SOLUTION GÉNÉRALE DE CE PROBLÈME
REPRÉSENTER
LES
PARTIES D’UNE SURFACE DONNÉE
SUR UNE AUTRE SURFACE DONNÉE
DE TELLE SORTE QUE LA REPRÉSENTATION
SOIT SEMBLABLE À L’ORIGINAL
DANS LES PARTIES INFINIMENT PETITES
[REPRÉSENTATION CONFORME]
PAR
C.-F. GAUSS
« Ab hic via sternitur ad majora »
Traduit par L. LAUGEL
PARIS
LIBRAIRIE SCIENTIFIQUE A. HERMANN & FILS
LIBRAIRES DE S. M. LE ROI DE SUÈDE
6. RUE DE LA SORBONNE, 6
1915
PRÉFACE DU TRADUCTEUR
Ce mémoire de Gauss est la réponse à la question proposée
comme sujet de prix par la Société Royale des Sciences de
Copenhague en 1822. Publié en 1825 dans les Astronomische
Abhandlungen de Schumacher, il se trouve dans le tome IV
des Œuvres complètes de Gauss.
Le sous-titre représentation conforme ajouté par le traducteur
au titre original, lui sera peut-être reproché comme étant
un anachronisme. Cette expression, aujourd’hui classique, ne
fut en effet introduite par Gauss qu’en 1844 dans l’art. I de la
première partie de son mémoire sur la Géodésie Supérieure,
Tome IV de ses Œuvres complètes.
Après les nombreux et illustres géomètres qui ont écrit sur
les sujets qui dérivent de ce mémoire, tout commentaire nous
est évidemment interdit ; bornons-nous à dire que, dépassant
de bien loin le problème tout particulier des cartes géographiques,
ce travail joue dans la théorie des fonctions pour
ainsi dire le même rôle que le mémoire du même auteur,
Disquisitiones generales circa superficies curvas, dans la théorie
des surfaces. Qu’il nous soit seulement permis d’observer que
si Lagrange, dans ses deux célèbres mémoires sur les cartes
géographiques (1779) (Œuvres complètes, tome IV), parle des
travaux de ses prédécesseurs Euler et Lambert, Gauss, au
contraire, ne fait pas la moindre allusion aux résultats si importants
obtenus par Lagrange.
Si l’on jugeait le moment inopportun pour la publication de
la traduction d’une œuvre bien abstraite d’ailleurs, d’un géomètre
allemand mort depuis environ soixante ans, le traducteur
se contenterait de répondre que ce travail, dont la publication
a été retardée depuis dix ans, est mis en vente intégralement
au profit des victimes de la guerre dont s’occupe avec
tant de dévouement le Comité du Secours national (siège social,
13, rue Suger, Paris), qui a pour Président Μ. Αppell,
membre de l’Institut.
L. LAUGEL.
REPRÉSENTATION CONFORME
I
La nature d’une surface courbe est déterminée par une
équation entre les coordonnées relatives à chacun de
ses points. En vertu de cette équation chacune de ces trois
variables peut être considérée comme une fonction des deux
autres. La généralité est encore plus grande si l’on introduit
en outre deux nouvelles variables et si l’on représente
chacune des variables comme fonction de en
sorte que, au moins en général, des valeurs déterminées de correspondent toujours à un point déterminé de la surface
et réciproquement.
II
Soient des quantités jouant, par rapport à
une deuxième surface, le même rôle que jouent
par rapport à la première.
III
Représenter [abbilden] la première surface sur la deuxième
c’est établir une loi suivant laquelle à chaque point de la première surface doit correspondre un point déterminé de la seconde. On y arrive en posant que et sont égales à des
fonctions déterminées des deux variables et Si l’on veut
que la représentation satisfasse à certaines conditions, ces
fonctions ne peuvent plus être arbitraires. Comme alors deviennent aussi des fonctions de et de ces fonctions,
outre la condition que prescrit la nature de la deuxième surface, doivent encore satisfaire à celles qui doivent être remplies dans la représentation.
IV
Le problème proposé par la Société Royale des Sciences
exige que la représentation soit semblable à l’original dans les
parties infiniment petites. Il s’agit en premier lieu d’exprimer
analytiquement cette condition.
De la différentiation des fonctions de par lesquelles sont
exprimés on peut tirer les équations suivantes :
La condition prescrite exige premièrement que toutes les
lignes infiniment petites issues d’un point de la première surface
et situées sur cette surface soient proportionnelles aux
lignes correspondantes sur la deuxième surface, et deuxièmement
que les premières lignes en question comprennent entre
elles les mêmes angles que les secondes.
Un tel élément linéaire sur la première surface a pour
expression
et l’élément correspondant sur la deuxième
Si ces deux éléments doivent être dans un rapport déterminé,
quels que soient et les trois quantités
doivent évidemment être respectivement proportionnelles aux
trois suivantes
Si aux extrémités d’un second élément sur la première surface
correspondent les valeurs
le cosinus de l’angle que fait cet élément avec le premier est
et pour le cosinus de l’angle compris entre les éléments correspondants sur la deuxième surface on obtient une expression toute pareille, en remplaçant seulement
par Les deux expressions seront égales
entr’elles lorsque la proportionnalité en question a lieu, et la
seconde condition est par conséquent déjà comprise dans la
première, ce qu’un instant de réflexion rend évident.
L’expression analytique de la condition de notre problème
est donc la suivante
et ceci doit être une fonction finie de et que nous poserons
Alors exprime le rapport suivant lequel les grandeurs
linéaires sur la première surface sont augmentées ou
diminuées dans leur représentation sur la seconde, [selon
que est plus grand ou plus petit que ]. Ce rapport sera,
en général, différent suivant les lieux. Au cas particulier où m
est constant il y aura similitude complète même dans les parties
finies et, lorsqu’en outre l’égalité parfaite aura
lieu, et chacune des surfaces sera applicable sur l’autre.
V
Posant pour abréger
nous remarquons que l’équation différentielle admettra
deux intégrales. En effet si l’on décompose le trinôme en
deux facteurs, linéaires par rapport à et l’un ou l’autre
doit être ce qui donnera deux intégrales différentes.
L’une des intégrales correspondra à l’équation
[où l’on a écrit pour abréger au lieu de car on voit aisément
que la partie irrationnelle de l’expression doit être
imaginaire] ; l’autre intégrale correspond à une équation
toute pareille où l’on remplacera seulement par .
Par conséquent si l’intégrale de la première équation est
et désignant des fonctions réelles de t et u, l’autre intégrale
sera
d’où il résulte par la nature même de la question que
c’est-à-dire
doit être un facteur de d’où
désignant une fonction finie de et
Désignons maintenant par le trinôme que l’on obtient en
remplaçant dans
par leurs valeurs en et nous supposerons
comme précédemment que les deux intégrales de
l’équation sont les suivantes
et que
où désigneront des fonctions réelles de et
Ces intégrations peuvent évidemment s’effectuer [abstraction
faite des difficultés générales de l’intégration] avant la résolution
de notre problème principal.
Si à l’on substitue des fonctions de telles que la
condition de notre problème principal soit remplie, se transforme
en et l’on aura
.
Mais on voit facilement que le numérateur du premier
membre de cette équation ne peut être divisible par le dénominateur
que lorsque
est divisible par
et
par
ou bien lorsque
est divisible par
et
par
Dans le premier cas, par conséquent, s’évanouira
lorsque ou bien sera constant si l’on
suppose constant ; c’est à dire que sera simplement
fonction de et de même fonction de
Dans l’autre cas, sera fonction de et
fonction de Il est aisé de voir également que les réciproques
de ces conclusions sont exactes ; c’est à dire que, lorsque
l’on prend pour [soit dans l’ordre respectif,
soit dans l’ordre inverse] des fonctions de la
divisibilité exacte de par et par suite la proportionnalité,
que l’on a ci-dessus trouvée nécessaire, aura lieu.
On reconnaît d’ailleurs facilement que si l’on pose, par
exemple,
la nature de la fonction est déterminée par celle de la
fonction En effet lorsque parmi les quantités constantes
que peut renfermer cette dernière, il ne s’en trouve aucune qui
ne soit réelle, l’autre fonction devra être complètement identique à
afin qu’à des valeurs réelles de correspondent
toujours des valeurs réelles de dans le cas contraire
se distinguera seulement de par ce seul fait que dans les éléments
imaginaires de au lieu de l’on devra partout poser
le signe étant seul changé.
On a par conséquent
ou, ce qui revient au même, la fonction f étant prise tout à fait
arbitraire [y compris les éléments imaginaires constants pris
à volonté], sera pris égal à la partie réelle et à la partie
imaginaire [ dans la deuxième solution] de et
par suite en résolvant on obtiendra et en fonction de et
Le problème proposé est donc ainsi résolu d’une manière
générale et complète.
VI
Si représente une fonction quelconque déterminée
de étant des fonctions réelles de on voit
aisément que
représentent aussi des intégrales de l’équation différentielle
car elles sont tout à fait équivalentes aux équations
De même les intégrales de l’équation différentielle
seront tout à fait équivalentes aux équations
si représente une fonction quelconque déterminée de
[où sont des fonctions réelles de ]. De là
résulte bien clairement que dans la solution générale de notre
problème, donnée dans l’Article précédent, peuvent
remplacer et remplacer Bien que la résolution
du problème ne gagne rien ainsi en généralité, néanmoins
il sera parfois plus commode dans les applications d’employer
tantôt l’une tantôt l’autre de ces formes.
VII
Si nous désignons respectivement par et les fonctions
provenant de la différentiation des fonctions arbitraires
de telle sorte que
on aura comme conséquence de notre solution générale
et par conséquent
Le rapport d’agrandissement sera par suite ainsi déterminé
par la formule
VIII
Nous allons maintenant éclaircir notre solution générale à
l’aide de quelques exemples, aussi bien en vue de mettre en
pleine lumière le mode d’application que de faire encore ressortir
la nature de quelques faits qui se présentent.
Prenons en premier lieu pour surfaces deux plans ; nous
pouvons alors poser
L’équation différentielle
donne ici les deux intégrales
et de même les deux intégrales de l’équation
sont les suivantes :
Les deux solutions générales du problème sont par conséquent
(I)
|
|
|
(II)
|
|
|
Ce résultat peut aussi s’exprimer comme il suit : La lettre
désignant une fonction quelconque, l’on devra prendre pour
la partie réelle de et soit pour soit pour la
partie imaginaire [après suppression du facteur ].
Si l’on emploie les lettres dans le sens expliqué à l’Article VII,
et si l’on pose
où et sont évidemment des fonctions réelles de et on
aura pour la première solution
et par suite
Si l’on fait maintenant
en sorte que représente un élément linéaire sur le premier
plan, son inclinaison sur l’axe des abscisses, l’élément linéaire
correspondant sur le second plan et son inclinaison
sur l’axe des abscisses, les équations précédentes donnent
et, par suite, si l’on regarde comme positif, ce qui est permis,
on aura
On voit, par conséquent [conformément à l’Article VII], que
σ représente le rapport d’agrandissement de l’élément ds sur
la représentation et qu’il est, comme cela doit être, indépendant
de de même le fait que l’angle est indépendant
de montre que tous les éléments linéaires issus d’un point
sur le premier plan seront représentés par des éléments sur le
second plan, formant entre eux les mêmes angles que les premiers
et, nous pouvons ajouter, dans le même sens.
Si l’on choisit pour une fonction linéaire, en sorte que
où les coefficients constants sont de la forme
on aura
et, par conséquent,
Le rapport d’agrandissement est donc constant en tous les
points, et la représentation est partout semblable à l’original.
Pour toute autre fonction [comme c’est facile à démontrer]
le rapport d’agrandissement ne sera pas constant, et, par
conséquent, la similitude ne peut avoir lieu que dans les parties infiniment petites.
Si les points qui doivent correspondre à un nombre déterminé
de points donnés dans le premier plan sont assignés sur
la représentation, on peut aisément, à l’aide de la méthode
ordinaire d’interpolation, trouver la fonction algébrique la plus
simple qui remplisse cette condition. En effet, si l’on désigne
les valeurs de te pour les points donnés par et
ainsi de suite, et les valeurs correspondantes de par
et ainsi de suite, on devra poser
ce qui est une fonction algébrique de dont l’ordre est inférieur
d’une unité au nombre des points assignés. Dans le cas
de deux points, où la fonction est linéaire, l’on a par suite similitude
complète.
On peut appliquer utilement cette méthode dans la géodésie
pour améliorer une carte faite sur des mesures médiocrement
exactes, bonne dans les petits détails mais qui en grand
est légèrement déformée, lorsque l’on connaît la position
exacte d’un certain nombre de points. Il va sans dire néanmoins
que l’on ne peut guère sortir des régions qui entourent
ces points.
Si l’on traite la deuxième solution de la même façon, on
trouve que la seule et unique différence consiste en ce que la
similitude est inverse ; tous les éléments sur la représentation
font entre eux des angles égaux en grandeur à ceux de l’original,
mais en sens inverse, en sorte que ce qui se trouvait à
droite est situé à gauche. Cette distinction ne présente rien
d’essentiel, et elle disparaît si sur l’un des plans le côté gardé auparavant comme supérieur est maintenant pris comme
côté inférieur. On pourra d’ailleurs toujours faire l’application
de cette remarque, lorsque l’une des deux surfaces est un
plan ; aussi dans les exemples de cette nature qui suivent nous
pouvons nous en tenir simplement à la première solution.
IX
Considérons maintenant [comme second exemple] la représentation
de la surface d’un cône droit sur le plan. Comme
équation de la première surface prenons
où nous poserons ensuite
et, comme auparavant,
L’équation différentielle
donne ici les deux intégrales
Nous avons donc la solution
c’est à dire que, fdésignant une fonction arbitraire, l’on prendra
pour la partie réelle de
et pour la partie imaginaire, après suppression du facteur
Si l’on prend par exemple pour une fonction exponentielle,
à savoir
où est une constante, et où désigne la base des logarithmes
hyperboliques, on a ainsi la représentation la plus simple
L’application des formules de l’Article VII donne ici
et, puisque on a
et par suite le rapport d’agrandissement sera
et par conséquent constant.
Si l’on fait encore
la représentation sera donc en ce cas un développement complet
[du cône sur le plan — sous entendu par Gauss.].
X
En troisième lieu, soit à représenter sur le plan la surface de
la sphère de rayon Nous posons ici
d’où nous tirons
L’équation diilérentielle donne par suite,
et l’intégration de celle-ci
Donc, si nous désignons encore par la lettre une fonction
arbitraire, l’on devra prendre pour la partie réelle et pour
la partie imaginaire de
Nous nous proposons de traiter quelques cas particuliers de
cette solution générale.
Si l’on choisit pour une fonction linéaire, en posant
on aura
Appliquée au globe terrestre, si l’on désigne par la longitude
géographique et par la latitude, cette représentation
n’est évidemment pas autre chose que la projection de
Mercator. Pour le rapport d’agrandissement, les formules de
l’Article VII donnent ici
Si l’on prend pour une fonction exponentielle imaginaire,
et en premier lieu la plus simple on aura
et
c’est, comme on le reconnaît aisément, la projection stéréographique.
Si l’on pose d’une manière plus générale on
aura :
Pour le rapport d’agrandissement, nous obtenons ici
d’où
On voit qu’ici la représentation de tous les points pour lesquels
est constant se fait le long d’une circonférence, et la
représentation de tous les points pour lesquels est constant
le long d’une ligne droite, et, de plus, que les circonférences
correspondant à toutes les différentes valeurs de sont concentriques.
Ceci fournit pour les cartes une projection très
utile lorsqu’il ne s’agit que de représenter une partie de la
surface de la sphère, et ce qu’il y a alors de mieux à faire c’est
de choisir tel que le rapport d’agrandissement soit le même
pour les valeurs extrêmes de de telle sorte qu’il prend ainsi
sa plus petite valeur vers le milieu [de la carte — sous-entendu par Gauss], Ces valeurs extrêmes de sont-elles et on
devra par suite poser
Les feuilles des cartes célestes nos 19 à 26 de M. le Prof.
Harding sont construites suivant cette projection.
XI
La solution générale de l’exemple traité dans l’article précédent
peut encore être présentée sous une autre forme que nous
pensons devoir ajouter ici à cause de son élégance.
Par suite des considérations exposées dans l’Article VI,
puisque
est une fonction de
et que
la solution générale pourra aussi être représentée par
c’est à dire que devra être posé égal à la partie réelle, et
à la partie imaginaire de désignant une fonction
arbitraire. Au lieu de on reconnaît aisément que
l’on peut encore prendre une fonction arbitraire de ou
bien de
XII
Quatrièmement, considérons la représentation de la surface
de l’ellipsoïde de révolution sur le plan. Soient et les deux
demi-axes principaux de l’ellipsoïde en sorte que l’on peut
poser
On aura par conséquent ici
et la formule différentielle ω = o, si l’on pose pour abréger
[avec le demi-axe de révolution ], donne
Si l’on pose ici
où, en faisant l’application au sphéroïde terrestre,
représentera la latitude géographique et la longitude, cette
équation se transforme en
dont l’intégration donne
On doit donc, désignant une fonction arbitraire, prendre
pour la partie réelle et pour la partie imaginaire de
Si l’on choisit pour une fonction linéaire, c’est à dire
on aura
ce qui fournit une projection analogue à celle de Mercator.
Si l’on prend au contraire pour une fonction exponentielle
imaginaire on aura
ce qui, pour fournit une projection analogue à la projection
polaire [polarprojection]) stéréographique, qui en
général est très avantageuse pour la représentation d’une partie de
la surface de la terre au cas où on veut tenir compte de l’aplatissement.
Pour ce qu’il reste à dire de l’autre cas où il serait facile, il est vrai, de le déduire de ce qui précède où, en
conservant les mêmes notations, epsilon est imaginaire, mais où
sera encore réel.
Mais, pour être complet, indiquons encore en particulier les
formules relatives à ce cas, et posons tout d’abord
On doit alors déterminer à l’aide de l’équation
et l’équation différentielle
donnera l’intégrale
en sorte que l’on devra prendre pour la partie réelle et pour
la partie imaginaire de
On en déduit immédiatement les analogues des deux applications
particulières considérées plus haut. Pour la première
on devra poser ici
et pour la seconde
XIII
Comme dernier exemple nous allons traiter la représentation
générale de la surface de l’ellipsoïde de révolution sur celle de
la sphère.
Nous conserverons pour l’ellipsoïde les notations de l’article
précédent, et désignant le demi-diamètre de la sphère nous
poserons
Si l’on fait ici l’application de la solution générale de l’Article V,
on trouve que, désignant une fonction arbitraire, on
doit poser égal à la partie réelle et
à la
partie imaginaire de
[1]
La solution la plus simple s’obtient en posant d’où
Ceci nous donne une transformation d’une utilité extrême
en géodésie supérieure, et relativement à laquelle nous ne pouvons
indiquer ici que quelques détails en passant. Notamment
si nous regardons sur la surface de l’ellipsoïde et sur celle de
la sphère comme correspondants les points qui ont même longitude
et dont les latitudes respectives,
sont liées par l’équation ci-dessus, alors, à un système de
triangles relativement petits [et ce seront toujours ceux-là qui
pourront servir aux mesures effectives] formés sur la surface
du sphéroïde par des lignes géodésiques, correspond sur la
surface de la sphère un système de triangles dont les angles
sont exactement égaux aux angles correspondants sur le sphéroïde
et dont les côtés diffèrent si peu d’arcs de grands cercles
que, dans la plupart des cas’où la précision la plus rigoureuse
n’est pas exigée, l’on pourra les regarder comme tels ; du reste,
lorsque la plus grande exactitude est nécessaire, l’écart avec
l’arc de grand cercle peut être facilement évalué avec toute la
précision nécessaire, à l’aide de formules simples.
On peut calculer tout le système au moyen des angles,
comme s’il était sur la sphère même [après avoir reporté convenablement
sur la sphère un côté d’un des triangles, en faisant
au besoin les modifications indiquées], puis déterminer
les valeurs de et de pour tous les points du système, et
de ces dernières valeurs on pourra revenir aux valeurs correspondantes
de [le moyen le plus simple sera d’employer à
cet effet une table auxiliaire des plus faciles à construire].
Comme un réseau de triangles ne s’étend jamais qu’à une
partie très restreinte de la surfaee terrestre, l’on atteindra le but en question d’une manière encore plus complète, si l’on
généralise encore un peu la solution générale en prenant non
mais On n’y aurait évidemment
absolument rien gagné, si l’on attribuait à cette constante une
valeur réelle, puisqu’alors et différeraient simplement de
cette constante, et que par conséquent les origines des longitudes,
seraient seules changées. Mais il en est tout autrement
lorsque l’on attribue à la constante une valeur imaginaire. Si
on la fait on aura
Pour pouvoir ici reconnaître la valeur de la plus convenable,
nous devons avant tout déterminer le rapport d’agrandissement.
On aura dans ce cas, avec les notations des Articles V et VI,
Par conséquent
rapport qui par suite ne dépend que de la latitude. On obtient
le plus petit écart possible avec la similitude complète si l’on
détermine tel que prenne des valeurs égales pour les latitudes
extrêmes, ce qui évidemment pour la latitude moyenne
fera prendre à une valeur très rapprochée de son maximum
ou de son minimum. Si l’on désigne par et les valeurs
extrêmes de on obtient de cette manière
Pour reconnaître quelle est la latitude où prend sa plus
grande ou sa plus petite valeur nous avons
d’où
D’après ceci il est clair que prend sa plus grande ou sa
plus petite valeur quand si l’on désigne la valeur de
en ce lieu par on aura
d’où l’on peut tirer lorsque a été calculé à l’aide de la
formule précédente. Toutefois dans la pratique il importe peu
qu’on ait une égalité parfaitement rigoureuse des valeurs de m
aux latitudes extrêmes, et on peut se contenter de prendre
approximativement pour la latitude moyenne, et de
là tirer La relation générale entre et est alors donnée
par la formule
Pour les calculs numériques effectifs il est toutefois plus
avantageux d’employer des séries, auxquelles on peut donner
plusieurs formes, sur le développement desquelles nous ne
nous arrêterons pas ici.
D’ailleurs, comme l’on voit aisément que, pour on voit que, par conséquent, et par
suite aussi est négatif ; pour on a et par suite
est alors positif ; il est donc clair que pour
la valeur de sera toujours un minimum qui, du reste,
Par conséquent si l’on choisit pour le tayon de la sphère
la représentation des parties infiniment petites de l’ellipsoïde
pour la latitude est non seulement semblable à
l’original mais encore lui est égale ; mais pour d’autres latitudes
elle est plus grande.
On peut avantageusement développer le logarithme de
en une série procédant suivant les puissances de
et dont les premiers termes, qui suffisent dans la pratique,
sont les suivants
Par conséquent, si nous faisons ainsi la carte de la monarchie
danoise, par exemple, sur la surface de la sphère entre
les limites définies par les latitudes et et si nous posons
alors, avec l’aplatissement la représentation
aux limites, évaluée linéairement, ne sera agrandie que
de
Nous devons nous contenter ici d’avoir donné seulement
une indication abrégée d’une méthode de représentation des
figures de la géodésie supérieure en réservant pour une autre
occasion un exposé convenablement détaillé.
XIV
Il nous reste encore à considérer ici d’une manière un peu
plus détaillée une circonstance qui se présente dans notre solution
générale. Nous avons démontré à l’Article V qu’il
existe toujours deux solutions ; ou bien l’on doit avoir
égal à une fonction de et égal à une fonction
de ou bien l’on doit avoir égal à une fonction
de et de Nous voulons maintenant
prouver en outre que dans une des solutions les parties de la
représentation ont une position semblable à celle de l’original,
et qu’au contraire dans l’autre solution elles sont placées inversement.
Nous voulons aussi indiquer un critérium d’après
lequel cela peut être reconnu à priori.
Mais auparavant remarquons qu’il ne peut être question de
similitude directe ou inverse que si l’on distingue deux côtés
pour chacune des deux surfaces, dont l’un sera regardé comme
le supérieur et l’autre comme l’inférieur. Comme cette distinction
présente en soi quelque chose d’arbitraire, les deux solutions,
à vrai dire, ne sont pas essentiellement distinctes,
et la similitude inverse devient similitude directe, du moment
que pour l’une des surfaces on regarde comme inférieur
le côté que l’on envisageait auparavant comme supérieur.
Par suite cette distinction ne pourrait se présenter dans notre
solution, puisque les surfaces sont simplement déterminées par
les coordonnées de leurs points. Si l’on veut donc introduire
cette distinction, on doit auparavant déterminer la nature de la
surface par une autre méthode qui entraîne avec elle cette
distinction. À cet effet nous supposerons que la nature de la
première surface est déterminée par l’équation où est
une fonction uniforme donnée de En tous les points
de la surface par conséquent la valeur de s’évanouira, et
en tous les points de l’espace qui n’appartiennent pas à la
surface elle ne s’évanouira pas. Par suite lorsque l’on traversera
la surface, la valeur de en général du moins, passera
du positif au négatif, et lors du passage inverse du négatif
au positif ; c’est à dire que d’un côté de la surface la
valeur de sera positive, et de l’autre négative ; nous regarderons
le premier côté comme le côté supérieur, et l’autre
comme l’inférieur. Nous ferons les mêmes conventions pour la
deuxième surface, sanature étant déterminée par l’équation
où désigne une fonction uniforme donnée des coordonnées
La différentiation donne ensuite
où
sont des fonctions de
et
de
Comme les considérations que nous devons employer dans
le but envisagé, quoiqu’en soi peu difficiles, sont néanmoins
d’une nature assez inusitée, nous allons nous, efforcer de leur
donner la plus grande clarté. Entre les deux représentations
qui se correspondent sur les surfaces et nous
considérons six représentations intermédiaires sur le plan, de
telle sorte que l’on aura à considérer huit représentations, savoir :
|
où on regarde comme correspondants les points dont les coordonnées respectives sont
|
1. |
L’original sur la surface dont l’équation est |
|
|
|
2. |
La représentation sur le plan · · · · · · · · · · · · · · · · · · |
|
|
|
3. |
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · |
|
|
|
4. |
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · |
|
|
|
5. |
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · |
|
|
|
6. |
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · |
|
|
|
7. |
· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · |
|
|
|
8. |
La copie sur la surface dont l’équation est |
|
|
|
Nous allons maintenant comparer ces diverses représentations
exclusivement au point de vue de la position mutuelle
des éléments linéaires infiniment petits, en laissant tout à fait
de côté le rapport d’agrandissement ; par conséquent on regardera
deux représentations comme semblablement placées,
lorsque de deux éléments linéaires issus d’un point, à celui de
droite sur l’une des représentations correspond également celui
de droite sur l’autre ; au cas contraire elles seront dites
placées inversement. Pour les plans 2 à 7, le côté où se
trouve la valeur positive de la troisième coordonnée, sera toujours
regardé comme supérieur ; pour la première et la dernière
surface au contraire, la distinction entre les côtés
supérieurs et inférieurs dépend des valeurs positives ou négatives
de et ainsi qu’il a été convenu plus haut.
Et d’abord il est clair qu’en chaque point de la première
surface où, pour et invariables, on passe sur le côté supérieur
par un accroissement positif de la représentation sur
2 sera semblablement placée à celle sur 1. C’est ce qui arrivera
par conséquent évidemment partout où est positif, et
pour négatif le contraire se présentera, et les représentations
seront alors situées inversement.
De même les représentations sur 7 et 8 seront semblablement
ou inversement situées selon que est positif ou négatif.
Pour comparer entr’elles les représentations 2 et 3, sur la
première soit ds la longueur d’une ligne infiniment petite menée
du point dont les coordonnées sont à un autre point
dont les coordonnées sont et soit l’angle
que fait cette ligne avec l’axe des abscisses compté dans le sens
suivant lequel on passe de l’axe des à l’axe des en sorte
que Sur la représentation 3, soit
la longueur de la ligne qui correspond à dsy et soit l’angle
qu’elle fait avec l’axe des abscisses, compté comme précédemment,
en sorte que
On a par conséquent, avec les notations de l’Article IV,
et par suite
Si l’on regarde maintenant et comme constants et
comme variables, on a par différentiation
On reconnaît, par conséquent, que selon que est
positif ou négatif, et croissent toujours dans le même sens
ou varient en sens inverse, et que, par conséquent, les représentations
2 et 3 sont semblablement disposées dans le premier cas, inversement dans le second.
En réunissant ce résultat à celui trouvé auparavant, on reconnaît
que les représentations 1 et 3 sont semblablement ou
inversement disposées selon que est positif ou négatif.
Puisque sur la surface dont l’équation est on a
on aura aussi par conséquent
quel que soit d’ailleurs le rapport de et et on aura évidemment
identiquement
d’où il résulte que sont respectivement proportionnels
aux quantités et que par conséquent
On peut donc prendre comme critérium de la disposition
semblable ou inverse des parties sur les représentations 1 et 3
l’une quelconque au choix des trois dernières expressions, ou
bien, en les multipliant par la quantité essentiellement positive
l’expression symétrique ainsi obtenue
De même la disposition semblable ou inverse des parties
sur les représentations 6 et 8 dépendra de la valeur positive
ou négative des quantités
ou, si l’on préfère, de l’expression symétrique
La comparaison des représentations 3 et 4 repose sur des
principes tout à fait pareils à celle de 2 et 3, et la disposition
semblable bu inverse des parties dépend du signe positif ou
négatif de la quantité
de même le signe positif ou négatif de
déterminera la disposition semblable ou inverse des parties
sur les représentations 5 et 6.
Finalement, pour ce qui concerne la comparaison des
sentations 4 et 5, nous pouvons nous en tenir à l’analyse de
l’Article V, qui montre bien clairement qu’elles ont dans les
parties infiniment petites une disposition semblable ou inverse,
selon que l’on choisit la première ou la seconde solution, c’est
à dire selon que l’on a posé
ou
De tout cela nous concluons maintenant que lorsque la représentation
sur la surface dont l’équation est doit être
non seulement semblable en les parties infiniment petites à
l’original dont l’équation est mais encore semblablement
disposée, l’on doit avoir égard au nombre des quantités
négatives qui se présentent parmi les quatre suivantes
Si ce dernier nombre est nul ou pair, on devra choisir la
première solution ; si parmi ces quantités une ou trois sont négatives
on devra choisir la seconde solution. Pour un choix
opposé l’on trouvera toujours la similitude inverse.
D’ailleurs on peut encore démontrer, si l’on désigne respectivement
les quatre quantités précédentes par
que l’on a toujours
et ayant même signification qu’à l’Article V. Nous passerons
sous silence la démonstration facile à trouver de ce
théorème ; ce théorème en effet n’est pas nécessaire au but
envisagé.
NOTES
Art. X (fin). — Après la dernière équation qui détermine ,
Gauss a écrit en marge de son propre exemplaire du mémoire :
« ou lorsque la valeur minima du rapport d’agrandissement doit avoir lieu pour ».
La projection conique dont il est ici question est déjà mentionnée dans le mémoire de Lambert.
Harding, (1765-1834), était Professeur d’Astronomie à Göttingue. Ses cartes célestes parurent sous le titre « Atlas novus cœlestis, XCVI tab. cont. » Göttingen, 1808-1813.
Art. XII. — Remarquons relativement au résultat de cet
article, que la représentation conforme de surfaces quelconques du second ordre sur le plan a été donnée pour la première fois par Jacobi. (Crelle. Tomes 19 et 59. et Œuvres.
Tome II, p. 57 et p. 399).
La représentation de la surface de l’ellipsoïde de révolution
sur celle de la sphère a été poursuivie plus loin par Gauss
dans ses « Recherches sur la géodésie supérieure » (1844-47).
Œuvres. Tome IV, p. 269 et suiv. Les applications dont parle
ici Gauss s’y trouvent exposées. C’est encore à ce propos qu’il
introduit l’expression « représentation conforme ».
Art. XIII. — Dans ses recherches sur la géodésie Gauss prend
pour la forme
Art. XIII (fin). — Relativement à la série pour remarquons ceci :
La formule
donne la formule précédente pour donne ensuite
On tire de ces deux formules
En différentiant successivement, on obtient
Si l’on fait après avoir effectué les différentiations,
on a aussi d’où
La valeur prise par Gauss pour l’aplatissement, à savoir
est un peu trop petite d’après les nouvelles mesures. Avec
la valeur de Gauss on a
Art. XIV. — Par fonction uniforme Gauss entend ce que
l’on nomme aujourd’hui le plus souvent fonction univoque.
Dans la comparaison des représentations 3 et 4, on reconnaît
que la disposition semblable ou inverse dépend respectivement
du signe positif ou négatif de la quantité au
moyen de la considération suivante.
Dans la comparaison des représentations 2 et 3, la disposition
dépend du signe de l’expression Si l’on passe
maintenant à la comparaison entre 3 et 4, à la place de
il n’y a qu’à mettre tout simplement Par conséquent au
lieu de c’est à dire (voir article IV) au lieu de
on doit prendre
XIV. (Démonstration des deux dernières formules de cet article,
données par Gauss sans démonstration),
En premier lieu, d’après l’article V, on a
Comme cette équation a lieu pour quelconques, on a
On a par conséquent
(I)
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En second lieu, des formules (article XIV),
résultent les suivantes
D’où, en vertu de (I) on tire,
c’est à dire
c. q. f. d.