Recueil des lettres missives de Henri IV/1579/4 novembre ― À mon cousin monsieur de Montmorency (1)



1579. — 4 novembre. – Ire

Orig. – B. R. Fonds Béthune, Ms. 8833, fol. 46 recto.


À MON COUSIN MONSR DE MONTMORENCY,

MARESCHAL DE FRANCE

Mon cousin, J’ay receu un extresme regret et desplaisir, ayant entendu, tant par vos lettres que par les depputez qui m’ont esté envoyés de vostre gouvernement, les entreprises qui s’y executent d’une part et d’aultre, et plus encore de celles qui sont faictes par ceulx de la Religion ; d’aultant qu’ayant quelque commandement et auctorité sur iceulx, ils contreviennent, en ce faisant, du tout à mon vouloir et intention, qui n’a jamais esté aultre despuis qu’il a pleu au Roy mon seigneur nous octroyer son edict de pacification, que d’apporter tous les moyens qu’il m’a esté possible pour l’entiere et parfaicte execution d’iceluy. Pour à quoy satisfaire encore davantage, ayant advisé avec les dicts depputez tant d’une que d’aultre religion, qu’il n’y avoit d’aultre meilleur expedient d’y pourveoir que par ma presence, j’ay desliberé n’y espargner pas mesme ma propre personne, et pour ce faict m’acheminer, dans peu de jours en mon comté de Foix ; vous priant aussi de vous approcher, à ce qu’estant plus près du mal nous puissions y apporter ensemble[1] plus promptement le remede qui sera requis et necessaire pour l’establissement du bien et repos public, et, par la punition exemplaire que nous ferons, despouillez de toutes passions et affections particulieres, des aucteurs de telles contraventions, arrester pour l’advenir le cours d’icelles, qui seroient aultrement de pernicieuse et dangereuse consequence. Ayant resolu de faire faire, le premier, justice de ceulx qui se disent de la Religion, que je trouveray coulpables de tels delicts, pour rendre d’aultant plus certain tesmoignage de mon sainct zele et affection au bien de la paix, je serois bien aise par mesme moyen de vous voir pour vous asseurer de ma bonne volonté en vostre endroict. De laquelle vous pouvés aultant asseurer que je vous prie bien affectueusement (d’aultant que je suis certain de la bonne affection que vous avés au bien et conservation de cest Estat, et selon que la necessité le requiert) tenir ce pendant la main et empescher qu’il ne s’entreprenne et execute rien d’une part et d’aultre au prejudice du dict edict, faisant contenir toutes choses à ce que le mal ne s’augmente, et que la guarison n’en soit d’aultant plus difficile et fascheuse, renvoyant devers vous pour ce regard le sr de Corné. Qui m’empeschera vous faire plus longue lettre, si non pour prier Dieu vous avoir, mon Cousin, en sa saincte garde. De Nerac, ce ive de novembre 1579.

Vostre bien affectionné cousin et amy,
HENRY.


  1. Cette conférence commença, le 10 décembre, à Mazères, où le roi et le maréchal se revirent le 14, le 18 et le 19. Il est seulement fait mention de cette dernière entrevue dans le journal anonyme publié par le marquis d’Aubais au second volume de ses pièces fugitives, et intitulé Histoire de la guerre civile en Languedoc. « Le duc de Montmorency, y est-il dit, se logea à Belpuech de Graniago, en son gouvernement de Languedoc. Il étoit accompagné de la principale noblesse et des plus notables de la province, avec lesquels il alla le 19 décembre à Mazères, éloigné d’une lieue de Belpuech. Le roy de Navarre le receut très agreablement ; Rambouillet se trouva à la conference de la part du Roy, l’abbé de Gadagne de la part de la Reine, deux conseillers du parlement de la chambre de l’édit établie à l’Isle en Albigeois. On ne prit aucune bonne résolution en cette conférence. » D’après la lettre du même jour no III, à M. de Scorbiac, il est probable qu’il fut un de ces deux députés. De retour aux États de Carcassonne, ils se louèrent beaucoup du zèle que le roi de Navarre avait témoigné pour le repos de la province, jusqu’à dire « qu’il vouloit estre archier du prevost de mondit seigneur de Montmorency, pour ayder à prendre les voleurs. » (Archives des États de Languedoc, citées par dom Vaissète, l. XL.)