Retraite (Verlaine)

Œuvres posthumesMesseinPremier volume (p. 54).

RETRAITE


On s’isole à Paris, quelle que soit l’horreur
Apparente de vivre en ce cirque d’erreur,
De luxe dur et des trop plausibles rancunes
Du pauvre y voyant rouge, — ainsi vont nos fortunes
Sociales depuis ce cher Quatre-vingt-neuf —
Oui, dit-on, l’on s’isole en ce vieux Paris neuf.
Moi, vieux Parisien, ne le puis : l’habitude !
Mais j’ai tenté, pour fuir l’âpre disquiétude
De tous ces bruits méchants et de ce plat soleil,
D’habiter dans un cœur qui soit au mien pareil.
Pauvres cœurs tout meurtris, vieux de deuils et hors d’âge,
Étant restés bien trop enfants pour tant d’usage,
Ah ! consolez vos pleurs, priez pieusement
Pour au moins un futur tant soit peu plus clément
Et dormez, las de vains projets et d’aventures,
Loin du bruit amorti des sots et des voitures !


Octobre 1893.