Revoil Voyage au pays des Kangarous 1885/ch25

Traduction par Bénédict-Henry Révoil.
Mame (p. 175-182).

CHAPITRE XXV

Nouvelle construction de canots. — Sottises de Ruth. — Le feu dans les bois. – Dangers sur la terre et sur l’eau. — La jeune fille blessée. — Une demeure au milieu des montagnes. — L’arbre-bouteille. — Chasse aux abeilles. – La gousse à café. — Les chasseurs égarés.


Les cris de l’oiseau moqueur, qui annonçaient le lever du jour d’une façon aussi régulière que les croassements du corbeau en Angleterre réveillèrent les travailleurs, et dans l’espace de cinq heures les deux canots furent achevés.

Pendant ce temps-là, les femmes s’occupaient à cueillir des plantes sèches pour servir de litière, lorsque Marguerite entendit Ruth, qui s’était écartée dans les bois, crier d’une façon terrifiante :

« Ils m’ont vue ! ils m’ont vue !

— Maladroite ! répliqua la fille de Max Mayburn, où donc es-tu allée ? qui donc t’a vue ?

— Les noirs, les sauvages, répondit la jeune fille. Je coupais de l’avoine pour mes poules, lorsque j’ai entendu leur coo-ee; j’ai alors levé la tête, et j’ai aperçu ces horribles visages là-bas ! Ils criaient comme des sourds, et je me suis sauvée. Je crains bien qu’ils n’aient entendu ma voix. »

Marguerite, très effrayée de ce qu’elle venait d’apprendre, se hâta d’en faire part à ses frères, et Arthur se dirigea vers les bois pour aller en reconnaissance. Caché dans un buisson, il vit venir dans la direction du camp une troupe d’hommes qui, dans le lointain, semblaient suivre une piste, les yeux baissés, examinant le sol, ce qui lui fit croire que ces gens-là n’avaient pas entendu la voix de Ruth.

Il retourna donc en toute hâte vers son père et ses amis pour leur rendre compte de ce qui se passait.

« Ils sont sur nos traces, indubitablement, fit Wilkins. Hâtons-nous de partir ; nous pouvons encore, en ramant ferme, avoir de l’avance sur eux, emportés comme nous le sommes par le courant, qui va très vite.

— Je vais faire sentinelle pendant que vous arrimez les bagages dans le bateau, dit Marguerite. Où faut-il me cacher, Wilkins ?

– Là derrière ce gros buisson, répondit le convict. Tenez, il y a précisément un trou dans la terre quand vous les verrez près d’ici, appelez-nous. »

Lorsque Marguerite poussa le cri d’alarme, on entendit ces mots :

« Arthur ! Wilkins ! Dieu nous protège ! Où fuir ? ces misérables viennent de mettre le feu à la jungle. »

En effet, les naturels, profitant d’un vent du nord qui venait de se lever, avaient incendié les herbes desséchées, moyen de détruire qu’ils emploient très souvent. Les flammes s’élevaient avec force et s’avançaient rapidement du côté du campement.

Par bonheur, les jeunes gens avaient arraché toutes les herbes à l’endroit où ils avaient passé la nuit et sur le bord de la rivière où ils achevaient la construction des canots ; ils se hâtèrent de couper les buissons encore trop rapprochés et de les jeter à l’eau ; mais, hélas ! il restait encore quelques grands arbres qui, prenant feu et s’abattant par terre, devaient infailliblement les atteindre.

Les essences résineuses craquaient et pétillaient dans la forêt ; il n’y avait pas un instant à perdre si l’on voulait éviter l’atteinte de la conflagration. Des volées de kakatoès de perroquets et de pigeons tourbillonnaient dans l’espace ; des troupes d’opossums fuyaient de toute part hors de leurs retraites buissonneuses.

Un canot venait d’être lancé à l’eau, portant les femmes et les bagages. Max Mayburn et Hugues le dirigeaient avec leurs rames. Déjà cette embarcation avait été transportée par le courant à une assez grande distance, et ceux qui s’y trouvaient s’étaient arrêtés pour attendre le reste de la caravane, lorsque le second canot, quoique inachevé, fut mis en mouvement et parvint à l’endroit où était le premier.

On fit halte pendant quelques instants peur examiner les résultats de l’incendie, derrière lequel se montraient les formes hideuses des sauvages, ayant avec eux le bandit Black Peter, qui se démenait comme un démon.

« Ils n’ont pas encore trouvé les coureurs des bois, observa Wilkins. Tant mieux, de toute façon ; car alors, montés sur des chevaux, ils auraient pu nous poursuivre à outrance. »

Le fleuve, grossi par les pluies, avait un courant très rapide, et avant que la nuit se fit, les voyageurs, qui mouraient de faim et pensaient à atterrir pour prendre leur repas, avaient franchi environ trente milles dans la direction du sud-ouest, sans faire de trop grands effort. Leurs yeux avaient été tout le temps éblouis par l’aspect merveilleux d’un paysage toujours admirable.

Ils débarquèrent alors sur le bord du fleuve, à l’ombre d’un bois épais remerciant Dieu d’avoir échappée leurs mortels ennemis. Le souper se composa de moules, d’écrevisses et de morue d’eau douce, que les naufragés du Golden-Fairy firent cuire comme ils purent ; car ils osaient à peine allumer du feu, de peur que la fumée ne trahit leur présence, ou que les flammes ne vinssent renouveler un autre incendie.

Avant de s’embarquer, quand l’aube parut, le second canot fut complètement achevé, et Jack façonna des rames et des palettes qui permirent de diriger convenablement les deux embarcations. Le quatrième, jour qui suivit leur départ, les voyageurs se virent forcés d’atterrir pour boucher les fissures de l’un des canots. À peine étaient-ils à l’œuvre qu’ils entendirent des coo-ee près d’eux et un bruit de pas à travers les arbres.

Sans attendre un moment de plus, on reprit le chemin de la rivière en faisant force de rames. À vingt mètres de distance, les deux canots passèrent devant un terrain découvert que les naturels avaient défriché en y mettant le feu. Là se tenaient un certain nombre de femmes et d’enfants, devant des cabanes ouvertes, et des sauvages armés de flèches et de bâtons, qui, la menace à la bouche, l’air furieux, se disposaient à attaquer les voyageurs.

Baldabella interpréta les paroles des naturels.

« Pourquoi les « visages blancs » sont-ils ici ? Qu’ils s’en aillent, ou malheur à eux ! » répondaient les noirs.

Et ils brandissaient leurs zagaies, bandaient leurs arcs et montraient leurs haches de pierre, de façon à intimider les intrus.

« Croyez-moi, monsieur Arthur, fit Wilkins, vous ferez mieux de ne pas prêter la moindre attention à ces forfanteries. »

Cet avis était excellent à suivre, et l’on fit force de rames ; ce qui n’empêcha pas les sauvages de faire bonne garde, comme s’ils se défiaient des projets des « visages blancs ». Ce qui les étonnait le plus, c’est qu’on ne donnait pas la moindre marque d’attention à leurs actes d’intimidation.

Ruth, que Jenny Wilson avait cherché à calmer, ne put retenir ses cris de terreur, et les sauvages croyant l’instant propice envoyèrent une volée de flèches dans la direction des canots.

Un détour opéré par les rameurs empêcha les projectiles d’atteindre les voyageurs. Seule Ruth fut frappée assez dangereusement au bras.

Quelques minutes suffirent pour entraîner les embarcations loin de toute atteinte, et le voyage se continua longtemps encore, jusqu’à ce qu’Arthur Mayburn et ses amis crurent que l’on pouvait s’arrêter sans risque.

Le vieillard et ses fils avaient pansé la blessure de la pauvre Ruth, qui perdait son sang et souffrait énormément on avait grand’peine à lui faire comprendre qu’elle n’en mourrait pas. L’infortunée allait même jusqu’à prier Jenny Wilson de ne pas oublier de la faire enterrer dans un cimetière chrétien. Il fallait encore lui faire comprendre qu’il n’y avait pas de lieu de repos pareil dans le pays où l’on se trouvait.

Marguerite ajouta ses consolations aux gronderies de Jenny Wilson. Enfin Ruth se calma.

« Mais, disait-elle, qui soignera mes poules et ramassera de l’avoine ? »

On fut encore obligé de la rassurer sur ce point. La chaleur avait quelque peu envenimé la blessure de la jeune fille, et, le jour suivant, les voyageurs crurent prudent de débarquer pour la faire reposer et la panser plus sérieusement. Les bords du fleuve étaient bordés de rochers ; on crut qu’il serait facile de trouver un abri dans quelque grotte, loin de la vue des ennemis. Une anse sablonneuse parut être un lieu propice pour descendre à terre, et Arthur, avec le concours des jeunes gens transporta les frêles embarcations dans cet endroit retiré.

Jack avait pris Ruth dans ses bras, car la pauvre enfant pouvait à peine marcher. On parvint de la sorte au milieu des ravins à travers des ruisseaux bordés de plantes vertes en pleine venue, d’une taille gigantesque, jusqu’au milieu d’un fourré à travers lequel on avait peine à se diriger.

À la fin O’Brien, qui s’était frayé un chemin dans cette forêt arborescente, appela ses camarades et leur montra sa découverte une vallée lilliputienne d’une étendue de trois à quatre cents acres, entourée de rochers à pic, et à laquelle on ne pouvait arriver que par le chemin parcouru par eux de la rivière jusque-là.

Le sol était couvert d’une herbe haute et épaisse et de plantations d’avoine. Une source d’eau limpide sourdait à l’un des coins de ce paradis. Le long des parois des rochers croissaient des bosquets, au milieu desquels roucoulaient de très beaux pigeons de l’espèce de ceux appelés geophaps scripta, qui fourniraient un succulent repas aux voyageurs campés en cet endroit.

Ils découvrirent de nombreuses grottes, et n’eurent qu’à en choisir une aux parois sèches et bien aérée, au fond de laquelle on prépara une bonne litière pour la malade. Les jeunes gens déblayèrent une seconde grotte, qui devait leur servir spécialement ; puis ils en trouvèrent une troisième, dans laquelle ils remisèrent les canots et les munitions. De cette façon, la famille et ses amis occupaient une nouvelle résidence temporaire parfaitement confortable.

La cuisine fut installée dans une quatrième grotte, où l’on construisit un four de pierres plates, sur lesquelles Jenny Wilson fit cuire des galettes d’avoine et une douzaine de pigeons. On n’oublia certainement pas le thé, qui réconforta les personnes débiles de la troupe.

La blessure de Ruth, faite par une flèche barbelée, ne se guérissait pas ; il fut donc décidé que l’on résiderait quelque temps dans cette charmante oasis, afin que la malheureuse enfant pût se rétablir, et pour que chacun pût reprendre des forces.

Mais il était impossible de contenir les jeunes têtes de la caravane, qui S’éloignaient chaque jour, deci, delà, en expédition. Une fois, les explorateurs rapportèrent une très grande quantité de feuilles de thé ; dans une seconde promenade, ce fut de la gomme, et l’on parla de la trouvaille faite d’un tronc d’arbre creux, qui avait la capacité d’un petit tonneau de trente pieds de circonférence.

« Cet arbre est de l’espèce sterculia dit Max Mayburn, qui alla voir cette curiosité de l’Australie : c’est le delabectea rupertus, qui est rempli de gomme, et offre de très grandes ressources aux indigènes. »

Baldabella manifesta une très grande joie en voyant cette végétation bizarre. Elle déclarait, en mâchant des feuilles et des branchettes, que c’était un aliment très bon et extrêmement fin au palais. Les jeunes sens cueillirent donc une certaine quantité de ces feuilles et les firent bouillir. Cette ébullition produisit une excellente gelée, douce au goût, et dont tous les naufragés du Golden-Fairy semblèrent prendre leur part avec plaisir.

Ce fut Baldabella qui dirigea la troisième pérégrination hors de la vallée. Elle avait montré à Gérald des abeilles butinant au milieu des fleurs et des buissons, et lui avait dit :

« Nous faire un bon repas ; Baldabella trouvera la ruche. »

Marguerite apprit à la négresse le nom de « miel », qu’elle ignorait, et celle-ci renouvela ses assertions.

Baldabella prit alors entre ses doigts, sans crainte d’être piquée, une abeille qu’elle posa sur un morceau de duvet tombé du ventre d’un oiseau. Elle avait trempé ce duvet dans un peu de gomme délayée, si bien que l’abeille ne pouvait s’en débarrasser.

Elle fit alors signe à ses protecteurs de l’accompagner sur la cime d’un rocher au-dessus de la vallée. Une fois là, elle donna la liberté à l’abeille, qui s’envola entraînant le duvet avec elle. Baldabella suivit l’insecte, grâce à la subtilité de ses yeux perçants, et la vit enfin se poser sur un arbre.

Les jeunes gens se rendirent devant le tronc creux de cet arbre, et Baldabella fit comprendre à Jack qu’il fallait l’abattre.

Le jeune charpentier frappa immédiatement le bois, dont l’écorce se détacha, et l’on découvrit une ruche bondée de miel, installée dans un trou profond.

Les abeilles qui avaient produit cette excellente friandise étaient de petite taille, et, soit qu’elles fussent inoffensives ou qu’elles se souciassent fort peu de leur propriété, elles s’envolèrent sans chercher à piquer ceux qui venaient ainsi les déposséder.

Le miel contenu dans la ruche était fort mélangé de cire : on l’eût pris pour du gâteau au gingembre, dont il avait le goût ; mais, en le mêlant à la farine amère d’avoine, il donna aux galettes de Jenny Wilson une saveur très agréable au palais.

« En vérité, nous avons ici tout ce dont nous avons besoin, Mademoiselle, dit Jenny un matin à la fille de Max Mayburn. Monsieur votre père semble très fatigué de son voyage, et nous voilà, je crois, bientôt à l’entrée de l’hiver. Pourquoi ne séjournerions-nous pas ici ?

— Nous entrons, en effet, dans la saison froide de ce pays, répliqua Marguerite à Jenny. Il y a près d’un an que nous avons quitté l’Angleterre, et nous voilà déjà à la fin d’août. La température était fraîche la nuit dernière, et pourtant ce matin l’atmosphère est chaude et embaumée. Les arbres sont toujours couverts de feuilles et de fleurs sous cette zone, et l’on se croirait à la saison du printemps de notre belle Angleterre. Quel ravissant pays !

— Oh ! Mademoiselle, reprit la bonne femme, il y a quelque chose qui nous manque cependant la variété dans notre nourriture, car toujours manger des pigeons.

— C’est vrai, ma chère Wilson, répliqua O’Brien qui avait entendu cette réflexion ; aussi je me propose d’aller tuer un kangarou.

— Ce n’est pas chose facile, observa Arthur.

— N’en croyez rien nous en viendrons à bout, ajouta Wilkins, à l’aide d’un filet que tresse Baldabella à cet usage.

— Non je m’oppose à cette façon traîtresse de nous emparer d’un animal. Nous lui ferons une chasse régulière, fit O’Brien. Arthur sera des nôtres.

– Non, remarqua Max Mayburn, mon fils doit rester avec nous pour veiller sur sa sœur et protéger le camp. »

Quelques jours après, tandis que Jack réparait les embarcations, et que Wilkins, suivi de Baldabella, était allé pêcher du poisson dans la rivière, Hugues et O’Brien demandèrent la permission de prendre des arcs et des flèches, – l’usage des fusils étant prohibé de peur que les détonations ne fussent entendues, afin de faire la chasse aux kangarous dans les bois environnants qui foisonnaient en gibier.

Max Mayburn consentit à cette demande, à la condition que les jeunes gens ne s’éloigneraient pas trop de la vallée. Marguerite enseignait à lire à Nakina, tandis qu’Arthur et son père se promenaient et cherchaient des nids dans les crevasses des rochers.

Au milieu du jour, Baldabella et Wilkins revinrent au campement avec une abondante provision de superbes poissons, et un sac rempli de légumes ressemblant fort à des petits pois, qu’ils avaient cueillis le long du rivage. Chaque gousse contenait dix à douze grains, et Baldabella paraissait trouver exquis ces pois d’une espèce inconnue en Europe.

« Ces graines sont trop dures, en ce moment de l’année, pour être mangées de la sorte, dit Marguerite ; mais on peut les faire griller, et nous ferons ainsi un excellent café pour rendre des forces à nos chasseurs quand ils reviendront de leur expédition. »

Jenny se chargea de cette préparation elle mit les grains dans le four, et les laissa cuire jusqu’à ce qu’ils eussent pris belle couleur. Quand le « café » fut cuit, on le laissa refroidir et on l’écrasa entre deux pierres plates puis, après avoir bouilli, le liquide brunâtre, mélangé avec du miel, fut versé dans des récipients. Il ne manquait qu’un peu de lait pour que la boisson fût « à peu près » pareille à celle d’un moka de troisième qualité. La famille errante déclara ce breuvage exquis, et Wilkins retourna à l’endroit où il avait trouvé ces gousses salutaires, afin d’en faire provision.

Quand le soir fut venu, au moment , chacun ayant fini son travail de la journée, on se réunit devant la cuisine pour prendre le repas, une grande anxiété se manifesta sur tous les visages les deux chasseurs n’étaient pas de retour.

Ni l’un ni l’autre n’avaient emporté de provisions ; mais là n’était pas le danger, car dans ce pays, où tout se trouvait en abondance, il était impossible de mourir de faim. Mais ce qu’il y avait à redouter, c’était une rencontre avec les « coureurs des bois ».

Comme il faisait encore jour, Wilkins, pour apaiser les appréhensions de Max Mayburn, engagea Arthur à l’accompagner sur les hauteurs d’où l’on commandait le territoire à une très grande distance ; mais la nuit surprît les explorateurs avant qu’ils eussent atteint la cime des rochers, et Arthur, après quelque hésitation, recourut au seul moyen qui lui restait pour appeler les chasseurs. Il fit feu d’un seul côté de son fusil, et les échos répercutèrent la détonation, qui ressemblait fort à une décharge d’artillerie. Il était impossible que Hugues et Gérald n’eussent pas entendu ce signal.

Après avoir attendu quelque temps, dans l’espoir d’ouïr une réponse, c’est-à-dire des cris de rappel, Arthur et Wilkins revinrent aux grottes fort tourmentés par l’insuccès de leur tentative. Max Mayburn se lamentait, non seulement de la disparition de son fils, mais encore de celle d’O’Brien, le dernier rejeton de la famille de son ami.

Arthur s’efforça de représenter à son père qu’il fallait avoir bonne espérance. Sans doute, à son avis, Hugues et Gérald, surpris par la nuit très loin de la vallée, avaient cru devoir se réfugier dans une grotte pour y attendre le jour. Du reste, son intention était de partir, dès l’aube, avec Wilkins et Jack pour retrouver les deux chasseurs imprudents.

« Heureusement, cher père, fit Marguerite, que ce pays n’est pas hanté par des carnassiers et des félins redoutables. Mon frère et Gérald ont dû pénétrer dans une grotte, sans crainte d’y trouver méchante compagnie. Ils n’ont pas été ensevelis dans une avalanche ni entraînés dans les eaux d’un torrent. Voyez-vous, dans ce pays béni de Dieu, rien n’est à redouter que l’homme, et encore…, si l’on savait s’y prendre, les noirs seraient bientôt les amis des blancs.

— Mes pauvres enfants ! où sont-ils ? disait Max Mayburn en versant des larmes amères.

— Nous partirons dès le matin pour les ramener vers vous, dit Wilkins, et ils vous raconteront alors quelle a été leur surprise en entendant ce soir les éclats du tonnerre du fusil de M. Arthur. Nous serons en route dès que le crépuscule nous permettra d’y voir. Mais, de grâce, ne vous lamentez point, ayez confiance en Dieu. »