Recueil général des anciennes lois françaises/Arrêt du parlement de Paris touchant la régence, et procès-verbal de ce qui s’est passé au parlement à ce sujet

No 2. — Arrêt du parlement de Paris touchant la régence, et procès-verbal de ce qui s’est passé au parlement à ce sujet.

2 septembre 1715. (Archiv.)
EXTRAIT DES REGISTRES DU PARLEMENT.
Princes du sang. Le duc d’Orléans, le duc de Bourbon, le comte de Charolois, le prince de Conty, le duc du Maine, le prince de Dombes, le comte de Toulouse.
Pairs de France. L’archevêque duc de Reims, les évêques duc de Laon, duc de Langres, comte de Beauvais, comte de Noyon ; les ducs d’Uzès, de Monbazon, de la Tremoille, de Sully, de Saint-Simon, de la Rochefoucault, de la Force, de Rohan, d’Albret, de Piney-Luxembourg, d’Estrées, de Gramont, de la Meilleraye, de Mortemart, de Noailles, d’Aumont, de Charrost, de Villars, d’Harcourt, de Fitz-James, d’Antin, de Chaulnes, de Rohan-Rohan, d’Oslun.
Premier président. Messire Jean-Antoine de Mesme, chevalier.
Présidens. Messires André Potier, Jean-Jacques Charron, Chrestien de Lamoignon, Antoine Portail, Michel-Charles Amelot, Louis le Peletier, Nicolas-Louis de Bailleul.
Conseillers de la grande chambre. Le Nain, doyen. (Suivent les noms de trente-deux conseillers, dont onze conseillers clercs.)
Présidents des enquêtes et requêtes. (Suivent les noms de dix-huit présidents.)
Conseillers d’honneur. (Suivent trois noms.)
Maîtres des requêtes. (Suivent trois noms.)
Conseillers des enquêtes et requêtes. (Suivent soixante-quatorze noms.)

Ce jour les gens du roi sont entrés en la cour, et ont présenté la lettre de cachet du roi à présent régnant, dont la teneur suit. (V. la pièce précédente.)

Toutes les chambres ayant été assemblées, lecture a été

faite de la lettre de cachet ; après laquelle M. le premier président a fait observer à Messieurs qu’il n’étoit point fait mention du nouveau serment, comme dans celle qui fut apportée au parlement après la mort du roi Louis XIII.

Il a été arrêté que des députés de la cour iront incessamment devers le roi le saluer de la part de la compagnie, l’assurer de ses respects et de ses soumissions, et supplier Sa Majesté de venir en son parlement le plus tôt que sa commodité le lui pourra permettre, se faire voir à ses sujets en son lit de justice.

Les gens du roi qui s’étoient retirés après avoir présenté la lettre, ont été mandés ; M. le premier président leur a fait entendre l’arrêté de la compagnie, et leur a dit de savoir de M. le chancelier l’heure de la commodité du roi : ils ont dit qu’ils obéiroient aux ordres de la cour, et se sont retirés.

Et ensuite M. le premier président a dit, que M. le duc d’Orléans lui ayant fait l’honneur de lui dire la veille, qu’il viendroit ce matin en la cour pour assister à l’ouverture du testament du feu roi, il étoit nécessaire d’aviser de quelle manière il seroit reçu, attendu qu’il ne se trouvoit point d’exemple qu’il y eût eu de députation pour recevoir d’autres princes du sang que les fils de France : qu’il ne pouvoit s’empêcher de dire, que M. le duc d’Orléans lui-même lui avoit dit, que l’on ne devoit pas lui rendre les mêmes honneurs qu’aux fils de France : mais qu’il paraissoit à lui premier président, que la naissance et le rang de M. le duc d’Orléans pouvoient porter la compagnie à lui faire une députation semblable à celles qui avoient été faites à M. le duc de Berry et à Monsieur, Gaston duc d’Orléans : sur quoi la cour ayant délibéré, il a été arrêté qu’attendu le rang de M. le duc d’Orléans dans la conjoncture présente, deux présidents et deux conseillers iront le saluer à la Sainte-Chapelle et le conduiront à la cour, ainsi qu’il en a été usé pour feu M. le duc de Berry, le 15 mars 1715, et pour Monsieur, Gaston duc d’Orléans, toutes les fois qu’il est venu en la cour.

Sur les sept à huit heures sont venus en la cour successivement, MM. les ducs de Bourbon, comte de Charolois, prince de Conty, duc du Maine, prince de Dombes et comte de Toulouse, princes du sang, passant à leurs places à travers le parquet, et les pairs ecclésiastiques et laïques ci-dessus nommés par derrière le barreau ; et comme ils étoient en grand nombre, ils ont rempli premièrement les trois bancs du parquet, et ensuite trois autres formes que l’on avoit mises devant le banc du côté du greffe, M. le Meusnier, conseiller, est demeuré à l’ordinaire au bout du premier ; M. Robert au bout du second, et M. le Nain, doyen, au bout du troisième attenant la lanterne du côté du greffe.

Vers les huit à neuf heures, la cour ayant été avertie que M. le duc d’Orléans étoit à la Sainte-Chapelle où il entendoit la messe, MM. les présidents le Peletier et de Bailleul, Cadeau et Gaudart, conseillers, ont été députés pour l’y aller saluer au nom de la compagnie, ce qu’ils ont fait et l’ont conduit en la cour, MM. les présidents marchant à ses côtés, et MM. les conseillers derrière lui.

M. le duc d’Orléans a passé à travers le parquet ; et lorsqu’il a été placé au-dessus de M. le duc de Bourbon, M. le premier président lui a dit :

« Monsieur, le parlement profondément affligé de la perte que la France vient de faire, conçoit de grandes espérances pour le bien public, de voir un prince aussi éclairé que vous, Monsieur, aussi pénétré que vous l’êtes de tous les sentiments de justice, venir dans la compagnie avec les dispositions que vous y apportez : la cour m’a chargé de vous assurer. Monsieur, qu’elle concourra avec vous au service du roi et de l’Etat de toutes ses forces et avec tout le zèle qui l’a toujours distinguée des autres compagnies du royaume : elle m’a en même temps expressément ordonné de vous protester, Monsieur, qu’elle ira au-devant de tout ce qui pourra vous prouver le profond respect qu’elle a pour vous. »

M. le duc d’Orléans a marqué à M. le premier président beaucoup de satisfaction de ce qu’il lui avoit dit, et a témoigné ensuite vouloir parler à la compagnie en présence des gens du roi ; aussitôt ils ont été mandés par M. le premier président, et M. le duc d’Orléans ayant salué la compagnie, a dit :

« Messieurs, après tous les malheurs qui ont accablé la France et la perte que nous venons de faire d’un grand roi, notre unique espérance est en celui que Dieu nous a donné : c’est à lui. Messieurs, que nous devons à présent nos hommages, et une fidèle obéissance. C’est moi, comme le premier de ses sujets, qui dois donner l’exemple de cette fidélité inviolable pour sa personne, et d’un attachement encore plus particulier que les autres aux intérêts de son Etat. Ces sentiments connus du feu roi, m’ont attiré sans doute ces discours pleins de bonté, qu’il m’a tenus dans les derniers instants de sa vie, et dont je crois vous devoir rendre compte. Après avoir reçu le viatique, il m’appela, et me dit : Mon neveu, j’ai fait un testament où vous ai conservé tous les droits que vous donne votre naissance, je vous recommande le dauphin, servez-le aussi fidèlement que vous m’avez servi, et travaillez à lui conserver son royaume ; s’il vient à manquer vous serez le maître, et la couronne vous appartient. A ces paroles il en ajouta d’autres, qui me sont trop avantageuses pour les pouvoir répéter, et il finit en me disant : J’ai fait les dispositifs que j’ai cru les plus sages ; mais comme on ne sauroit tout prévoir, s’il y a quelque chose qui ne soit pas bien, on le changera. Ce sont ses propres termes… Je suis donc persuadé que suivant les lois du royaume, suivant les exemples de ce qui s’est fait dans de pareilles conjonctures, et suivant la destination même du feu roi, la régence m’appartient ; mais je ne serai pas satisfait, si à tant de titres qui se réunissent en ma faveur vous ne joignez vos suffrages et votre approbation, dont je ne serai pas moins flatté que de la régence même. Je vous demande donc, lorsque vous aurez lu le testament que le feu roi a déposé entre vos mains, et les codiciles que je vous apporte, de ne point confondre mes différens titres, et de délibérer également sur l’un et sur l’autre, c’est-à-dire sur le droit que ma naissance m’a donné, et sur celui que le testament y pourra ajouter. Je suis persuadé même que vous jugerez à propos de commencer par délibérer sur le premier ; mais à quelque titre que j’aie droit à la régence, j’ose vous assurer, Messieurs, que je la mériterai par mon zèle pour le service du roi, et par mon amour pour le bien public, surtout étant aidé par vos conseils, et par vos sages remontrances ; je vous les demande par avance, en protestant devant cette auguste assemblée que je n’aurai jamais d’autre dessein que de soulager les peuples, de rétablir le bon ordre dans les finances, de retrancher les dépenses superflues, d’entretenir la paix au dedans et au dehors du royaume, de rétablir surtout l’union et la tranquillité de l’Eglise, et de travailler enfin avec toute l’application qui me sera possible à tout ce qui peut rendre un État heureux et florissant. Ce que je demande donc à présent, Messieurs, est que les gens du roi donnent leurs conclusions sur la proposition que je viens de faire, que l’on délibère aussitôt que le testament aura été lu, sur les titres que j’ai pour parvenir à la régence, en commençant par le premier, c’est-à-dire par celui que je tire de ma naissance et des lois du royaume. »

Les gens du roi se sont levés et ont dit par la bouche de maître Guillaume François Joly de Fleury, l’un des avocats dudit seigneur, que la juste douleur qui les occupoit leur permettoit à peine d’exprimer leurs sentiments, et qu’ils ne marqueroient en ce jour leur affliction que par leur silence, si leur zèle pour le bien de l’Etat ne ranimoit leur courage.

Que nous venons de perdre un roi, dont le règne sera mémorable à jamais dans la postérité, et que les derniers moments de sa vie, monuments éternels de la sincérité de sa religion et de la fermeté de son ame, ajoutant un dernier degré à sa gloire, mettent aussi le comble à notre douleur.

Que le ciel en nous enlevant un prince qui sera toujours le sujet de nos regrets, nous laisse un roi dont les heureuses dispositions, et un esprit qui brille déjà au travers des ténèbres de l’enfance, sont le fondement de nos plus douces espérances.

Mais que ce n’est point par des larmes inutiles et par de simples vœux, que nous devons lui témoigner notre zèle et honorer dignement la mémoire d’un prince qui, n’ayant été occupé en mourant que du salut de l’Etat, nous a appris par son exemple à ne chercher notre consolation que dans l’établissement d’un gouvernement proportionné aux besoins de cette grande monarchie.

Que la naissance appelle M. le duc d’Orléans à la régence de ce royaume, qu’il semble même que la nature qui l’y a destiné, ait pris plaisir à justifier son choix par des qualités éminentes, qui le rendroient digne d’être élevé au titre de régent par les suffrages de cette auguste compagnie, quand on pourroit oublier que c’est la nature même qui le lui présente, et que si la cour suspendoit encore sa délibération sur ce sujet, c’étoit par un effet de sa religion pour le dépôt sacré qui a été remis entre ses mains.

Que le terme fatal est arrivé, où suivant l’édit qui accompagne ce dépôt, leur premier devoir est de demander à la cour l’ouverture du testament que le roi lui a confié, et la lecture des codiciles dont M. !e duc d’Orléans vient de parler.

Qu’ils ne peuvent craindre que la lecture de ces dispositions, qui suivant ce que M. le duc d’Orléans a appris de la bouche même du feu roi, tendent à confirmer le droit de sa naissance, puisse y donner aucune atteinte, et que le tempérament qu’il propose leur paroît si mesuré et si plein de sagesse, qu’ils ne pouvoient rien faire de mieux que d’y joindre leurs suffrages.

Que la cour rendroit par-là tout ce qui peut être dû et aux prérogatives de la naissance, et à la volonté d’un testateur si respectable, qu’elle remplira également le devoir de juge et celui de dépositaire, et que la délibération qui sera faite ensuite sur les deux titres qui concourent en faveur de M. le duc d’Orléans, suivra l’ordre de la nature, quand la cour commencera par envisager ce qui pourroit appartenir à ce Prince, s’il n’y avoit point de testament, pour passer ensuite au nouveau droit qu’il pourra acquérir par cette disposition.

Hâtons-nous donc (ont ajouté les gens du roi) de répondre à la juste confiance que le roi a eue en son parlement. Nous désirions en vous apportant ce dépôt, que nous fûmes chargés alors de vous présenter, qu’une vie encore plus longue pût rendre la prévoyance du roi inutile, mais puisque le ciel n’a point exaucé nos premiers vœux, acquittons nous au plus tôt de l’engagement que nous contractâmes alors, et dégageons la foi de celle auguste compagnie.

Que c’étoit ce qui les obligeoit de requérir, que l’édit du mois d’août 1714, et le paquet cacheté, attaché sous le contrescel, soient tirés du lieu où ils ont été mis en dépôt, en exécution de l’arrêt de la cour du 29 août 1714, qu’il soit dressé procès-verbal du lieu du dépôt par M. le premier président, en présence de M. le procureur-général, et qu’après l’ouverture dudit paquet qui sera faite en la cour, il en soit fait lecture le tout conformément à l’édit et à l’arrêt, qu’il soit fait aussitôt lecture des codiciles, pour être ensuite par eux pris telles conclusions qu’il appartiendra, et délibéré par la cour tant sur le droit qui peut appartenir à M. le duc d’Orléans par sa naissance, que sur l’exécution du testament contenu dans ledit paquet et des codiciles du feu roi.

Les gens du roi retirés,

M. le duc d’Orléans s’est levé comme ne voulant point assister à la délibération qui le regardoit ; mais il a été prié de demeurer : ce qu’il a fait.

Et M. le premier président a demandé l’avis à M. le Nain, doyen, puis à M. le Meusnier, et à M. Robert qui étoient au bout des trois bancs après MM. les pairs ; aux conseillers d’honneur, maîtres des requêtes et conseillers de la grand’chambre, qui étoient en haut derrière MM. les présidents ; aux présidents et conseillers des enquêtes et requêtes ; à MM. les pairs en remontant depuis le dernier jusqu’à l’archevêque duc de Reims, sans ôter son bonnet et les nommant tous par le titre de leurs pairies ; a MM. les princes du sang, en leur ôtant à tous son bonnet, et leur faisant une profonde inclination, finissant par M. le duc d’Orléans, qui dit à M. le premier président, que puisque la compagnie avoit jugé à propos qu’il demeurât à la délibération, du moins n’y devoit-il pas opiner : et enfin à MM. les présidents, son bonnet à la main, sans les nommer.

Arrêt est intervenu conforme aux conclusions des gens du roi, dont il y a minute à part.

En exécution duquel M. le premier président, le procureur-général du roi, et le greffier en chef qui avoient les clefs du dépôt allèrent au greffe, et peu de temps après revinrent, M. le premier président tenant en ses mains le portefeuille dans lequel l’édit et le paquet cacheté attaché sous le contre-scel étoient enfermés.

Il mit le portefeuille sur son bureau, et en tirant le paquet, le présenta à M. le duc d’Orléans, lequel l’ouvrit avec M. le premier président.

L’édit du mois d’août mil sept cent quatorze fut lu, puis le testament olographe trouvé dans le paquet.

Il étoit en six feuillets entièrement écrits au recto et au verso, et en un septième et dernier feuillet aussi entièrement écrit au recto, et un peu plus de la moitié au verso.

Le premier feuillet commençant en haut par ces mots : Ceci est notre disposition et ordonnance de dernière volonté ; et finissant en la dernière page par ces mois : Fait à Marly, le deuxième d’août dix-sept cent quatorze, LOUIS.

Et ensuite les deux codiciles apportés par M. le duc d’Orléans, et mis par lui entre les mains de M. le premier président, ont été pareillement lus : ils étoient dans une même feuille de papier, le premier daté du treizième avril, et le second du vingt-troisième août derniers mil sept cent quinze, et ils n’étoient point cachetés[1].

Ce fait, M. le duc d’Orléans prenant la parole, a dit, que malgré le respect qu’il avoit toujours eu pour les volontés du feu roi, et qu’il conserveroit pour ses dernières dispositions, il ne pouvoit pas n’être point touché de voir que l’on ne lui déféroit pas un titre qui étoit dû à sa naissance, et dont il avoit lieu de se flatter par les dernières paroles que le feu roi lui avoit dites, et qu’il avoit rapportées à la cour ; que comme la compagnie avoit ordonné qu’il seroit statué séparément sur les droits de sa naissance, après la lecture du testament et des codiciles, il insistoit à ce que la cour opinât sur la régence avant qu’il fît ses observations sur quelques articles du testament et sur le commandement des troupes, et demandoit que les gens du roi donnassent leurs conclusions.

Les gens du roi se sont levés, et ont dit :

Que les droits du sang, le mérite supérieur de M. le duc d’Orléans, et les dernières volontés du roi, étoient autant de titres qui, réunissant dans la personne de M. le duc d’Orléans tous les droits qu’il pouvoit avoir à la régence du royaume, devoient aussi réunir tous les suffrages.

Que si le testament du roi ne donnoit à M. le duc d’Orléans que le titre de chef du conseil de régence, il falloit plutôt s’attacher à l’esprit qu’à la lettre du testament ; qu’il étoit toujours le premier par la volonté du roi dans la régence du royaume, comme il l’étoit par son mérite et par l’élévation de son rang.

Que si nos mœurs déféroient ordinairement la tutelle dans les familles particulières au plus proche parent, elles appeloient aussi le prince le plus proche à la régence du royaume ; que c’est ainsi qu’après la mort de Louis Hutin, en 1316, Philippe-le-Long, son frère puîné, fut déclaré régent du royaume, comme plus proche du défunt roi, malgré les prétentions de Charles, comte de Valois, qui étoit oncle de Louis Hutin ; que c’est ainsi qu’en 1327, Charles-le-Bel ayant laissé en mourant la reine sa femme enceinte, la régence fut jugée devoir appartenir à Philippe de Valois, cousin germain et plus proche du roi défunt, parce que (pour nous servir des termes d’un de nos anciens historiens) la raison veut que le plus prochain de la couronne ait l’administration de toutes les affaires.

Que si l’édit de 1407 paroît d’abord une loi générale qui a aboli l’usage des régences, on ne doit pas l’étendre au-delà de ses véritables bornes, que ce n’est pas au titre et au nom de régent, mais à l’autorité et au pouvoir des anciens régents du royaume que cet édit a donné atteinte, la royauté étoit alors comme éclipsée pendant la minorité, il ne se faisoit rien sous le nom du roi, on mettoit le nom du régent à la tête des lois : un sceau particulier et propre au régent lui donnoit le caractère de l’autorité publique, on réforma cet abus par l’édit de 1407, et c’est depuis ce temps que les rois, suivant les termes de l’édit, ont été, quoique mineurs, dits, appelés, tenus et réputés rois de France, mais le titre de régent a toujours subsisté depuis ce temps même ; s’il n’a été déféré qu’à des reines et à des mères, c’est parce qu’il s’en est toujours trouvé en état d’être choisies pour régentes. Mais ces exemples justifient que le titre de régent n’a point été aboli par l’édit de 1407, qui ne seroit pas moins contraire aux reines qu’aux princes du sang royal, si on vouloit l’entendre dans un sens trop rigoureux et si l’on n’entroit plutôt dans son véritable esprit, qui n’a été, que de tempérer l’ancienne autorité des régents et non d’en détruire jusqu’au nom, et l’on ne sauroit montrer en effet que le royaume ait jamais été gouverné pendant les minorités par d’autres que par des régents.

Qu’ils peuvent donc dire avec raison, que sous ce nom de chef du conseil de la régence, le roi a désigné effectivement M. le duc d’Orléans pour régent du royaume, et les dernières paroles que le roi lui a dites qu’il n’avoit fait aucun préjudice aux droits de sa naissance, expliquent encore suffisamment ses intentions.

Quel avantage pour ce royaume de voir la conduite de l’Etat entre les mains d’un prince si digne de gouverner, qui sait allier la justice et la bonté, la valeur et la prudence, les lumières supérieures et une modestie qui voudroit toujours les cacher, né pour les grandes choses et capable des plus petites, au-dessus de tous par l’élévation de son rang, et cherchant à se rabaisser pour se mettre à la portée de tous ; la cour n’a pas besoin du témoignage éclatant qu’il vient de rendre de ses sages dispositions pour le gouvernement de l’Etat, du désir ardent qu’il a de soulager les peuples, de son attention à procurer la tranquillité au dedans et au dehors du royaume, de son zèle pour la paix de l’Eglise, de sa confiance en vos lumières, en vos avis, en vos remontrances, et ce qu’il a dit sur ce sujet n’ajoute rien à ce que toute la France avoit lieu de se promettre de la droiture de ses intentions. Qu’ils ne voyoient donc rien qui ne concourût à déférer la régence à M. le duc d’Orléans ; que c’est par ces raisons, qu’ils requéroient qu’il plût à la cour déclarer M. le duc d’Orléans régent en France, pour avoir, en cette qualité, l’administration des affaires de royaume pendant la minorité du roi, sauf à délibérer ensuite sur les autres propositions qui pourroient être faites par M. le duc d’Orléans.

Les gens du roi retirés au parquet, la matière mise en délibération, ainsi que ci-dessus, M. le duc d’Orléans a été déclaré régent en France, pour avoir l’administration du royaume pendant la minorité du roi.

Les gens du roi étant ensuite rentrés, M. le duc d’Orléans a dit, qu’après le titre glorieux que la compagnie venoit de lui accorder, il avoit des observations à faire sur ce qui le regardoit, et sur ce qui pouvoit intéresser les autres princes : Que le conseil tel que le roi l’avoit formé par son testament, auroit pu suffire à un prince expérimenté dans l’art de régner qui l’avoit composé comme pour lui-même, mais qu’il avouoit qu’il avoit besoin de plus grands secours, n’ayant ni les mêmes lumières, ni la même expérience ; que jusqu’à présent une seule personne avoit été chargée d’une seule matière : par exemple, le secrétaire-d’état de la guerre étoit chargé de tout ce qui regardoit les affaires militaires, les rapportoit seul, et recevoit seul les ordres du feu roi, et ainsi des autres ; mais qu’il croyoit devoir proposer d’établir plusieurs conseils pour discuter les matières qui seroient ensuite réglées au conseil de régence, où l’on pourroit peut-être faire entrer quelques-uns de ceux qui auroient assisté aux conseils particuliers ; que c’étoit un des plans qui avoient été formés par M. le Dauphin, dernier mort, et que le roi en donnoit lui-même l’idée par rapport à la distribution des bénéfices pour laquelle il faisoit entrer au conseil deux évêques et le confesseur du roi ; que comme cela demandoit un grand détail et une plus ample discussion, il en feroit un projet qu’il communiqueroit à la compagnie, dont les avis seroient toujours d’un grand poids sur son esprit ; qu’il ne présumeroit jamais assez de ses propres forces, et qu’il connoissoit trop son peu d’expérience pour prendre sur lui seul la décision d’affaires aussi importantes que celles qui seroient examinées dans le conseil de régence ; qu’il se soumettoit volontiers à la pluralité des suffrages ; mais qu’il demandoit la liberté d’y appeler telles personnes qu’il estimeroit convenables pour le bien de l’Etat, son unique but n’étant que de tâcher de rétablir les affaires du royaume, et de soulager les peuples.

Qu’à l’égard de M. le duc, il étoit dit dans le testament, qu’il n’auroit entrée au conseil de régence qu’à vingt-quatre ans accomplis : mais qu’il croyoit que la compagnie ne feroit pas de difficulté de lui accorder place dès à présent dans ce conseil, puisqu’il avoit vingt-trois ans passés, et que les rois qui ne sont majeurs qu’à quatorze ans, sont pourtant déclarés majeurs à treize ans et un jour, mais qu’il demandoit encore en faveur de M. le duc une place que son bisaïeul avoit occupée pendant la dernière régence, et qui ne peut regarder que M. le duc ; que c’étoit la place de chef du conseil de la régence, et qu’il espéroit aussi que la compagnie ne refuseroit pas à M. le duc, de présider à ce conseil en l’absence du régent.

Qu’il ne pouvoit attribuer qu’à oubli, de ce que M. le prince de Conti n’étoit pas appelé par le testament au conseil de régence, que cette place lui étoit due en qualité de prince du sang, et qu’il lui paroissoit que la règle que l’on établiroit pour l’âge à l’égard de M. le duc, devoit servir d’exemple pour M. le prince de Conti, qui étoit le seul que le choix pût regarder, les autres princes du sang étant trop jeunes.

Qu’il connoissoit que l’éducation du roi étoit remise en de très-bonnes mains, puisqu’elle étoit donnée à M. le duc du Maine ; mais qu’il avoit sur cela deux réflexions à faire faire à la cour.

La première, qu’il ne pouvoit voir déférer à un autre qu’à lui régent, le commandement des troupes de la maison du roi ; que la défense du royaume résidoit en la personne du régent, et qu’il devoit par conséquent être le maître d’un moment à l’autre de faire marcher les troupes, et même celles de la maison du roi, partout où le besoin de l’Etat l’exigeroit ; qu’ainsi il demandoit le commandement entier des troupes, même de celles de la maison du roi ; que la seconde réflexion qu’il avoit à faire faire à la compagnie étoit, qu’il n’étoit pas convenable que M. le duc fût dans la dépendance de M. le duc du Maine pour les fonctions de la charge de grand-maître de la maison du roi, et qu’il demandoit que les gens du roi donnassent leurs conclusions sur tous ces chefs.

M. le duc de Bourbon a dit, qu’après ce que M. le duc d’Orléans avoit eu la bonté de représenter en sa faveur à la compagnie, il n’avoit plus qu’à en attendre la confirmation ; persuadé qu’elle voudra bien lui donner dès à présent l’entrée au conseil de régence, et qu’il espéroit qu’en lui donnant place dans ce conseil la compagnie concourra encore par ses suffrages à lui accorder le titre de chef de ce conseil, et la présidence en l’absence de M. le régent ; qu’il croyoit aussi que l’on ne voudroit pas l’obliger à être subordonné à M. le duc du Maine, pour les fonctions de grand-maitre de la maison du roi, ce qui ne conviendroit ni à sa naissance ni à la dignité de sa charge.

M. le duc du Maine a parlé en ces termes :

« Messieurs, je suis persuadé, ou du moins je veux me flatter qu’en ce qui peut avoir rapport à moi dans la disposition testamentaire du feu roi de glorieuse mémoire, M. le duc d’Orléans n’est pas blessé du choix de ma personne pour l’honorable emploi auquel je suis appelé, et qu’il ne l’est que sur les choses qu’il croit préjudiciables à l’autorité qu’il doit avoir, et au bien de l’Etat, et que par conséquent, ne considérant que ces deux points, il se fera un honneur et un plaisir dans ce qui n’intéressera ni l’un ni l’autre, d’aller au plus près des dernières volontés de S. M.

« J’avois bien senti, et même j’avois pris la liberté de le représenter au roi, lorsqu’il me fit l’honneur de me donner peu de jours avant sa mort une notion de ce qu’il me destinoit, que le commandement continuel de toute sa maison militaire étoit fort au-dessus de moi ; mais il me ferma la bouche en me disant, que je devais respecter toujours ses volontés. Je ne crois donc pas avoir la liberté de m’en désister. J’assure cependant que c’est sans aucune peine que je vois discuter cet article ; que je sacrifierois toujours très-volontiers mes intérêts au bien et au repos de l’Etat, et que je ne ferai point de difficulté de me soumettre à ce qui sera décidé, osant seulement demander que s’il est conclu qu’il faille changer quelque chose à cet article, on détermine le titre de l’emploi qu’il a plu à S. M. de me donner, qu’on fasse un réglement stable, authentique, sur les prérogatives qui me seront attribuées, et qu’avant qu’il y soit procédé, je puisse dire encore ce que je crois ne pouvoir me dispenser de représenter, pour avoir un peu plus que la vaine apparence de répondre de la personne du roi. »

Les gens du roi s’étant levés, ont dit : Que ne devant proposer à la compagnie que leur vœu commun, qu’ils doivent donner par une délibération commune, il ne leur étoit pas possible de se déterminer sur ces différentes difficultés qui viennent de naître, si la cour n’avoit la bonté de leur faire donner la communication du testament et des codiciles du feu roi, et ne leur permettoit de se retirer pour quelques moments au parquet, pour y concerter les réflexions qu’ils croiroient nécessaires sur les propositions qui venoient d’être faites, et pour apporter ensuite à la compagnie les conclusions qu’ils estimeroient convenables.

Le testament et les codiciles leur ont été mis entre les mains, et ils se sont retirés au parquet ; et peu de temps après étant rentrés, ils ont rapporté le testament et les codiciles, et ont dit :

Qu’après avoir entendu ce qui a été dit dans cette auguste assemblée par M. le duc d’Orléans, par M. le duc de Bourbon, et par M. le duc du Maine, et après la communication qui leur a été faite des dernières dispositions du roi défunt, deux objets principaux sembloient devoir partager toutes leurs vues et fixer leur attention, la régence du royaume, et l’éducation du roi mineur.

Que la cour ayant déféré le titre et la qualité de régent à M. le duc d’Orléans, si digne de soutenir les fonctions de cette place éminente, il ne restoit plus, par rapport à ce premier point, que le conseil de régence sur lequel il fût question de délibérer.

Que ce que M. le duc d’Orléans venoit de proposer sur ce sujet, étoit un témoignage qu’il avoit voulu rendre publiquement de la défiance qu’il avoit seul de ses propres forces ; que dans cette pensée, il ne croyoit pas que les secours que le roi lui donnoit par son testament, lui fussent suffisants pour le gouvernement d’un si grand royaume ; que c’est ce qui l’engageoit à demander le temps de faire le choix de personnes sages et éclairées qu’il pût associer à la conduite de l’Etat et de proposer des projets de différents conseils particuliers, qu’il croyoit nécessaires pour établir un bon et sage gouvernement ; et que comme cette proposition ne tendoit qu’à perfectionner le plan de la régence, ils ne pouvoient qu’applaudir à un dessein si avantageux au public, et qu’il ne restoit qu’à remettre sur ce sujet la délibération au jour auquel M. le duc d’Orléans voudroit bien expliquer ses projets.

Mais qu’à l’égard de ce que M. le duc d’Orléans avait proposé par rapport à M. le duc de Bourbon et aux autres princes du sang royal, et de ce que M. le duc de Bourbon demandoit lui-même, la cour étoit en état dès à présent d’y prononcer ; que la volonté du roi défunt et ce qui étoit dû au rang de M. le duc de Bourbon concouroient également à lui donner place dans le conseil de régence ; que quand cet honneur ne seroit pas dû à son rang, il seroit dû à son mérite ; que quoique par la dernière disposition du roi il ne dût y avoir entrée qu’à l’âge de vingt-quatre ans accomplis, ses qualités personnelles suffiroient seules pour avancer ce temps en sa faveur, quand même les lois communes du royaume qui règlent le temps de la majorité lui seroient contraires.

Mais qu’outre l’exemple des rois qui n’étant majeurs qu’à quatorze ans, sont réputés cependant avoir acquis la majorité à treize ans et un jour, exemple qui forme d’abord un si puissant préjugé pour lui, si l’on vouloit consulter la disposition des anciennes lois de la France, on trouveroit que plusieurs des coutumes avoient fixé la majorité à quinze ans, que celles qui l’avoient le plus reculée en avoient marqué le commencement à vingt-un, et que, suivant nos anciennes mœurs, la majorité étoit acquise par toute la France à l’âge de vingt-un ans ; que si dans la suite, les ordonnances de nos rois avoient fixé la majorité parfaite à vingt-cinq ans pour les familles particulières, ces lois n’avoient point eu d’application à ce qui regardoit le gouvernement du royaume, puisqu’elles n’ont eu aucun effet par rapport à la majorité des rois ; et que le duc d’Orléans, âgé de vingt-deux ans, ayant été jugé capable, en 1483, d’être le président du conseil de régence pendant la minorité de Charles VIII, et d’avoir la principale administration des affaires, il seroit étrange que M. le duc de Bourbon ne pût avoir entrée au conseil dans un âge plus avancé ; que dès qu’il seroit admis à ce conseil, c’étoit une suite nécessaire qu’étant le premier dans l’Etat, après M. le duc d’Orléans, il fût aussi le premier après lui dans le conseil de régence.

Qu’ainsi, puisque la cour avoit déféré le titre de régent à M. le duc d’Orléans, on ne pouvoit refuser à M. le duc de Bourbon la qualité de chef du conseil de régence sous l’autorité du régent ; qualité qui renfermoit en elie-même le pouvoir d’y présider en l’absence de M. le duc d’Orléans, et qu’il ne paroissoit pas que cette proposition pût recevoir le moindre doute, après le dernier exemple de la régence de la reine, mère du feu roi, sous l’autorité de laquelle M. le duc d’Orléans et M. le prince de Condé, en son absence, furent établis chefs du conseil de la régence.

Que si la cour jugeoit à propos de faire entrer dès à présent M. le duc de Bourbon dans le conseil de régence, cette décision seroit une loi pour les autres princes du sang royal qui pourroient atteindre l’âge de vingt-trois ans, pendant la minorité du roi. Qu’il sembloit donc nécessaire de régler dès à présent qu’ils seroient admis au conseil de régence aussitôt qu’ils auroient atteint cet âge.

Qu’après avoir épuisé tout le sujet des délibérations sur la régence il ne restoit plus à régler que ce qui regardoit l’éducation du roi ; mais que les difficultés qui venoient de naître leur avoient paru assez importantes pour mériter de nouvelles réflexions, ce qui les engageoit à demander à la cour qu’il lui plût remettre la délibération à l’après-diner.

Que par ces raisons ils requéroient que M. le duc de Bourbon fût dès à présent déclaré chef du conseil de la régence sous l’autorité de M. le duc d’Orléans, et qu’il y présidât en son absence ; qu’il fût ordonné que les princes du sang royal auroient entrée au conseil aussitôt qu’ils auroient atteint l’âge de vingt-trois ans accomplis ; que sur l’établissement des conseils et le choix des personnes qui dévoient les composer, il en fût délibéré lorsque M. le duc d’Orléans se seroit expliqué plus en détail ; et que pour ce qui regardoit l’éducation du roi, le commandement des troupes et tout ce qui pouvoit y avoir rapport, il plût à la cour remettre la délibération à ce jour de relevée, à telle heure qu’il lui plairoit l’indiquer.

Les gens du roi s’étant retirés et la matière mise en délibération, il a été arrêté que le duc de Bourbon sera dès à présent chef du conseil de la régence sous l’autorité de M. le duc d’Orléans, et qu’il y présidera en son absence ; et que les princes du sang royal auront aussi entrée audit conseil lorsqu’ils auront atteint l’âge de vingt-trois ans accomplis.

Et attendu qu’il étoit près d’une heure, le surplus de la délibération a été remis à trois heures de relevée, et M. le duc d’Orléans et toute la compagnie a dit qu’ils ne manqueroient pas de s’y trouver.

Dudit jour deuxième septembre 1715, de relevée.

Sur les trois à quatre heures de relevée la compagnie assemblée dans le même ordre que le matin, avertie que M. le duc d’Orléans venoit, MM. les présidents le Peletier et de Bailleul, Cadeau et Gaudart, conseillers-députés, l’ont été recevoir dans la grande salle du Palais, et l’ont conduit en la cour de la même manière.

Lorsque M. le duc d’Orléans a eu pris sa place, les gens du roi mandés, il a dit en leur présence : Qu’après des réflexions plus sérieuses, il étoit bien aise de s’expliquer sur l’établissement des différents conseils dont il avoit parlé le matin.

Qu’il croyoit donc qu’outre le conseil de régence où se rapporteroient toutes les affaires, il étoit nécessaire d’établir un conseil de guerre, un conseil de finance, un conseil de marine, un conseil pour les affaires étrangères, et un conseil pour les affaires du dedans du royaume, qu’il jugeoit même important de former un conseil de conscience, composé de personnes attachées aux maximes du royaume, et qu’il espéroit que la compagnie ne lui refuseroit pas quelques-uns de ses magistrats qui, par leur capacité et leurs lumières, pussent y soutenir les droits et les libertés de l’église gallicane.

Qu’à l’égard du conseil de régence, il étoit dans la résolution de se soumettre à la pluralité des suffrages, étant toujours disposé à préférer les lumières des autres aux siennes propres.

Mais que dès le moment qu’il s’assujettissoit à cette condition, il croyoit que la compagnie voudroit bien lui donner la liberté de retrancher, d’ajouter et de changer ce qu’il lui plairoit dans le nombre et le choix des personnes dont ce conseil seroit composé ; qu’il demandoit encore que l’on exceptât de ce qui seroit soumis à la pluralité des voix, la distribution des charges, emplois, bénéfices et grâces ; sur quoi pourtant il consulteroit le conseil de régence : mais qu’il souhaitoit être à portée de récompenser les services dont il avoit été témoin, et ceux que l’on rendroit à l’Etat pendant sa régence ; qu’il vouloit être indépendant pour faire le bien, et qu’il consentoit qu’on le liât tant que l’on voudroit pour ne point faire de mal.

Que pour ce qui regardoit les autres conseils, il demandoit aussi la liberté de les former comme il le jugeroit à propos, et qu’il offroit d’en communiquer le projet comme il l’avoit déclaré dès le matin à la compagnie.

Surquoi il demanda que les gens du roi donnassent leurs conclusions, après quoi il s’expliqueroit sur le reste.

Les gens du roi s’élant levés ont dit : Que les articles dont M. le duc d’Orléans venoit de parler à la compagnie, n’étant pas les seuls qu’il eût à proposer, ils croyoient qu’il étoit plus convenable qu’il voulût bien s’expliquer sur toutes les difficultés qui devoient faire dans ce jour l’objet des délibérations de l’assemblée afin qu’ils pussent prendre des conclusions sur toutes les propositions que M. le duc d’Orléans avoit à faire ; et que la cour pût aussi pourvoir à tout par un seul arrêt ; que c’étoit là ce qui les engageoit de supplier M. le duc d’Orléans de vouloir bien continuer d’exposer à la compagnie tous les articles sur lesquels il étoit nécessaire de prononcer.

M. le duc d’Orléans a repris la parole et dit : Qu’il restoit encore l’article important qui concernoit le commandement des troupes du roi, sur lequel la cour avoit remis la délibération à cette après-dînée.

Qu’il ne pouvoit absolument se départir d’un droit qui étoit inséparable de la régence et qui regardoit la sûreté de l’Etat, dont le soin étoit confié à la personne du régent, et qu’on ne pouvoit pas même en excepter le commandement des troupes employées chaque jour à la garde du roi ; que l’autorité militaire devoit toujours se réunir dans une seule personne ; que c’étoit l’ordre des commandements de cette nature et l’unique moyen d’empêcher les divisions qui sont une suite presque inévitable du partage de l’autorité ; qu’il voyoit devant ses yeux des généraux d’armées et très-dignes qui pourroient rendre témoignage à la compagnie de la vérité et de l’importance de cette règle ; que les officiers mêmes qui commandoient les corps qui composent la maison du roi, regardoient comme le plus beau privilège de leurs charges, de ne recevoir l’ordre que de la personne du roi ou du régent qui le représente.

Que c’étoit à lui principalement, et par sa naissance et par sa qualité de régent, de veiller à la conservation et à la sûreté du roi dont la vie étoit si chère à l’Etat, et qu’il ne doutoit pas que M. le duc du Maine n’y concourût avec le même zèle.

Que même suivant le testament du feu roi, la tutelle et la garde étoient déférées au conseil de la régence, et que la compagnie lui ayant accordé de si bonne grâce le titre de régent, il entroit par-là dans le droit du conseil.

Qu’enfin la nécessité du commandement demandoit absolument qu’un seul eût toute l’autorité sur les troupes sans aucune distinction, et qu’il étoit persuadé que cela ne lui pouvoit être refusé.

Qu’ainsi, pour se réduire, il demandoit que les gens du roi eussent à prendre leurs conclusions sur ce qui regardoil les conseils, la distribution des grâces et le commandement des troupes, même de la maison du roi.

Sur quoi les gens du roi s’étant levés, ils ont dit : Qu’après avoir pourvu ce matin à la régence du royaume, il ne s’agissoit plus que d’en régler l’exercice, et de déterminer ensuite ce qui pouvoit regarder l’éducation du roi ; qu’ils lisoient dans les yeux de la compagnie, ils osoient dire même dans son cœur, la satisfaction qu’elle avoit du choix d’un régent qui répondoit si parfaitement aux justes espérances qu’elle avoit conçues de son mérite.

Que les projets des différents conseils dont il n’avoit présenté ce matin qu’une première ébauche, et qu’il venoit d’expliquer plus en détail, étoient une nouvelle preuve de sa capacité en l’art du gouvernement ; et que le dessein qu’il avoit de se soumettre à la pluralité des suffrages du conseil de régence, étoit un nouveau témoignage de l’élévation et de la droiture de ses sentiments.

Ces conseils particuliers, où chaque matière sera amplement discutée, et qui donneront tant de facilité pour les décider au conseil-général de régence ; ce projet conçu par un prince qui, suivant l’ordre de la nature, devoit être notre roi, et qui auroit été si digne du trône de ses ancêtres, ne pouvoit être mieux exécuté que par un régent qui sait connaître et choisir dans chaque chose ce qu’il y a de plus parfait, et le dessein qu’il a d’associer à l’examen des affaires ecclésiastiques du royaume, des magistrats instruits des maximes de la France sur ces matières, justifie pleinement le désir qu’il a de soutenir nos plus saintes lois. Il ne nous reste donc plus que d’attendre que quelques jours de méditation aient donné à M. le duc d’Orléans le loisir de former sur ce plan le système entier de ces conseils, qu’il doit ensuite communiquer à la compagnie.

Que la pluralité des suffrages à laquelle M. le duc d’Orléans veut se conformer dans toutes les affaires publiques du royaume, n’est que l’exécution de l’édit du 26 décembre 1407, sur le fait des régences, qui veut que les délibérations des conseils de régence soient avisées, prises et conclues selon les voix et opinions ; que cette disposition fondée sur presque tous les exemples antérieurs à cet édit, et affermie par un grand nombre d’exemples postérieurs, n’avoit pas laissé de souffrir différentes atteintes, surtout dans les régences des reines, mères des rois mineurs : mais que M. le régent, loin de s’en prévaloir, loin de tirer avantage du dernier exemple, dans lequel malgré la disposition de cet édit, et la volonté du roi Louis XIII, on n’assujettit point la reine, mère du roi, à la pluralité des suffrages pendant sa régence, protestoit publiquement que son intention étoit de s’y conformer. Plus jaloux de la règle que de son pouvoir, moins touché de son intérêt que de ce qu’il regarde comme le bien de l’Etat, il vouloit bien se lier lui-même et il faisoit connoître par cette conduite si sage que ceux qui devroient avoir une plus grande confiance dans leurs propres forces, sont ordinairement ceux qui s’en défient davantage.

La confiance entière de la cour doit être le prix d’une si sage et si noble défiance, et pourroit-elle refuser à un prince qui ne veut conduire ce grand royaume, que par l’avis de personnes également sages et éclairées, le pouvoir d’ajouter, de retrancher, de changer ce qu’il jugera à propos dans le conseil de régence ? L’art de connoître les hommes, ce discernement des esprits qui lui est si naturel, assure au public un choix éclairé qui ne tombera que sur les personnes les plus instruites des maximes du gouvernement, des droits de la couronne, des lois de l’église et de l’Etat, et c’est dans cette assurance qu’ils croient devoir proposer à la cour de remettre entre les mains de ce prince un choix qu’il est si capable de faire.

Que les affaires publiques soient décidées dans le conseil de régence à la pluralité des suffrages ; c’est ce que M. le duc d’Orléans a jugé lui-même être le plus conforme aux lois du royaume, mais de porter cette résolution jusqu’à la distribution des charges, des emplois, des bénéfices et des grâces ; ce seroit ne donner au régent qu’un vain titre, et pour ainsi dire un fantôme d’autorité, ce seroit rendre tout électif en France, et la seule idée d’élection fait envisager d’abord les intrigues, les cabales qui en sont les suites ordinaires, et qui deviennent tôt ou tard des sources funestes de division ; ce seroit enfin affoiblir et presque détruire toute l’autorité de la régence, en ôtant au prince à qui elle est confiée, le pouvoir d’accorder des récompenses et de faire des graces, pouvoir qu’on a toujours regardé comme un des plus grands ressorts du gouvernement ; il n’appartient qu’à celui qui en est chargé, de connoître à fond la juste mesure des services rendus à l’Etat ; de les apprécier à leur véritable valeur et de leur donner la récompense qu’ils méritent, ce n’est pas que M. le duc d’Orléans veuille négliger même sur ce point les avis du conseil de régence, il s’engage au contraire à le consulter ; et pouvoit-il en faire davantage pour apprendre à toute la France l’usage qu’il veut faire de la liberté qu’il demande ? Ils ne peuvent donc que souscrire à une réserve si juste et si mesurée, et supplier la cour de conserver à jamais dans ses registres ces paroles mémorables de M. le duc d’Orléans : Qu’il ne voulait être indépendant que pour faire le bien, et qu’il consentait qu’on le liât tant qu’on le voudrait pour ne point faire de mal.

Qu’après avoir tâché de remplir tout ce que le devoir de leur ministère exigeoit d’eux par rapport à l’exercice de la régence, il ne leur restoit plus qu’à proposer à la cour leurs réflexions sur ce qui regardoit l’éducation du roi.

Qu’il n’étoit ni nouveau ni singulier de voir, dans les familles particulières, l’éducation des mineurs séparée de la régie et de l’administration des biens, et que les histoires sont pleines d’exemples dans lesquels la régence du royaume et l’éducation des rois mineurs ont été confiées à des personnes différentes.

Que ce sont sans doute ces exemples qui ont inspiré au roi défunt la pensée de remettre l’éducation du roi son petit-fils entre les mains de M. le duc du Maine ; que le vœu d’un père et d’un roi, qui est présumé mieux instruit que tout autre de ce qui peut-être plus convenable à l’éducation de ses enfants, est d’un si grand poids, que sans de puissantes raisons, il étoit difficile de ne pas se soumettre à la sagesse de ses dispositions.

Que la volonté du feu roi, le suffrage de M. le Régent, les lumières et les vertus de M. le duc du Maine concourant à lui faire déférer une éducation si précieuse à la France, il étoit nécessaire de lui donner un titre qui répondit au glorieux emploi qui lui étoit destiné ; que la tutelle du roi étant entre les mains du conseil de régence, suivant les dernières dispositions du roi défunt, et M. le duc d’Orléans entrant par la qualité de régent qui lui a été déférée, dans les droits du conseil de régence, on ne pouvoit concevoir de titre plus honorable pour M. le duc du Maine, et plus convenable à la fonction à laquelle il étoit appelé, que celui de surintendant à l’éducation du roi, titre qui renfermoit toute l’étendue du pouvoir que M. le duc du Maine devoit avoir dans cet emploi ; qu’il ne restoit que deux difficultés par rapport à ses fonctions, l’une qui regardoit le commandement des troupes de la maison du roi, qui est déféré par le testament du roi à celui qui doit être chargé de son éducation ; l’autre qui concernoit M. le duc de Bourbon en qualité de grand-maître de la maison du roi.

Que M. le Régent a fait assez connoître à la cour combien tout partage de commandement, et de commandement militaire, pouvoit être contraire non-seulement à l’autorité du régent, mais au bien même de l’Etat ; que la nécessité pouvant l’obliger à se servir d’une partie des troupes pour la défense du royaume, on ne pouvoit lui en ôter le commandement sans le mettre hors d’état de pourvoir suffisamment à la sûreté du royaume ; qu’ils sentoient toute la force de ces raisons ; que la cour a bien vu, même par ce qui lui a été dit sur ce sujet par M. le duc du Maine, qu’il avoit aussi prévu ces inconvéniens, et que la seule déférence qu’il avoit pour les dernières volontés du roi défunt, l’avoit engagé à ne point se départir de cette disposition, dont il connoissoit toutes les conséquences ; qu’ils avoient cru d’abord qu’il étoit facile de concilier les deux autorités en distinguant dans le commandement de ces troupes, ce qui appartient au pouvoir légitime du régent, et ce qui pouvoit être déféré à l’autorité de celui qui est chargé du soin de l’éducation, et qu’en laissant à M. le duc d’Orléans le commandement général des troupes, et ne donnant à M. le duc du Maine, sous l’autorité du régent, que le commandement de la partie de ces troupes qui seroit actuellement à la garde du roi, ils avoient pensé qu’on pourroit réunir toutes les différentes vues et les différents intérêts ; mais que les chefs des différents corps qui composent la maison du roi, prétendent être en droit et en possession de ne recevoir aucuns ordres que de la personne du roi même ; que s’ils conviennent que dans un temps où le roi n’est pas en état de les leur donner lui-même, ils doivent les recevoir du régent du royaume, qui représente la personne du roi, ils soutiennent en même temps qu’ils ne peuvent et ne doivent obéir, en ce cas, qu’au seul régent, comme ils ne peuvent et ne doivent obéir qu’au roi seul quand il est en état de les commander.

Que cette discipline militaire dont ils ne sont point instruits par eux-mêmes, mais qui n’a point été contredite, ôte toute espérance de conciliation sur ce sujet, et les oblige de retomber dans la règle commune qui ne souffre aucune division dans le commandement des troupes ; que si l’intérêt de l’Etat leur a paru intimement lié à cette unité de commandement, il leur a semblé en même temps que l’éducation du roi n’en souffriroit point ; que l’union si parfaite qui règne entre M. le Régent, M. le duc de Bourbon et M. le duc du Maine, donneroit à M. le duc du Maine les mêmes avantages pour l’éducation du roi, que s’il avoit le commandement des troupes, et que le concert qui subsistera toujours entre M. le duc du Maine et les officiers des troupes de la maison du roi, sans lui donner une autorité de droit, lui procureroit un pouvoir de déférence et d’affection aussi réel et aussi utile au roi que si ce pouvoir lui eût été déféré.

Qu’il ne restoit plus que ce qui regardoit les intérêts de M. le duc de Bourbon, sa charge de grand-maître de la maison du roi l’attachant au service de la personne du prince, il ne croit pas qu’il convienne à son rang d’obéir à M. le duc du Maine en qualité de surintendant à l’éducation du roi, mais qu’il étoit facile de prévenir cette difficulté par une réserve spéciale qui, en détruisant toute idée de supériorité sur M. le duc de Bourbon, pût conserver à ce prince, en qualité de grand maître de la maison du roi, son indépendance de tout autre que du roi ou du régent.

Que telles étoient les réflexions qu’ils croyoient devoir proposer à la cour sur les dernières dispositions du roi défunt, et sur tout ce qui avoit été dit par M. le duc d’Orléans, par M. le duc de Bourbon, et par M. le duc du Maine, soit par rapport à la régence du royaume, soit par rapport à l’éducation du roi.

Qu’il ne leur restoit plus que de féliciter cette auguste compagnie, ou pour mieux dire toute la France, de la parfaite et prompte unanimité avec laquelle la plus importante affaire de la monarchie est sur le point d’être terminée : quelle espérance ne doit-on pas en concevoir pour toutes les suites d’une minorité qui commence sous des auspices si favorables ?

Pendant que tout concourra à affermir le trône du roi par un gouvernement sage, tranquille et éclairé, toute la France verra croître en lui par les soins de celui qui doit présider à son éducation, les heureuses inclinations que la nature y a déjà formées : une régence établie sur des principes si solides, sera le gage assuré d’un règne parfait, la source des plus grandes prospérités et le fondement le plus certain de la tranquillité publique.

Que c’est dans ces vues qu’ils requièrent, qu’après la déclaration qui a été faite par M. le duc d’Orléans qu’il entend se conformer à la pluralité des suffrages dans toutes les affaires, à l’exception des charges, emplois, bénéfices et graces qu’il pourra accorder ainsi qu’il le jugera à propos, après avoir consulté le conseil de régence, sans être assujetti à la pluralité des voix à cet égard, il puisse former le conseil de régence, même tels conseils inférieurs qu’il avisera, et y admettre les personnes qu’il en estimera les plus dignes, le tout suivant le projet qu’il doit en communiquer à la cour ; que M. le duc du Maine sera sur-intendant à l’éducation du roi, l’autorité entière et le commandement des troupes de la maison du roi, même de celles qui sont destinées à la garde de sa personne, demeurant entièrement à M. le duc d’Orléans, et sans aucune supériorité de M. le duc du Maine sur M. le duc de Bourbon, grand-maître de la maison du roi ; que des duplicata de l’arrêt qui interviendra sur leurs conclusions seront envoyés aux autres parlemens du royaume, et des copies collationnées aux bailliages et sénéchaussées du ressort pour y être lues et publiées ; enjoint aux substituts de M. le procureur général d’v tenir la main, et d’en certifier la cour dans un mois.

M. le duc du Maine a dit ensuite que si on ne jugeoit pas à propos de lui laisser le commandement des troupes de la maison du roi, pas même de celles qui sont employées à la garde de sa personne, il ne pouvoit répondre que de son zèle, de son attention, de sa vigilance, et qu’il espéroit au moins par-là de satisfaire autant qu’il seroit en lui aux intentions du feu roi, puisqu’il n’y pouvoit satisfaire autrement, n’ayant aucunes troupes sous son autorité.

Les gens du roi retirés, la matière mise en délibération :

Il a été arrêté qu’après la déclaration faite par M. le duc d’Orléans, qu’il entend se conformer à la pluralité des suffrages du conseil de la régence dans toutes les affaires, à l’exception des charges, emplois, bénéfices et graces, qu’il pourra accorder à qui bon lui semblera, après avoir consulté ledit conseil, sans être néanmoins assujetti à suivre la pluralité des voix à cet égard : il pourra former le conseil de régence, même tels conseils inférieurs qu’il jugera à propos, et y admettre les personnes qu’il en estimera les plus dignes, le tout suivant le projet que M. le duc d’Orléans avoit déclaré qu’il communiqueroit à la cour : que le duc du Maine sera surintendant à l’éducation du roi, l’autorité entière et le commandement sur les troupes de la maison du roi, même sur celles qui sont employées à la garde de sa personne, demeurant à M. le duc d’Orléans, et sans aucune supériorité du duc du Maine sur le duc de Bourbon, grand-maître de la maison du roi.

Ce fait, M. le duc d’Orléans s’est levé et, suivi de MM. les princes du sang, passant à travers le parquet, a été conduit par six des huissiers de la cour jusqu’à la Sainte Chapelle, frappant de leurs baguettes.

L’arrêt a été rédigé sur les arrêtés du matin et de l’après-dîner, et signé de M. le premier président, y ainsi qu’il suit.

Ce jour la cour, toutes les chambres assemblées où étoient les princes du sang et les pairs ci-dessus nommés, après qu’ouverture a été faite du testament du feu roi déposé au greffe de la cour suivant son édit du mois d’août 1714, et l’arrêt du 29 dudit mois, ensemble des codiciles des 13 avril et 23 août derniers 1715, apportés par M. le duc d’Orléans ; et ouï les gens du roi en leurs conclusions, la matière mise en délibération a déclaré et déclare M. le duc d’Orléans régent en France, pour avoir en ladite qualité l’administration des affaires du royaume pendant la minorité du roi ; ordonne que le duc de Bourbon sera dès à présent chef du conseil de la régence sous l’autorité de M. le duc d’Orléans, et y présidera en son absence ; que les princes du sang royal auront aussi entrée audit conseil lorsqu’ils auront atteint l’âge de vingt-trois ans accomplis. Et après la déclaration faite par M. le duc d’Orléans, qu’il entend se conformer à la pluralité des suffrages dudit conseil de la régence dans toutes les affaires, à l’exception des charges, emplois, bénéfices et graces qu’il pourra accorder à qui bon lui semblera, après avoir consulté le conseil de régence, sans être néanmoins assujetti à suivre la pluralité des voix à cet égard. Ordonne qu’il pourra former le conseil de régence, même tels conseils inférieurs qu’il jugera à propos, et y admettre les personnes qu’il en estimera les plus dignes, le tout suivant le projet que M. le duc d’Orléans a déclaré qu’il communiquera à la cour. Que le duc du Maine sera surintendant à l’éducation du roi ; l’autorité entière et commandement sur les troupes de la maison dudit seigneur roi, même sur celles qui sont employées à la garde de sa personne, demeurant à M. le duc d’Orléans, et sans aucune supériorité du duc du Maine sur le duc de Bourbon, grand-maître de la maison du roi. Ordonne que des duplicata du présent arrêt seront envoyés aux autres parlements du royaume, et des copies collationnées aux bailliages et sénéchaussées du ressort, pour y être lues, publiées et registrées. Enjoint aux substituts du procureur général du roi d’y tenir la main, et d’en certifier la cour dans un mois.

  1. V. le Testament de Louis XIV et les deux codiciles, t. XX, p. 623 et suiv.