Recueil des lettres missives de Henri IV/1578/6 juillet ― Au roy mon souverain



[1578. — 6 juillet[1].] – Ire.

Orig. autographe. – Collection de M. le marquis de Biancourt.


AU ROY MON SOUVERAIN SEIGNEUR.

Monseigneur, M’ayant faict entendre le sr de Roque, qui faict mes affaires en vostre Court, le besoing qu’il avoit d’aller chez luy, j’ay advisé d’envoyer pour quelque temps en sa place le sr de Chassincourt, gentilhomme de ma chambre, qui aime tant le bien de vostre service et repos de vostre Royaume que, j’estime, l’aurés pour agreable, comme je vous en supplye trez humblement. Il vous fera entendre bien au long l’estat des affaires de deçà, qui ne sont pas, à mon grand regret, selon l’intention de Vostre Majesté, desclarée tant par l’edict de la paix et traicté de conference faicte avec la Royne vostre mere, que par plusieurs de vos depesches responsives aux miennes, mais au contraire selon la maulvaise affection d’aulcuns voz principaulx ministres et officiers qui, ayans les moyens pour remedier aux maulx, ne les veulent employer. De sorte qu’à faulte de punition et voyant qu’on me faict experimenter une telle desfaveur de me priver de la joyssance de mes maisons et chasteaux de Nontron[2], Montignac[3], Aillas[4] et aultres, la licence de mal faire et la temerité des turbulens accroist tous les jours pour entreprendre sur vos villes et places, et commettre une infinité d’excez qui ne peuvent produire qu’une consequence fort prejudiciable à vostre Estat. Sur quoy je vous propose quelques expediens que je vous supplie trez humblement vouloir considerer ; et croire, Monseigneur, que l’affection que je porte à la conservation et accroissement d’iceluy, et le desplaisir que j’ay de la continuation des desordres me font continuer les plainctes et remonstrances que je fais à Vostre Majesté, par les instructions du dict de Chassincourt. On ne me sçauroit dire que, depuis l’edict de pacification et traicté de la dicte conference, mes actions et comportemens n’ayent esté tousjours conformes à vostre bonne volonté, et ne veulx pour ma justification que le tesmoignage que j’en ay rendu à chascun. Je vous supplie trez humblement de vous asseurer que je n’auray jamais aultre intention que celle là ; mais, me continuant l’honneur de voz commandemens pour vostre service, il est besoing que vostre auctorité soit fortifiée par Vostre Majesté plus qu’elle n’est en ce gouvernement, pour vous y faire rendre parfaicte obeissance, et que ceulx qui doibvent entendre vos intentions par moy soyent plus disposez et affectionnés qu’ils ne sont à les effectuer, à quoy il vous plaira de pourveoir. Aultrement je me vois gouverneur, du seul nom et tiltre ; qui m’est fort mal convenable, ayant cest honneur de vous estre ce que je suis, et pour l’affection que j’ay d’estre pour jamais recogneu de Vostre Majesté

Vostre trez humble et trez obeissant

subject et serviteur,

HENRY.


  1. La date résulte du rapprochement de cette lettre avec la suivante.
  2. Ancienne baronnie du Périgord, aujourd’hui chef-lieu de sous-préfecture du département de la Dordogne.
  3. Très-probablement Montignac-le-Comte, en Périgord, à présent chef-lieu de canton, département de la Dordogne.
  4. Appelé aujourdhui Aillas-le-Vieux, près Bazas, département de la Gironde.