[p.3 :] les Clercs pratiquent toutes les vertus Chrestiennes & Ecclesiastiques, ou ils acquierent le fond de pieté, de devotion & de spiritualite, qui leur est si necessaire duns la suite, & d’ou ils sortent ordinairement si pleins de graces, qu’il n’est personne qui n’en ressente les effets. On ne srauroit donc douter que les Seminaires ne soient un de ces etablissemens qui font le plus de fruit dans l’Eglise. Les Conciles qui se sont tenus le siecle passe en ont este si convaincus, qu’ils ont cru presque tous qu’on ne pouvoit ny extirper les heresies, ny rendre à l’Eglise sa premiere beaute & son premier lustre, que par l’etablissement des Seminaires. C’est ce qui à este cause que des personnes zelées pour la discipline Ecclesiastique ont cu une tres-grande joye, quand ils ont veu en moins de vingt ans jusques à quatre Seminaires d’Ecclesiastiques etablis dans Lyon.

Remonstrances

a Messieurs du Clerge,

Et aux personnes zelées pour la gloire de Dieu,

& la discipline Ecclesiastique.

Tovchant

L’Etablissement d’une espece de petit Seminaire, pour la sainte éducation des jeunes garçons pauvres, destinez pour les emplois les plus importans & abandonnez du Dioceze, tels que sont ceux de Vicaires, Maîtres d’Ecôle, Catechistes, &c.


Démia - Reglemens pour les ecoles De la Ville & Diocese de Lyon. - Suivi des Remonstrances à MM. du clergé - Avis important touchant l'établissement d'une espèce de séminaire (page 113 Devise et Monogramme Charles Démia)
Démia - Reglemens pour les ecoles De la Ville & Diocese de Lyon. - Suivi des Remonstrances à MM. du clergé - Avis important touchant l'établissement d'une espèce de séminaire (page 113 Devise et Monogramme Charles Démia)

REMONTRANCES
A MESSIEURS
DU CLERGÉ,

Et aux personnes zelées pour la discipline
Ecclesiastique, & la gloire de Dieu.


UN des plus excellens moyens dont s’est voulu servir la divine Providence, pour remedier aux maux qui affligeoient l’Eglise, est sans doute le grand nombre d’établissemens de pieté qui se sont faits de nos jours dans le Diocese de Lyon. On ne sçauroit jetter les yeux sur les divers motifs de leur institution, sur les saints emplois ausquels ils s’occupent, & sur les grands biens qu’ils procurent à tout le monde, sans admirer le zele & la charité de Monseigneur l’Archevêque, qui en est comme l’ame, & sans benir Dieu de luy avoir inspire de si pieux desseins, & d’en avoir facilité si heureusement l’execution.

On s’étonne de voir la charité avec laquelle quelques-uns de ces établissemens presentent des retraittes asseurées aux personnes qui veulent se separer du monde ; on ne peut assez loüer le zele que font parêtre les autres, en tâchant de ramener les Heretiques, & de les détromper de leurs erreurs, ou de confirmer les Catholiques qui chancelent dans leur Foy ; On est surpris de voir ces nouvelles Compagnies établies pour l’accommodement des procez, pour la poursuite de ceux des pauvres, & pour leur prêter sur des gages, afin qu’en les redimant de la vexation on les puisse plus facilement instruire & gagner leurs ames à Dieu. L’on admire avec justice tant de Maisons de pieté, dont les unes servent d’azile à la pauvreté qui manque des choses les plus necessaires a la vie ; les autres à la maladie, qui ôte aux pauvres le moyen de travailler & de gagner leur vie ; Quelques-unes sont un lieu de refuge à la chasteté, qui veut se tirer des occasions où elle se trouve en danger, & quelques autres fournissent à la penitence des exercices laborieux pour expier les fautes passées & reparer l’innocence que l’on a perduë.

Mais sur tout l’on regarde avec étonnement l’Etablissement des Écoles des Pauvres, les soins que l’on commence à faire prendre aux Maîtres & Maîtresses de ces Ecoles, même des riches, pour procurer une bonne instruction à la jeunesse, non seulement de Lyon, mais encor de la campagne. Enfin, il n’est point d’expedient dont la Charité ne se soit avisée en nos jours, & qu’elle n’aye mis en usage, pour entreprendre toute sorte de biens.

Utilité des Seminaires en general.Mais entre tous ces etablissements de pieté, qui font comme l’honneur de Lyon, la couronne de nôtre illustre Prelat, & la gloire de ce siecle ; il est certain qu’il n’en est aucun, ny plus glorieux à Dieu, ny plus avantageux à tout le monde, que les Seminaires.

On est pleinement convaincu, que depuis qu’ils ont esté erigez dans les Dioceses, on a veu avec surprise la face de l’Eglise entierement changée ; On admire tous les jours cette reforme generale qui s’est introduite dans le Clergé, cette pureté de vie & de mœurs qui éclate dans la plus-part des Ministres de l’Eglise, ce culte religieux qui edifie si fort dans le service des Autels, les reglemens de pieté établis presque dans toutes les Paroisses, & un renouvellement quasi universel dans toutes les conditions ; On admire, dis-je, ces changemens si merveilleux, & tout le monde reconnoît de bonne foy, que les Seminaires en sont l’unique cause.

En effet, si les peuples se trouvent à present instruits des choses necessaires à salut, s’ils sçavent les points principaux de nôtre Foy, s’ils n’ignorent point les devoirs essentiels du Christianisme, ce n’est que parce que les Curez & les Pasteurs ont puisé dans les Retraittes des Seminaires les lumieres & la doctrine dont ils doivent éclairer les Fidelles, & qu’ils y ont esté convaincus de l’obligation qu’ils avoient de les instruire ; si les mœurs paroissent moins corrompus, si les abus & les mauvaises coûtumes s’abolissent peu a peu, si le scandale est contraint de se cacher, si le libertinage n’ose plus se montrer en public, il faut avoüer qu’on est redevable aux Seminaires de tous ces biens ; puisque comme ce sont eux qui inspirent aux Ecclesiastiques ce zele ardent dont ils doivent brûler pour les interests de Dieu & de l’Eglise, on doit leur attribuër tous les bons effets que produit ce zele.

Mais quand on ne feroit que considerer les grands Avantages que les Ecclesiastiques retirent du Seminaire, cette veuë seule suffiroit pour faire comprendre qu’il ne s’est peut-estre jamais fait dans l’Eglise de Dieu d'institution ny plus sainte, ny plus utile, & à laquelle tout le monde doive s’interesser davantage.

Car n’est-ce pas dans ces Maisons où l’esprit Ecclesiastique se communique avec abondance, comme dans un nouveau Cenacle, à tous ceux qui y habitent ? N’est-ce pas dans les Seminaires où les Ecclesiastiques apprennent à connêtre

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Ils ont regardé ces Maisons comme les quatre fleuves du Paradis terrestre, qui, en repandant leurs eaux dans les pays differents, portoient l’abondance & la fecondité partout:L’Oratoire, S. Irenée, S. Joseph & la Mission. Ils remercioient sans cesse la bonté divine d’une faveur si singuliere ; & ils tachoient, autant qu’il leur estoit possible de porter les Ecclesiastiques à profiter d’un bien que la Providence à refusé à ceux qui nous ont precede, & qu’elle à bien voulu nous donner presentement.

Ils ont eu, il est vray, la consolation de voir les Seminaires remplis de monde; ils ont esté temoins des changemens merveilleux qui s’y sont faits : ils ont admiré eux-mêmes les benedictions particulieres que Dieu versoit sur ces etablissemens.

Mais au milieu de toute leur joye ils n’ont pu s’empecher de ressentir quelque douleur : car lorsque ces personnes (qui n’ont en veue que la gloire & les avantages du Clergé) ont consideré qu’il y avoit un tres-grand nombre d’Ecclesiastiques dans le Diocese, qui n’ayans pas assez de commoditez pour fournir aux pensions des Seminaires, se voyoient par la dans l’impuissance d’y entrer, & d’y demeurer le temps qui estoit necessaire pour la formation d’un bon Ecclesiastique : & lorsqu’ils ont appris que c’etoit la?le?le principal obstacle qui empechoit sa Grandeur d’obliger les pretendans à la Pretrise à passer une année au Seminaire avant la reception d’un si saint Ordre (qui est l’un des plus grands biens que l’on peut souhaiter, & procurer pour la reformation & perfection du Clergé) : ils n’ont pu, dis-je, s’empecher de plaindre le malheur des pauvres : Ils sçavoient que parmy eux il y en avoit beaucoup dont la vocation à la Clericature estoit tres-assurée, dont les talens estoient merveilleux, & de qui l’Eglise pouvoit esperer de tres-grands services, mais qui faute de bien estoient frustrez des secours & avantages des Seminaires.

[p. 4] Le desir qu’ils avoient d’ayder à ces pauvres Ecclesiastiques, leur faisoit rechercher de tous cotez les moyens de remedier à leur mauvaise fortune, c’etoit cependant toujours inutilement ; car les Seminaires n’estant pas rentez & ceux-cy ne pouvans avoit des pensions de 300 livres on ne voyoit point de lieu à pouvoir réüssir.

Commencement de la petite Communauté de S. Charles

Mais la providence de Dieu y à sceu remedier : comme elle à des ressorts entre ses mains que tout l’esprit des hommes ne sçauroit quelquefois decouvrir elle à fait etablir dans Lyon depuis peu’de temps une Communauté d’Ecclesiastiques, qu’on nomme de S. Charles. Cette Maison recoit les personnes qui pretendent s’engager à la Clericature & quoy qu’elles soient pauvres, on tache de leur procurer le moyen d’y subsister à si peu de frais, qu’il n’y en a presque point qui n’y puisse demeurer : Ils y ont la plus-part des avantages des Seminaires ; ils y recoivent à peu pres les mêmes instructions, ils y font les mêmes exercices, ils y observent les mêmes reglemens ; de sorte que le bien qu’on n’osoit pas seulement esperer, s’est trouve fait, sans que celuy qui contribuoit à cet etablissement y fit presque reflexion. C’est ce qui paroitra clairement par la deduction que l’on va faire des commencemens de cette Communauté.

UNE PERSONNE qui Bert depuis long-temps le Diocese, & à qui Dieu à donne quelque zele pour sa gloire & pour le salut des ames, s’estant applique à l’etablissement des petites Ecoles pour l’instruction des Enfans de l’un & de l’autre sexe, particulierement des pauvres, voyant que Dieu versoit tant de benedictions sur ce dessein, que dans tres-peu de temps l’on comptoit deja dans Lyon plusieurs Ecoles de garcons, sans parler de celles des filles, xqui sont en bon nombre, on pres de Sept à huit tens Pauvres apprennent, en divers endroits de la Ville, la doctrine Chrestienne, à lire, à ecrire, & à servir Dieu. Cette personne, dis-je, crut que le bon succez de cette entreprise dependoit presque uniquement de la bonté des Maitres ausquels on devoit confier le soin de ces Ecoles : elle avoit choisi pour cette fonction des Ecclesiastiques, parce qu’ils sont ordinairement plus propres à l’education de la jeunesse, 9que des Laiques ; & elle jugea qu’il seroit tres-avantageux de les faire vivre ensemble & dans une espece de Communauté, soit pour les instruire plus facilement dans l’exercice de leurs fonctions, soit pour les rendre plus uniformes dans leur conduite, soit enfin pour les her plus etroitement par un même esprit de charité, qui ne s’entretient jamais mieux que dans une Communauté reglée. Pour cet effet on proposa de les assembler dans le lieu on estoient les Ecoles du quartier de S. Nizier, lequel estant vuide hors du temps de la Classe, se trouvoit assez commode pour ce dessein. On fit connetre à ceux qui estoient pour Tors dans cet employ la satisfaction & les avantages qu’ils auroient de vivre en commun, & de pratiquer à peu pres les exercices qui se font aux Seminaires. On leur dressa quelques petits reglemens, on leur prescrivit un ordre pour les principales actions de la journée, & ils commencerent ensuite à observer les reglemens, mais avec tant de ferveur & de fidelite, que Dieu benissant ces petits premices de pieté, inspira d’abord à quelques autres jeunes Clercs qui etudioient

[p. 5] au College, le dessein de se joindre à ces Maitres d’Ecoles ; ils y furent attirez par le desir de pratiquer avec eux les mêmes exercices, & par le peu de depense qu’on faisoit dans cette Maison.

Ils s’adressérent donc à celuy qui en avoit la direction, pour y estre admis ; on les y receut ; & on appella pour lors cette Maison l’Auberge Clericale ; mais depuis le nombre de ceux qui se presentoient pour y demeurer s’augmentant toujours, & même quelques Ecclesiastiques de la Ville faisant instance pour y entrer, on crut que Dieu sans doute avoit quelque dessein sur cette Assemblée, que l’on ne connoissoit pas ; on fit pour cela quelques Prieres, on en confera avec des personnes eclairées & zelées pour la discipline de l’Eglise : & comme on eut fait connêtre à Monseigneur l’Archeveque le projet & le petit essay qu’on avoit fait, sa Grandeur ne l’ayant pas desapprouve, on resta plus convaincu que c’estoit la volonté de Dieu qu’on y recent les Pauvres, que le bon ordre & l’edification de la Maison y attiroient.

Ce fut en cette occasion que l’on commenca à mettre cette Maison sur le pied d’une veritable Communauté : on y etablit tous les exercices reguliers des Seminaires, on se conforma à eux pour le lever du matin, pour la Meditation, l’Oraison en commun, pour les heures d’étude & de classe du matin & de l’apresdinée, pour le chant, pour les ceremonies, pour Ia lecture spirituelle, pour l’examen particulier, pour les repetitions d’Oraison, pour les conferences spirituelles des Samedis, pour la recitation du Breviaire aux differentes heures du jour, pour les repas & la maniere de les prendre, pour les recreations, pour les heures du silence, pour les Offices solemnels, comme grandes Messes & Vespres, pour les Prieres & Examen du soir, enfin pour toutes les autres petites pratiques qui s’y observent.10

On a tâché, dis-je, de se conformer aux Seminaires, on a cru même qu’on devoit y ajouter quelques autres petits reglemens necessaires par raport aux fins que l’on se proposoit dans l’etablissement de cette Communauté ; comme quelque petit travail manuel, peindre, blanchir la vaisselle d’argent, sravoir coudre & couper quelques ornemens d’Eglise, faire d’autres petits ajustemens, plier le linge, le tenir proprement, parer & orner les Autels, ballayer les Eglises, & s’appliquer à mule petites besognes, ce qui est d’une tres-grande utilité aux Ecclesiastiques, quand ils se trouvent engagez dans le service des Paroisses de la campagne.

Outre ce travail des mains, on a pris soin de faire faire des exercices particuliers pour apprendre aux sujets de la Maison à faire un Prone, un Catechisme, à instruire la jeunesse, à bien conduire les enfans dans les Pedagogies, " à assister les malades dans les Hopitaux, à se stiler dans les fonctions Curiales & Ecclesiastiques, & à s’acquitter dignement de tous les devoirs d’un bon Maitre d’Ecole & d’un bon Vicaire : Pour ce sujet, on leur fait etudier une Theologie Pastorale & de pratique : on les applique à des differens exercices par raport aux susdites fins.

C’est ainsi que commença cette petite Communauté, qu’on ne nomma plus du nom d’Auberge Clericale, mais qu’on appella le petit Seminaire de S. Char

[p. 6] : les, parce qu’on jugea à propos de mettre cette Maison naissante sous la protection de ce saint Cardinal, qui en a fourni la premiere idée dans de semblables etablissemens qu’il fit autrefois dans son Diocese. On luy fit donc porter ce nom, & on crut que l’on devoit cela, non settlement par reconnoissance à la memoire de ce grand Saint, à qui le Clergé à de Si considerables obligations, mais encor parce que celuy dont Dieu s’est servi pour cet etablissement en porte le nom, 12et qu’il à pour ce saint Patron une veneration & un amour tout particulier : outre que l’unique fin qu’il à eu en cet etablissement estoit de faire revivre la vigueur de la discipline Ecclesiastique, dont ce grand Prelat à este le restaurateur dans son siecle. On n’a point eu jusques icy d’autre fond pour les frais de cet etablissement & pour la subsistance de cette Maison, que celuy de la divine Providence ; on s’y est appuye entierement ; on n’a point cherche d’autres secours que ceux qui viendroient de sa part, & comme l’on erigeoit ce petit Seminaire en faveur des Maitres d’Ecole & des pauvres Clercs qui mettoient toute leur confiance en Dieu, on a cru qu’il ne leur manqueroit jamais rien du necessaire, puisque Dieu s’est engage si positivement à pourvoir à tous leurs besoins.

Ce fut aussi cette confiance qui soutint celuy dont Dieu s’est voulu servir pour cet etablissement ; ce fut elle seule qui l’encouragea dans les difficultez & les peines qui accompagnent ordinairement ces sortes d’entreprises ; ce fut elle qui le fit esperer contre toute esperance, & qui animant son zele dans les obstacles qui se sont presentez, luy à enfin procure la consolation de voir ce petit Seminaire de Clercs etabli avec succez à la gloire de Dieu, & au grand avantage de l’Eglise.

necessité & utilité de cet Etablissement

EN EFFET, pour peu de reflexion qu’on fasse sur cet etablissement, il est aise de juger combien Dieu en sera glorifie dans la suite, de quelle utilité sera cette Communauté pour le Diocese, & quels seront les grands biens que tout le monde en retirera : l’experience en a deja convaincu plusieurs ; & il est certain que si Dieu avoit permis que cette Maison eut commence plutost qu’elle n’a fait, il y auroit plusieurs personnes qui auroient ressenty en particulier les biens qu’elle leur auroit procure : mais le peu de temps qu’il y a de son etablissement, 13 qui est cause même que tres-peu de gens la connoissent, à oblige d’informer par cet ecrit le public, de sa necessité & de son utilité ; & on espere que la deduction brieve & simple que l’on va faire des avantages de cc petit Seminaire de S. Charles, persuadera sans doute à ceux mêmes qui pourroient estre prevenus du contraire, qu’il ne s’est fait de long-temps un etablissement dans la Ville ny plus utile, ny plus necessaire que celuy-cy. Premierement, soit que l’on considere la qualité des personnes que cette Maison recoit, soit que l’on examine la qualité des biens qu’elle procure, soit que l’on fasse attention aux diverses circonstances qui accompagnent les services qu’on leur rend, on ne trouve rien qui ne releve l’utilité de cette Communauté. Car en premier lieu, cc sont des Pauvres Clercs, destituez de biens & de secours humains, en faveur desquels on a etabli cette Maison. Celui qui en a formé le projet ne pouvoit voir sans compassion un tresgrand

[p. 7] nombre de jeunes gens disgraciez des biens temporels, qui quoy que d’ailleurs avantagez d’un bel esprit & d’un bon naturel, 14gemissoient pourtant de se voir exclus, & des Sciences & de la Clericature, seulement parce qu’ils manquoient d’un peu de biens, que des parens ne vouloient ou ne pouvoient leur donner ; Il crut que ce n’estoit pas aymer veritablement l’Eglise, que de souffrir sans peine que de rarer talens, qu’il decouvroit chaque jour dans plusieurs pauvres garcons, demeurassent inutiles ; qu’il falloit se faire effort pour leur tendre la main, & que leur refuser quelque petit secours en cette occasion, c’estoit manquer aux premiers devoirs de l’humanite. En effet, est-il personne qui merite avec plus de justice qu’on les ayde que ces pauvres Clercs ? Ils ne sont point eux-mêmes la cause de leur pauvreté, ce qui ne se rencontre pas tonjours dans ceux que la charité soulage ailleurs : Il n’y à pas à craindre qu’ils fassent un mauvais usage des secours qu’on leur donne, ce qui n’arrive que trop souvent dans les autres pauvres ; puisque ceux-cy ne les demandent que pour s’appliquer à l’étude, & pour se mettre en estat de correspondre à leur vocation ; Ils ne sçauroient par leur industrie suppléer à leurs necessitéz, ce que peuvent faire les autres pauvres ; parce que le temps qu’ils employeroient au travail, leur osteroit celuy qu’il faut indispensablement donner aux Sciences : ainsi il est evident que cette qualité de Pauvres pretendans aux Ordres, ou qu’on forme pour les Maitrises des Ecoles, que le petit Seminaire de saint Charles considere, & qui sont les seuls que l’on y recoit, à quelque chose qui releve d’une maniere particuliere la charité que l’on exerce à leur egard.

MAIS VENONS AUX BIENS qu’on leur procure dans cette Maison. Les secours temporels qu’on leur donne pour leur subsistance ne sont pas peu considerables, ils y vivent à si peu de frais, qu’ils ne depensent que tres-peu de choses ; & même ce peu n’est pas exige de plusieurs, quand ils ont donne des preuves pendant quelque temps de leurs bonnes dispositions, & qu’on sçait qu’ils ont peine à l’avoir de leurs parens, ou d’ailleurs. Bien plus, pour leur epargner la confusion de ne pas payer comme les autres, on a fait ensorte de leur faire preter, & quelquefois fournir en secret une partie de Ia petite pension qu’on est oblige de donner. On pourroit en nommer plusieurs qui y ont subsiste de cette maniere pendant long-temps. Il est vray que ce seroit peu de chose que de contribuer à la nourriture du corps, & à l’entretien de cette vie mortelle & perissable ; si on ne regardoit que cela ce ne seroit du moins faire que ce que plusieurs autres font lorsqu’ils contribuent à la subsistance des pauvres ; mais il faut avower que c’est faire beaucoup, quand les secours temporels qu’on donne aux pauvres leur procurent les moyens de cultiver leur esprit par l’étude, & de s’avancer dans les sciences, on leur fait plusieurs autres biens tout à la fois. On les tire de cette vie grossiere & animale que menent la pluspart de ceux qui n’ont point etudie, on les fait entrer dans une education honneste & Chrestienne, on regle leurs mœurs, on eclaire leur esprit, on les rend capables des emplois pour lesquels Ils n’auroient sans cela nulle habilete, on les met en estat de pouvoir faire un choix

[p. 8] de vie avec connoissance & discernement, en examinant leurs forces, leurs talens, leurs inclinations, les engagemens, les obligations & les dangers de chaque condition, ce qui est d’une tres-grande consequence, & ce que ne peuvent point faire pour l’ordinaire ceux qui estant de basse condition n’ont aucunes lettres. Or le petit Seminaire de S. Charles procure tous ces avantages aux pauvres Clercs, en leur donnant le moyen de continuer leurs études, & de faire leur Theologie morale. On leur rend en cela un double service considerable qui est le principe & le fondement de tout le bien qu’ils peuvent faire dans la suite de leur vie. On dira peut-estre que les Colleges estant ouverts à toutes sortes de personnes, les pauvres aussi bien que les riches ont la liberte d’y etudier, & qu’ainsi ces Clercs avec leur petit secours temporel peuvent s’y avancer dans les Sciences, & y faire les mêmes progrez qu’ils feroient dans une Communauté : Ouy, Si on n’a egard seulement qu’aux études ; mais si on fait reflexion aux dangers on ces pauvres Clercs se trouvent exposez, il nest personne qui ne juge aisement qu’il vaudroit mieux pour eux qu’ils n’etudiassent point, que de se rendre sçavans en perdant leur innocence. Car on ne sçait que trop par experience combien il est rare que les jeunes gens qui sont obligez pour aller au College d’entrer dans des conditions, 15ou de se mettre en chambre, resistent aux occasions qu’ils y trouvent d’offenser Dieu : Comme ils sont jeunes, souvent peu circonspects, presque toujours melez avec des personnes de different sexe, & engagez souvent à rester long-temps dans des emplois & des conjonctures tres-dangereuses, il ne faut pas s’etonner s’il y en a si peu qui evitent ces pieges ; la plus-part font naufrage, & il leur arrive malheureusement que pensant de se disposer d’un coste à la Clericature par l’étude des sciences qu’ils tachent d’acquerir, ils s’y indisposent beaucoup plus de l’autre, par la perte de leur innocence, & par la corruption de leurs mœurs. Il est done tres-avantageux aux pauvres Clercs de trouver une Communauté dans laquelle ils puissent non seulement etudier commodement, & à peu de frais, comme dans celle-cy, mais encore y estre à couvert & eloignez des occasions d’offenser Dieu, qui sont si frequentes & qu’on ne sçauroit presque eviter dans les maisons particulieres.

Joignez à cela les utilitéz que l’on retire de la vie commune : elles sont tresconsiderables, & il semble que l’esprit de Dieu se soit comme reserre presentement dans les Communautéz reglées, pour se communiquer avec plenitude à ceux qui y demeurent : l’experience fait voir tous les jours qu’on y fait moins de fautes, qu’on se releve plus facilement, qu’on y mene une vie reglée, qu’on y est instruit sur tous ses devoirs, qu’on y apprend tout ce qu’on doit sçavoir, qu’on y est soutenu dans ses foiblesses, encourage dans ses difficultez, anime par les bons exemples, qu’il nest point d’action quelque petite qu’elle soft qui n’aye un merite particulier, puisqu’il n’est rien qui ne s’y false par obeissance ; & enfin, que tout le bien qui se pratique ailleurs s’y fait dans la perfection.16 Ainsi il est facile de voir que la petite Communauté de S. Charles, qui est

[p. 9] etablie pour le soulagement des pauvres Clercs pour leur dormer moyen de faire leurs études, pour les retirer des occasions du peche, ou leur jeunesse & leur pauvreté les exposent, pour leur procurer tons les avantages des grands Seminaires & Communautéz Ecclesiastiques, dans la conjoncture la plus importante de toute la vie, qui est celle du temps on l’on fait le choix de son etat ; Il faut avower par toutes les raisons, que cet etablissement est un des plus utiles & necessaires qui se soient faits de nos jours. Mais pour en estre encor plus convaincu, il n’y à qu’a considerer l’etendue du bien qu’on s’est propose dans cet etablissement. On n’a pas voulu se resserrer dans les seuls avantages que retiroient les pauvres Clercs en demeurant en cette maison, quoy qu’ils soient considerables comme l’on vient de voir, on a porté ses veues beaucoup plus loin, & l’on à pretendu en formant de bons Maitres d’Ecole, & de bons sujets pour le service de l’Eglise, de se rendre utile non seulement à quelques particuliers, mais encor à tout le Diocese, & à une infinité d’ames, au salut desquelles on a voulu contribuer par ce moyen. Car ayant fait reflexion sur l’extreme peine qu’il y a de trouver des gens qui veuillent s’employer aux ministeres Ecclesiastiques penibles & laborieux, ayant remarque, que ceux qui ont du bien & qui sont accoutumez à une vie commode dans les Villes, ne sçauroient se resoudre d’aller servir dans la campagne : que d’ailleurs ceux qui s’offroient pour ces employs n’avoient pour la pluspart ny les talens, ny l’experience, ny les instructions necessaires pour y servir utilement : On a cru qu’on ne pouvoit rendre un service plus important aux Paroisses de la campagne, que de leur procurer de bons Vicaires qui travaillassent avec un zele infatigable au salut du prochain. & il est à propos de faire remarquer en passant, combien le service qu’on veut rendre en cette occasion est des-interesse ; puisque on ne suit pas l’exemple de plusieurs autres Communautéz qui arretent chez elles, & qui s’incorporent les bons Sujets qu’elles rencontrent, pour les envoyer quelquefois servir dans les Dioceses strangers ; cellecy au contraire, ne souhaite d’estre en etat, que pour se depouiller pour ainsi dire, & se priver de ce qu’elle à forme de meilleur pour le donner aux Eglises seules de ce Diocese." Le bon nombre d’ouvriers que ce petit Seminaire de S. Charles à fourni depuis quelques années, & qui ont eté envoyez en divers lieux pour y servir, ont fait assez connoitre par leur vie exemplaire & par le succez de leurs travaux combien cette Maison est propre à former des bons Vicaires : c’est aussi pour cette raison que, Monseigneur l’Archeveque à bien voulu faire l’honneur d’en tirer des Sujets pour quelques unes de ses Paroisses les plus considerables. Comme les jeunes Clercs sont nourris en cette Maison fort sobrement & d’une maniere assez grossiere, ils n’ont pas de peine de se faire à la nourriture de la campagne, ils sont même deja habitue à se servir, & à faire leur petit menage, par le soin qu’on prend d’en faire passer quelques-uns par l’oeconomie, on a reconnu que cela ne leur estoit pas tout-a-fait inutile, & que

[p. 10] plusieurs se sont mis en estat de se passer de valets & de servante. De plus, les occasions qu’ils y ont d’instruire la jeunesse, de faire des Catechismes, de parler en public, d’apprendre le plein chant, les ceremonies de l’Eglise, & l’administration des Sacremens, les rendent habiles dans les fonctions de Vicaire. Mais une des meilleures dispositions que l’on trouve dans eux, est la dependance & la soumission. Comme on tache de les elever dans un esprit d’obeissance, que pendant le sejour qu’ils y font on a esté exact à leur faire faire toutes choses par ce motif, & qu’on les prepare à aller servir indifferemment dans les paroisses on la providence les appliquera; il en est peu qui ne soient dans ces dispositions, & qui ne donnent satisfaction à Messieurs les Curez, & à ceux qui les employent. On est du moins assure qu’outre les bons services qu’on à sujet d’attendre d’eux, ils sont de bonne composition : car on leur inspire autant que l’on peut, le des-interessement (qui est si necessaire à un ouvrier Evangelique) & on les porte à ne chercher que leur subsistance, & à se contenter de leur nourriture & de leur entretien pour suivre le conseil du grand Apotre, qui exhorte tous les fideles il estre contents, lorsqu’ils ont de quoy se nourrir & de quoy se couvrir : Habentes autem alimenta, & quibus regamur, his contenti simus. Quand ce petit Seminaire de S. Charles ne feroit d’autre bien dans le Diocese que de former de bons Vicaires pour la campagne, il nest personne, qui s4achant la difficulté qu’il y a d’en trouver, & connoissant le grand besoin qu’en ont les Paroisses, ne juge cet etablissement d’une necessité, & d’une utilité inconcevable. Mais il en procure encor beaucoup d’autres tres-considerables. Comme il s’est tout consacre au service du Clergé, l’on y soulage Messieurs les Curez du voisinage dans les occasions extraordinaires ou ils ont besoin d’aide & de secours pour les ceremonies, le chant etc. afin de faire solemnellement l’office. Bien plus, on sçait que les Curez sont quelquefois obligez par des necessitéz inevitables, & souvent même pour le bien de leurs Paroisses, de faire des voyages, & de s’absenter quelque temps, on sçait quelle peine ils ont dans ces occasions pour trouver un Ecclesiastique qu’ils puissent mettre en leur place, il faut prendre le premier venu que l’on ne connoit point, il faut luy confier au hazard ce qu’on à de plus cher apres son salut qui est son troupeau. Ainsi on ne sçauroit les obliger dans une conjoncture plus importante, que de leur donner des gens sur qui ils puissent se reposer entierement, & qui maintiennent les bons reglemens d’une Paroisse. C’est le service que la Communauté de S. Charles à commence de rendre à quelques Curez quand ils sont alles en Mission, ou qu’ils ont este employez à d’autres affaires, & que dans la suite on pourra peut-estre continuer si cette œuvre est secourue.

Les paroisses de campagne ne sont pas les seules qui connoissent l’utilité de cette Maison & qui en ressentiront les avantages, celles de la Ville n’y auront pas moins de part. On est (a ce qu’on dit) tous les jours de plus en plus convaincu dans la Ville du fruit que produisent les petites Ecoles des

[p. 11] pauvres ; on est persuade qu’il seroit difficile de trouver un moyen plus efficace pour remedier à tous les desordres, & pour reformer les mœurs dereglées du petit peuple, qu’en procurant à leurs enfans une education Chretienne, & une instruction de tous leurs devoirs. Chacun approuve cet etablissement, & quand on considere les biens qu’il procure, il n’est personne qui ne rende mule actions de graces à l’Auteur de toute bonne œuvre, pour une entreprise si utile au public.

Or il est certain que le fruit de ces Ecoles ne subsistera & ne perseverera jamais qu’autant qu’on prendra soin de leur procurer de bons Maitres ; il n’est pas si facile d’en trouver de bons qu’on se (’imagine : Le zele, la piece, la patience, la moderation, la fermete, la vie exemplaire & irreprochable, & toutes les autres qualitéz qui sont necessaires à un Maitre d’Ecole,’8ne se rencontrent pas dans toutes sortes de gens : C’est pourquoy on peut assurer, que si les petites Ecoles sont, au sentiment de tout le monde, si necessaires & si utiles au public, le petit Seminaire de S. Charles ne le doit pas moins estre, puisque c’est luy qui fournit les sujets dont on se sert pour remplir les places des Maitres, puisque c’est luy qui les instruit sans relache, qui nourrit leur pieté, qui les entretien dans la ferveur, qui les etablit dans l’uniformité de conduite, qui les fortifie dans l’epuisement & la dissipation de leurs exercices, & qui enfin les fortifie dans toutes les fatigues de leur employ. C’est aussi pour cette raison que Sa Majeste, accordant aux soins infatigables de Monseigneur l’Archeveque, des Lettres Patentes pour l’etablissement d’un Bureau pour le soutien & l’avancement des Ecoles,’9a bien voulu accorder la même grace pour le petit Seminaire de S. Charles2° qui ne contribue pas moins suivant le dessein de son etablissement, à former les Maitres d’Ecole de la Ville, que ceux de la campagne, dont tout le Diocese à grand besoin. Car c’est par le moyen de cette Maison qu’on assemble tous les mois ceux de la Ville, pour leur faire des instructions touchant leur employ, & le soin qu’ils doivent prendre de l’education de la jeunesse. C’est aussi en ce lieu on l’on envoye les personnel qui demandent des permissions pour enseigner, c’est la que, comme dans un Novisiat, on examine leurs vies & mœurs, leur capacité & aptitude pour cet employ, qu’on les stile dans leurs fonctions, & qu’on n’oublie rien pour former des dignes Sujets pour remplir les Maitrises des Ecoles, qui auparavant cet etablissement avoient este fort negligées & exposées, pour ainsi dire, à tous allans & venans : Enfin, lorsque ces Maitres ont esté une fois etablis, & qu’ils veulent venir faire les exercices spirituels ils y sont recus avec plaisir.

QUE SI NOUS PASSONS des Ecoles aux Eglises des Paroisses, & à plusieurs Chapelles de la Ville, nous verrons que la petite Communauté de S. Charles se rend utile partout. Ce sont des Ecclesiastiques de sa Maison qui y font le Catechisme & des instructions familieres aux enfans & au peuple. Les jeunes Clercs y apprennent la Doctrine Chretienne, ceux qui sont avancez dans les ordres y vont faire les fonctions de leurs ordres ; & lorsqu’il y a des Prestres ils confessent ou à l’Hopital, ou en d’autres Eglises particulieres.

[p. 12] Enfin, on ne voit personne dans cette Communauté qui ne soit applique selon ses talens à quelque exercice & à quelque fonction Ecclesiastique, on au dedans ou au dehors, & on tache de leur faire si bien menager le temps, qu’apres les avoir fait passer les jours ouvriers de la semaine aux exercices reguliers de la Maison, & le Dimanche dans les œuvres de pieté, dont nous venons de parler, Ils passent encor quelquefois le jour de conge dans les Hopitaux à servir les malades, faire leurs licts, etc. L’on auroit encor plusieurs choses à dire sur le bien que peut faire cette Communauté à l’egard des Familles particulieres de la Ville en leur procurant de bons Precepteurs. On ne fait pas souvent de reflexion à l’importance qu’il y a d’en avoir de sages & de vertueux, cependant il est certain qu’il n’est personne qui puisse faire plus de desordres dans une famille qu’un Precepteur, s’il est vicieux & deregle, fly aussi qui contribue davantage à la paix, & à la sanctification de toute une maison, que le même Precepteur s’il à de la pieté & de la vertu. L’experience convainc de cette verité : c’est pourquoy on a cru que le petit Seminaire se rendroit tres-utile aux familles particulieres en leur donnant des hommes de la probité & capacité desquels on pourroit estre asseure. On sera tres circonspect en cette rencontre : & quand ceux qui voudront avoir de ses Sujets pour Pedagogues de leurs enfans, s’addresseront à celuy qui à la direction de la Maison, on prendra soin d’en procurer, qui ayent les talens & les dispositions requises, eu egard aux avantages21 qu’on leur voudroit faire, & à la qualité des enfans que l’on voudroit confier à leur conduite.

IL SEMBLE qu’il ne se pent rien ajouter aux utilitéz que l’on vient de rapporter, cependant comme si cette Communauté estoit redevable à tout le monde, & obligée de se rendre utile aux estrangers aussi bien qu’aux domestiques, aux Ecclesiastiques de la campagne comme à ceux de la Ville, elle veut bien offrir à ceux-la la Maison pour leur servir d’hospice & de demeure pendant le sejour qu’ils sont obligez de faire dans la Ville. Cette commodité que l’on presente aux Ecclesiastiques du dehors ne sçauroit estre prisée autant qu’elle le merite, si on ne considere combien ils font de mal dans les Cabarets & les Auberges ou ils se logent, ils y souffrent mule incommoditez tout-a-fait facheuses, ils n’y peuvent trouver le temps fly un lieu propre pour y faire leurs prieres ; ils y sont troublez par le bruit qui s’y fait, & de jour & de nuit ; Ils n’y entendent parler que de nouvelles, que de gazettes, que d’avantures, & bien d’autres discours qui blessent l’honnestete, & qui font de tres-mechantes impressions. Ils y sont continuellement exposez aux occasions d’offenser Dieu, ou de l’y voir offenser, ils s’y trouvent tres-souvent dans des conjonctures on quelque party qu’ils prennent, Ils ne peuvent s’en tirer sans offenser Dieu, joignez à cela les depenses extraordinaires qui s’y font. Au lieu que dans le petit Seminaire de S. Charles ils ont tout le temps qui leur est necessaire pour vacquer à leurs affaires, ils y peuvent demeurer autant qu’ils le veulent, ils s’y trouvent delivrez de toute Ia cohue & l’embarras des logis, à couvert des occasions de pecher, rejouis par la compagnie de leurs

[p. 13] confreres, & enfin satisfaits pour le peu de frais & de depense qu’ils y font. Tous ces avantages qui sont assurement considerables, ont invité Messieurs les Curez & Vicaires de la campagne de profiter d’une si belle occasion, quelquesuns ont deja commance à choisir cette Maison pendant leur sejour en cette Ville, & ils en sont sortis asses contents & edifiez de la regularité qui s’y observe. Il y a donc lieu de croire qu’apres tout ce qu’on vient de dire des avantages que tant de gens, & presque tout le monde retire du petit Seminaire de S. Charles, il n’y aura personne qui ne soit convaincu de sa necessité, & de son utilité extraordinaire, & qui ne juge qu’on à eu grande raison d’avancer, qu’il ne s’est peut-estre fait de long-temps d’etablissement dans la Ville dont le bien & le fruit soit plus considerable que celuy-cy. La connoissance qu’on à pretendu dormer de tous ces avantages à ceux qui n’en avoient pas ouy parler, ou qui sans doute ne penetroient pas dans tout l’esprit de cette Communauté, fait esperer que chacun s’interessera à maintenir une Si Sainte œuvre, & que Si on a quelque zele pour le bien du Clergé, & pour la discipline Ecclesiastique on ne manquera pas de le faire paroitre, & de le signaler en cette occasion, d’autant plus que dans la suite l’on y pourroit peut-estre bien ajofiter dans un appartement separe un petit Hospice pour y recevoir les Ecclesiastiques invalides 22 qui s’y voudroient retirer sous le bon plaisir de Monseigneur l’Archeveque, qui est l’ame de tout cet ouvrage.

Objections.23

MAIS POUR ne laisser de scrupule à personne, & pour satisfaire certaines gens qui pourroient se prevenir, ou estre deja prevenus24 contre le dessein de cette Maison, en s’imaginant que l’on dessert plutost l’Eglise que l’on ne la sert, lorsqu’on donne moyen à de pauvres Clercs de s’avancer dans les Ordres, ou à de pauvres garcons d’entrer dans la Clericature ; il est à propos, dis-je, de les detromper de cette imagination, & pour mieux y reussir Il faut expliquer un peu au long leur sentiment. Ils disent qu’il n’y à deja que trop de Clercs & de Prestres dans l’Eglise, que ce grand nombre luy est à charge, que rien ne la des-honore davantage que la pauvreté de ses Ministres, que cette pauvreté avilit leur caractere, les rend meprisables à tout le monde, leur donne occasion de faire mule bassesses, & de se ravaler en des employs indignes de leur condition ; qu’au reste le dernier Concile Œcumenique à fait des Canons qui obligent ceux qui se presentent aux Ordres d’avoir un patrimoine, & que par consequent en suivant l’esprit de l’Eglise on doit exclure de la Clericature ceux à qui, ny la naissance, ny la fortune n’ont pas donne du bien, ny procure des commoditez. Il s’en est trouve même quelques-uns qui ont voulu dire que c’estoit marque qu’une personne n’avoit pas vocation à l’estat Ecclesiastique, quand elle estoit destituée de biens temporels.

Reponse. Ces sentiments sont si eloignez de la verité, & paroissent si injurieux à l’esprit de l’Eglise, qu’on ne peut assez s’etonner comment des gens eclairez & instruits des maximes & des regles de l’Eglise ont pu donner la dedans. Il est à presumer qu’ils n’ont pas voulu prendre la peine de les examiner serieusement

[p. 14] & à fond, & qu’ils se sont laisse surprendre par quelques apparences specieuses ; car s’ils y avoient fait un peu de reflexion, ils auroient sans doute tire de meilleures consequences de ce qu’ils ont avance de vray. En effet peut-on se plaindre avec justice du trop grand nombre de Prestres dans l’Eglise ? ne sçait-on pas que la Hierarchie Ecclesiastique doit imiter la Celeste, & que comme dans Celle-la Dieu à un nombre presque innombrable d’Anges & d’Esprits bien-heureux qui le servent & qui assistent devant le Trone de sa Majeste souveraine, Il veut de même dans celle-cy avoir un tres grand nombre de Ministres qui soient continuellement occupez à purifier, eclairer ou perfectionner les autres, ou à rendre à Dieu leurs devoirs, ou à publier ses louanges, ou à le servir dans les fonctions de la charité ? il semble que bien loin qu’on dut se plaindre de ce que trop de gens entrent dans l’Eglise & se consacrent au service des Autels, on devroit au contraire en remercier Dieu, & regarder le grand nombre comme une benediction particuliere que Dieu verse sur le Clergé. Mais on est ce grand nombre d’Ecclesiastiques ? la campagne est dans une extreme disette de Prestres : Messieurs les Curez ne se plaignent que de la peine qu’ils ont à trouver des Vicaires, on nest pas peu embarasse quand on est oblige de fournir, ou d’envoyer des ouvriers dans les Paroisses pour y travailler : & d’ailleurs tout le monde sçait, qu’on ne fut jamais plus exact dans les examens des Ordinans que presentement, pour eloigner des saints Ordres tous ceux qu’on ne juge pas pouvoir estre utiles à l’Eglise. Ainsi il n’y à rien à craindre de ce coste-la : & quand on voudroit se plaindre de plusieurs Ecclesiastiques qui se tiennent dans les Villes, & qui y menent une vie molle & oisive ; le petit Seminoire de S. Charles seroit toujours fort à couvert de ces reproches, puisque ceux qu’il eleve à la Clericature sont bien eloignez de vivre de cette maniere, & qu’ils se destinent à servir l’Eglise dans les emplois les plus penibles, les plus laborieux, & les plus abandonnes. Mais venons à la Pauvreté que l’on veut estre une exclusion de la Clericature à tous ceux qui sont depourveus de biens, quelques talens qu’ils ayent d’ailleurs, pour servir dans les ministeres Ecclesiastiques. Voyons combien ce sentiment est contraire à l’esprit de Jesus-Christ, & à la pratique de l’Eglise. Il est certain qu’il n’est point de vertu que le Fils de Dieu aye recommande davantage, & par ses instructions & par ses exemples que la pauvreté : Tout l’Evangile est plein de ces Divines lecons qui portent au renoncement de toutes choses, & au mepris des richesses, on y voit les pauvres canonizes par la bouche de la verité même, on y admire l’amour & l’estime que le fils de Dieu à toujours fait paroitre pour la Pauvreté. Il semble qu’il aye Cheri cette vertu plus que toutes les autres, puisque depuis sa naissance jusqu’à sa mort, il a voulu mener une vie extremêment pauvre. S’il s’est choisi des Apotres & des Disciples, il les à pris pauvres, & les à tirez d’une condition ou ils avoient peu de biens, & encor a-t-il voulu qu’en se mettant à sa suite ils les abandonnent entierement : Et relictis omnibus secuti sunt eum, Luc. 5.11, quand il les envoya precher par tout le monde, & qu’il leur donna sa Mission, il ne leur recommanda

[p. 15] rien tant que de conserver la pauvreté, il leur ordonna de ne posseder, ny or, ny argent, & de ne faire aucune provision des choses, même les plus necessaires. Nolite possidere aurum, neque argentum, neque pecuniam in zonis vestris, non peram, etc. Math. 10.9. & les Apotres observent si exactement ce precepte, que nous lisons Bans les Actes, que S. Pierre & S. Jean ne se trouverent ny or, ny argent pour faire l’aumone à ce mandiant qui estoit à la belle porte du Temple. Or si le Fils de Dieu à este si pauvre pendant toute sa vie, s’il n’a aime que les pauvres, s’il n’a voulu que des Disciples pauvres, & s’il à dit luy-même : que celuy qui le veut servir doit le suivre, qui mini ministrat me sequatur, Joan. 12.16, c’est-a-dire doit l’imiter, comme l’explique S. Augustin ; il est sans doute que ceux qui doivent avoir le plus de part aux ministeres Ecclesiastiques, & estre preferez aux autres, sont les pauvres, quand d’ailleurs ils se trouvent avoir les autres qualitéz requises. En effet l’Eglise sainte qui conserve inviolablement l’esprit de Jesus-Christ, sçachant que ce sont les pauvres qui ont Evangelizé d’autres pauvres, Pauperes evangelizantur, Math, ii, 5, sçachant que Dieu s’est voulu servir de ce qu’il y avoit de plus foible & de plus meprisable selon le monde, pour confondre ce qu’il y avoit de plus sage & de plus fort. Ignobilia mundi & contemptibilia elegit Deus, 1 Cor. 1, l’Eglise dis-je, n’a choisi dans les premiers siecles pour ses Ministres que ceux qui estoient pauvres ; ou si elle n’a pas voulu entierement exclure de la Clericature les riches, parce qu’elle vouloit faire connoitre qu’elle consideroit le merite dans toutes les conditions ; elle à pourtant toujours temoigne dans les rencontres ou la pieté & la science se sont trouvées egales, & dans les riches, & dans les pauvres, qu’elle preferoit sans difficulte ceux-cy aux autres. Si on ne craignoit de s’engager dans une deduction qui meneroit trop loin, on prouveroit evidemment, que l’Eglise à tellement voulu que ceux qui entroient en son service fussent pauvres, que quand ils se trouvoient avantagez des biens temporels & avoir des richesses, elle les obligeoit, ou à les quitter entierement, & s’en depouiller pour entrer pauvres dans la Clericature, car pour lors elle leur faisoit part de ses biens ; ou s’ils conservoient leurs patrimoines & leurs possessions, ils ne devoient pretendre d’elle aucun secours ny aucune part Bans la distribution de ses aumones, tant l’Eglise avoit de desir de persuader par cette conduite, qu’elle ne cherchoit que les pauvres, & qu’elle n’avoit des biens que pour eux. Cap. 16 q. 1, cap. ult. & cap. 1, q. 1, clericos lib. 2 de vita contemp. c. 9 & 10.

Conduite de l’Eglise envers les Pauvres qu’elle veut elever dans le Clergé.

Cela paroist par des temoignages de Saint Jerome rapportez dans le Decret de Gratien, de Saint Augustin dans l’Epitre 50, au Comte Boniface, de Julianus Pomerius dont les ouvrages portent le nom de Saint Prosper, & de plusieurs autres Autheurs Ecclesiastiques. Mais on ne doutera nullement, que l’esprit & l’exemple de Jesus-Christ n’aye porte l’Eglise à choisir les pauvres pour ses Ministres dans les temps oil le Christianisme estoit encor dans toute sa purete, si l’on fait voir, que même dans les derniers siecles on la corruption & le relachement des mœurs à tache d’introduire partout l’amour & l’estime des richesses, elle à toujours fait paroitre son inclination pour les pauvres.

[p. 16] En effet, comme l’ignorance & le manquement d’education qui se trouve ordinairement parmy les Pauvres etoit la cause que l’Eglise ne pouvoit souvent se satisfaire dans le choix de ses Ministres, & que les Eveques etoient obliges d’appeller au Sacerdoce les personnel riches, parce que ceux dont les parens etoient pauvres n’avoient pas les moyens d’etudier, & de se faire instruire dans les Sciences : L’Eglise, dis-je pour remedier à ce mal, ordonna dans le Concile Œcumenique de Latran tenu sous Alexandre III que dans chaque Diocese on assigneroit quelque benefice à un Maitre qui enseignast gratuitement les Clercs & les pauvres Ecoliers, qui clericos eiusdem Ecclesia, & Scolares pauperes gratis docet. Cap, 18. Le motif que se propose le Concile dans ce decret, fut de procurer aux pauvres un moyen d’etudier & de s’avancer dans les lettres, Pia mater providere tenetur ne pauperibus quiparentum opibus juvari non possunt legendi & proficiendi opportunitas subiratur. Cup. ii. Cette ordonnance fut jugée si raisonnable & si utile, qu’Innocent III la renouvella dans le quatrieme Concile de Latran. Il ordonna de plus qu’on etablit des Maitres, non seulement dans les Eglises Cathedrales, mais encor dans toutes les autres dont les revenus pourroient supporter cette charge ; & Gregoire IX fit inserer ces deux Canons dans le Corps des Decretales, afin qu’ils fussent comme une by & une regle generale, & que tons les Pauvres en profitassent. Lib. 5, tit. 5. Cependant comme les instructions que les Pauvres recevoient de ces Maitres ne regardoient que la Grammaire & les autres Sciences, que ces sortes de legons contribuoient peu à former à la pieté, & qu’on vit qu’en devenant sçavans ils n’entroient pas dans toutes les dispositions qu’on exigeoit d’eux pour la clericature ; l’Eglise s’avisa d’un autre moyen dans le saint Concile de Trente, qui fut d’ordonner l’erection des petits Seminaires ; elle en prit les modeles sur les Conciles de Tolede, le 2e  & le 4e, sur celuy d’Aix la Chapelle tenu sous Louis le Debonnaire, & sur le saint Concile de Latran, dans lesquelles assemblées on avoit comme projette ce dessein. Cap. 1, cap. 24, c. 135 sess. 9. Il est important de s’arreter un peu sur ce Decret, car on ne sçauroit rien dire ny de plus fort, ny de plus favorable pour le sujet que nous traittons. Sess. 23, de refor. cap. 18. Les Peres donc de cette sainte assemblée (ce sont les propres termes du Concile) ayant remarque qu’il n’estoit pas possible que la jeunesse put reprimer le penchant qu’elle sent pour les plaisirs du monde, si on ne prend un tres-grand soin de son education, & Si des les premieres années de la vie on ne l’eleve dans la pieté Chretienne, & dans les veritables sentiments de la Religion ; le Concile ordonne que chaque Eglise Cathedrale sera obligée de nourrir & d’entretenir un certain nombre d’enfans dans un lieu convenable à proportion de ses revenus, & de l’etendue du Diocese, desquels on formera les mœurs scion les regles de la discipline Ecclesiastique, & à qui outre les sciences, on prendra soin d’inspirer la pieté. Les enfans qui y seront receus, dit le Concile, auront pour le moins douze ans, seront nes d’un legitime manage, sçauront lire & ecrire, & feront esperer par leur bon naturel & par les dispositions qui paroitront en eux qu’ils perseveront toute leur vie dans le ministere Ecclesiastique. Cum adolescentium aetas nisi à teneris annis ad pietatem informetur, numquam perfecte, ac sine maxi. Mais ce saint Concile recommande sur toutes choses, & entend que dans

[p. 17] le choix qu’on fera des enfans, on prefere singulierement les pauvres à tous les autres, & que si on y admet les riches, ils y seront nourris à leurs frais. Pauperum autem filios praecipue eligi vult, nec tamen ditiorum excludit, modo suo sumptu alantur, & studium prae se ferant Deo & Ecclesiae inserviendi. Déere !. Enfin apres avoir regle tous les exercices qui se doivent faire dans les Seminaires, le Concile de Trente juge ces etablissemens si necessaires, & si utiles à l’Eglise, que pour en faciliter l’execution, il donne pouvoir aux Eveques d’unir à ces lieux des Benefices simples, & quelques portions des revenus Ecclesiastiques, etc. Toutes les Eglises particulieres sont entrées dans cet esprit du Concile de Trente ; elles ont toutes embrasse avec joye un moyen si conforme à leur inclination & si favorable à la pauvreté des jeunes Clercs. Le Cardinal Polus Legat à latere du pape Jules III en Angleterre, dans les Decrets de reformation qu’il fit pour ce Royaume, institua ces petits Seminaires, & ordonna qu’on choisit singulierement les enfans des pauvres. Pauperum autem filios praecipue eligi volumus. Le Concile Provincial de Cambray tenu sous Maximilien de Bergue Archeveque de cette Ville, regla la même chose. Il distingue trois sortes de personnes, les riches, les pauvres, & ceux d’une condition moyenne qui n’ont pas asses de biens pour faire etudier leurs enfans : il veut qu’on false deux portions, qu’aux enfans des pauvres on donne à chacun d’eux par an pour leur nourriture & entretien trente-six livres, dont chaque livre vaut 40 gros de Flandres, 25et à ceux de la condition moyenne dix huit livres : de cette maniere, dit le Concile, on pourvoira à la necessité de plusieurs, & il n’y aura personne qui puisse se plaindre que les enfans qui ont bon esprit & qui sont de grande esperance soient exclus des avantages des Seminaires. Sic enim & pluribus succurri poterit, & nullum hominum genus, quod quidem indigeat auxilio conqueri potent, suos filios quos habebunt Boni ingenii à Seminariorum beneficio excludi, nulliusque virtutibus obstabit res angusta domi. Tit. 4. c. S. Le grand S. Charles dans le quatrieme Concile de Milan, Const. tit. 7, recommande à tous les Curez d’elever autant qu’ils pourront de jeunes Clercs dans l’innocence de leur vie, & de les instruire des devoirs d’un parfait Ecclesiastique, mais il veut qu’ils choisissent particulierement les pauvres en qui ils reconnoitront un bon nature !. Illud unusquisque Parrochus valde studeat, ut quam plurimos potest pueros (praesertim Pauperes) bona indole praeditos, qui spem afferans se sacris initiatos Ecclesiae ministros utile fore, ad Ecclesiasticae vitae normam accurate erudiat. Le Concile de Reims tenu sous le Cardinal de Guise ordonne, que dans tous les Dioceses de la Province, on etablira des petits Seminaires pour l’instruction de la jeunesse, & pour fournir à l’Eglise de bons Ouvriers, il present tout l’ordre de ces etablissemens : il veut dans le 7e article, que ces enfans soient reduits à un nombre certain, & qu’on n’y admette que ceux qui seront pauvres, & du Diocese. Pueri in Seminario gratis alendi & erudiendi, ad cerium numerum reducantur, sift Pauperes de Diocesi, vicissimque per oppida & decanatus remoto favore eligantur. Tit. 24.

[p. 18] Le Concile de Bourdeaux suit de même la disposition de celuy de Trente touchant l’erection des Seminaires, il en loüe extraordinairement le dessein, & pour en faciliter l’execution, il leur attribue des Benefices : cependant en attendant qu’ils viennent à vacquer, il veut qu’on prenne sur les Decimes du Clergé dequoy faire subsister les Seminaires ; & outre cela il commande aux Prestres, & aux Predicateurs d’exhorter leurs Peuples de contribuer par leurs aumones à une si Sainte œuvre. Mais il n’y à rien de si beau que les reglemens que ce Concile dressa pour ces Seminaires ; ils sont rapportez à la fin du Concile, & contiennent neuf Sections. Dans la seconde, on il est pa?e de l’election & admission des Clercs, il est dit que l’Eveque fera publier dans toutes les Paroisses du Diocese, que s’il y a des Pauvres qui desirent d’estre promeus au Sacerdoce, qui ayent atteint l’age de douze ans, & fait quelques progres dans la Grammaire, ils ayent à comparoir aux lieux & temps qui leur sera marque pour subir l’examen. Mandabit Episcopum denuntiari per universas suae Diocesis civitates & oppida, ut si qui sint Pauperes & ex legitimo matrimonio nati quid ad Sacerdotium promo yen cupiant, quique duodecimum attigerint annum… loco & tempore quae eis praestituet exarninandi compareant. On ne recevra point de riches, ajoute-t-il s’ils ne payent leurs pensions, & pour ceux qui sont d’une condition mediocre, ils y pourront estre admis en payant quelque petite chose, partem aliquam persolvendo admiti poterunt. Le Concile de Tholose26 tenu sous le Cardinal de Joyeuse prescrit la même chose ; il fait presque les mêmes reglemens pour ces Seminaires, il y admet non seulement les pauvres, mais les mediocres & les riches, pourveu que ceux-la payent une partie de leurs pensions, & que ceux-cy la payent toute entiere. Part. 3, c. 5. Nec vero soli pauperes, sed & mediocres qui medios, & divites qui integros in sui educationem sumptus impendent, Seminariis excipientur. De cette maniere l’Eglise ne sera ny surchargée, ny meprisée : Sic nec gravabitur nec contemptui habebitur Ecclesia. Enfin celuy d’Avignon veut que les Seminaristes ne soient pas au dessous de douze ans, nes d’un legitime manage, propres pour les Sciences, mais qu’ils soient veritablement pauvres, d’un pere & d’une mere pauvre, sint vere pauperes, & ex patre, & mare paupere ex Diocesi assumantur.

APRES TOUS CES TEMOIGNAGES on ne sçauroit plus douter de la disposition de l’Eglise à l’egard de ceux qu’elle veut Clever au Sacerdoce : car on ne peut connoitre avec plus de certitude ses veritables sentimens, que lorsqu’elle parle par la bouche de ses Conciles. C’est pourquoy, comme il est evident par les preuves que l’on vient de rapporter, que l’Eglise à toujours conserve un tres-grand desir de se choisir des Ministres parmy les pauvres, qu’elle à etabli des Maitres pour leur instruction, qu’elle à institue des Seminaires pour les former à la pieté, & les &lever dans les vertus Ecclesiastiques, & qu’elle à voulu que les pauvres, & les plus pauvres fussent preferez à tous les autres, il faut conclure que bien loin que la pauvreté soit un sujet d’exclusion de la Clericature, comme bien des gens se le sont imaginez, qu’au contraire elle est une disposition qui y prepare, quand d’ailleurs elle se trouve jointe aux autres qualitéz requises.

[p. 19] Que la Communauté S.C. est selon l’esprit de l’Eglise

Ainsi il n’est personne qui ne doive estre persuade que la petite Communauté de S. Charles n’entre entierement dans l’esprit de Jesus-Christ & de l’Eglise, quand elle procure aux pauvres le moyen de faire leurs études, de s’instruire des regles de l’Eglise, de pratiquer tous les exercices des grands Seminaires, d’apprendre le plein chant & les ceremonies ; & de s’avancer dans les Saints Ordres, pour ensuite servir l’Eglise dans tous les emplois on l’obeissance les appliquera. Combien parmy les Ecoles des pauvres se trouvoit-il des esprits rares qui estoient reduits à prendre la navette d’un Taffetassier, & le tire-pied d’un Cordonnier, lesquels estant tirez de cette bone & de ces rockers de la pauvreté, avec cc secours pourront paroitre un jour aussi precieux que les perles & les diamans : Il est seur que cet etablissement est un des plus grands biens qui se puisse jamais faire, & que tant que l’Eglise subsistera, il aura des Approbateurs, puisqu’il est si conforme à l’esprit de nostre Seigneur Jesus-Christ, & à la pratique de l’Eglise.

Objection.

Ceux qui pensent que la pauvreté des-honore l’Eglise, qu’elle avilit le Sacerdoce, & qu’elle rend les Prestres meprisables, se trompent fort ; il faut qu’ils se desabusent, & qu’ils reglent leurs sentimens sur ceux de l’Eglise même. Si elle avoit cru que la pauvreté luy fust si prejudiciable, & à ses Ministres, elle n’auroit jamais eu pour les pauvres ny tant d’amour, ny tant d’estime : Elle ne les auroit jamais prefers à tant de riches, elle n’auroit jamais tant pris de soin de leur education & de leur instruction, elle se seroit asseurement epargne & tant de peines & tant de depenses qu’elle à essuye pour mettre les pauvres en estat d’estre promeus au Sacerdoce, & d’estre employez aux fonctions Ecclesiastiques ; elle n’auroit jamais, dis-je, fait toutes ces choses, si elle avoit jugé que la pauvreté de ses Ministres la des-honorast, & que cette pauvreté leur fust d’elle-même une occasion de faire mille bassesses, & mille indignitez. Il ne faut avoir que des yeux Chretiens, comme parle S. Augustin ; Oculos Christianos, pour reconnoitre que la pauvreté des Ministres de Jesus-Christ pauvre, est digne de tous les honneurs qu’on sçauroit luy rendre. Comme elle à este consacrée dans la Divine personne de ce premier de tous les Prestres, elle ne peut qu’honnorer beaucoup ceux qui sont revetus de sa livrée, & on voit dans l’Histoire de l’Eglise que les Eveques & les Prestres qui ont este les plus respectez, pour lesquel les Roys & les Empereurs même ont eu le plus de veneration, ont este souvent ceux qui estoient les plus pauvres, mais dont la pauvreté estoit accompagnée du des-interessement & des autres vertus Ecclesiastiques. Car il est important de remarquer que si la pauvreté se trouve jointe dans un Prestre à l’avarice, à un interest has & sordide, à un esprit mercenaire, à une ambition dereglée, ou à quelque autre mauvaise passion, on demeure bien d’accord, que ce Prestre pourra avilir son caractere, faire des indignitez & des bassesses, se ravaler au dessous de sa condition, trahir son Ministere, & s’abandonner à beaucoup de crimes ; mais on ne peut souffrir qu’on attribue toutes ses fautes à sa pauvreté, lesquelles doivent estre imputées à son avarice, ou à son interest, ou à ses autres passions criminelles. En effet n’est-ce pas prendre Ie change que de s’imaginer, qu’un homme qui

[p. 20] n’est meprisable que par ses vices, le soit par sa pauvreté, puisqu’on voit tous les jours qu’en cessant d’estre vicieux sans cesser d’estre pauvre, il se procure autant d’honneur qu’il s’estoit attire auparavant de mepris & de rebuts. Ainsi le veritable secret de retablir le Clergé dans ce haut degre d’honneur & d’estime ou il s’est veu autrefois dans les Siecles d’or de l’Eglise, nest pas de n’admettre à la Clericature que les personnes riches, de qualité ou de naissance ; mais c’est de n’y faire entrer que des gens de vertu, des sujets meritans, & des personnes doüées de toute sorte de bonnes qualitéz, quand d’ailleurs ils seroient de la lie du peuple, & de la derniere pauvreté. Mr. Halier. De Sacer. elect. p. 1, c. 2, a. 3, § 3[1]. C’est le sentiment d’un grand Eveque de notre Siecle, Docteur de Sorbonne, & tres-eclaire dans la discipline Ecclesiastique, qui croit que l’Eglise ne recouvrera jamais cette premiere vigueur de sa jeunesse, si on ne va chercher des pauvres, qui ayant este bien elevez & formez dans la pieté travaillent à reparer les breches que l’Eglise à souffertes. Ses paroles sont trop favorables à notre petite Maison de S. Charles, pour n’estre pas icy rapportées. Ideoque non temere forte suspicabimur Ecclesiam, quae pauperum sanguine plantata est, quae eorumdem sudoribus valuit, quae laboribus adolevit, primum juventutis illius vigorem vix recuperare posse, nisi Pauperes quoque, sed urbane & generose instituti ad Clericalis Ordinis luxati ruinas resarciendas inquirantus. Voicy la raison, sur laquelle il se fonde, cum non jam ad urbium & populorum civitatum culturam, sed ad vicorum & ignobilium oppidorum instructionem Clericorum multitudo & industria desiderari videatur. Parce que, dit ce grand homme, il manque d’Ouvriers ou de Clercs assez habiles qui veuillent aller instruire non pas les grandes Villes, mais les Bourgs & les Villages abandonnez. C’est pourquoy rien ne peut etre plus utile à l’Eglise que l’etablissement dont nous parlons, puisque rien ne peut contribuer davantage à la remettre dans son lustre, que les Pauvres que l’on eleve, & que l’on forme dans les emplois penibles & laborieux de la campagne.

Objection. Sess. 2 de refor. c. 3.

MAIS on dira que le Concile de Trente fait un Decret par lequel il ordonne que tons ceux qui se presenteront aux Ordres seront pourvus, ou d’un Benefice, ou d’un Patrimoine, qui leur donne de quoy subsister ; que ceux qui n’ont pas suffisamment pour vivre, doivent estre exclus de la Clericature ; parce qu’il est indigne, dit le Concile, que ceux qui sont dans les Ministeres Ecclesiastiques, soient contraints de mandier, ou de s’adonner ’a des metiers sordides pour gagner leur vie ; d’ou l’on pretend conclure, que le Concile est entierement contraire au dessein que se propose la petite Communauté de S. Charles. Pour repondre à cette Objection, il faut remarquer premierement que si l’on veut que le S. Concile de Trente soit contraire au dessein de ce petit Seminaire, on sera contraint d’avouer par le même raisonnement, qu’il l’est aussi à luy-même, puisqu’il paroit que cette Assemblée apres avoir fait dans la session 21 le Decret que l’on nous objecte, à fait dans la session 23 Celuy qui ordonne l’erection des petits Seminaires, dont le plan & le projet dresse par le Concile, ne tend à autre fin qu’a celle que se propose la petite Communauté de S. Charles, il ne faut qu’en faire la lecture pour en convenir de bonne foy. Les Eveques qui ont tenu les Conciles de Cambray, de Milan, de Malines,

[p. 21] de Reims, de Bourdeaux, de Bourges, d’Aix, de Toloze & d’Avignon pendant les trente années qui suivirent la fin du Concile de Trente, n’ignoroient pas sans doute le Decret de la session 21. Car ces Eveques ne s’assembloient que pour faire executer pleinement toutes les Ordonnances du Concile de Trente, & leur unique dessein etoit de rendre la discipline etablie dans ce Concile general &gale dans toutes les Eglises particulieres ; cependant nous avons vu qu’en etablissant ces petits Seminaires, ils ont voulu scrupuleusement que ces Maisons ne fussent remplies que de Pauvres Clercs, qu’on choisit les plus pauvres, & ceux en qui l’on verroit plus de dispositions pour l’etat Ecclesiastique, afin qu’etant elevez & instruits dans la pieté, ils pussent etre promeus aux Saints Ordres, & employez au service de l’Eglise : donc il est seur qu’en se conformant à l’esprit de tous les Conciles Provinciaux, on ne s’eloigne nullement de celuy de Trente. Tout le monde s4ait que les titres Patrimoniaux n’ont estez introduits dans l’Eglise, que pour suppléer aux titres Ecclesiastiques qui seuls avoient estez en usage pendant un tres long-temps. Le Concile de Calcedoine les avoit authorisez en prescrivant dans le Canon VI qu’aucun ne fut ordonné qui ne fut en même temps attache à quelque Eglise, ou employe à quelque Ministere. Nullunz absolute ordinari, nisi specialiler in Ecciesia civitatis, vel pagi, vel Martyrio, vel Monasterio, is qui Ordinatur designetur. Mais cette discipline venant à s’abolir peu à peu, & plusieurs ayant este ordonnez sans Benefice, & sans estre appliquez à aucune fonction Ecclesiastique, Ie Saint Concile de Trente crut, qu’il devoit renouveller un usage si ancien & si important ; il recommanda aux Eveques de n’ordonner que ceux qu’ils jugeroient etre utiles & necessaires en leurs Eglises, & remit en vigueur ce Vie Canon de Calcedoine. Dans un autre endroit il vent que pour eviter toutes les supercheries que l’on pourroit faire en supposant de faux titres Ecclesiastiques, on s’assure bien du Benefice sur lequel chacun est ordonné, & que de ceux qui auront du Patrimoine, ou une pension, l’Eveque n’en ordonne qu’autant qu’il en faudra precisement pour le service de l’Eglise. Il paroit par l’exposition de ce Canon, qu’il n’est nullement contraire à la Communauté de S. Charles ; bien plus il luy est tout-a-faire avantageux : Car quand l’Eglise souhaite que tons ceux qui sont elevez aux Saints Ordres ayent un Benefice, ou du moins qu’on leur en procure en les ordonnant, elle desire sans doute, que dans cette distribution d’emplois, on de Benefices, on choisisse les pauvres Clercs preferablement aux autres. Or ils ne sçauroient etre employez, ou appliquez au service des Eglises de la campagne, si on ne les eleve auparavant dans l’esprit Ecclesiastique, & si on ne les tient preparez à cette destination ; & c’est ce que fait la petite Maison de Saint Charles. On sçait que tous ceux qu’elle à presentez jusqu’a present à l’Ordination, ont etez pourvus, ou de Chapelles, ou de Prebendes, ou de Cures, on d’autres emplois Ecclesiastiques qui fournissoient à leur subsistance ; ainsi il n’y à pas lieu de craindre que l’on contrevienne à l’Ordonnance du Concile, puisque nul de cette Communauté n’a eté ordonné sans titre Ecclesiastique, & que d’ailleurs Nosseigneurs les Eveques sont assez exacts pour n’admettre personne qui n’ait l’un ou l’autre de ces titres.

[p. 22] Mais quand il arriveroit que ces pauvres Clercs fussent sans Benefice, & sans Patrimoine, il y a des personnes assez charitables qui seront pretes de s’engager à les nourrir, lorsqu’ils se trouveroient reduits à la necessité, ou de mandier, ou d’exercer quelque metier sordide ; 28 car c’est cela seul que le Concile ne peut souffrir dans les Ministres de l’Eglise, cum non deceat eos qui divino Ministerio adscripti sunt, cum Ordinis dedecore mendicare, aut sordidum aliquem questum exercere. Tous les Reguliers 29 ne sont ordonnez que sur l’attestation qu’ils presentent de leur Profession, qui leur tient lieu de titre, parce que les Maisons dont ils sont Profez sont obligées de les nourrir. Les Licentiez de Sorbonne sont admis aux Ordres sub titulo paupertatis. Les Clercs de la Chana 3° que Messieurs les Recteurs de l’Aumone Generale de Lyon font etudier, ne sont de même ordonnez que sur l’engagement que ces Messieurs presentent de fournir à leur subsistance dez-lors qu’ils se trouveront etre en necessité. Ainsi il est constant que les Ecclesiastiques de la Communauté de S. Charles pourroient etre ordonnés de la même maniere, & avec d’autant moins de crainte, que comme l’extreme indigence des Prestres ne provient ordinairement que de Paresse ou de Libertinage, ceux-cy etant elevez & dans le travail, & dans la pieté, on n’auroit nul sujet d’apprehender ce facheux accident. Conclusion. Voila ce qu’on à cru etre oblige de dire pour lever les impressions que certaines personnes avoient prises contre le dessein du petit Seminaire de S. Charles, & pour justifier la sainte Pauvreté, que l’on pretendoit etre ignominieuse au Clergé, & que l’on vouloit comme bannir de l’Etat Ecclesiastique. La brieveté de ces remontrances dans laquelle on s’est resserre, n’a pas permis qu’on ait apporte beaucoup de preuves, ny même qu’on ait etendu celles que l’on y à alleguées. On s’est pleinement confié sur la bonté de la cause quon avoit en main, & sur la protection de celuy qui prend l’interest des Pauvres, & on espere, que comme il à voulu honorer les pauvres de son Sacerdoce, il inspirera aux riches la volonté d’honorer la pauvreté dans le Sacerdoce par les largesses qu’ils feront en faveur de cet etablissement. Tout le monde doit etre convaincu de sa necessité, & de son utilité extraordinaire pour peu de reflexion que l’on fasse sur ce que l’on en a dit. La qualité des personnes que le petit Seminaire de S. Charles recoit, & qu’il soulage, la nature du bien qu’il leur fait, la circonstance du temps auquel il les ayde, les avantages temporels & spirituels qu’il leur procure, rendent tres recommandable la Charité de cette Maison. Mais ce qu’il y a de plus merveilleux dans sa Charité, c’est qu’elle à scu trouver le moyen de rendre utile & necessaire presqu’a tout le monde, le bien qu’elle fait à des Particuliers. Elle à scu en instruisant de Pauvres Clercs, instruire toute la campagne, en reglant leurs mœurs regler celles de toute une Paroisse, ou ils iront servir de Vicaires, ou de toute une Famille dans laquelle ils entreront en qualité de Precepteurs. Elle à scu en formant un bon Catechiste & un bon Maitre d’Ecole profiter à mule personnes tout à la foil. Enfin le petit Seminaire de S. Charles à scu en donnant des Saints Prestres à l’Eglise, procurer la gloire de Dieu, avancer le Salut des Ames ; contribuer à la sanctification des Peuples,

[p. 23] & prendre part à toutes les bonnes œuvres qui se peuvent faire dans la Religion Chretienne. On a donc lieu de croire que tout le monde, mais particulierement ceux qui ont quelque amour pour l’Eglise, s’interresseront à soutenir un etablissement si utile & si necessaire. On doit esperer que la connoissance qu’on donne des biens que la Communauté de S. Charles procure à tout le Dioceze, excitant la Charité des gens de bien, fera qu’il ne sera personne qui ne veuille contribuer à la formation des bons Maitres d’Ecole & à faire subsister ces Pauvres Clercs. En effet qui pourroit refuser les secours que l’on demande en cette occasion ? JESUS-CHRIST qui est dans les Pauvres Ecclesiastiques d’une maniere plus particuliere que dans les autres, semble les exiger. Les depenses extraordinaires qu’il à falu faire, & que l’on est oblige de continuer, convainquent du besoin que l’on en a. Le merite de l’Aumone, qui dans cette rencontre contribue à de si grands biens, y invite puissamment. Enfin la facilité avec laquelle chacun peut ayder à cette Maison, qui pourroit bien s’accommoder de tout ce qu’il y a de superflu & d’inutile dans un menage ; Cette facilité, dis-je, fait que personne ne sçauroit se dispenser de luy dormer quelque secours. Les Beneficiers y sont encore plus obligez que tons les autres ; car outre les raisons communes qui les y engagent, il y a une espece de justice qui exige que les revenus Ecclesiastiques soient employez à la subsistance des Pauvres Clercs.

Mais comme le plus innepte des sujets dont Dieu s’est servi pour entreprendre cette œuvre à proteste au commencement qu’il ne pretendoit aucun secours pour ce petit Seminaire de S. Charles que ceux qui viendroient de la Divine Providence, c’est ce qui fait qu’il prie Dieu avec toute l’affection dont il est capable, qu’il luy plaise de continuer à verser ses Benedictions sur cet etablissement, & que comme c’est luy seul qui luy en a inspiré le premier dessein, & qui l’a fait executer avec tant de succez, & qui l’a place dans un lieu d’emprunt : 3’que ce soit aussi luy seul qui le favorisant de ses Graces, le fixe dans un lieu asseure, 32 & surtout qu’il y fasse toujours vivre le Saint amour du travail, du mepris & des souffrances, & le veritable esprit de pauvreté Clericale de JESUS-CHRIST, en l’honneur de laquelle il à este institue : afin que le Diocese en recevant un secours particulier, il n’en soft redevable qu’a JESUS, Souverain Pretre à qui seul en soft toute la gloire, & au chetif instrument dont il s’est servi pour le fondement, toute l’humiliation, la fatigue, etc. Ainsi soit-il.

[p. 24] ABREGE DES REGLEMENTS de la petite Communauté de S. Charles

CEUX qui desirent d’y estre receux doivent estre Etudians aux hautes Classes, Pretendans, ou engagez aux Ordres, ou en la Maitrise des Ecoles : Pauvres n’ayans moyen de demeurer dans les autres Seminaires, Riches toutesfois en desir de se Sanctifier & de s’instruire pour servir un jour l’Eglise, dans les Catechismes, Ecoles, Vicariats & autres emplois penibles, & abandonnez du Dioceze, où ils doivent estre disposez d’aller, quand Monseigneur l’Archeveque, où ses Officiers, ausquels ils doivent faire profession particuliere d’obeïr, jugeront à propos de les envoyer.

On se leve à quatre heures & demy, excepté certain temps : On fait demy heure d’Oraison, ensuite l’étude, la Classe, le Plein chant, la lecture du Nouveau Testament, l’Examen particulier.

Pendant les repas on fait la lecture, puis la recreation, dont une partie est employée parfois au travail manuel, parfois aux ceremonies de la Messe, des Sacremens, Conference du Catechisme, Rubriques suivant qu’il est determine. Ceux qui sont obligez à l’Office le disent en commun, & toute la Communauté assiste seulement aux Vespres. à 8 heures & demy du soir, on fait la Priere & à 9 tous doivent etre couchez. Hors les susdits exercices, chacun doit estre dans le silence, & s’appliquer à l’étude ou autre employ design&. Les Dimanches & les Fetes apres l’Oraison on en fait la repetition l’on se Confesse, 33 L’on assiste à la grande Messe ; l’on fait la repetition de l’étude de la semaine, ou l’explication de l’Ecriture Sainte, etc. Les Dimanches & les Fetes apres l’Oraison on en fait la repetition, l’on se Confesse, 33 l’on assiste à la grande Messe ; l’on fait la repetition de l’étude de la semaine, ou l’explication de l’Ecriture Sainte, etc.

Conference des Cas de Conscience.

Enfin on est soigneux de bannir l’Oysiveté par l’étude, un travail continuel, etc.[2]

  1. Francois Hallier (1595-1659) professait la philosophie à Paris des l’âge de 16 ans. Docteur de Sorbonne en 1625, il fut précepteur de Fernand de Neuville, futur évêque de Chartres. En 1636, son ouvrage de droit canonique sur les ordinations suscita l’admiration generale : Electionibus & Ordinationibus, ex antiquo & novo Eclesiae usu. Nommé évêque de Toul en 1656, puis de Cavaillon, il mourut peu après.
  2. Ce reglement de la Communauté S. Charles est approprie à la formation d’ecclesiastiques car il comporte une serie d’excrcices propres à des clercs. Au contraire, les Exercices journaliers qui font suite à l’Avis important relatif à la necessité d’un Seminaire de Maitre d’ecoles, fait leur place à des vacations en Eccles à raison de 2 h 1/2 le matin & autant l’apres-midi. Le lever des clercs est fixé à 5 h tandis que celui des maitres le devance d’une demi-heure, en temps ordinaire. Les clercs font oraison, les maitres se contentent de Ia opriereo. Les differences proviennent-elles de ce que l’un des reglements à eté mis en place avant l’autre ou bien de ce qu’il y a eu, à une même epoque, deux reglements paralleles dans les mêmes batiments ? Il est bien evident que, même lorsque tous les ecclesiastiques en formation effectuaient un stage en ecoles, Il y en avait qui demeuraient au Seminaire pendant que d’autres allaient enseigner les enfants. Deux emplois du temps differents s’imposaient donc. Chaque seminariste passait, au cours de son sejour au Seminaire, par l’un puis l’autre horaire.