Recueil des lettres missives de Henri IV/Sommaire historique



SOMMAIRE HISTORIQUE

DES ANNÉES COMPRISES DANS LE Ier VOLUME.

Nous faisons précéder le texte de chaque volume, d’un sommaire historique résumant, année par année, les événe­ments principaux relatifs à la vie de Henri IV, pour offrir au lecteur l’ensemble des événements, par conséquent la men­tion de ceux qui, dans le cours de cette correspondance, s’accomplissent d’une lettre à l’autre.

AVANT 1563.

Après la mort de François II, en 1560, Antoine de Bourbon, roi de Na­varre, premier prince du sang, nommé lieutenant général du royaume de France pendant la régence de Catherine de Médicis, ne tarda pas à faire venir auprès de lui, en 1561, sa femme et ses enfants. Il ne s’éloigna un peu de la cour, pendant les deux dernières années de sa vie, que pour ses campagnes dans l’Orléanais et la Normandie, où il mourut aux Andelys, le 17 novembre 1562, des suites de la blessure qu’il avait reçue, le 15 octobre, à la prise de Rouen. L’été précédent sa femme et sa fille étaient retournées en Béarn, laissant à Paris le jeune comte de Viane avec son gouverneur Beauvais et son précepteur La Gaucherie, sous la direction duquel il suivait déjà les classes du collège de Navarre. « Il y eut pour condisciples, dit Pierre Mathieu, le duc d’Anjou, qui fut son Roy, et le duc de Guise, qui le voulut estre. »

1563 – 1565.

La reine de Navarre laissa encore quelque temps son fils à la cour après la mort du roi son mari. Le jeune prince assista, le 17 août 1563, à la déclaration de majorité de Charles IX, faite à Rouen, en lit de justice, au parlement de Normandie. Mais Jeanne d’Albret, s’étant vouée avec passion à la propagation des nouvelles doctrines religieuses, rappela bientôt son fils, dont elle fit continuer sous ses yeux l’éducation dans les principes de la réforme. Il se trouvait auprès d’elle en 1565, lorsqu’elle reçut à Nérac Charles IX et Catherine de Médicis, à la suite de l’entrevue qu’ils venaient d’avoir à Bayonne avec la reine d’Espagne et le duc d’Albe, et où le jeune prince de Navarre s’était rendu avec une suite de noblesse des états de sa mère.

1566 — 1568.

En 1566 il se tint à Moulins une assemblée de notables où l’on fit, pour rapprocher les deux partis opposés par la différence de religion, des efforts qui n’aboutirent à rien. Bientôt le prince de Condé, frère du feu roi de Navarre, et l’amiral de Coligny, laissant tout ménagement, tentent de s’emparer du Roi à Meaux. L’année suivante, fut donnée la bataille de Saint-Denis, où la victoire fut incertaine, mais où périt le connétable Anne de Montmorency. En 1568 les huguenots appellent à leur secours les reîtres, conduits par le comte de Deux-Ponts ; et le prince de Condé met le siége devant Chartres. Ses progrès furent arrêtés par les arrangements d’une paix que la cour se hâta de conclure, le 27 janvier à Longjumeau, et qu’on nomma la paix fourrée. Mais bientôt le prince de Condé, averti que la cour voulait le faire arrêter, se jette dans la Rochelle, où Jeanne d’Albret vint le joindre avec ses enfants, à l’automne de 1568, laissant son petit royaume en proie aux dissensions religieuses. Au commencement de cette année 1568, pour réprimer les troubles de la basse Navarre, elle avait envoyé aux seigneurs mécontents le prince son fils, âgé de treize ans, dont la présence suffit pour ramener la soumission. Elle parcourut ensuite avec lui quelques-unes de ses principales villes. Quant à la Guyenne, dont le gouvernement appartenait, à titre héréditaire, au fils d’Antoine de Bourbon, cette province était sous le commandement du maréchal de Montluc, principal adversaire de Jeanne d’Albret. Il tenta vainement de s’opposer à la jonction de cette reine avec Condé. Jeanne d’Albret amena au prince le jeune Henri, qui commença ses premières armes avec son oncle, comme il entrait dans sa quinzième année.

1569 ― 1570.

Ces deux années mirent en évidence le jeune prince de Navarre. Après la mort de son oncle, à la bataille de Jarnac, le 13 mars 1569, il devient le chef nominal du parti protestant avec le prince de Condé, son cousin, d’un an plus âgé que lui. Il se trouva aux principales affaires de l’amiral : au combat de la Roche-Abeille, où leur parti fut vainqueur le 25 juin ; et à la bataille de Moncontour, qu’ils perdirent le 3 octobre. Très-affaiblis par cette défaite, ils s’adressèrent de nouveau aux protestants étrangers et évitèrent tout engagement. Après une pause à la Rochelle, ils se rendirent à Montauban, « où le prince de Navarre, dit d’Avila, âgé de seize ans et se surpassant soy-mesme par des actions encore plus grandes que celles qu’on attendoit de luy, sollicitoit à prendre les armes, par son authorité, par son industrie et par ses prieres, la noblesse et le peuple d’alentour. » S’étant réunis au comte de Mongommery, ils reprennent la campagne, ravagent le Forez, le Bourbonnais, le Nivernais, entrent en Bourgogne : enfin à la suite du combat d’Arnay-le-Duc, ils reprirent tous leurs avantages. Le 15 août fut faite la paix, que l’à-propos d’un jeu de mots a fait désigner dans l’histoire sous le nom de paix boiteuse et mal assise, et qui sembla pourtant se consolider par les dispositions toutes pacifiques manifestées à la fin de cette année, lors du mariage de Charles IX. Vers la même époque le jeune prince de Navarre fit seul un court voyage en Béarn.

1571.

Cette année fut employée par la cour à préparer les amorces de la Saint-Barthélemy. L’amiral et les princes furent circonvenus par toutes sortes de prévenances. On mit surtout en avant la guerre de Flandre, où l’amiral devait commander, et le mariage de madame Marguerite, sœur du Roi, avec le prince de Navarre. Ces pourparlers retinrent Jeanne d’Albret et ses enfants à la Rochelle jusqu’au mois d’août, époque où elle retourna en Navarre.

1572.

Les séductions de la cour continuent auprès de l’amiral et de Jeanne d’Albret. Au printemps, cette reine se rend à Blois, où l’attendait la cour. Le traité du mariage de son fils avec Marguerite de France est signé le 11 avril. Elle vient à Paris, au commencement de mai, pour s’occuper des préparatifs des noces. Elle tombe malade le 4 juin et meurt le 10. Son fils, resté en Béarn et qui venait de partir pour la joindre, apprend sa mort en route. Le nouveau roi de Navarre, accompagné de son cousin, le prince de Condé, arrive a la mi-juillet à Paris, où l’amiral l’avait précédé. Les noces se font le 18 août. Le massacre de la Saint-Barthélemy s’exécute dans la nuit du 24 au 25. Le Roi, par les menaces de mort qu’il leur adresse le matin même, oblige le roi de Navarre et le prince de Condé à une abjuration presque immédiate, qui motiva, le mois suivant, leurs lettres de soumission au pape, portées à Rome par M. de Duras. Par la même contrainte, le roi de Navarre écrivit aux Rochelois une lettre que leur porta Biron, et dont ils ne tinrent aucun compte. Il rendit aussi, le 16 octobre, un édit pour rétablir la religion catholique en ses pays souverains ; ce qui y produisit un effet contraire, et excita même des soulèvements anarchiques. Tout concourait alors à rendre la position des deux princes pénible et humiliante.


1573.

L’état d’oppression où les suites de la Saint-Barthélemy retenaient le jeune roi de Navarre continue, cette année, avec de nouvelles circonstances non moins pénibles ; telle fut, dès le commencement de février, sa présence forcée au siége de la Rochelle. À la suite de ce siége, les conditions par lesquelles les Rochelois consentirent, le 25 juin, à recevoir Biron pour gouverneur, formèrent un édit de pacification, restreint à quelques villes. C’est dans le même temps que le duc d’Anjou fut élu roi de Pologne. Le roi de Navarre partit pour l’accompagner avec la cour jusqu’à la frontière, mais il resta avec le Roi à Vitry en Perthois. Il revint ensuite à Paris, où le départ du roi de Pologne donna au duc d’Alençon des idées ambitieuses qui furent encouragées par le parti protestant.

1574.

Les premiers mois de cette année furent remplis, à la cour, par la découverte de la conspiration qui devait faire concorder une reprise d’armes des huguenots avec l’enlèvement du roi de Navarre et du duc d’Alençon, regardés, assez réellement comme prisonniers. L’issue de cette tentative fut le supplice de La Mole et de Coconnas, chefs du complot, qui eurent la tête tranchée le 25 avril. Dès le commencement de l’instruction, un mois auparavant, le roi de Navarre et le duc d’Alençon avaient été traités en véritables prisonniers, accusés d’un crime d’état, et interrogés en conséquence à Vincennes. Le roi de Navarre montra en cette occasion autant de dignité et de prudence que le duc d’Alençon laissa voir de faiblesse et d’indiscrétion. Quant au prince de Condé, qui alors se trouvait à Amiens, il s’était réfugié en Allemagne. La mort de Charles IX, le 30 mai, rendit la régence à Catherine de Médicis jusqu’à l’arrivée du nouveau Roi. Pour ne point perdre de vue le roi de Navarre et le duc d’Alençon, elle les emmena à Lyon au-devant de Henri III. Ils y reçurent ce prince, à son retour de Pologne, y passèrent avec lui deux mois et demi, et y revinrent encore à la fin de l’année, après une excursion de toute la cour en Provence.

1575.

Après le sacre et le mariage de Henri III à Reims, au milieu de février, la cour, à la fin de ce mois, revint à Paris. Le duc d’Alençon, éprouvant toutes sortes d’humiliations et de tracasseries, finit par s’en échapper en septembre. Il eut bientôt rallié autour de lui tous les mécontents du royaume, y compris le prince de Condé. Le roi de Navarre ne put encore le suivre, soit qu’il fût surveillé de plus près, soit que, suivant Mézeray, il se laissât « abuser de l’espérance de la lieutenance générale, et retenir par les charmes de quelques dames. » Cette année, où il fut dominé par des intrigues galantes, a été sans doute la moins active de toute sa carrière de roi. Il fit preuve cependant de politique en se tenant dans de fort bons termes avec le Roi, la reine mère et les princes lorrains ; ce qui lui permit de bien préparer ses moyens d’évasion.

1576.

Cette année-ci est tout à fait l’opposé de la précédente par l’activité extraordinaire qu’y déploya le roi de Navarre, et par la quantité d’événements dont il devient bientôt le principal ressort. Il quitta en secret la cour le 1er février, passa quelques jours à Alençon, y reprit publiquement l’exercice du culte réformé, et de là se rendit dans son gouvernement de Guyenne. L’évasion de tous les princes alarma la cour. Le 15 mai fut accordé un nouvel édit de pacification, compté le cinquième, plus large de concessions que les précédents et qui réconcilia le duc d’Alençon avec son frère. Au mois de juin, le roi de Navarre rend visite aux Rochelois avec madame sa sœur, qu’il avait pu faire revenir de la cour. Il reste encore la moitié du mois suivant dans le pays d’Aunis, qui faisait partie de son gouvernement de Guyenne. À la fin de juillet, il arrive dans ses propres pays, où il se trouve deux fois avec son cousin le prince de Condé. Tout son séjour y est marqué par une suite d’exploits, de prises de villes, de lettres adressées à l’amiral de Villars, son lieutenant en Guyenne, au maréchal de Damville, gouverneur de Languedoc, aux assemblées des églises réformées, et enfin aux états du royaume, dont l’ouverture se fit à Blois le 6 décembre.


1577.

Les opérations des états de Blois, et un premier acte d’union des catholiques, dont Henri III se déclara le chef, occupent le commencement de cette année. Au mois de mars, la paix est de nouveau rompue. Le duc d’Alençon, alors appelé aussi duc d’Anjou, et combattant les protestants, s’empare, au mois d’avril, de la Charité-sur-Loire, une de leurs places importantes. Le mois suivant, le maréchal de Damville, chef du parti des Politiques, après beaucoup d’hésitations et de griefs divers, se déclare aussi contre les réformés. Leurs affaires étaient arrivées à une extrémité dangereuse, lorsque la cour accorde un sixième édit de pacification, arrêté à Bergerac, au mois de septembre, entre le roi de Navarre et le duc de Montpensier, et dont les chefs du parti sentirent vivement l’heureux à-propos.

1578.

Les événements placés dans la première partie de cette année sont comme le contre-coup de la concession faite si inopinément par la cour, à la fin de l’année précédente, au parti des religionnaires. Leurs prétentions se relèvent dans tout le Midi et rencontrent partout des résistances ou des représailles. Il s’en suit une foule d’actes de violence, non-seulement des deux partis, mais de bandes indépendantes, qui, à la faveur de ces divisions, se livrent à mille brigandages. Le roi de Navarre et le maréchal de Damville sont en continuelle correspondance pour réprimer ces désordres et en signaler les auteurs.

La présence de la reine mère avec la reine de Navarre, qui arrivèrent à Bordeaux au milieu d’août, et que le roi de Navarre vint recevoir, le mois suivant, près de la Réole, amena les événements du reste de l’année. Ce furent des fêtes et des perfidies, à Auch ; des essais de conférence pour la paix, à Agen, puis à Montauban. N’ayant pu y rien conclure, on se rendit, à la fin de l’année, à Nérac pour y organiser une conférence approfondie.

1579.

La célèbre conférence de Nérac s’ouvrit dans cette ville au commencement de l’année. Le roi de Navarre y traita pendant deux mois les reines et leurs cours avec magnificence. Après beaucoup de pourparlers, où furent prodiguées toutes les ressources de l’éloquence et de la ruse, les articles de la conférence furent arrêtés le 28 février. Le but en était de consolider le dernier édit de pacification. La reine mère parcourut ensuite une partie du Languedoc, accompagnée du maréchal de Damville, devenu duc de Montmorency par la mort de son frère ; et, après être entrée dans le Dauphiné jusqu’à Grenoble, elle revint à Paris au mois de mai. Sa fille Marguerite ne l’avait pas accompagnée dans ses dernières excursions. « Estant fort mal à la cour, disent les Œconomies royales, et haïssant infiniment le Roy son frere, elle estoit aucunement bien avec le Roy son mary. » Elle le soigna dans une maladie qu’il eut à Eause en Armagnac, en juin et juillet. De là ils se rendirent à une assemblée du parti à Montauban, puis à Nérac. « La cour, disent encore les Mémoires de Sully, y fut un temps fort douce et plaisante : car on n’y parloit que d’amour et des plaisirs et passe-temps qui en dépendent. » Mais le repos ne s’étendait guère au delà de ce séjour privilégié. Dans les lettres écrites alors, on ne parle au contraire que de guerre, de violences, de pillage et de graves intérêts religieux. L’esprit de parti, toujours ainsi alimenté par la guerre civile, était plus fort que toutes les déclarations de paix. Aucune convention n’était respectée. Une assemblée succédait à une autre : celle de Montauban à celle de Nérac ; celle de Mazères à celle de Montauban. Le roi de Navarre ne cessait de se plaindre des infractions des deux partis, d’assurer la cour de sa soumission, tout en entretenant des intelligences avec les divers mécontents qui entouraient ses provinces. C’est en de telles circonstances que se régularisa, vers la fin de cette année, la dernière assemblée tenue, avec l’agrément du Roi, à Mazères, et où se rendit le duc de Montmorency, gouverneur du Languedoc.


1580.

La conférence de Mazères n’eut aucun résultat, ou même servit plutôt à aigrir les esprits qu’à les concilier. Des deux côtés, de nombreuses escarmouches, dans les premiers mois de cette année, firent présager l’éclat d’une prochaine rupture. Le prétexte en fut la sommation de rendre les places de sûreté. Tous les historiens du temps s’accordent à voir dans cette nouvelle prise d’armes des protestants le résultat des insinuations de Marguerite, et de la séduction des femmes de sa cour. Ce fut la guerre des amoureux, comme la nommèrent les contemporains.

La déclaration de guerre se fit le 10 avril. Tout le parti était prévenu. Châtillon en bas Languedoc et Lesdiguières en Dauphiné devaient, d’après un signal, agir au même instant que le roi de Navarre. Sur soixante entreprises que ce prince avait combinées pour éclater à peu près simultanément, il n’en réussit qu’un fort petit nombre. Les plus importantes furent sur La Fère en Picardie et sur Cahors, deux villes qui appartenaient à Marguerite. Cette princesse joua un rôle fort actif dans toute la politique des guerres civiles de cette année. Elle découvrit une embuscade préparée contre son mari ; et, lorsque à l’automne, malgré toute une suite d’exploits fort brillants, près de ne pouvoir plus résister au maréchal de Biron, il ne lui restait de ressources que dans un nouvel appel aux étrangers, Marguerite fit intervenir le duc d’Anjou, son frère chéri, pour obtenir une nouvelle paix. Les conditions en furent débattues à Tours, puis à Fleix, où les deux beaux-frères se réunirent, chez le marquis de Trans, en novembre, ensuite à Montauban, pour faire accueillir cette convention par les députés des églises réformées.

Un différend où le point d’honneur était en jeu survint au milieu de cette année entre le duc de Montpensier et le duc de Nevers, et causa, pendant les derniers mois, beaucoup d’occupation au roi de Navarre, chef de la maison de Bourbon.


1581.

Le roi de Navarre fut assez tranquille pendant cette année, si on la compare aux autres. Dans celle-ci et dans la suivante, Monsieur, duc d’Anjou et d’Alençon, est placé au premier plan de l’histoire par son expédition en Brabant. Le projet de l’y accompagner, qu’avait d’abord déclaré le roi de Navarre, n’eut pas de suite. Ce prince resta toute cette année en Guyenne ou dans ses états souverains, occupé du détail des affaires de son parti, de plaintes ou de justifications continuelles sur les infractions aux traités de paix que, des deux côtés, on ne cessait de commettre. La principale infraction des catholiques fut, au milieu de l’année, la surprise de Périgueux. Le roi de Navarre obtint à cette occasion une indemnité, dont le payement, éprouvant une suite interminable de retards, fut de sa part l’objet de réclamations sans cesse réitérées. Henri III envoie, comme commissaires, le président de Bellièvre et le maréchal de Matignon. Ce dernier, nommé à la lieutenance générale de Guyenne en remplacement du maréchal de Biron, commence, dès la fin de cette année, à tenir dans la correspondance du roi de Navarre cette large place qu’il y occupe jusqu’en 1587. Bellièvre fit cette année deux voyages en Gascogne.


1582.

La reine de Navarre quitte la Gascogne au mois de février, pour retourner à la cour, où elle arrive le 8 mars. Le roi son mari l’accompagne avec un nombreux cortége de noblesse jusqu’en Saintonge, et en même temps s’occupe de préparer une assemblée des églises réformées, qui se tint au mois de juin à Saint-Jean-d’Angely. Du Plessis-Mornay, revenu des Pays-Bas, où il avait rempli une mission au nom de Monsieur, frère du Roi, commence à devenir le principal secrétaire du roi de Navarre. Une négociation est entamée avec le duc de Savoie pour un mariage projeté entre ce prince et madame Catherine de Navarre. Ce projet échoue bientôt. La maison de Bourbon perd, au mois de septembre, le duc de Montpensier. En ce mois, le désastre éprouvé auprès de Terceire par la flotte française, sous le commandement de Strozzi, excite vivement l’intérêt du roi de Navarre, qui entreprend aussi des démarches persévérantes, longtemps infructueuses, en faveur de la Noue et de Turenne, pris par les Espagnols dans la guerre de Brabant. Le retour de la reine de Navarre à Paris remet Henri III dans des dispositions très-amicales envers son beau-frère. Celui-ci en profite pour appeler la protection royale sur sa parente madame de Rohan, duchesse de Loudunois.


1583.

Les plaintes des réformés sur l’inexécution des édits sont l’objet de fréquentes réclamations adressées au maréchal de Matignon par le roi de Navarre. Le roi d’Espagne fait inutilement à ce prince des offres magnifiques pour l’engager à la guerre contre le Roi. Les états de Béarn sont convoqués en juin. Au mois de juillet, une vaste correspondance en latin commence avec tous les princes protestants de l’Europe. Le roi de Navarre leur envoie comme ambassadeur Jacques de Ségur-Pardaillan, pour solliciter leur appui en faveur des Français de la même communion, et en faveur du prince-évêque de Cologne, électeur de l’Empire, qui, s’étant marié et fait protestant, était menacé de la perte de ses états. Au commencement d’août, le roi de Navarre se prépare à aller à la rencontre de sa femme, sur le point de quitter la cour. Mais la nouvelle du sanglant affront fait à cette princesse par le Roi son frère devient l’occasion de longues et délicates négociations, principale affaire de la fin de cette année. Le roi de Navarre refuse de reprendre sa femme, et en même temps s’autorise de l’affront qu’elle a reçu pour exécuter plusieurs coups de main sur des villes en litige entre le Roi et lui. Il s’empare au mois d’octobre du Mont-de-Marsan. Henri III envoie le président de Bellièvre à son beau-frère pour arranger l’affaire de la reine Marguerite ; et le roi de Navarre, de son côté, dépêche successivement à la cour du Plessis-Mornay et d’autres négociateurs.


1584.

L’affaire de la reine Marguerite continue, et, à la fin, Henri III en passe à peu près par tout ce que demande le roi de Navarre. Ce prince ne reprend sa femme, au printemps, qu’après avoir obtenu la suppression des garnisons royales dans les places les plus voisines de Nérac. Henri III se plaint de la turbulence des réformés et de leurs négociations avec les puissances étrangères. Le roi de Navarre cherche à se justifier, et ne presse que plus vivement son envoyé, M. de Ségur. Il adresse aussi plusieurs messages particuliers au prince Casimir de Bavière et à lord Cecil. Le 10 juin, par la mort de Monsieur, frère unique du Roi, il devient héritier présomptif de la couronne de France. En cette qualité, il demande à Henri III la jouissance du privilége spécial de la seconde personne du royaume. Le Roi lui envoie le duc d’Épernon pour l’engager à se faire catholique. Du Plessis-Mornay fait imprimer une relation de cette négociation, sans l’agrément de son maître. Le roi de Navarre prend sous sa protection le jeune prince d’Orange, dont le père était mort assassiné le 14 juillet. Il tient, sur la fin de l’été, à Montauban, une assemblée des églises réformées, et envoie Mornay à la cour pour présenter les cahiers dressés par cette assemblée.