis plus de soixante ans à résoudre un problème fort difficile, c’est-à-dire à faire un bon tout avec de mauvaises parties, à fonder la cité de Dieu sur les sept péchés capitaux… La Fontaine est plus avisé. Il censure parfois la société et ses institutions ; mais il censure plus vivement encore les fautes et les travers des hommes. »

Si c’est un grand charme de voir les anciens sujets rajeunis avec tant de verve, si les morts illustres, ces témoins à jamais présens, ont bonne grâce à nous admonester par la bouche de pareils interprètes, il y a plaisir aussi à retrouver dans le passé des figures absolument disparues. Les immortels ne doivent pas toujours nous faire dédaigner les éphémères. Ce qui a vécu de la vie du cœur et de l’âme, ne fût-ce qu’un jour, ne fût-ce qu’une heure, a droit à un souvenir. De même qu’un écrivain oublié, s’il a eu d’aventure un éclair d’inspiration, reprend sa place dans le large tableau où M. Saint-Marc Girardin groupe si habilement ses personnages, de même, dans le tableau d’un siècle tumultueux, la plus modeste des destinées, si elle a eu son heure de succès et d’éclat, peut nous causer d’agréables surprises grâce au hasard subit qui la ramène au jour. Que sera-ce si cette apparition inattendue suggère des réflexions utiles et nous entr’ouvre des perspectives nouvelles sur le siècle même où elle a tenu si peu de place ? Tel est, ce me semble, l’attrait d’un recueil de lettres publié depuis quelques mois déjà par Mme la marquise de Lagrange, et que nous nous reprocherions de laisser passer inaperçu[3].

Il y a juste cent ans, une jeune fille ornée de tous les dons de l’esprit et de toutes les séductions de la beauté, naïve et sérieuse, amie des plaisirs et passionnée pour l’étude, aussi candide que spirituelle, parlant et écrivant toutes les langues littéraires de l’Europe, une sorte de muse, si on l’ose dire, mais une muse enfantine badinant toujours avec sa vocation, tombait frappée au cœur en sa vingtième année, après avoir ébloui de sa grâce quelques-uns des brillans salons du XVIIIe siècle. Sans cette fin prématurée, elle aurait eu un nom parmi les femmes diversement célèbres dont s’honore la société française ; entre Mlle Aissé et Mme de Boufflers, elle aurait eu sa place distincte, son rôle original, tempérant le. sérieux par l’enjouement et la légèreté par la candeur. Tant d’esprit, de gentillesse, de curiosité savante, une cordialité si ingénue avec une si naturelle élévation, ce mélange du respect des traditions avec une sympathie généreuse pour les principes nouveaux, tout cela ne pouvait rester stérile. En face d’une telle figure, il était permis de lui prédire une destinée heureuse. L’enfant mourut en sa fleur, et tout fut terminé. Son souvenir, pieusement conservé par ceux qui l’avaient connue, s’éteignit avec eux. Le sort est sans pitié ; que de germes fauchés ainsi tous les jours I Sans compter les espérances brisées qui excitent au moins les regrets de la foule, combien de forces disparues, combien de grâces ensevelies, dont on n’a pas même su qu’elles fussent une espérance ! Ainsi était morte au mois d’août 1766 Mlle Randon de Malboissière, aimée, admirée du cercle brillant où elle avait déployé tant de promesses, le lendemain inconnue du monde, qui ne soupçonnait même pas ce qu’il avait perdu. Vieille histoire, et qui perpétuellement se renouvelle ! La terre est pavée de ces tombes où furent enfouis des trésors ignorés.

Or il arrive que, cent ans après, une main délicate, fouillant avec respect dans des papiers de famille, y trouve une collection de lettres signées d’un nom inattendu, d’un simple nom de baptême qui pourrait bien être un nom de fantaisie. Heureuse trouvaille ! La personne à qui est échu ce bonheur parcourt ces pages jaunies par les années. Quelle grâce ! quelle fraîcheur ! comme la société de l’ancien régime y revit naturellement ! C’est un coin du XVIIIe siècle, une oasis perdue dans les aridités brillantes et les tumultueuses arènes. Prenons garde, cette petite découverte géographique peut rectifier sur plusieurs points la carte de l’époque. Il y avait bien certainement, au milieu de ce monde en travail, plus d’une oasis pareille à celle-là. C’est une erreur commune de juger un siècle sur les grands bruits qui s’y font. Les écrivains qui considèrent le XVIIIe siècle en bloc, soit pour l’exalter, soit pour le maudire, n’en ont pas, ce me semble, une idée complète et juste. Le bien ne fait pas de bruit, disait le doux Saint-Martin. Quel honnête homme de nos jours consentirait à voir juger définitivement le XIXe siècle sur les choses qui font le plus de bruit parmi nous ? Toutes ces pensées, j’en suis sûr, devaient se présenter à l’esprit de l’éditeur à mesure que ces lettres de l’inconnue se déroulaient sous ses yeux. Une image charmante de l’ancienne société française lui apparaissait dans cette correspondance de deux jeunes filles. Nous aussi, sans exagérer la valeur de ces pages aimables, comme Mme de Lagrange est trop disposée à le faire, nous y signalons volontiers ce qui peut intéresser l’étude des idées et des mœurs. L’histoire littéraire ne dédaigne aucun document ; comment refuserait-elle un regard de sympathie à ces reliques perdues que le hasard vient de nous rendre ? Si l’on ne trouvait ici que l’ancien monde avec ses dons brillans, sa politesse accomplie, son insouciance légère, ce ne serait qu’un tableau ajouté à tant d’autres ; un caractère nouveau à observer, grâce aux confidences sans apprêt de Laurette de Malboissière, c’est ce fonds d’honnêteté demeuré intact au milieu des influences malsaines. — Un fonds d’honnêteté ! bien plus encore, un fonds de traditions chrétiennes vraiment curieuses à examiner de près, traditions à la fois superficielles et tenaces, assez larges pour laisser l’esprit ouvert à toutes les nouveautés séduisantes, assez fortes pour défendre le cœur contre les pièges funestes. En retrouvant ces choses en plein XVIIIe siècle, et c’est là un sujet trop négligé des écrivains qui ont tracé la vie morale de cette époque, l’historien philosophe ne s’étonne plus que la société française, après les bouleversemens de la tempête, soit revenue si vite, je ne dis pas seulement aux croyances chrétiennes, mais aux formes traditionnelles consacrées par les siècles.

Les lettres dont nous parlons sont signées simplement Laurette. Il a fallu bien des recherches à Mme la marquise de Lagrange pour retrouver le nom, la famille, la généalogie de l’aimable fille, et par conséquent aussi pour ajouter une dernière page, une page indispensable, à cette correspondance si brusquement interrompue par la mort. En deux mots, voici le résultat de cette enquête : Laurette était fille de M. Randon de Malboissière, un des riches financiers du xvin0 siècle qui tenait par ses alliances à la plus haute noblesse et par ses goûts hospitaliers à la plus brillante société littéraire. L’amie à laquelle sont adressées les lettres de Laurette est Mlle Adèle Méliand, devenue plus tard la marquise de Lagrange. La première lettre est datée du mois d’avril 1761, la dernière du 30 juillet 1766. Celle qui les écrivait d’une plume si fine et si enjouée était née le 21 décembre 1745 ; elle avait donc quinze ans et quatre mois au moment où s’ouvre la correspondance, et quand elle en traçait la dernière page de sa main défaillante, elle n’avait pas plus de vingt ans et demi. Cinq années du XVIIIe siècle, et cinq années de sa période la plus agitée, voilà le cadre où va se dessiner ingénument la physionomie de Laurette de Malboissière. Nous sommes en plein règne de Voltaire, en pleine explosion de Jean-Jacques Rousseau, en pleine mêlée de l’Encyclopédie ; quelle impression fera ce tumultueux mouvement sur un esprit jeune, ouvert, avide de science, et entièrement livré à ses propres instincts ? Tel est le principal intérêt de cette correspondance où Laurette, en traçant elle-même son image, nous fait entrevoir toute une partie de la société de son temps.

Le premier trait qui me frappe, c’est l’inaltérable sérénité de Mlle de Malboissière. La fièvre publique n’a point de prise sur elle ; rien ne la trouble, rien ne l’étonné. Initiée à bien des événemens et à bien des ouvrages où se manifestait l’esprit nouveau, elle en par le avec une aisance singulière. On ne sent dans son langage aucune émotion, elle n’a besoin ni de blâmer ni d’applaudir, et pourtant il est impossible de la taxer d’indifférence. Le défenseur de Calas a toutes ses sympathies, bien qu’elle l’apprécie surtout au point de vue des qualités inférieures et qu’elle remarque volontiers ce qu’il y a de « joli » dans Voltaire. Il est évident que toutes les scènes du drame public : suppression des jésuites, victoires de l’esprit nouveau, livres ardens, manifestes de la philosophie, se confondent à ses yeux dans la multiplicité des choses qui excitent simultanément son désir de connaître. Elle veut tout savoir, le grec et les mathématiques, les langues étrangères et l’histoire naturelle. Avec cela, nulle trace de pédantisme. C’est une savante et une enfant. Elle est folle de théâtre ; les pièces nouvelles, les reprises, les acteurs, les actrices, voilà ce qui remplit ses lettres, avec mille détails de vie mondaine et des puérilités charmantes. Elle fait elle-même des comédies, des tragédies, elle a une troupe de comédiens de salon qu’elle endoctrine de son mieux, et n’allez pas croire qu’elle y apporte la moindre prétention : c’est avec la franche gaîté de la, jeunesse qu’elle nous raconte la chute de ses œuvres et la déconvenue de ses interprètes. Son roman offre les mêmes contrastes, car il y a un roman dans ces lettres. Aimée de son cousin qui la courtise en mousquetaire, elle l’aime et s’en défie, elle est tendre et sévère, imprudente et circonspecte. Il y a des instans où l’on tremble pour elle ; rassurez-vous, elle est fidèle sans jactance comme sans respect humain aux pratiques religieuses de son enfance, et c’est précisément cette fidélité qui la sauve. Sommes-nous bien au XVIIIe siècle ? On n’en saurait douter quand on voit l’insouciance de la mère de Laurette occupée de ses coquetteries, et de ses plaisirs ; Laurette est seule, à vrai dire, seule avec ses instincts, sa curiosité, son innocence et sa sagesse précoce. À qui fera l’histoire de la famille dans la société du XVIIIe siècle, Laurette de Malboissière fournira de curieuses indications. Son premier roman terminé, car elle avait dû éconduire ce soupirant écervelé dont les empressemens ressemblaient à des offenses, elle fut aimée d’un jeune homme digne en tout de ce noble cœur, et, la mort lui ayant pris son fiancé avant le jour qui devait les unir, elle ne tarda guère à le suivre dans la tombe.

En publiant ces lettres naïves et touchantes, Mme de Lagrange semble craindre qu’une apparition si originale, je veux dire si peu conforme à l’idée qu’on se fait souvent du XVIIIe siècle, n’excite quelque défiance dans l’esprit de la critique. Les lettres manuscrites de Laurette sont entre ses mains ; elle les met à la disposition des personnes qui voudront en prendre connaissance. Je ferai sans doute plaisir à la patronne de Mlle de Malboissière en lui signalant un témoignage qui paraît avoir échappé à ses recherches : comment garder un doute sur la correspondance de Laurette quand on en voit les traits principaux résumés si fidèlement dans cette note de Grimm à la date du mois de décembre 1766 : « Nous avons fait depuis peu une perte qui mérite d’être remarquée. Mlle Randon de Malboissière vient de mourir à la fleur de son âge. Elle avait environ dix-huit ou dix-neuf ans. M. de Bucklai, officier dans un de nos régimens irlandais, arriva quelques jours avant sa mort dans le dessein de l’épouser, mais dans le fait pour lui rendre les derniers honneurs. Le jour marqué pour la célébration du mariage fut celui de l’enterrement. Cette jeune personne avait été destinée en mariage au jeune du Tartre, fils d’un célèbre notaire de Paris et sujet de distinction pour son âge. Ce jeune homme, qui donnait les ; plus grandes espérances, fut enlevé l’année dernière par une maladie courte et vive… On dit que la tendresse de Mlle de Malboissière pour ce jeune homme et la douleur qu’elle ressentit de sa perte n’ont pas peu contribué à abréger ses jours. Elle était déjà célèbre à Paris par ses connaissances ; elle entendait et possédait parfaitement sept langues, le grec, le latin, l’italien, l’espagnol, le français, l’allemand-et l’anglais ; elle parlait les langues vivantes dans la perfection. On dit ses parens inconsolables de sa perte… »

Tous ceux qui l’avaient connue ressentirent la même douleur. Quelques jours après sa mort, Mme de Montalembert écrivait à la jeune femme qui avait été sa confidente pendant plus de six ans : « On ne la connaissait dans le monde que par les rares talens de son esprit ; elle avait encore plus de droits sur les cœurs par les qualités de son âme. Qu’elle était belle et pure ! » Pour nous qui considérons ces choses à distance, nous ne pouvons nous défendre d’un rapprochement involontaire, et nous nous demandons ce qu’eût été Laurette de Malboissière, si elle fût venue au monde après les secousses qui ont ranimé au fond des âmes les sources de la vie religieuse. Cette question est bien naturelle quand on vient de voir à côté de Voltaire, à deux pas d’Helvétius, au milieu de mille frivolités, chez une jeune fille abandonnée à ses propres instincts, le christianisme le plus simple, le plus enfantin, mais non pas le moins efficace. Faites passer là-dessus la tempête qui a bouleversé les destinées individuelles, ajoutez à cette candeur un ferment-de mysticisme, vous aurez Eugénie de Guérin ou cette jeune femme dont Mme Augustus Craven vient de nous révéler l’histoire.

C’est encore une révélation sur le XVIIIe siècle, mais une révélation bien autrement importante que nous fournit M. Geffroy par ses deux volumes intitulés Gustave III et la cour de France. Nos lecteurs n’ont pas besoin qu’on leur par le longuement de ces curieuses études : ils les ont appréciées ici même[4] ; ils savent avec quel soin, quelle patience, quels scrupules l’auteur a rassemblé dans les bibliothèques de la Suède les matériaux d’un ouvrage qui devait éclairer toute une partie de notre histoire à l’heure la plus émouvante du dernier siècle. Le tableau composé d’après ces recherches n’est pas moins que le reflet de la France aux extrémités de l’Europe du nord, l’image de notre société reproduite au sein d’une société toute différente que la sympathie rapproche de nous et associe à nos destinées. On connaissait un peu vaguement, par la tradition plutôt que par les documens authentiques, les liens qui existaient, il y a cent ans, entre la France et les pays Scandinaves. M. Sainte-Beuve, à qui rien n’échappe, parlant de Mme de Krüdner, voilà trente ans déjà, indiquait très bien la place que les représentai du monde Scandinave, M. de Greutz, M. de Gleichen, avaient occupée dans le monde parisien à la veille de la révolution. Aujourd’hui c’est l’histoire tout entière de ces relations que M. Geffroy déroule à nos yeux à travers les plus tragiques péripéties. Dans un sujet aussi nouveau, l’auteur n’a pas craint de multiplier les détails. Parmi les épisodes d’un tableau qui embrasse tant de choses et réunit des personnages si divers, on remarquera les négociations auxquelles donna lieu le mariage de Mlle Germaine Necker avec le baron de Staël-Holstein, ambassadeur de Suède auprès de Louis XVI. En 1778, Mlle Necker n’ayant encore que douze ans, Moultou, l’ami de Jean-Jacques Rousseau, qui était venu passer quelques mois à Paris et qui demeurait à l’hôtel même de M. Necker, écrivait à Genève : « Germaine est charmante, c’est un prodige d’esprit et de sensibilité ; je la trouve adorable… » C’est l’année suivante, en 1779, que M. de Staël se mit sur les rangs pour obtenir sa main ; la fille de Necker avait treize ans à peine au moment où s’ouvrent et se déroulent les longues négociations racontées par M. Geffroy, singulière procédure diplomatique où se trouvent mêlés les plus grands personnages des deux royaumes, le roi de Suède Gustave III, la reine de France Marie-Antoinette. Amené par son sujet à dessiner ou du moins à indiquer en courant un si grand nombre de figures, M. Geffroy y porte en général la plus scrupuleuse exactitude. Sans la passion du vrai, se serait-il engagé dans les délicates et pénibles questions d’authenticité soulevées par la publication de la correspondance de Marie-Antoinette ? Son portrait de Gustave III, son jugement sur les principaux acteurs du drame où périra ce réformateur équivoque, sont empreints de la même vérité ; ils font honneur à la sûreté du critique autant qu’à l’impartialité de l’historien. On reconnaît ici un homme qui a puisé aux sources, et qui n’affirme rien qu’à bon escient. Je signalerai pourtant une erreur au sujet des illuminés allemands dont l’action s’étendit jusqu’en Suède. L’historien de Gustave III nous parle des « doctrines sauvages » prêchées par le baron de Knigge ; il n’y eut jamais rien de moins sauvage que l’enseignement du gentilhomme hanovrien, ce n’était qu’une banale et béate philanthropie. Knigge était le plus léger, le plus étourdi, le plus vaniteux, mais aussi le plus inoffensif des rêveurs qui épouvantèrent l’ancien régime par leur organisation mystérieuse. M. Geffroy a trop écouté ici la tradition suédoise, rectifiée aujourd’hui par d’irrécusables documens ; qu’est-ce pourtant que cette erreur auprès des faits si importans et si neufs que le studieux explorateur est allé découvrir dans les archives de la Suède ? On ne s’attacherait pas à ce détail, si l’ouvrage de M. Geffroy n’était sûr de conserver une place brillante dans la littérature historique de nos jours.

Le XVIIIe siècle, surtout le XVIIIe siècle à son déclin, le passage de l’ancien régime à la société nouvelle, c’est là, en politique, en littérature, en philosophie, un sujet d’études que la critique est encore bien loin d’avoir épuisé. Il y a autre chose en de pareilles matières que la curiosité de l’érudition, il s’agit de nos propres origines : viget in radicibus humor. Interroger les hommes qui représentent cette transition, c’est nous interroger nous-mêmes. Je ne suis donc pas surpris qu’un philosophe, un critique moraliste, accoutumé à considérer de haut les périls de notre société contemporaine, ait consacré tout un livre à la philosophie de Goethe. Parce que la meilleure partie de ce livre a paru à cette même place où j’écris[5], y a-t-il des convenances qui m’interdisent d’en parler ? Ce serait pousser bien loin le scrupule et douter de soi-même ainsi que du lecteur. Je me sens assez maître de ma pensée pour être assuré que l’indépendance de mon jugement sera reconnue par ceux qui liront ces pages. Au surplus, l’ouvrage de M. Caro a déjà fait son chemin, comme on dit, et l’Allemagne lui a rendu plus d’un hommage. M. Caro en effet, tout en s’adressant à la France, a eu l’heureuse fortune d’approfondir un problème qui intéressait surtout les écrivains de l’Allemagne, et qui, sollicitant à diverses reprises les historiens et les critiques, écarté par les uns, ébauché par les autres, n’avait jamais été traité avec une si scrupuleuse attention. « Goethe est des nôtres, disaient les hégéliens du vivant même de Goethe et de Hegel ; formé à l’école de Spinoza, il s’est élevé dans la dernière période de sa vie à la doctrine supérieure du philosophe de Berlin, et le second Faust n’est autre chose que la cosmogonie hégélienne sous la forme d’un drame idéal où apparaissent tous les âges du monde, toutes les évolutions de la logique, tous les momens de l’éternel devenir. » On publiait à ce point de vue des commentaires du Faust que le sphinx olympien parcourait en souriant. « Laissez là ces subtilités, répondait M. Cervinus de sa voix rude et tranchante ; Goethe est poète, absolument et exclusivement poète. La philosophie, aussi bien que l’histoire et la politique, a toujours été antipathique à son génie. » Tel était le jugement accrédité par l’historien le plus célèbre et le plus autorisé des lettres allemandes. La sentence paraissait définitive quand un hégélien des plus modérés, esprit sans passion, intelligence ouverte à toutes les questions de littérature et d’art, M. Charles Rosenkranz, publia en 1847 une étude complète sur la vie et les œuvres du poète de Weimar. Il ne pouvait échapper à ce problème de la philosophie de Goethe. Il le reprit donc, et, se séparant des hégéliens de la première heure autant qu’il contredisait M. Gervinus, il affirma que l’auteur de Faust, poète partout et toujours, poète dans toutes ses œuvres et à toutes les heures de sa vie, avait pourtant une philosophie cachée. Quelle philosophie ? Je reconnais, dit M. Rosenkranz, trois systèmes différens dans les trois périodes principales de sa carrière ; d’abord Goethe est manifestement spinoziste ; ensuite, sous l’influence de Schiller, il s’attache aux principes de Kant ; plus tard enfin, dans sa calme et puissante vieillesse, il se repose au sein d’un éclectisme triomphant, — éclectisme anti-chrétien, puisque la doctrine de la chute de l’homme en est absolument exclue, mais où se retrouvent, c’est M. Rosenkranz qui le proclame, tous les grands dogmes de la religion naturelle, l’existence d’un dieu personnel et l’immortalité de l’âme. Malheureusement ces affirmations sont un peu trop sommaires dans le livre de M. Rosenkranz. L’étude de M. Caro, qui aboutit à des résultats tout différens, est bien autrement complète et décisive. Lorsque M. Rosenkranz nous par le du kantisme et de l’éclectisme de Goethe, il donne des indications qui ressemblent à des conjectures ; quand M. Caro soutient que Goethe, dans l’éblouissante variété de ses vues, a été constamment fidèle au principe du spinozisme, ce sont des preuves qu’il fournit, Est-ce à dire que l’on se fait illusion en Allemagne lorsqu’on rassemble pieusement les paroles, les incidens, les témoignages épars d’où il peut résulter que le glorieux ami de Schiller a cru à un dieu libre et à l’âme immortelle ? Non certes ; cette sollicitude nouvelle d’un grand nombre d’esprits qui disputent Goethe au panthéisme n’est pas seulement un symptôme très digne d’intérêt, elle est encore à mon avis l’indication de la méthode qu’il faut suivre, si l’on veut résoudre avec précision ces problèmes compliqués. En d’autres termes, il y a ici deux personnages fort différens, je veux dire l’homme et le penseur. Que de fois, dans les conversations, dans les correspondances de Goethe, l’homme n’a-t-il pas donné des démentis au philosophe ! Ce sont ces démentis auxquels s’attachent les lecteurs bienveillans qui répugnent à voir le plus grand génie de l’Allemagne enseigner une doctrine funeste. Piété touchante, heureux symptôme ; mais la vérité n’a-t-elle pas ses droits ? Si l’on ne juge dans Goethe que le philosophe, il faut conclure comme M. Caro : « Goethe, dit-il, représente assez bien les aspirations mêlées et l’éclectisme confus d’un temps comme le nôtre, où l’on prétend concilier une morale active, la doctrine même du progrès, avec un panthéisme qui la rend impossible en droit sinon en fait, et qui logiquement la détruit. » Associée à l’admiration la plus intelligente pour le génie du savant et du poète, cette conclusion ne pouvait que rencontrer des sympathies en Allemagne, au moment où le pays de Hegel se débarrasse peu à peu de ce panthéisme dont les derniers adeptes semblent réfugiés chez nous. Ce n’est pas seulement la transformation politique des peuples allemands qui a désabusé les esprits de ces doctrines énervantes ; bien avant que la victoire de la Prusse eût réveillé l’Allemagne, une école modeste, mais persévérante, l’école des Hermann Fichte, des Fortlage, des Ulrici, avait contribué sans bruit à relever les doctrines spiritualistes, seul fondement légitime de l’activité libérale et féconde. C’est cette école qui traduisait dernièrement les vigoureuses pages où M. Paul Janet a réfuté le matérialisme contemporain, c’est elle qui accueille aujourd’hui avec faveur les remarquables études de M. Caro sur le panthéisme de Goethe.

Il nous en coûte de terminer cette revue sans y faire figurer des œuvres d’imagination qui nous eussent ramenés plus directement aux intérêts de nos jours. C’est le XIXe siècle en définitive qui est le plus constant objet de nos travaux, c’est à lui que nous pensons en interrogeant les sociétés dont nous avons recueilli l’héritage. On nous avait signalé tel roman d’hier qui méritait d’être discuté, disait-on, au moins à titre de symptôme et de tentative nouvelle. Hélas ! que de fois des annonces de ce genre n’ont été pour nous qu’une cause de désappointement ! Sans être dédaigneuse et hautaine, ce qui ne convient à personne, la critique a sa dignité à défendre. Est-ce à elle d’enregistrer toutes les œuvres qui paraissent ? Non, certes, elle n’est pas le greffe qui inscrit les causes, elle est le tribunal qui les juge, et le silence en bien des cas est un jugement assez clair. Qu’on ne nous accuse donc pas de repousser volontairement les œuvres où l’imagination s’essaie à la peinture du monde. Le jour où des talens nouveaux se lèveront, soit qu’ils continuent leurs devanciers, soit qu’ils tentent des routes Inconnues, nous serons aussi attentifs à leurs efforts que nous sommes sympathiques aux études du passé. Tous les genres sont bons, pourvu qu’on touche le but. Charmer l’esprit, élever l’âme, voilà désormais la seule règle ; les sujets ne font rien à l’affaire. Est-ce notre faute si les créations du roman n’occupent pas dans ces bulletins la place que nous voudrions leur donner ? Pouvons-nous changer ce qui est et fermer les yeux à l’évidence ? Pouvons-nous ne pas reconnaître que la critique et l’histoire maintiennent leur rang avec honneur tandis que l’imagination subit de si fréquentes éclipses ?

Voici pourtant un souffle de poésie virile et tendre qui nous arrive de nos contrées du midi. On n’a pas oublié le bruit qui s’est fait, il y a huit ans, autour de la Miréio de M. Frédéric Mistral. Un poète nous était ne sur les sillons dorés de la Provence, un poète sans maître et sans modèle, sans autre maître que l’instinct, sans autre modèle que l’immortelle nature. Des admirations tumultueuses éclatèrent. C’était la poésie primitive, c’était l’inspiration puisée à sa source qui apparaissait tout à coup au milieu de nos raffinemens. Sans lettres, sans culture d’aucune sorte, un enfant de la terre nourricière, un paysan des bords du Rhône avait retrouvé la grandeur épique interdite aux disciples de l’art en nos littératures corrompues. On alla jusqu’à prononcer le nom d’Homère. Il y avait de quoi étouffer l’œuvre naissante, si une valeur incontestable ne l’eût défendue contre les retours de l’opinion. Écarter ces chimères, ramener les choses au vrai point, dire comment s’était formé l’habile chantre rustique, c’était rendre un meilleur service à M. Mistral. On l’essaya ici même[6]. Le public sut alors que l’auteur de Miréio était un esprit des plus cultivés, une intelligence initiée à la tradition des maîtres et chez qui les grandes voix poétiques de nos jours avaient éveillé de généreuses ambitions ; il sut aussi que M. Mistral, formé à l’école de plusieurs chantres vraiment populaires aux bords de la Durance, avait voulu franchir les limites de cet humble domaine et obliger Paris, c’est-à-dire la France entière, à s’occuper de cette renaissance provençale. M. Frédéric Mistral est donc un artiste, et un artiste préoccupé de choses très compliquées, un artiste qui veut ressusciter un idiome disparu, qui combine pour cela plusieurs dialectes de cet idiome, qui destine ses œuvres aux lecteurs les plus différens, qui tient à honneur certainement de charmer les gens du midi, mais qui serait désappointé de ne pas étonner un peu les hommes du nord. Ah ! certes, si on y regarde de près, que de combinaisons habiles, que d’ingénieux artifices ! Et en même temps, — voilà l’originalité de M. Mistral, — ce poète philologue, cet arrangeur industrieux a véritablement le sens des choses primitives, il a le goût du simple et du grand ! on voit qu’il a sucé le lait d’une forte nature, et ses héros, patres, toucheurs de bœufs, gardiens de chevaux sauvages, prennent entre ses mains des proportions épiques. Mireille, Vincent, Ourias, Alari, ce sont là désormais des types reconnaissables ; le chantre de la campagne artésienne les a marqués de son empreinte.

C’est encore une œuvre d’art, une œuvre combinée avec soin et largement exécutée, que M. Mistral vient de publier sous le titre, de Calendal[7]. La vieille poésie provençale a produit de longs récits à la fois épiques et romanesques où l’image du temps est encadrée en de radieux paysages ; qu’on se rappelle seulement cette histoire de guerre et d’amour, Aucassin et Nicolette, si bien remise en lumière par Fauriel. Il y a manifestement un souvenir de ces -récits d’autrefois dans le Calendal de M. Mistral. C’est aussi une chanson de gestes où l’intérêt du roman est mêlé aux inspirations de la poésie. La scène se passe au XVIIIe siècle, quelques années avant la révolution française, et toutefois ne soyez pas surpris de voir apparaître çà et là, derrière les personnages modernes, les héroïques figures du moyen âge. Confronter d’une part le moyen âge et le XVIIIe siècle, de l’autre la corruption des hautes classes et la saine vigueur du peuple de Provence, telle est la double inspiration de l’auteur. Le Provence a vu, il y a cent ans, de singuliers types de bandits, gentilshommes ou bourgeois, qui détroussaient les passans, pillaient les campagnes, faisaient de véritables expéditions contre les gens du roi, et terrifiaient si bien la contrée que nul n’osait indiquer les repaires où ils allaient célébrer leurs orgies. Ces repaires étaient quelquefois de vieux châteaux-forts dans les Alpines, nids de vautours cachés au milieu des rocs. Si plus d’un, parmi ces forcenés, a fini sous la main du bourreau, combien en est-il qui ont soutenu cette guerre pendant bien des années ! Ainsi a vécu longtemps, pour n’en citer qu’un seul, le fameux Gaspard de Besse, demi-brigand, demi-chevalier, roué à Aix en 1776. « Mettons en scène un de ces étranges personnages, s’est dit l’auteur de Calendal ; donnons-lui pour femme l’héritière d’une vieille famille de princes qui a épousé le bandit, croyant épouser un gentilhomme, puis faisons apparaître le peuple de Provence représenté par un de ses plus généreux enfans, un marin de la côte, une âme simple et ardente qui sauvera la femme et triomphera du bandit. Je réunirai ainsi dans mon tableau les trois aspects de la Provence à la veille de la révolution : dans le fond, les nobles légendes du passé ; au premier plan, la corruption sociale des mauvais jours, devant nous enfin l’avenir meilleur, l’avenir et la réparation personnifiés dans le fils des classes laborieuses, gardiennes de la tradition du pays. »

La combinaison, quoique subtile, ne manque pas d’intérêt, l’idée morale qui l’anime en rehausse encore la valeur. Calendal est un pêcheur des côtes de Provence. Il est né à Cassis, et ville de mer et clé de France, » Cassis, un petit port inconnu que le poète célèbre en termes magnifiques. Ce n’est pas seulement l’enthousiasme d’un fils du midi pour la perle marine qui brille sur ses rivages, il faut bien que l’auteur nous prépare aux prouesses du héros. « Je voudrais que vous les vissiez partir, les Cassidiens ! A peine se dissipent les dernières chaleurs de la journée, cent, deux cents bateaux ou barquerolles, tels qu’une bande de pluviers qui prend l’essor loin de la rive, gagnent le large en silence sur la mer qui clapote. » À cette école de courage tranquille et résolu s’est formée l’âme naïve de Calendal. Un jour, sur les montagnes qui dominent la côte, au milieu des bruyères, il a vu apparaître une jeune femme, plus belle.que tout ce qui peut éblouir le regard en ce radieux pays, plus sauvage que cette sauvage nature. Ne serait-ce pas la fée Estérelle, la fée qui trouble les cœurs, fascine les yeux et désespère ceux qui la poursuivent ? Ce n’est pas la fée Estérelle, c’est la fille des princes des Baux, la fille des vieux rois de Provence, qui a épousé le comte Sévéran, et qui, le jour même de ses noces, apprenant que le comte est un gentilhomme bandit comme Gaspard de Besse, s’est enfuie du château des Alpines. Comment elle peut vivre errante, cachée, à l’abri des rochers et des bois, comment elle apparaît si souriante à Calendal avec sa blanche robe et sa ceinture flottante, ne le demandez pas trop rigoureusement au poète ; le souvenir des récits du moyen âge a séduit son imagination ; nous sommes ici en pleine légende, et l’esprit de la littérature réaliste aurait trop beau jeu contre l’inventeur. Qu’importe après tout, si de cette donnée un peu enfantine il fait sortir de belles peintures et de viriles leçons ? Calendal a juré de déployer toutes les forces de son âme pour mériter un jour celle qu’il nomme la fée Estérelle. L’histoire de ces hauts faits est le sujet même du poétique récit. Affronter tous les périls, regarder la mort en face, prouver qu’il est de race noble par la, hardiesse du cœur et que le généreux plébéien est digne de la fille des princes provençaux, tout cela est un jeu pour Calendal. Avec quelle joie il recherche les occasions d’héroïsme ! héroïsme naïf d’abord, qui s’épure, qui s’élève d’épreuve en épreuve. A quoi bon le courage inutilement employé ? L’héroïsme vrai, c’est celui que nous mettons au service de nos semblables, c’est surtout celui qui nous aide à nous dompter nous-mêmes. Toutes ces leçons, la fille des princes de Provence est amenée naturellement à les donner au Cassidien enthousiaste. On dirait parfois une Béatrice parlant le langage de la vertu moderne. Par une fiction ingénieuse, c’est Calendal lui-même qui raconte ses principaux exploits au comte Sévéran avant de livrer sa dernière bataille et d’exterminer les bandits. Toutes ces peintures belliqueuses, luttes contre la nature, contre les hommes, contre soi-même, offraient plus d’un écueil au poète. Comment éviter la monotonie dans une série d’épisodes que le même sentiment anime et qui vont au même but ? Comment se préserver d’un peu, de pédantisme et de subtilité en montrant l’héroïsme populaire épuré par l’enseignement de la jeune patricienne ? Surtout comment ramener le lecteur à la peinture des choses réelles après l’avoir conduit si loin du domaine de la vraisemblance ? On voit que M. Mistral s’est préoccupé de ces périls ; les occasions où se déploie le courage de Calendal font paraître à nos yeux les plus grands paysages de la Provence, et sur ce terrain le poète n’a rien à redouter. Il faut signaler comme une belle page le tableau de Calendal abattant un bois de pins au sommet du Mont-Ventoux. Quant au l’on doctoral de certaines scènes et à l’invraisemblance de quelques détails, la passion d’une part, de l’autre le mouvement dramatique du récit dissimulent assez adroitement ces défauts de la conception première. En somme, pour mener à bien ces douze chants, pour soutenir l’intérêt d’une fable si étrange, il fallait un vrai souffre de poésie animé d’une haute pensée virile. Le peintre et le moraliste se sont venus en aide l’un à l’autre.

Il y a pourtant un reproche que je ne saurais épargner à l’auteur de Calendal. Pourquoi persiste-t-il à écrire ses poèmes dans une langue que le plus grand nombre de ses lecteurs ne comprend pas ? Ses confrères de la poésie provençale régénérée, M. Roumanille en tête, se sont attachés à une entreprise toute naturelle ; leur ambition ne dépasse point les limites de la Provence et du Comtat. Écrivant pour le peuple du terroir, j’allais dire pour une tribu restreinte, c’est la langue de cette tribu, c’est la langue du terroir qu’ils emploient. Et que chantent-ils dans cette langue ? Des contes, des fables, des enseignemens sous forme brève et rapide, ce qui doit se lire à la veillée, ce qui doit rester dans le souvenir. M. Frédéric Mistral compose-t-il ses longs poèmes pour le public des métairies ou bien pour l’auditoire lettré que la France peut lui fournir ? Toute la question est là, et à cette question il n’est pas difficile de répondre quand on voit M. Mistral placer en face de son texte provençal une traduction française dont l’étrangeté, — il faut tout dire, — dont la barbarie un peu étudiée pourrait bien être une prétention littéraire de plus. Que M. Mistral renonce à une situation équivoque. Pour exprimer les idées philosophiques et morales qui relèvent l’intérêt d » son nouveau poème, il est obligé de forcer son idiome, de lui faire violence, d’accoupler des dialectes distincts, ou bien, ce qui n’est pas moins artificiel et stérile, d’emprunter des mots à la vieille langue provençale disparue à jamais pour compléter ce qui manque à la nouvelle. La vraie langue du poète de Calendal, c’est la langue de tous, cette belle langue française, si riche, si souple, que tout véritable artiste sait marquer à son effigie. M. Mistral est digne de mesurer ses forces à ce noble jeu. Notre reproche est un hommage, et cet hommage est un appel. Nous nous plaignions tout à l’heure de voir certains domaines de l’activité littéraire entièrement séparés les uns des autres, et cela au détriment de tous ; ici l’inconvénient serait bien plus grave encore : c’est la langue même qui nous séparerait au moment où la littérature spiritualiste a besoin de toutes ses forces.


SAINT-RENE TAILLANDIER

  1. Bossuet orateur, études critiques sur les sermons de la jeunesse de Bossuet (1643-1662), par M. E. Gandar, 1 vol. in-8o ; Paris, 1867. Didier.
  2. La Fontaine et les Fabulistes, par M. Saint-Marc Girardin, 2 vol. in-8o. Paris, 1867. Michel Lévy.
  3. Laurette de Malboissière, lettres d’une jeune fille du temps de Louis XV (1761-1766), publiées d’après les originaux, par Mme la marquise de Lagrange, 1 vol. Paris 1866 (Didier).
  4. Voyez la Revue des 15 février, 1er mars, 1er avril, 15 juillet 1864, 15 août, 15 septembre, 1er octobre, la novembre 1865.
  5. Voyez la Revue des 15 octobre, 1er et 15 novembre 1865, 1er février et 15 mars 1866.
  6. Voyez, dans la Revue du 15 octobre 1859, la Nouvelle Poésie provençale, MM. J. Rownanille, Th. Aubanel et Frédéric Mistral.
  7. Nous citons le titre français, le voici en langue provençale : Calendal, pouèmo nouvèu, 1 vol. in-8o 1867.