La Maison de la bonne presse (p. 95-98).


INDISCRÉTION


Le ciel était serein, le soir,
Où je cueillis dans ton œil noir,
La douce flamme
De ta chère âme.

Nous étions seuls sous les ormeaux
Qui tendent leurs touffus rameaux
Pleins de murmures
Sur l’onde pure.


Depuis longtemps nous écoutions
Les derniers refrains des pinsons,
Dans la feuillée
Émerveillée ;

Nos cœurs étaient remplis d’émois,
Le bois, la grève, avaient des voix,
Où l’amour tendre
Se fait entendre ;

Et c’est alors que dans ta main,
Je laissai la mienne en chemin…
Audace extrême,
Vois-tu je t’aime.


Tu n’osas point la repousser,
Et tu souffris même un baiser
Dont la ramure
Sut le murmure.

Tu rougis un peu, j’en conviens,
Voilà pourquoi je n’eus les tiens…
Merci de même,
Vois-tu, je t’aime !

Il est bien loin déjà ce jour !
Mais mon âme en garde l’amour ;
Et ma chérie,
Ma rêverie,


Souvent sous les ormeaux, le soir,
Suspend son vol et va s’asseoir.
Mais tout s’efface,
Même ta trace !

Tu n’es plus là ! seuls les oiseaux
Et le gazouillement des eaux
Rappellent l’heure
Qu’hélas ! je pleure !


Juin 1889.